Cette page Web a été archivée dans le Web.
Typologies de délinquants : le repérage des traits de personnalité ayant rapport au traitement
Ce n'est que depuis peu que le secteur correctionnel reconnaît l'importance d'une intervention
dynamique auprès des délinquants comme moyen de réduire la récidive. Cette
prise de conscience est en grande partie attribuable à une réelle explosion de la
recherche mettant en évidence le lien entre les sentiments criminels, les facteurs attitudinaux,
les convictions et les valeurs et la personnalité et le comportement criminel(1).
D'autres recherches, qui témoignent de l'efficacité des programmes d'intervention visant
la modification des facteurs criminogènes et la réduction de la
récidive(2), se sont ajoutées à ces premières constatations. En
outre, la recherche a fait ressortir la nécessité de dégager les traits des
délinquants qui ont une importance pour le traitement, c'est-à-dire des typologies, et
d'établir une correspondance entre les interventions et ces
caractéristiques(3). L'étude dont il est question ici avait pour objet d'évaluer dans quelle mesure un test d'évaluation de la personnalité pouvait être utile pour classer les délinquants selon certaines caractéristiques importantes au niveau de l'intervention. Il fut décidé que le test porterait sur l'inventaire clinique multiaxial de Millon (MCMI); il s'agit d'un questionnaire d'auto-évaluation en 175 questions, présenté sur papier et rempli au crayon, qui sert à évaluer la psychopathologie du sujet(4). Le MCMI permet de dresser un profil de la personnalité qui porte sur 20 aspects de la personnalité. L'échantillon étudié était constitué de 135 délinquants qui avaient rempli le MCMI dans les trois semaines suivant leur arrivée dans un établissement fédéral à sécurité moyenne. Le MCMI avait été administré en même temps qu'une série complète de tests qui visaient à évaluer le quotient intellectuel, le degré d'anxiété et de dépression et la tendance à une réaction socialement désirable. Des renseignements sur l'âge, l'origine raciale et les antécédents criminels de chaque sujet avaient été recueillis en même temps. Résultats
Les délinquants inclus dans l'échantillon étaient âgés en moyenne
de 28 ans, soit entre 19 et 55 ans. Environ 59 p. 100 des sujets étaient de race blanche, 38
p. 100 étaient des Autochtones et 3 p. 100 étaient d'une autre origine raciale. Tableau 1
Le groupe 1 comptait pour 20 p. 100 de l'échantillon et regroupait les délinquants qui souffraient beaucoup d'anxiété et de dépression. Ces délinquants étaient souvent des personnes soumises, qui ne s'affirmaient as, évitaient les confrontations et déployaient des efforts considérables pour éviter les conflits avec leur entourage. À cause de cette docilité, ils avaient tendance à ressasser leur colère, leur ressentiment et leur hostilité et avaient des réactions émotives très vives qu'ils exprimaient par des moyens indirects, passifs-agressifs. Les délinquants de ce groupe couraient un très fort risque d'alcoolisme ou de toxicomanie. Le groupe 2 représentait 10 p. 100 de l'échantillon et regroupait les délinquants qui étaient repliés sur eux-mêmes, s'isolaient de leur entourage et souffraient d'anxiété. Ces détenus se distinguaient par leur manque d'énergie, leur apathie, leur suffisance, leur impuissance, leur conformité pour la forme ainsi que le risque qu'ils couraient de devenir alcooliques. L'égoïsme et le narcissisme étaient les traits de personnalité dominants des délinquants du groupe 3, groupe qui représentait environ 20 p. 100 de l'échantillon. Les délinquants de ce groupe étaient âgés en moyenne de légèrement plus de 25 ans, et constituaient de ce fait le plus jeune des groupes. Ils se caractérisaient par une colère assez vive, une forte agressivité et des troubles de contrôle des impulsions ainsi que par leur méfiance, leur nature soupçonneuse et leur inclination à la non-conformité. Il n'était pas rare pour les délinquants de ce groupe d'afficher des attitudes et des valeurs antisociales. Ils risquaient de tomber sous l'emprise de la drogue. Les délinquants du groupe 4, soit 24 p. 100 de l'échantillon, étaient des manipulateurs et des beaux parleurs, selon toute vraisemblance, des personnes sociables et extroverties. En revanche, cette sociabilité apparente s'effritait facilement et les sujets laissaient alors transparaître leur esprit belliqueux et chicaneur et leur nature agressive lorsqu'ils n'arrivaient pas à manipuler les gens et les circonstances. En somme, ces délinquants étaient très instables sur le plan émotif et avaient de la difficulté à maîtriser leur colère et leurs impulsions. En outre, ils étaient susceptibles de se droguer. Le dernier groupe représentait 26 p. 100 de l'échantillon. Les délinquants du groupe 5 n'ont pas obtenu des scores très élevés à chacune des sous-échelles comme les autres groupes. Le groupe 5 était le plus âgé de tous, l'âge moyen frisant 31 ans. En apparence, ces délinquants semblaient les moins pathologiques de tous, ne courant pas de risque particulier d'alcoolisme ou de toxicomanie. Ils étaient généralement sympathiques et coopératifs et se comportaient de façon socialement acceptable. Par contre, ils avaient également tendance à être quelque peu rigides et excessivement conformistes. En fait, leurs scores donnent l'impression qu'ils essayaient activement de faire une impression incroyablement bonne, mais en montrant un fort degré de déni et d'auto-duperie. Ce comportement a peut-être influé sur le profil de ce groupe. Enfin, les groupes ne se sont pas distingués les uns des autres par le quotient intellectuel ou la composition raciale. Et même s'ils ne se distinguaient pas non plus par le type d'infraction commise ou la proportion de délinquants violents, le passé criminel des délinquants des groupes 2 et 4 était en général plus chargé tandis que les délinquants du groupe 1 avaient été condamnés pour un nombre plus élevé d'infractions. Commentaire
Cette étude a révélé que les structures de la personnalité des
délinquants varient dramatiquement selon les individus et qu'il est donc possible de grouper
les délinquants en typologies de personnalité utiles, ce qui, de l'avis des auteurs, a
des conséquences importantes en ce qui a trait aux interventions. (1)Andrews (D.A.), Zinger (I.), Hoge (R.D.), Bonta (J.), Gendreau (P.) et Cullen (F.T.), « Does Correctional Treatment Work? A Clinically Relevant and Psychologically Informed Meta-Analysis », Criminology, n° 28, 1990, p. 369-404. (2)Andrews (D.A.), Bonta (J.) et Hoge (R.D.), « Classification For Effective Rehabilitation: Rediscovering Psychology », Criminal Justice and Behavior, n° 17, 1990, p. 19-52. (3)Ibid. Voir aussi Annis (M.M.) et Chan (D.), « The Differential Treatment Model: Empirical Evidence From a Personality Typology of Adult Offenders », Criminal Justice and Behavior, n° 10, 1983, p. 159-173. Et voir Glaser (FB.), « The 'Average' Package of Help Versus the Matching Hypothesis: A Doggerel Dialogue », Journal of Studies on Alcohol, n° 38, 1977, p. 1819-1827. (4)Millon (T.), The Millon Clinical Multiaxial Inventory, Minneapolis (Minnesota), NCS, 1983. (5)Kroner (D. G.) et Weekes (JR.), « Response Style Measures in an Inmate Sample ». Ouvrage en cours de publication, 1992. |