Les «sanctions intelligentes» : évaluation d'un nouveau genre de peines
Il s'est produit une véritable révolution de l'exercice du droit pénal depuis
que Martinson
(2) a affirmé, au milieu des années 1970, «rien n'y
fait», déclaration qui devait faire époque et qui annonçait la mort de la
réadaptation et l'avènement d'une nouvelle génération de mesures punitives.
Cet article rend compte de la toute dernière évaluation de l'effet de ces mesures. Les
auteurs ont voulu vérifier si la probation intensive ou la libération conditionnelle, soit
les nouvelles sanctions alternatives, réduisent la récidive, offrent des solutions de
rechange à l'incarcération, atténuent la surpopulation dans les prisons et
permettent aux autorités correctionnelles de réaliser des économies, comme Ôn
l'affirme. Et c'est dans la recherche qu'ils trouvent une réponse. Le passé Parlons
d'abord de l'époque où la réadaptation était à la mode. Il est de
l'avis des auteurs, qui attachent une certaine validité à leur interprétation du
passé, que l'objectif principal des agents de probation et, à un moindre degré, du
personnel dans les prisons, était d'oeuvrer dans un cadre favorisant la réadaptation dans
le but de réduire la fréquence avec laquelle leurs clients avaient des
démêlés avec la justice. Aujourd'hui, avec le recul, on peut se permettre de dire
que bien des choses qui ont eu cours dans les années 1960 et au début des années
1970 au nom de la réadaptation étaient peut-être naïves.
En revanche, cette époque a aussi engendré des initiatives aussi téméraires
que fascinantes qui ont fait l'objet d'évaluations approfondies et qui, ces évaluations
l'ont montré, permettaient de réduire la récidive de jusqu'à 80p. 100. Ces
programmes faisaient intervenir des traitements fondés sur la science du comportement, ils
tenaient compte des différences individuelles et ils étaient conçus et
dirigés par des personnes qui, ayant suivi une formation spéciale, savaient comment user
de méthodes cliniques pour modifier le comportement des délinquants.
Les exemples qui suivent, tirés de contextes de probation
(3), sont
caractéristiques des programmes fondés sur la science du comportement qui ont
réduit la récidive. Le programme d'intervention axé sur l'emploi de Walter et Mill,
destiné aux jeunes délinquants, faisait intervenir une économie de jetons, la
promesse de récompenses liées au comportement et l'apprentissage de l'autonomie
fonctionnelle. Les responsables de ce programme collaboraient étroitement et efficacement avec
les employeurs et les tribunaux pour en préserver l'intégrité.
Le programme des bénévoles canadiens dans le secteur correctionnel de Andrews et
Kiessling était fondé sur le recrutement de professionnels et de bénévoles
parmi le public dans le cadre d'un programme de surveillance d'adultes en liberté
surveillée. Les principales caractéristiques des méthodes d'orientation et de
surveillance employées étaient l'affirmation de l'autorité, l'utilisation de
modèles non criminels et le renforcement, la résolution de problèmes, l'utilisation
des ressources de la collectivité et la qualité des rapports avec autrui.
Enfin, le projet CREST mené par Robert E. Lee en Floride était destiné aux jeunes
probationnaires endurcis. Des étudiants du niveau du doctorat en psychologie-conseil ou en
éducation faisaient office d'intervenants primaires, individuellement, auprès des clients,
en échange d'une rémunération. Les méthodes de traitement employées
étaient inspirées de diverses thérapies, y compris la thérapie de la
réalité, la psychothérapie rationnelle, la psychothérapie non directe et
certaines techniques de modification du comportement. La menace ou la prise de sanctions était
laissée entièrement à la discrétion de l'agent de probation responsable. Le
présent Un survol rapide de la situation actuelle suffit à confirmer que Martinson avait
vu juste. Sauf quelques rares exceptions, les nouveaux programmes d'intervention auprès des
délinquants sont essentiellement punitifs. Mis à part la montée en flèche du
recours à l'emprisonnement, qu'on peut difficilement qualifier de programme ou de nouveau, les
auteurs font ici allusion aux sanctions alternatives que les artisans de la politique des années
1980 avaient appelé les «sanctions intelligentes». Ces sanctions alternatives sont
aujourd'hui largement répandues dans les milieux correctionnels, sous l'appellation programmes de
surveillance intensive (PSI).
Pour reprendre les observations bien pesées de Billie J. Erwin concernant le PSI mis sur pied en
Georgie, que d considéraient un modèle pour l'ensemble des États-Unis: ...notre
rôle est de serrer la vis aux probationnaires... de satisfaire les revendications du public qui
exige que la punition soit à l'échelle de la faute... Les criminels doivent être
punis de leurs crimes
(4). [adaptation]
Ou encore, comme l'a fait remarquer Joan Petersilia, peu à peu, la probation devenait plus
à craindre que la prison
(5).
Les nouveaux PSI prévoyaient une surveillance plus étroite grâce aux mesures
suivantes:
-
la multiplication des contacts entre les surveillants et les délinquants; le confinement
des délinquants à leur domicile;
-
le respect des consignes concernant les heures de rentrée;
-
l'administration aléatoire aux délinquants de tests de dépistage
d'intoxicants;
-
l'imposition aux délinquants de l'exigence d'exécuter du travail communautaire;
-
l'imposition aux délinquants de l'exigence de dédommager leurs victimes;
-
la surveillance des délinquants par des moyens électroniques;
-
l'imposition aux délinquants de l'obligation de payer le privilège de faire l'objet
d'une surveillance.
Divers PSI ont fait usage des sanctions alternatives susmentionnées à des degrés
plus ou moins poussés
(6). De plus, il n'était pas rare que
l'incarcération de choc et les camps de type militaire fassent office d'appoints dans le cadre
des PSI.
Compte tenu de cet engouement nouveau pour les mesures punitives, il n'est pas étonnant que les
programmes de réadaptation, et particulièrement ceux qui visent à encourager
l'adoption d'un comportement prosocial, soient quelque peu tombés dans l'oubli. Par exemple,
l'examen récent
(7) de PSI qui soi-disant privilégient les services de
traitement a révélé que ces services se résument en fait, en moyenne,
à environ trois heures de contact face à face par mois entre le délinquant et le
surveillant de probation ou l'agent de libération conditionnelle.
De plus, les différences individuelles ne comptent pour ainsi plus. Il n'existe pas de PSI
où l'on ait délibérément fait l'effort de jumeler les clients avec certains
services ou un certain genre d'agent de surveillance.
Ces programmes sont donc diamétralement opposés aux programmes de probation
décrits au début de cet article, qui avaient cours au début des années
1970.
En somme, il s'est produit un changement fondamental de la politique et de l'exercice dans le domaine
de la libération conditionnelle et de la probation. Une question coule de source: à quel
point les nouvelles sanctions, les PSI, sont-elles efficaces? Tous les documents sur le sujet affirment
que ces programmes sont censés multiplier les solutions de rechange à
l'incarcération, atténuer la surpopulation dans les prisons, permettre de réaliser
des économies et réduire la récidive. Est-ce le cas? L'incidence au niveau de la
politique de détermination de la peine et des solutions de rechange à l'emprisonnement
Selon les partisans du régime pénal
(8), les sanctions alternatives offrent
davantage de solutions de rechange à l'incarcération aux tribunaux et aux magistrats et
elles pourraient rétablir ou améliorer l'impartialité en matière de
détermination de la peine.
Pour les procureurs, les avocats de la défense et les juges, les PSI constituent une solution
intermédiaire de plus lorsqu'ils envisagent la mise en liberté sous caution ou
l'admissibilité à des programmes d'intervention avant le procès.
Ils procurent aussi aux juges des solutions de rechange quand vient le moment de décider de la
peine. En effet, ceux-ci peuvent opter pour un PSI au lieu de la probation sous sa forme usuelle ou de
l'emprisonnement. Il faut toutefois souligner que les PSI ont eu certaines conséquences
négatives en ce qui a trait à la politique de détermination de la peine. Selon von
Hirsch et d'autres
(9), dans certains états, les magistrats semblent avoir eu recours
aux PSI comme moyen d'agrandir le filet de la justice.
Enfin, comme solution de rechange dans le domaine correctionnel, les PSI fournissent aux
autorités correctionnelles et aux commissions de libération conditionnelles une
possibilité de plus en matière de programme. L'incidence sur le coût du
régime correctionnel Plusieurs comparaisons ont été faites entre les PSI et les
modalités habituelles de probation. Ces recherches menées par la Corporation RAND à
différents endroits ont révélé que les PSI coûtent environ 50p. 100 de
plus que les mesures de surveillance habituelles. Selon un récent sondage mené par
l'American Probation and Parole Association auquel a participé le deuxième auteur du
présent article et qui a consisté en l'étude de divers organes américains
qui ont recours aux PSI, les estimés quotidiens suivants ont été calculés :
probation habituelle, deux à cinq dollars, PSI, sept à 15 dollars, prisons, 35 à 65
dollars.
De surcroît, certains aspects précis des PSI coûtent très cher. Ainsi, il en
coûte environ un demi-million de dollars par an pour administrer des tests de dépistage
d'intoxicants à quelque 200 délinquants dans le cadre d'un PSI en
Arizona
(10).
Même si on estime que les PSI en vigueur au New Jersey et en Georgie permettent de
réaliser des économies de l'ordre d'environ 7 000 dollars par participant comparativement
à la liberté surveillée usuelle, la critique faite de ces chiffres par Michael
Tonry" met en doute le montant réel des économies réalisées.
En fait, les PSI coûtent peut-être plus cher, soit parce qu'ils entraînent par
inadvertance l'emprisonnement de délinquants qui autrement seraient admissibles à la
liberté surveillée, soit parce qu'ils sont à l'origine d'une surveillance
étroite de délinquants à faible risque qu'il n'y a pas forcément lieu de
surveiller de si près. À ce dernier égard, Clear et Hardyman
(12) ont
fait une observation fort à-propos au sujet du «coût» des PSI. Ils affirment
que davantage de ressources ont été consacrées aux PSI malgré que ces
programmes sont généralement destinés à gérer des délinquants
à faible risque comparativement à la liberté surveillée usuelle. Il en
découle que bon nombre de services de probation, privés de ressources qui ont
été détournées vers les PSI, exercent une surveillance moins intensive des
délinquants à risque élevé, ce qui n'est pas dans l'intérêt du
public. L'incidence sur la surpopulation dans les prisons Les recherches menées récemment
sur les PSI ont systématiquement révélé que ces programmes ne
réduisent aucunement la surpopulation dans les prisons et qu'en fait, il se pourrait très
bien qu'ils exacerbent plutôt le problème, par des moyens à la fois
détournés et manifestes.
D'après les études menées en Californie par la Corporation RAND, au moins 10 p.
100 des délinquants sont incarcérés à la suite de la révocation de la
libération conditionnelle ou de la libération sous surveillance obligatoire; tout semble
indiquer que ce chiffre pourrait même être plus élevé à d'autres
endroits. Les délinquants mis en liberté en vertu de PSI font l'objet d'une surveillance
très étroite; s'ils violent les conditions de la mise en liberté, la
probabilité que la violation soit repérée et que des mesures soient prises en
conséquence est beaucoup plus forte. De surcroît, comme la mise en liberté de ces
délinquants est généralement assortie d'un nombre de conditions plus
élevé, ceux-ci courent davantage le risque d'en violer une.
Certains ont hasardé que les délinquants qui sont réincarcérés
après la dérogation aux conditions de leur mise en liberté étaient de toute
façon «sortis du droit chemin» et auraient fini par être
réincarcérés à cause d'autres crimes plus graves. Par contre, selon
l'évaluation de trois PSI californiens
(13), il n'y a pas de rapport entre le nombre de
violations aux conditions de la mise en liberté et le nombre de nouvelles arrestations
ultérieures.
Dans son analyse, Michael Tonry fait allusion à d'autres façons dont les tribunaux
aggravent peut-être la surpopulation dans les prisons par le biais des PSI. Au New Jersey,
certains magistrats ont condamné à l'emprisonnement des délinquants
éventuelle-ment admissibles à la libération sous surveillance obligatoire en
pensant que ceux-ci auraient accès à un PSI en prison, alors que ce n'était pas
toujours le cas. L'incidence sur la récidive Comme on peut le supposer, le taux de
récidive parmi les délinquants libérés en vertu des PSI est inférieur
au taux de récidive chez les délinquants qui passent directement de la prison à la
collectivité, sans bénéficier d'un PSI. Par exemple, en Georgie, la
fréquence des nouvelles arrestations était inférieure de 18 p. 100 chez les
délinquants mis en liberté par le biais d'un PSI. Tonry et Will
(14) ont
critiqué les groupes de comparaison dérivés de la population carcérale qui
ont été utilisés dans le cadre de l'évaluation menée en Georgie,
affirmant que le risque de récidive était d'emblée plus élevé chez
ces délinquants. Peu importe, puisque la question clé demeure: le taux de récidive
est-il plus faible chez les délinquants libérés en vertu des PSI comparativement
à la liberté surveillée ou conditionnelle usuelle?
La réponse : les sanctions alternatives, soit sous forme de programmes distincts, soit dans le
cadre de PSI, se soldent inévitablement par des taux de récidive égaux ou
légèrement supérieurs comparativement à ceux qui résultent des
programmes de libération sous surveillance obligatoire, où la surveillance des
délinquants est beaucoup moins rigoureuse. Cette conclusion découle d'une
méta-analyse approfondie des documents sur les sanctions intermédiaires effectuée
par le premier et le troisième auteurs du présent article
(15).
Un sous-ensemble de ces données vaut qu'on s'y attarde. Des chercheurs ont étudié
des délinquants mis en liberté surveillée qui avaient été inclus de
façon aléatoire dans des groupes PSI ou dans des groupes témoins (par exemple, les
délinquants mis en liberté surveillée usuelle). Cette même étude a
été refaite à plusieurs endroits
(16). Elle a révélé
que 39 p. 100 des délinquants libérés en vertu des PSI avaient été
réincarcérés comparativement à 28 p. 100 des délinquants des groupes
témoins. Les résultats de la même analyse sur les taux d'incarcération a
donné 13 et 10 p. 100 respectivement.
De tous les résultats négatifs qui ont été signalés jusqu'à
présent, quatre études de PSI méritent davantage d'attention. L'évaluation
Pearson d'un PSI du New Jersey
(17) Selon cette évaluation du PSI du New Jersey, les
PSI réduiraient la récidive. Pearson a formulé deux ensembles de conclusions : l'un
dérivé d'un échantillon restreint et très homogène, l'autre, d'un
échantillon plus disparate et important.
Dans le petit échantillon, les taux de récidive chez les délinquants
libérés en vertu du PSI (N=208) étaient de 10 p. 100 inférieurs à
ceux d'un groupe de délinquants comparables mis en liberté surveillée usuelle
(N=95) et ayant fait l'objet d'un suivi pendant deux ans.
Le second ensemble de conclusions était dérivé d'un échantillon plus
nombreux et plus représentatif (groupe PSI, N=352, groupe en liberté surveillée,
N=287), mais le groupe témoin correspondait moins étroitement que dans le premier cas. Les
résultats obtenus ont été analysés d'après la gravité du
risque posé par les délinquants. On a constaté que la baisse la plus
prononcée de la récidive s'était faite chez les délinquants à risque
élevé. En fait, le taux de récidive chez les délinquants à risque
élevé libérés en vertu du PSI était de 30 p. 100 inférieur au
taux de récidive chez les délinquants mis en liberté surveillée
conventionnelle.
Ce résultat concorde avec le principe éprouvé du risque avancé par Don
Andrews
(18) selon lequel les délinquants à risque élevé devraient
être l'objet d'interventions répétées de renforcement positif pour stimuler
certains comportements. Par contre, il n'existe pas de données qui prouvent que les mesures
punitives donnent de meilleurs résultats dans le cas des délinquants à risque
élevé.
Malheureusement, Pearson n'a pas analysé les résultats de son évaluation selon la
gravité du risque dans le cas du premier échantillon, celui qui correspondait plus
étroitement au groupe témoin. Pour l'instant, on peut s'aventurer à conclure que le
programme en vigueur au New Jersey était efficace jusqu'à un certain point, mais il est
difficile d'en mesurer l'efficacité parce que le groupe PSI et le groupe témoin
n'étaient pas vraiment comparables.
Pourquoi ce programme a-t-il donné l'impression d'être efficace? D'après des
comptes rendus descriptifs sur le programme et des entrevues personnelles, le programme du New Jersey
misait plus sur le traitement que sur la surveillance conventionnelle des délinquants
libérés. La plupart des participants prenaient part à des séances d'aide
entre pairs dirigées par un agent du PSI et bénéficiaient de services d'orientation
spécialisés (p. ex. sur la toxicomanie ou l'alcoolisme)
(19). En revanche, il
n'y a pas de données statistiques qui indiquent si le groupe PSI a bénéficié
de services de traitement plus intensifs que le groupe de délinquants libérés selon
les modalités conventionnelles.
Si cette étude fait date, c'est aussi parce elle s'est penchée de très près
sur la démarche de mise en oeuvre du programme. Les salaires offerts dans le cadre du PSI du New
Jersey étaient intéressants et le personnel a été recruté dans les
services de libération conditionnelle et les agences de travail social de tout l'état. Les
concepteurs du programme ont eu le luxe de choisir leur personnel parmi un grand nombre de candidats
compétents. Aussi, le processus de recrutement n'était pas assujetti aux règles
d'ancienneté de la fonction publique ou d'un syndicat. Le nombre d'employés est rarement
mentionné dans les études sur les PSI, malgré l'importance évidente d'un
effectif suffisant. L'évaluation Byrne et Kelly de PSI du Massachusetts
(20) La
deuxième étude qui vaut la peine d'être mentionnée a été
menée au Massachusetts. Dans ce cas, les chercheurs n'ont pas constaté de
différence relativement à la récidive entre les délinquants qui avaient
suivi le PSI et les groupes témoins et ce, à plusieurs endroits. Cette absence de
différence est attribuable en partie à un défaut de mise à exécution
du modèle de PSI. Seulement 27 p. 100 des délinquants libérés en vertu du
PSI ont été supervisés par leurs agents de probation de la façon dont ils
auraient dû l'être selon la conception originale du programme. Ce qui est plus attristant
encore, c'est que ce résultat plutôt décevant est probablement plutôt typique
des PSI.
En revanche, l'étude menée au Massachusetts a permis de recueillir des données
utiles. Les chercheurs ont découvert un rapport entre la qualité de la surveillance
exercée par les agents de probation et la récidive. Autant dans le groupe PSI que dans le
groupe en liberté surveillée conventionnelle, les taux de récidive étaient
de 12 à 33 p. 100 moins élevés parmi les délinquants ayant été
suivis par un agent de probation qui avait assuré une surveillance de haute qualité, par
rapport à ceux ayant fait l'objet d'une surveillance de qualité inférieure. Les
auteurs en ont conclu que les résultats qu'ils avaient obtenus parlaient nettement en faveur du
traitement et ils ont recommandé que des modalités soient mises en place pour financer des
programmes d'emploi, d'étude et de lutte contre la toxicomanie plutôt que l'achat de
nouveaux systèmes de surveillance. L'étude Petersilia et Turner
(21) Cette
importante étude a donné des résultats caractéristiques : les taux de
récidive parmi les délinquants libérés en vertu de PSI et les groupes
témoins étaient les mêmes à trois endroits. En revanche, à deux des
endroits, les taux de récidive étaient nettement plus bas chez les probationnaires qui
avaient pris part à des programmes (d'emploi, d'orientation et de dédommagement).
L'étude Paparozzi et Gendreau d'un PSI du New Jersey
(22) Cette étude,
menée par le Bureau of Parole du New Jersey, était inhabituelle pour un PSI. Elle
s'attachait particulièrement et délibérément aux délinquants à
risque élevé, et elle soulignait le fait que le groupe PSI bénéficiait de
nettement plus de services de traitement que le groupe témoin de probationnaires. Les chercheurs,
en se servant de trois mesures de la récidive, ont signalé des réductions de la
récidive de 21 à 29 p. 100 chez les délinquants du groupe PSI comparativement
à un échantillon soigneusement jumelé de probationnaires libérés en
vertu des modalités d'usage.
Paparozzi et Gendreau ont signalé que les taux de récidive rapportés par les
bureaux de libération conditionnelle qui appuyaient le plus le programme étaient plus
faibles, observation importante du point de vue des questions de mise en oeuvre.
Les chercheurs ont aussi constaté que les taux de récidive parmi les probationnaires
étaient plus faibles (en moyenne 20p. 100, d'après trois mesures de la récidive)
chez ceux qui étaient suivis par un agent de libération conditionnelle qui envisageait de
façon équilibrée ses fonctions de surveillance comparativement aux agents qui
envisageaient leur rôle comme étant celui d'un «policier» ou d'un
«travailleur social».
Un autre résultat vaut d'être signalé. Le taux de violation des conditions de la
mise en liberté, chez les probationnaires qui étaient suivis par un agent de type
«policier», se chiffrait à 43 p. 100. Faut-il se demander pourquoi le taux de
violation des conditions de mise en liberté (qui entraîne un taux d'incarcération
plus élevé) est plus fort chez les délinquants mis en liberté en vertu d'un
PSI quand on sait très bien que dans bien des cas, les agents qui oeuvrent au sein des PSI ont
été recrutés justement à cause de leur perspective quasi policière de
la surveillance?
Pas une des quatre études de PSI susmentionnées n'a porté sur la qualité
des services de traitement fournis aux probationnaires. Il a découlé d'une étude
menée par le New Jersey Bureau of Parole ainsi que d'une récente évaluation des
services de probation faite par l'American Probation and Parole Association qu'il fallait entreprendre
de toute urgence l'évaluation de la qualité des services de traitement à l'aide
d'outils comme l'inventaire d'évaluation des programmes correctionnels
(23). Conclusion
En ayant recours à diverses sanctions alternatives, les autorités correctionnelles ont
entrepris de «serrer la vis» aux probationnaires. En revanche, l'étude des nouvelles
sanctions rapportée ici a révélé:
-
qu'il ne s'est produit aucune amélioration marquée quant à l'exercice d'une
«meilleure» justice;
-
que les sanctions coûtent le double des modalités habituelles de la libération
sous surveillance;
-
que le public court un danger plus grand;
-
que le problème de la surpopulation dans les prisons va s'aggravant;
-
que les sanctions n'ont aucun effet sur la récidive, ce qui a entraîné la
constatation tardive que le seul moyen de réduire la récidive est de prévoir
des services de traitement.
Et justement, cette «redécouverte» des services de traitement a montré une
fois de plus que l'idéologie s incline difficilement devant les faits. De la fin des
années 1970 jusqu'en 1990, une douzaine de comptes rendus ont paru dans lesquels on soulignait
que les services de traitement peuvent réduire la récidive alors que les mesures punitives
et les
sanctions sont vaines.
Il faut revenir sur certaines des grandes études menées dans les années 1970
(mentionnées dans l'introduction) qui évoquaient des réductions de la
récidive. Si les auteurs de la politique préfèrent fermer les yeux et se boucher
les oreilles, il faut alors bien faire comprendre aux partisans des sanctions alternatives que le
dédommagement et le contrôle sont les buts du système de justice pénale. Il
est temps de cesser d'essayer de vendre du vent en invoquant de vouloir «rendre la justice»,
réaliser des économies et réduire la récidive.
(1)Correspondence : Paul Gendreau, Professeur de psychologie,
Département de psychologie, Université du Nouveau-Brunswick, C.P. 5050, Saint John
(Nouveau-Brunswick) E2L 4L5.
(2)Martinson (R.), «California Research at the Crossroads», Crime and
Delinquency, 22, 1976, p. 180-191.
(3)Ross (R.R.) et Gendreau (P.), Effective Correctional Treatment, Toronto,
Butterworths, 1980.
(4)Erwin (B. J. ), «Turning Up the Heat on Probationers in Georgia», Federal
Probation, 50, 1986, p. 17-24, p. 17.
(5)Petersilia (J.), «When Probation Becomes More Dreaded than Prison»,
Federal Probation, 54, 1, 1990, p. 23-27.
(6)Byrne (J.), Assessing What Works in the Adult Community Corrections System, Lowell
(Mass.), University of Lowell, 1990.
(7)Turner (S.) et Petersilia (J.), «Focusing on High Risk Parolees: An Experiment to
Reduce commitments to the Texas Department of Corrections», Journal of Research in Crime and
Delinquency, 29, 1, 1992, p. 34-61. Voir aussi renvoi n° 17.
(8)Morris (N.M.) et Tonry (M.), Between Prison and Probation, New York, Oxford
University Press, 1990.
(9)von Hirsch (A.), Wasik (M.) et Greene (J.), «Punishments in the Community and the
Principles of Just Desert», Rutgers Law Journal, 29, 3, 1989, p. 595-618.
(10)Britt III (C.L.), Gottfredson (M.R.) et Goldkamp (J. S.), «Drug Testing and
Pretrial Misconduct: An Experiment on the Specific Deterrent Effects of Drug Monitoring Defendants on
Pretrial Release», Journal of Research in Crime and Delinquency, 29, 1, 1992, p. 62-78.
(11)Tonry (M.), «Stated and Latent Functions of JSP», Crime and
Delinquency, 36, 1, 1990, p. 174-190.
(12)Clear (T.) et Hardyman (P.L.), «The New Intensive Supervision Movement»,
Crime and Delinquency, 36, 1, 1990, p. 42-60.
(13)Petersilia (J.) et Turner (S.), «An Evaluation of Intensive Supervision in
California», Journal of Law & Criminology, 82, 1991, p. 610-658.
(14)Tonry (M.) et Will (R.), Intermediate Sanctions, Report to the National Institute
of Justice, Washington (D.C.), U.S. Department of Justice, 1988.
(15)Cette méta-analyse des documents sur les sanctions intermédiaires a
été effectuée par Paul Gendreau et Tracy Little. Pour obtenir les résultats
de la méta-analyse, prière de s'adresser à Paul Gendreau (voir le renvoi
n° 1).
(16)Petersilia (J.), Turner (S.) et Deschenes (E.P.), «The Costs and Effects of
intensive Supervision for Drug Offenders», Federal Probation, 61, 1992, p. 12-17.
(17)Pearson (F.S.), «Evaluation of New Jersey's Intensive Supervision
Program», Crime and Delinquency, 34, 4, 1987, p. 437-448.
(18)Andrews (D.), Zinger (L), Hoge (R.D.), Bonta (J.), Gendreau (P.) et Cullen (F. T.),
«Does Correctional Treatment Work? A Clinically Relevant and Psychologically Informed
Meta-Analysis», Criminology, 28, 3, 1990, p. 369-404.
(19)Pearson (F.) et Harper (A. G. ), «Contingent Intermediate Sentences: New Jersey's
Intensive Supervision Program», Crime and Delinquency, 36, 1, 1990, p. 75-86.
(20)Byrne (J.M.) et Kelly (L.), Restructuring Probation as an Intermediate Sanction: An
Evaluation of the Massachusetts Intensive Probation Supervision Program, rapport final
présenté au National Institute of Justice, Research Program on the Punishment and Control
of Offenders, Washington (DC.), National Institute of Justice, 1989.
(21)Voir le renvoi n° 14.
(22)Paparozzi (M.) et Gendreau (P.), «An JSP that Works! Treatment, Organizational
Supportiveness and Officer Roles», document non publié, Bureau of Parole, Trenton (N. J),
1993.
(23)Gendreau (P.) et Andrews (D.), Correctional Program Assessment Inventory, Saint
John (Nouveau-Brunswick), Université du Nouveau-Brunswick et Université Carleton, 1992.
S'adresser à Paul Gendreau (voir le renvoi n° 1).