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Les centres de détention de courte durée pour adolescents: point de vue des services sociaux

Il y a près de 10 ans, laLoi sur les jeunes contrevenants a entraîné un changement important dans les services correctionnels canadiens : un grand nombre de contrevenants de 16 et 17 ans ont été placés sous garde en milieu fermé, séparés de la population des délinquants adultes.

Bien que cette loi soit de compétence fédérale, elle est administrée par les provinces. L'Ontario est l'une des deux provinces (l'autre étant la Nouvelle-Écosse) à avoir réparti cette compétence entre deux ministères. Le ministère des Services sociaux et communautaires est responsable des jeunes âgés de 12 à 15 ans (phase I) et le ministère du Solliciteur général et des Services correctionnels s'occupe des contrevenants de 16 et 17 ans (phase II).

Dans cet article, nous donnons un aperçu de la mise en place d'une unité de détention de courte durée au sein d'un établissement correctionnel pour adultes, ainsi que des soins, de la surveillance et du traitement accordés aux jeunes contrevenants de 16 et 17 ans. L'exemple sur lequel nous nous appuyons est celui de l'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton, dont nous décrivons le mode de fonctionnement et les services.
Établissement de l'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton Depuis le 1er avril 1985, les jeunes contrevenants de 16 et 17 ans placés dans un établissement de détention doivent être séparés des délinquants âgés de 18 ans et plus. Auparavant, les établissements correctionnels pour adultes accueillaient les contrevenants des deux sexes âgés de plus de 16 ans.

L'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton a été établie au deuxième étage du Centre de détention d'Ottawa-Carleton, un établissement à sécurité maximale. Les travaux d'aménagement ont été réalisés en deux semaines. Au début, l'unité de 24 places était divisée en deux dortoirs: un de 20 places pour les garçons et un de quatre places pour les filles. Toutefois, à cause de divers incidents survenus entre les jeunes, particulièrement durant la nuit, il a fallu établir une séparation plus rigoureuse.

Les délinquantes adultes ont donc été transférées dans les dortoirs et les jeunes contrevenants ont pris possession de l'ancien secteur des femmes, qui comportait 12 cellules à double occupation. Bien que ce changement ait été provoqué par les incidents survenus, les jeunes contrevenants en ont tiré certains avantages, entre autres une plus grande intimité et l'accès à une vaste salle de jour.

Cependant, leur comportement vif et impulsif a causé d'autres problèmes. Des batailles éclataient souvent au cours des repas; le contenu des assiettes volait et les chaises et les tables étaient renversées. On a donc installé de grandes tables de métal fixées au sol. À la suite de dommages causés au mobilier des cellules, les lits superposés en métal, les toilettes, les pupitres et les chaises ont également été fixés au sol.

L'aire d'exercice des jeunes contrevenants consiste en un secteur clôturé situé sur le toit du bâtiment. Lors des visites, les visiteurs se tiennent derrière une fenêtre de plexiglas et la communication s'effectue à l'aide de combinés téléphoniques. Dotation en personnel de l'unité En avril 1985, des agents de correction provenant du secteur des adultes du Centre de détention d'Ottawa-Carleton, qui avaient la formation voulue, ont été affectés auprès des adolescents. Plusieurs gestionnaires des opérations ont été également affectés à l'unité. On a engagé un commis aux dossiers et secrétaire pour le travail administratif, ainsi qu'un travailleur social.

Les services de santé, de psychologie et d'aumônerie ont été assurés au début par le personnel du centre de détention. Un psychologue, un responsable des loisirs, un aumônier et deux enseignants ont ensuite été affectés à l'unité.

Dans les établissements correctionnels pour adultes, il existe souvent une nette séparation entre le personnel de sécurité et le personnel affecté aux programmes. Tel n'est pas le cas dans les unités pour jeunes contrevenants. L'ensemble du personnel participe à part entière à la garde, à la surveillance et au traitement de chaque contrevenant. Accueil des jeunes contrevenants Avec les années, l'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton est devenue un milieu sûr et structuré. À l'heure actuelle, cette unité est très connue et très utilisée pour les jeunes contrevenants de la région de l'Est de l'Ontario.

Même Si l'unité a une capacité de 24 places, le nombre de jeunes contrevenants qui y sont hébergés est souvent plus élevé. La rotation des résidents est élevée, la durée moyenne des séjours étant d'environ un mois. La plupart des jeunes contrevenants de l'unité attendent leur audience de cautionnement, leur jugement, la détermination de leur peine, leur transfèrement ou leur audience d'examen.

À la suite de la détermination de leur peine, les contrevenants qui doivent purger une peine de longue durée (de trois mois à trois ans) sont transférés dans un établissement de garde en milieu fermé. Dans la région de l'Est, l'établissement de garde de longue durée en milieu fermé est le Centre pour adolescents de Brookside, situé à Cobourg.

Dans le système pour adultes, les délinquants sont évalués et classés selon leurs besoins en matière de sécurité et de programmes, et ensuite placés dans un centre à sécurité minimale, moyenne ou maximale; pour ce qui est des jeunes contrevenants, ils sont ordinairement transférés de l'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton au Centre pour adolescents de Brookside peu de temps après avoir reçu une peine de longue durée.

Une autre caractéristique qui distingue l'unité des établissements correctionnels pour adultes est le système interne de classement selon le niveau de sécurité. À leur admission au Centre de détention d'Ottawa-Carleton, les délinquantes adultes sont placées dans l'unité réservée aux femmes, alors que les hommes sont placés dans les dortoirs à sécurité minimale s'ils ne sont pas violents, dans les cellules à sécurité maximale s'ils sont violents ou qu'ils posent des problèmes, ou encore en isolement protecteur s'il s'agit de délinquants sexuels, de dénonciateurs ou tout simplement de délinquants incapables de s'entendre avec les détenus de la population générale.

Dans l'unité réservée aux jeunes, tous les contrevenants (indépendamment de leur sexe ou de leur statut à l'admission) sont hébergés au même endroit. Ils mangent ensemble, participent aux programmes ensemble et passent leurs moments de loisir dans la même salle de jour. Cependant, le dortoir des filles est très éloigné de celui des garçons. Le rapport entre le nombre d'employés spécialisés et le nombre de résidents est élevé. Le personnel élabore des stratégies de surveillance et d'intervention pour lutter, à mesure qu'ils surgissent, contre les problèmes causés par le «brassage» d'éléments divers.

Un système de classification interne (chaque contrevenant est évalué par le personnel de sécurité et par le personnel clinique) est également utilisé pour prévenir les problèmes au sein de l'unité. Les jeunes contrevenants susceptibles de s'en prendre à d'autres sont placés avec des contrevenants qui ont le même comportement, ce qui permet de minimiser les risques d'héberger des victimes potentielles avec un «prédateur».

Un système de récompenses incite les jeunes contrevenants à accomplir chaque jour 16 gestes prosociaux. Les agents qui travaillent auprès des jeunes font le compte des points accumulés par les contrevenants chaque semaine et, suivant le total des points obtenus, les jeunes sont classés dans un des trois «niveaux» prévus. Ceux qui sont classés au niveau le plus élevé bénéficient du plus grand nombre de privilèges (visites de contact avec les membres de leur famille ou droit de rester plus longtemps dans la salle de jour). En revanche, la mauvaise conduite peut mener à la rétrogradation, à l'isolement cellulaire (pendant une période précise ne dépassant pas trois jours) ou à l'attribution de tâches supplémentaires de nettoyage. Gestion des contrevenants À son admission, le jeune contrevenant subit une évaluation initiale de ses besoins ainsi qu'une évaluation psychologique. On évalue systématiquement ses antécédents criminels (comme les circonstances de l'infraction la plus récente et des infractions antérieures), ses attitudes, ses antécédents familiaux, ses fréquentations, son niveau de scolarité, sa situation en matière d'emploi, ses problèmes éventuels de toxicomanie, son état psychologique et physique et sa capacité d'adaptation à l'unité (problèmes éventuels avec les pairs et le personnel). Après avoir déterminé ses besoins en matière de programmes, on le renvoie aux prestataires de services appropriés (par exemple, le programme scolaire pour qu'il poursuive sa scolarité). On élabore un «plan d'intervention» pour chaque jeune, en précisant la durée et l'importance des services dont il a besoin. Ce plan permet de coordonner les services et de veiller à ce que le personnel ne travaille pas à contre-courant.

On effectue régulièrement des examens de cas pour discuter des permis de sortir sous surveillance (pour des sorties récréatives ou dans la collectivité) et des permis de sortir pour des visites régulières à domicile. Les points suivants sont normalement pris en considération:

  • les accusations en instance (le cas échéant);
  • les antécédents d'évasion (le cas échéant);
  • le ou les types d'infractions;
  • le soutien familial (capacité de contrôle et de surveillance);
  • les résultats d'une rencontre avec les parents (avant la mise en liberté);
  • l'information fournie par l'agent de probation qui a exercé la surveillance;
  • le comportement général du contrevenant dans l'unité.
Services fournis Au sein de l'unité, une équipe multidisciplinaire (comprenant un travailleur social, un psychologue, un aumônier, deux enseignants, un responsable aux loisirs, un gestionnaire d'unité, deux gestionnaires des opérations et 12 agents affectés auprès des jeunes) offre des services aux jeunes contrevenants. Le travailleur social de l'unité prépare les rapports destinés au tribunal pour adolescents en vue des examens de la peine et des audiences de transfèrement. Il préside également les réunions hebdomadaires d'examen des cas et remplit les rapports récapitulatifs lorsqu'un contrevenant est transféré dans un autre établissement de garde en milieu fermé ou dans un lieu de garde en milieu ouvert, ou encore qu'il est libéré dans la collectivité (probation).

De plus, le travailleur social donne des séances de counseling individuelles et de groupe qui portent sur des sujets comme la maîtrise de la colère, les compétences sociales et interpersonnelles, le counseling familial, la préparation à l'emploi et les projets de sortie.

Des services cliniques sont également fournis par un aumônier qui assure un appui spirituel ainsi que des conseils sur la toxicomanie et des séances de counseling familial et par un psychologue spécialisé dans les domaines de l'agression sexuelle, des troubles psychotiques, des pensées suicidaires et de la dépression. Les adolescents peuvent poursuivre leur scolarité en suivant des cours par correspondance et ce, avec l'aide de deux enseignants. Les activités de loisir sont coordonnées par un responsable des loisirs. Perspectives d'avenir L'adolescence est une période de désorientation, de croissance et de changement. En l'absence des soins, de l'appui, de la formation et des conseils nécessaires, il serait irréaliste de s'attendre à ce que les adolescents perturbés acquièrent la maturité, le discernement et les compétences nécessaires pour devenir des membres productifs de la société.

Les dix années au cours desquelles l'Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton a accueilli de jeunes contrevenants de 16 et 17 ans ont apporté la preuve que beaucoup de ces jeunes peuvent reprendre une vie normale et prosociale si on les aide à répondre à leurs besoins.

C'est justement l'avantage qu'offre le fait de séparer les jeunes contrevenants des délinquants adultes. Le rapport entre le nombre de contrevenants et le nombre d'employés est souvent beaucoup plus élevé dans une unité pour jeunes contrevenants que dans les établissements pour adultes (les adolescents sont considérés comme réagissant mieux au traitement que les adultes). Le concept d'une équipe multidisciplinaire et les principes créent un milieu qui favorise davantage la réinsertion sociale. Le personnel de sécurité et le personnel chargé des programmes travaillent de concert à l'atteinte des buts de chaque jeune contrevenant.

Nous avons l'obligation sociale et morale de déployer des efforts concertés pour offrir aux jeunes contrevenants les possibilités et le soutien qui leur permettront de changer leur vie. Les établissements réservés aux jeunes contrevenants constituent une étape importante dans cette voie.



(1)Unité pour jeunes contrevenants d'Ottawa-Carleton, Centre de détention d'Ottawa-Carleton, 2244, chemin Innes, Ottawa (Ontario) K1B 4C4.