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Les délinquants âgés au sein du Service correctionnel du Canada

On a beaucoup parlé du vieillissement de la population canadienne et de ses conséquences éventuelles sur les régimes de retraite, les services de santé et les autres services publics. La même tendance se fait jour dans la population correctionnelle. La population carcérale du Service correctionnel du Canada vieillit et le groupe dont le nombre augmente le plus rapidement est celui des détenus âgés de plus de 50 ans(2).

Il est possible que la population carcérale âgée ait besoin de programmes de traitement différents, de locaux spécialisés et de différents types de traitement et de soins de santé. En outre, comme ils purgent généralement de longues peines, les délinquants âgés risquent davantage d'être confrontés à la perspective de passer le reste de leur vie en prison ou sous surveillance dans la collectivité. Quel que soit le cas, la population carcérale vieillissante présente des défis particuliers en raison d'un accroissement de problèmes de mobilité ou de déficience sensorielle et du risque d'apparition de maladies graves, comme les maladies du coeur et le cancer. Profil du délinquant âgé Il n'est pas facile de définir la catégorie des «délinquants âgés». Bien qu'il pourrait être plus pertinent de définir cette catégorie de personnes en raison de ses capacités, l'âge chronologique est suffisamment utile pour notre propos. Dans la société ordinaire, on parle de personnes «âgées» aux environs de 60 ou 65 ans, soit l'âge de la retraite et l'âge auquel les effets physiques du vieillissement commencent à être apparents.

Toutefois, les effets du vieillissement commencent parfois à se faire sentir beaucoup plus tôt et ils peuvent être aggravés par l'abus d'intoxicants, un régime alimentaire mal équilibré et un mode de vie malsain -éléments qui caractérisent souvent le mode de vie des délinquants. Par ailleurs, les délinquants peuvent, pendant très longtemps, être sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada. Par conséquent, l'adjectif «âgé» désignera ici les personnes de 50 ans ou plus.

Les données qui suivent sont tirées du Système d'élaboration du profil de la population carcérale, qui est une base de données historiques renfermant de l'information sur les délinquants sous la responsabilité du Service. Les délinquants sont classifiés en fonction de leur situation en établissement ou sous surveillance dans la collectivité (en semi-liberté, en libération conditionnelle totale ou en libération d'office). Les données décrivant les populations en établissement et sous surveillance dans la collectivité ont été extraites chaque année au 30 juin, de 1990 à 1993. Les données sur les admissions sont présentées pour les exercices 1990-1991, 1991-1992 et 1992-1993. Distribution de l'âge Environ 1 100 détenus en établissement (8 % de la population en établissement) et 1 300 délinquants sous surveillance dans la collectivité (13 % de la population sous surveillance) ont 50 ans ou plus (voir le tableau 1). Près de la moitié de ces 2400 délinquants sont âgés de 50 à 54 ans et une autre tranche de 25 % se situe entre 55 et 59 ans. La population en établissement comprend 316 détenus (2 %) qui ont au moins 60 ans alors que la population sous surveillance comprend environ 400 délinquants (4 %) dans la même catégorie d'âge.

Tableau 1
Répartition par âge des populations en établissement et sous surveillance dans la collectivité
en établissement
sous surveillance dans la collectivité
Âge
(années)
Nombre % de la
population
% de la âgée de
50 ans ou plus
Nombre % de la
population
% de la âgée de
50 ans ou plus
50 ans ou moins
12,021
91,6
N/A
8,457
86,8
N/A
50-54 ans
524
4,0
47,5
531
54,4
41,1
55-59 ans
264
2,0
23,9
346
3,5
26,8
60-65 ans
200
1,5
18,1
233
2,4
18,0
65 ans ou +
116
0,9
10,5
182
1,9
14,1
Remarque: Données de juin 1993

Répartition régionale Dans la région du Pacifique, 12 % des détenus sont des détenus âgés, et environ 10 % des populations en établissement des régions de l'Ontario et de l'Atlantique sont également âgées. Seulement 7 % des populations en établissement des régions du Québec et des Prairies sont constituées de détenus âgés. Plus précisément, l'Ontario arrive en tête avec le plus grand nombre de détenus âgés (350), suivie du Québec avec 233 (voir le graphique 1). Seule la région de l'Atlantique compte moins de 200 détenus âgés. La région du Pacifique arrive également en tête pour la proportion de détenus âgés de 60 ans ou plus (4%).



Graphique 1

La proportion de délinquants âgés dans la population sous surveillance dans la collectivité, qui varie de 9 % dans la région de l'Atlantique à 22 % dans la région du Pacifique, est plus élevée que dans la population en établissement. Le Québec compte le nombre le plus grand de délinquants âgés sous surveillance, avec quelque 400 personnes (voir le graphique 2). La région du Pacifique arrive encore une fois en tête pour la proportion de la population sous surveillance âgée de 60 ans ou plus (8 %).



Graphique 2
Graphique 2

Établissements et sécurité Les détenus âgés sont plus susceptibles de se trouver dans des établissements à sécurité minimale que les détenus plus jeunes et ils se font plus rares dans les établissements à sécurité moyenne ou maximale. En fait, les détenus les plus âgés (de 60 ans ou plus) sont deux fois plus susceptibles d'être dans un établissement à sécurité minimale que les détenus de moins de 50 ans.

Il y avait 207 détenus, de 50 ans ou plus, dans des établissements à sécurité maximale en juin 1993 et 46 de ces détenus étaient âgés de 60 ans ou plus.

Dans la plupart des établissements, quelque 10 % des détenus (ou moins) sont âgés de 50 ans ou plus. Toutefois, sept établissements ont près de 20 % de leur population qui est constituée de délinquants âgés et, dans ces établissements, 6 % (ou plus) des détenus ont 60 ans ou plus. A vrai dire, dans deux des établissements, plus de 10 % de la population est âgée de 60 ans ou plus. Facteurs de risque
Période d'incarcération
Chaque admission dans une prison fédérale est comptabilisée comme une nouvelle période d'incarcération. La période d'incarcération est donc un indicateur de la gravité des antécédents criminels du délinquant, bien qu'il ne soit pas tenu compte des admissions dans les prisons provinciales (peines de moins de deux ans).

Cinquante-six pour cent des détenus de moins de 50 ans en établissement et 59 % des détenus entre 50 et 59 ans purgent leur première période d'incarcération en établissement fédéral (voir le tableau 2). Toutefois, près des trois quarts (72%) des détenus âgés de 60 ans ou plus en sont également à leur première période d'incarcération. De même, le pourcentage de détenus qui en sont au moins à leur quatrième période d'incarcération est presque identique chez les détenus de moins de 50 ans et chez les détenus entre 50 et 59 ans (15 % contre 14 %). Mais dans le groupe des plus de 60 ans, 7 % seulement en sont au moins à leur quatrième période d'incarcération.

Tableau 2
Répartition des délinquants en établissement et sous surveillance dans la
collectivité, par péeriod d'incarcération et selon l'âge
en établissement
sous surveillance
dans la collectivité
Période Moins de
50 ans
De 50 à
59 ans
60 ans
ou plus
Moins de
50 ans
De 50 à
59 ans
60 ans
ou plus
Premiére
55,5
58,6
72,5
68,7
68,5
74,7
Deuxiéme
19,1
17,5
15,2
15,7
15,7
14,0
Troisiéme
10,4
9,5
6,0
7,7
7,5
6,3
Quartiéme
15,0
14,2
6,6
7,9
8,2
5,1
Population totale en établissement âgée de moins de 50 ans: 12,021; de 50 à 59;
788; de 60 ans ou plus; 316
Population totale sous surveillance âgée de 50 ans; 8,457; de 50 à 59 ans; 877;
de 60 ans ou plus 115

Surveillance dans la collectivité
Il y a trois types de régimes de surveillance dans la collectivité : la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office (qu'on appelait autrefois la liberté surveillée); les délinquants qui représentent le plus faible risque sont plus susceptibles d'être en semi-liberté ou en libération conditionnelle totale. Environ 56 % des délinquants plus jeunes (de moins de 50 ans) sont en libération conditionnelle totale, contre 73 % des délinquants âgés de 50 à 59 ans et 81% des délinquants âgés de 60 ans ou plus.

Les délinquants jeunes sont plus susceptibles que leurs aînés d'être en semi-liberté (20 % contre 11%) et en libération d'office (25 % contre 13 %). Le pourcentage plus élevé de libérations conditionnelles totales porte à croire qu'en tant que groupe, les délinquants âgés sont considérés comme moins dangereux pour la collectivité.

Taux de révocation
Il y a révocation de la libération conditionnelle ou de la libération d'office lorsque le délinquant ne satisfait pas aux conditions de sa libération ou commet une ou plusieurs nouvelles infractions. Il semble que les délinquants âgés soient un peu moins susceptibles de voir leur libération conditionnelle révoquée (14 %) que les délinquants de moins de 50 ans (18 %). Toutefois, il n'y a pratiquement aucune différence entre les délinquants âgés et les jeunes pour ce qui est de la révocation de la libération conditionnelle en raison d'une nouvelle infraction (8 % contre 7 %).

Type d'infractions
On appelle infraction principale d'admission celle ayant entraîné la peine la plus longue imposée au délinquant sous la responsabilité du Service correctionnel du Canada. Bien que 13 % seulement des délinquants jeunes de la population en établissement soient condamnés pour une infraction sexuelle, près d'un tiers des détenus de 50 à 59 ans (32 %) et près de la moitié de ceux qui ont 60 ans ou plus (48 %) ont été condamnés pour une infraction sexuelle comme infraction principale d'admission (voir le tableau 3).


Tableau 3
Pourcentage des délinquants par infraction principle
d'adminssion et salon l'âge
en établissement
sous surveillance
dans la collectivité
Infraction principle
d'admission
Moins de
50 ans
De 50 à
59 ans
60 ans
ou plus
Moins de
50 ans
De 50 à
59 ans
60 ans
ou plus
Homicide
16,4
22,2
21,5
11,4
30,4
39,0
Infraction avec violence
36,0
18,5
13,9
28,9
15,2
13,0
Infraction sexuelle
13,1
31,7
47,8
7,9
15,6
18,1
Introduction par effraction - Vol
19,0
9,9
6,0
19,1
8,2
8,0
Infraction liée à la drogue
7,9
10,2
6,0
17,0
16,6
10,6
Autre
7,6
7,5
4,7
15,7
13,9
11,3
Population totale en établissement âgée de moins de 50 ans: 12,021; de 50 à 59;
788; de 60 ans ou plus; 316
Population totale sous surveillance âgée de 50 ans; 8,457; de 50 à 59 ans; 877;
de 60 ans ou plus 415

On retrouve davantage l'homicide comme la principale infraction d'admission chez les détenus âgés (22 %) que chez les détenus plus jeunes (16 %) dans la population en établissement. D'autres types d'infractions avec violence et sans violence, comme l'introduction par effraction ou le vol, sont moins courants chez les délinquants âgés.

Le plus souvent, la principale infraction d'admission des délinquants âgés sous surveillance dans la collectivité est l'homicide (39 % de ceux qui ont 60 ans ou plus), l'infraction sexuelle arrivant ensuite. Tendances De 1973 à 1984, l'âge moyen (moyenne arithmétique) des hommes admis dans les prisons fédérales se situait aux alentours de 29 ans, puis cet âge a commencé à progresser régulièrement pour passer, entre 1973 et 1993, de 29 à 32 ans. Bien que l'augmentation de l'âge moyen puisse sembler modeste, le nombre de délinquants âgés a nettement augmenté.

Au cours des trois derniers exercices (de 1990-1991 à 1992-1993), les admissions de délinquants âgés sont passées de 233 à 323 par an, en hausse de 39 %, alors que les admissions de délinquants plus jeunes n'ont augmenté que de 14 %. C'est dans le groupe d'âge des 60 ans ou plus que l'on a constaté l'augmentation proportionnelle la plus élevée (bien que les chiffres absolus soient modestes), de 60 en 1990-1991 à 91 en 1992-1993.

La tendance au vieillissement est également évidente dans les populations en établissement et sous surveillance (voir le graphique 3). Au cours de la période de quatre ans de 1990 à 1993, c'est le groupe le plus âgé de la population carcérale qui a enregistré la plus importante augmentation de pourcentage (49 % pour les délinquants âgés de plus de 65 ans), ce qui corrobore les résultats des admissions. L'augmentation absolue la plus importante a été dans le groupe d'âge des 50 à 54 ans, dont le nombre a grimpé de 374 à 524 détenus, en hausse de 40 % en quatre ans. Les augmentations ont été régulières pour chacun des autres groupes d'âge de plus de 50 ans et ont dépassé en pourcentage celles chez les détenus de moins de 50 ans. Cette tendance dans la population sous surveillance dans la collectivité a été analogue à celle de la population en établissement, bien que les changements ne soient pas aussi spectaculaires.


Graphique 3
Graphique 3

Analyse On peut dégager trois conclusions de cette analyse descriptive :

  • Le nombre de délinquants âgés (tant ceux qui ont plus de 50 ans que ceux qui ont plus de 60 ans) augmente plus rapidement que le nombre de délinquants plus jeunes.
  • Les délinquants âgés sont plus susceptibles (que leurs jeunes homologues) d'avoir été condamnés pour de graves infractions avec violence, comme l'homicide ou une infraction sexuelle.
  • Dans la plupart des cas, ils présentent un risque moindre pour la collectivité, si l'on en croit leur proportion plus élevée dans des établissements à sécurité minimale, leur admission en plus grand nombre à la libération conditionnelle totale et leur taux plus faible de révocation de la libération conditionnelle.
Les délinquants âgés ne sont pas particulièrement concentrés dans une région, quoique leur pourcentage soit plus élevé dans la région du Pacifique. En outre, les données sur les établissements indiquent qu'ils sont répartis dans tous les établissements de chaque région, même si quelques établissements comptent un pourcentage légèrement plus élevé de délinquants âgés que d'autres.

Les comptes rendus de recherche portent à croire que certaines questions méritent une étude attentive. Il faudrait s'interroger notamment sur les services médicaux et les programmes de traitement spécialisés qui pourraient être nécessaires pour ces groupes, de même que sur l'effet du délinquant âgé sur la population carcérale.

Le coût des soins de santé augmente au même rythme que le vieillissement de la population de sorte que le nombre accru de délinquants âgés (en particulier ceux qui ont plus de 60 ans) pourrait gravement grever les budgets médicaux des services correctionnels. Cri a fait valoir que les délinquants âgés, «expérimentés», ont une influence bénéfique sur les autres détenus, mais peut-on encore parler d'influence bénéfique lorsqu'on sait qu'un grand nombre des détenus âgés sont de «nouveaux» arrivants? Enfin, les délinquants âgés peuvent avoir de la difficulté à s'adapter aux rigueurs de la vie carcérale en raison d'une mobilité réduite, de problèmes sensoriels, de problèmes physiques et d'un manque de programmes de traitement et de loisirs pertinents. Il faudrait peut-être offrir à cette population des programmes répondant aux besoins des personnes à la retraite et traitant des effets du vieillissement.

Les délinquants âgés sous surveillance dans la collectivité auront des besoins différents de leurs homologues plus jeunes. L'évaluation du risque de récidive dans la collectivité sera vraisemblablement différente. Si les limitations fonctionnelles peuvent réduire le risque de certains types de crimes, les données sur les principales infractions d'admission donnent à penser que les délinquants âgés sont encore capables de commettre des homicides et d'autres crimes qui ne nécessitent pas une force physique excessive. En outre, tout comme ceux qui sont en établissement, ces délinquants peuvent avoir davantage besoin qu'on leur apprenne à se débrouiller dans l'univers des pensions de famille et des services pour les personnes âgées que d'aide ou de formation pour se trouver un emploi.

De toute évidence, un nombre appréciable de détenus âgés relèvent du Service correctionnel du Canada et leur âge fait d'eux un groupe unique. Des analyses plus précises s'imposent pour déterminer si ces détenus posent des problèmes pour les programmes et les traitements au sein du Service.


(1)Direction de la recherche et des statistiques, Service correctionnel du Canada, 340, avenue Laurier ouest, pièce 4B, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
(2)Les recherches de cet article ont été entreprises en réponse à une demande de M. Armstrong-Esther, de l'Université de Lethbridge, qui réalise une étude sur la criminalité à un âge avancé financée par l'Alberta Law Foundation.