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Le Test d'évaluation pour la gestion des jeunes: un moyen d'évaluer les jeunes contrevenants qui risquent de commettre de nouvelles infractions graves
Dans les préoccupations de notre société, la «délinquance
juvénile» traditionnelle a dernièrement été éclipsée par
les actes de violence graves commis par un petit nombre de jeunes contrevenants. Alimentées par
les médias(2), les inquiétudes suscitées par la criminalité avec
violence chez les jeunes sont maintenant partagées par les spécialistes des services
correctionnels, les politiciens, les décideurs et le grand public. Que l'augmentation du taux de
criminalité avec violence chez les jeunes enregistrée au cours de la dernière
décennie(3) traduise ou non des changements dans le comportement des jeunes ou dans
les pratiques d'application de la loi, c'est un phénomène qui retient l'attention, du
point de vue tant des politiques que des pratiques correctionnelles.
Nous décrivons dans cet article une contribution récente à l'étude de ce
problème, soit l'élaboration et la mise en application d'un outil d'évaluation
permettant de déceler les jeunes contrevenants qui risquent de commettre de nouvelles infractions
graves; nous y présentons les fondements théoriques et la structure de cet outil, et nous
en démontrons l'utilité. Contexte Il est à souligner que la prévision du
comportement violent chez les jeunes n'a pas reçu beaucoup d'attention. Toutefois, les
employés de premier niveau des Services correctionnels de l'Ontario (surtout ceux qui sont
affectés à des établissements de garde en milieu ouvert) avaient besoin d'un outil
permettant de déterminer le risque que présente un jeune contrevenant de causer des
dommages graves à un autre contrevenant, à un employé ou à
lui-même.
Un tel outil devait pouvoir englober la vaste gamme de comportements violents antisociaux
adoptés par les adolescents. Il devait être structuré et apporter une méthode
et des principes directeurs communs aux utilisateurs, tout en accordant aux employés une certaine
marge de manoeuvre pour ce qui est de déterminer la menace présentée par chaque
jeune contrevenant.
La méthode d'évaluation devait aussi faire entrer en ligne de compte la
possibilité que la situation du sujet puisse s'améliorer ou se détériorer
avec le temps. L'outil devait donc pouvoir être adapté et il devait inclure des facteurs de
risque dynamiques traduisant l'évolution éventuelle du niveau de risque d'un
délinquant.
Rappelons enfin que la rareté du comportement extrêmement violent le rend difficile
à prévoir. Bien que ce «problème de taux de base» puisse faire pencher
en faveur d'une évaluation clinique comme moyen de prévoir ce type de comportement, les
preuves empiriques révèlent qu'une approche statistique donne ordinairement des
résultats supérieurs(4). Il ne faut toutefois pas rejeter complètement
l'évaluation clinique(5). Le nouvel outil représente donc une combinaison des
deux approches. Le Test d'évaluation pour la gestion des jeunes Le Test d'évaluation pour
la gestion des jeunes a été conçu de manière à remplir un certain
nombre de fonctions:
Tableau 1
Pourcentage des jeunes contrevenants
présentant des facteurs de possibles et vérifiés (2002 jeunes contrevenants) |
||
Facteurs de risque | Facteurs de risque possibles |
Facteurs de risque vérifiés |
Infractions | ||
Condamnations antérieurs pour une infraction avec violence | 15% |
11% |
Infractions avec violence à l'origine de la peine actuelle | 22% |
18% |
Accusations en instance | 12% |
7% |
Comportement déviant | ||
Autres voies de fait ou agressions sexuelles | 16% |
12% |
Voies de fait sur des personnes en situation d'autorité | 14% |
10% |
Infractions relatives aux armes | 11% |
6% |
Infractions relatives aux incendies | 6% |
4% |
Évasions, tentatives d'evasion et fait d'étre illégalement en liberté | 8% |
7% |
Tentatives de suicide ou auto-agression | 10% |
6% |
Caractéristiques personnelles | ||
Troubles mentaux | 9% |
4% |
Influence de tiers | 31% |
20% |
Questions administratives | ||
Absence ou manque d'information | 13% |
10% |
Tableau 2
Peines imposées subséquement
aux jeunes contrevenants présentant des facteurs de possibles et vérifiés (2002 jeunes contrevenants) |
|||
Facteurs de risque vérifiés | Probation |
Garde en milieu ouvert |
Garde en milieu fermé |
Infractions | |||
Condamnations antérieurs pour une infraction avec violence | 15% |
11% |
13% |
Infractions avec violence à l'origine de la peine actuelle | 22% |
18% |
32% |
Accusations en instance | 12% |
7% |
11% |
Comportement déviant | |||
Autres voies de fait ou agressions sexuelles | 16% |
12% |
22% |
Voies de fait sur des personnes en situation d'autorité | 14% |
10% |
15% |
Infractions relatives aux armes | 11% |
6% |
11% |
Infractions relatives aux incendies | 6% |
4% |
13% |
Évasions, tentatives d'evasion et fait d'étre illégalement en liberté | 8% |
7% |
17% |
Tentatives de suicide ou auto-agression | 10% |
6% |
4% |
Caractéristiques personnelles | |||
Troubles mentaux | 9% |
4% |
9% |
Influence de tiers | 31% |
20% |
28% |
Questions administratives | |||
Absence ou manque d'information | 13% |
10% |
15% |
Une analyse des données révèle que les jeunes contrevenantes présentaient
plus de facteurs de risque possibles (3,83) et vérifiés (3,22) que ceux pour lesquels les
moyennes étaient respectivement de 3,25 et 2,40.
Ces différences tiennent surtout au fait que les facteurs de risque suivants ont
été vérifiés plus souvent pour les jeunes contrevenantes que pour les jeunes
contrevenants : fait d'être illégalement en liberté (36 % contre 17 %),
suicide/fait de s'infliger des blessures (20 % contre 9,37 %), influence de tiers (42 %
contre 29 %) et absence ou manque d'information (63 % contre 49 %). De ce fait, plus de jeunes
contrevenantes (69,74 %) que de jeunes contrevenants (57,57 %) ont été jugées
«en danger» d'après le Test d'évaluation pour la gestion des jeunes. Toutes
ces différences étaient statistiquement significatives. Garde en milieu fermé La
validité du Test d'évaluation pour la gestion des jeunes a aussi été
examinée dans un établissement mixte de garde en milieu fermé. Au cours d'une
année, le personnel des services sociaux a administré le test à 142 jeunes
contrevenants dans les trois jours suivant leur admission.
Les résultats de l'évaluation ont ensuite été comparés à ceux
de la formule d'évaluation initiale (le Rapport de placement initial), qui consiste en une liste
de vérification de 29 éléments que les employés chargés des
admissions remplissent au cours du processus d'évaluation initiale dans tous les
établissements correctionnels provinciaux de l'Ontario.
Au moment d'administrer le Test d'évaluation pour la gestion des jeunes, les employés ne
connaissaient pas les résultats obtenus à l'évaluation initiale. On a pourtant
constaté une corrélation entre le nombre total d'éléments indiqués
dans les rapports d'évaluation initiale (r = 0,38, p <0,001) et le nombre de facteurs de
risque vérifiés.
Le Test d'évaluation pour la gestion des jeunes a aussi été examiné en
fonction d'un comportement déviant subséquent (durant l'année de suivi). Pour
déterminer si les jeunes contrevenants avaient manifesté un comportement déviant
dans l'établissement, on a examiné la base de données sur les détenus (le
Système de gestion des détenus), dans laquelle sont enregistrés tous les rapports
d'incidents. Une distinction est faite selon que les agressions sont de nature verbale (par exemple, le
fait de proférer des menaces) ou physique (comme une bagarre); une ventilation est
également établie en fonction de la victime (un autre détenu, un employé,
soi-même).
L'évaluation n'a pas permis de prévoir les agressions de nature verbale ou physique
touchant d'autres contrevenants, mais elle s'est révélée prédictive des
agressions de nature verbale (r = 0,33, p <0,001) et de nature physique (r = 0,37, p < 0,001)
contre des employés. Il existait également une corrélation entre les
résultats du test et les menaces de s'infliger des blessures (r = 0,32, p <0,001) ou le fait
de s'infliger des blessures (r = 0,15, p < 0,08).
En tenant compte du sexe, on a pu dégager un certain nombre de relations entre le risque et le
sexe (voir le graphique 2). Par exemple, les jeunes contrevenants «en danger» commettaient
sensiblement plus de voies de fait contre d'autres détenus que tout autre groupe, tandis que les
jeunes contrevenantes «en danger» avaient davantage recours a la violence verbale à
l'endroit du personnel que tout autre groupe. En outre, même si elles étaient peu
nombreuses (19), les jeunes contrevenantes placées sous garde en milieu fermé
étaient jugées plus «en danger» que les jeunes contrevenants.
Graphique 2
Une combinaison utile Les
études préliminaires semblent indiquer que le Test d'évaluation pour la gestion des
jeunes constitue un bon moyen d'évaluer le risque que présentent les jeunes contrevenants
de commettre des infractions graves entraînant des blessures pendant leur détention ou
lorsqu'ils sont dans la collectivité.
On peut en définitive obtenir de meilleurs résultats en suivant un protocole de
dépistage courant et en appliquant ensuite diverses méthodes cliniques qu'en recourant
soit à une approche machinale et standardisée, soit à une approche clinique qui
n'est aucunement uniformisée. Cela n'a rien d'étonnant, étant donné qu'il
s'agit de prévoir des situations rares, aux causes diverses et interactives.
Soulignons enfin que le test d'évaluation est un outil dynamique et, espérons-nous,
réactif. Il a été conçu expressément en vue d'être
réadministré périodiquement et sa section finale vise à aider le personnel
à élaborer un plan de gestion des jeunes contrevenants en fonction des principaux
problèmes. Cette section a été conçue de manière à
intégrer l'évaluation du risque au processus de surveillance et de prestation de services,
ces deux composantes constituant les principaux éléments de la gestion de cas en ce qui
concerne les jeunes contrevenants.
(1)Ministère du Solliciteur général et des Services
correctionnels, CP 4100, 200 First Avenue West, North Bay (Ontario) P1B 9M3.
(2)GIBBS, N. R. «Murder in Miniature», Time, vol. 144, n° 12,1994, p.
14-19.
(3)CORRADO, R. R. et MARKWART, A. «The Need to Reform the YOA in Response to violent
Young Offenders: Confusion, Reality or Myth?», Revue canadienne de criminologie, vol. 36,
n° 3, 1994, p. 343-378.
(4)MONAHAN, J. et STEADMAN, H. Violence and Mental Disorder : Developments in Risk
Assessment, Chicago, University of Chicago Press, 1994.
(5)WORMITH, J. S. et GOLDSTINE, C. S. «The Clinical and Statistical Prediction of
Recidivism», Criminal Justice and Behaviour, n° 11, 1984, p. 3-34.
(6)Les facteurs des risque proviennent surtout d'une étude sur les indicateurs de
risque entreprise par le ministère des Services sociaux et communautaires. Voir LESHIED, A. W.,
ANDREWS, D. A. et HOTE, R. D. Youth at Risk: A Review of Ontario Young Offenders, Programs and
Literature that Support Effective Intervention, Toronto, ministère des Services sociaux et
communautaires, 1992. Les recherches effectuées dans le domaine des sciences sociales sur la
violence et les tendances suicidaires chez les jeunes ont également été
analysées.
(7)Pour obtenir un exemplaire du Test d'evaluation pour la gestion des jeunes,
s'adresser à l'auteur.
(8)WARR, M. «Age, Peers and Delinquency», Criminology, n° 31, 1993,
p. 17-40.