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La consommation précoce de substances intoxicantes et les problèmes de toxicomanie des délinquants adultes

Le lien qui existe entre la délinquance et la toxicomanie est bien reconnu et il présente un grand intérêt, tant pour les chercheurs que pour les organismes correctionnels(2). Selon les données les plus récentes, 55 % des délinquants sous responsabilité fédérale admettent avoir été sous l'influence de l'alcool ou de la drogue, ou des deux, le jour où ils ont perpétré les infractions pour lesquelles ils sont incarcérés(3).

Cependant, on se doute que les problèmes de toxicomanie actuels des délinquants ont surgi dans leur jeune âge et, qu'avec le temps, ils sont devenus inhérents à leur mode de vie, à leurs schèmes de comportement ainsi qu'aux types de rapports sociaux qu'ils entretiennent(4). Nous tenterons, dans cet article, de faire la lumière sur les origines des problèmes de toxicomanie des délinquants adultes en étudiant un certain nombre des caractéristiques de leur initiation à l'alcool et à la drogue.

Nous examinerons plus particulièrement les réponses que les délinquants ont fournies, quant à leur consommation de substances intoxicantes avant l'âge de 18 ans, au Questionnaire informatisé sur le mode de vie des toxicomanes (un outil d'évaluation général qui révèle la nature et le degré de la consommation(5)). Nous avons comparé leurs réponses avec les données que le Test de dépendance envers l'alcool(6) et le Test de dépistage de l'abus de drogue(7) (deux instruments de mesure normalisés de la toxicomanie) ont fournies sur leurs problèmes de toxicomanie actuels. Description de l'échantillon L'échantillon qui a servi à l'étude était composé de 8 850 délinquants incarcérés dans des établissements du Service correctionnel du Canada de toutes les régions. Ces délinquants ont rempli le Questionnaire informatisé sur le mode de vie des toxicomanes dans le cadre de l'évaluation consécutive à leur admission dans un établissement. Au moment de l'évaluation, l'âge moyen des délinquants était de 30,7 ans (les âges s'échelonnaient de 18 à 75 ans).

De ces délinquants, 48 % ont déclaré ne pas avoir de problème d'alcoolisme (tel que mesuré par le Test de dépendance envers l'alcool), 36,4 % ont signalé un léger problème d'alcoolisme, 8,7 %, un problème moyen et 6,9 %, un problème grave.

Quant au Test de dépistage de l'abus de drogue, il a révélé que 51 % des délinquants n'avaient pas de problème de drogue, 20,2 % avaient un léger problème, 12,9 %, un problème moyen et 15,9 %, un problème grave.

Pour déterminer la gravité globale de leurs problèmes, on a classé les délinquants en fonction du plus haut degré qu'ils avaient indiqué pour l'alcool et la drogue. Par exemple, Si un délinquant avait un grave problème d'alcool, mais un léger problème de drogue, on a jugé qu'il avait un grave problème de toxicomanie. Ainsi, 31 % des délinquants n'avaient pas de problème de toxicomanie, 32 % avaient un problème léger, 17 %, un problème moyen et 20 %, un problème grave. Alcool, drogue et criminalité avant l'âge de 18 ans L'âge moyen auquel les délinquants avaient pris de l'alcool pour la première fois était de 14 ans. Parmi eux, 29 % (2 455) étaient pré-adolescents (12 ans et moins) lorsqu'ils ont fait leur premier essai, 55 % (4 582) étaient adolescents (entre 13 et 17 ans) et 16 % étaient adultes (18 ans et plus), ce qui signifie que 84 % des membres de l'échantillon ont rapporté avoir pris leur premier verre avant leur 18e anniversaire.

De ces délinquants, 59 % ont admis avoir consommé de l'alcool régulièrement (une fois par semaine au moins), 13 % ont commencé à boire régulièrement durant leur pré-adolescence et 87 %, durant leur adolescence.

L'âge moyen auquel les délinquants s'étaient drogués pour la première fois en utilisant à des fins non médicales des produits vendus sous ordonnance ou sans ordonnance était de 16 ans. En tout, 65 % des délinquants qui ont essayé la drogue l'ont fait avant leur 18e anniversaire : 18 % (1 347) étaient à la pré-adolescence et 47 % (3 519), à l'adolescence.

Par ailleurs, l'étude a révélé qu'environ 75 % des délinquants qui ont fait l'essai de la drogue avant leur 18e année en consommaient régulièrement -16 % d'entre eux ont commencé à prendre de la drogue de façon régulière à la pré-adolescence et 84 %, à l'adolescence.

Quant à la criminalité, environ 58 % des délinquants de l'échantillon ont rapporté s'être livrés à des activités illégales avant leur 18e anniversaire. Toutefois, les délinquants qui ont consommé de l'alcool pour la première fois à la pré-adolescence ont commencé à se livrer à des activités illégales à un âge moyen beaucoup plus jeune (15,8 ans) que ceux qui n'ont fait l'essai de l'alcool qu'à l'adolescence (18,8 ans) ou à l'âge adulte (24,9 ans).

Les résultats étaient identiques en ce qui concerne l'âge auquel les délinquants ont pour la première fois consommé de l'alcool ou de la drogue ou commencé à en consommer régulièrement. Cela laisse supposer que les délinquants qui se sont adonnés à l'alcool ou à la drogue à un plus jeune âge ont aussi été impliqués dans des activités illégales à un plus jeune âge.

Une deuxième série d'analyses a porté sur les 58 % de délinquants de l'échantillon qui ont pris part à des activités illégales avant leur 18e anniversaire; il s'agissait de déterminer si l'âge de la première condamnation était lié à l'âge de la première expérience de l'alcool ou de la drogue et du début de la consommation régulière de ces substances.

Près de 90 % des délinquants de ce sous-échantillon avaient été condamnés pour une infraction criminelle en tant que jeunes contrevenants. Comme on pouvait s'y attendre, les délinquants qui avaient commencé à consommer de l'alcool ou de la drogue à un très jeune âge avaient été condamnés à un âge sensiblement plus jeune que les délinquants qui avaient commencé à en consommer durant leur adolescence ou après avoir atteint l'âge adulte. Par exemple, l'âge moyen à la première condamnation était de 15,6 ans pour les délinquants qui avaient moins de 13 ans lorsqu'ils ont consommé de l'alcool pour la première fois, tandis qu'il se situait à 17,5 ans pour ceux qui n'en ont pris qu'à l'adolescence et à 20,8 ans pour ceux qui avaient commencé à l'âge adulte.

Une fois de plus, les tendances étaient identiques en ce qui concerne l'âge auquel les délinquants avaient commencé à consommer régulièrement de l'alcool ou de la drogue. Dans l'ensemble, les résultats révèlent une forte relation entre la consommation précoce de substances intoxicantes et l'activité criminelle. Gravité de la toxicomanie à l'âge adulte On a noté un lien étroit entre l'âge auquel les délinquants ont pris de l'alcool pour la première fois et la gravité de leurs problèmes d'alcool à l'âge adulte. Par exemple, ceux qui ont fait l'essai de l'alcool à la pré-adolescence ont eu des scores moyens plus élevés au Test de dépendance envers l'alcool que ceux qui n'en ont fait l'essai qu'à l'âge adulte (voir le graphique 1).

Près de 27 % des délinquants qui ont fait l'essai de l'alcool à la pré-adolescence ont développé un sérieux problème d'alcool (de moyen à grave), tout comme 14 % des délinquants qui ont pris de l'alcool pour la première fois à l'adolescence. Par opposition, seuls 5,7 % des délinquants qui ont fait l'essai de l'alcool à l'âge adulte ont par la suite connu de sérieux problèmes d'alcool.



Graphique 1
Graphique 1
Par ailleurs, 43 % des délinquants qui consommaient régulièrement de l'alcool à la pré-adolescence ont connu de sérieux problèmes d'alcool à l'âge adulte, tout comme 31 % de ceux qui consommaient régulièrement de l'alcool à l'adolescence. Par opposition, seulement 13 % des délinquants qui n'ont commencé à consommer de l'alcool régulièrement qu'à l'âge adulte ont connu de sérieux problèmes d'alcool.

Des résultats semblables ont été obtenus en analysant la consommation de drogue chez les délinquants. Par exemple, plus le délinquant était jeune lorsqu'il a pris de la drogue pour la première fois, plus élevé était son score moyen lors du Test de dépistage de l'abus de drogue (voir le graphique 2).



Graphique 2
Graphique 2
Ainsi, 51 % des délinquants qui ont pris de la drogue pour la première fois à la pré-adolescence ont développé un sérieux problème de drogue (de moyen à grave) à l'âge adulte, tout comme 37,7 % de ceux qui ont fait leur premier essai à l'adolescence. Par opposition, seulement 20 % des délinquants qui en ont fait l'essai après avoir atteint l'âge adulte ont connu de sérieux problèmes de drogue.

Ici encore, les résultats sont les mêmes en ce qui concerne la consommation régulière. Environ 64 % des délinquants qui ont pris de la drogue régulièrement à la pré-adolescence ont eu un sérieux problème de drogue (de moyen à grave) à l'âge adulte, de même que 52 % des délinquants qui en ont consommé régulièrement durant l'adolescence. Cependant, seulement 30 % de ceux qui n'ont commencé à prendre régulièrement de la drogue qu'à l'âge adulte ont manifesté de sérieux problèmes de drogue. Un problème chronique Nous avons été frappés par l'ampleur et la constance des problèmes de toxicomanie chez les délinquants : des problèmes de drogue et d'alcool, à la fois considérables et chroniques.

Mais une constatation encore plus importante se dégage clairement de l'étude: les délinquants exposés à la drogue et à l'alcool à un jeune âge courent un plus grand risque d'avoir de sérieux problèmes de toxicomanie à l'âge adulte que les délinquants qui commencent plus tard à en consommer. Cette tendance est encore plus frappante chez les délinquants qui ont commencé à consommer de l'alcool ou de la drogue de façon régulière durant les années de formation.

Le fait de savoir que les délinquants qui consomment régulièrement de l'alcool ou de la drogue à un jeune âge risquent d'avoir de sérieux problèmes à l'âge adulte met en évidence la nécessité de bien identifier (par le biais des évaluations) les jeunes qui font une consommation excessive de substances intoxicantes. Une intervention précoce permettra peut être d'empêcher la continuation ou l'aggravation du problème.

Cependant, l'étude a (au moins) une faiblesse : les données reposent uniquement sur les souvenirs qu'avaient les délinquants de leur consommation d'alcool et de drogue. Aussi les résultats sont-ils fonction de l'exactitude de leurs souvenirs, qui, dans certains cas, remontent à de nombreuses années. De plus, la mémoire des délinquants a pu être influencée par leur connaissance et leur compréhension de leurs problèmes actuels de toxicomanie.

Quoi qu'il en soit, les résultats de l'étude viennent s'ajouter à la masse croissante de données empiriques qui confirment l'ampleur des problèmes de toxicomanie des délinquants. Ils contribuent aussi à donner une idée des énormes ressources nécessaires pour faire face au problème de la toxicomanie chez les délinquants.



(1)Recherche et Statistique, Service correctionnel du Canada, 340, av. Laurier ouest, pièce 4B, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
(2)COLLINS, J. J., Drinking and Crime: Perspectives on the Relationships Between Alcohol Consumption and Criminal Behaviour, New York, The Guilford Press, 1991. Voir aussi ROSS, R.R. et LIGHTFOOT, L.O., Treatment of the Alcohol-abusing Offender, Springfield, Charles C. Thomas, 1985.
(3)WEEKES, J. R., VANDERBURG, S. A. et MILLSON, W. A., données inédites du Service correctionnel du Canada, 1994.
(4)Un nombre considérable de recherches ont porté sur l'évolution des problèmes de toxicomanie durant l'adolescence. Voir DONOVAN, J., JESSOR, R. et JESSOR, L., «Problem Drinking in Adolescence and Young Adulthood: A Follow-up Study», Journal of Studies on Alcohol, n°44, 1983.
(5)L'instrument d'évaluation a été conçu par le Dr Harvey Skinner, en collaboration avec la Fondation de recherche sur la toxicomanie de l'Ontario. Voir SKINNER, HA., The Computerized Lifestyle Assessment, Toronto, Multi-Health Systems, 1994. Le Service l'a adapté à ses besoins et y a ajouté un certain nombre de parties permettant d'évaluer le rapport entre la consommation de drogue et d'alcool et l'activité criminelle. Voir ROBINSON, D., FABIANO, E., PORPORINO, F.J., MILLSON, W. A. et GRAVES, G., Guide sur le répertoire du Questionnaire informatisé sur le mode de vie des toxicomanes, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1992.
(6)HORN, J. L., SKINNER, H. A., WANBERG, K. et FOSTER, F. M., Questionnaire sur la consommation d'alcool, Toronto, Fondation de recherche sur la toxicomanie de l'Ontario, 1984.
(7)SKINNER, H. A., Questionnaire sur la consommation de drogues, Toronto, Fondation de recherche sur la toxicomanie de l'Ontario, 1982.