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La motivation des délinquants à l'égard du traitement comme facteur de réceptivité

La stratégie du Service correctionnel du Canada est fondée sur un modèle de réadaptation posant en principe : que les délinquants ont des besoins qui sont directement à l'origine de leur comportement criminel, que nous pouvons établir un diagnostic précis de ces besoins, que les moyens d'intervention qui conviennent sont à notre disposition, que l'intervention contribuera à atténuer ces besoins et, par le fait même, à atténuer le comportement criminel.

Dans une perspective plus générale, on considère habituellement que la réadaptation d'un détenu repose sur quatre principes : le principe du risque, le principe des besoins, le principe de la réceptivité et le principe du secret professionnel(2).

Cet article traite du principe de la réceptivité, et plus précisément de la motivation des délinquants à l'égard du traitement comme facteur de réceptivité. On y évalue la corrélation entre le degré de motivation à l'égard du traitement et la réussite ou l'échec de la liberté sous condition. «Traitabilité» Les analyses qu'on peut trouver de cette question dans des études ne se rapportant pas aux services correctionnels sont souvent centrées sur les caractéristiques de clients disposés à suivre un traitement. Toutefois, en milieu correctionnel, on n'a pas souvent affaire à des clients réceptifs. En effet, rares sont les délinquants qui s'expriment bien, qui sont intelligents ou qui ont vraiment envie de changer. Bref, les agents de correction ont généralement affaire à des clients à risque élevé que bien des cliniciens jugeraient impossibles à traiter. Le principe de la réceptivité Le principe de la réceptivité fait intervenir non seulement les caractéristiques du client, mais aussi les aspects du programme de traitement qui sont favorables au changement. Cela consiste généralement à agir sur le comportement à l'aide de techniques telles que le modelage, la pratique progressive, le jeu de rôles, le renforcement et la restructuration cognitive.

Dans ce cadre cognitivo-comportemental, les services devraient être adaptés en fonction du degré d'intelligence conceptuelle et du type de personnalité du délinquant. Il est également très important que ce dernier établisse de bons rapports avec son thérapeute.

Toutefois, la motivation à l'égard du traitement se révèle un facteur de réceptivité très fuyant chez les délinquants. En effet, la volonté de surmonter les problèmes diagnostiqués n'est probablement jamais aussi forte qu'au moment de la préparation en vue d'une audience de libération conditionnelle. Mais rares sont les délinquants qui acceptent de suivre un programme de traitement dans la collectivité après leur mise en liberté - à moins qu'ils n'y soient forcés.

Dans le passé, bien des cliniciens refusaient de s'occuper de délinquants qui n'étaient pas prêts à participer activement au traitement. Mais aujourd'hui, on dispose d'un certain nombre d'études qui portent sur la motivation comme objectif intermédiaire de traitement et qui fournissent des lignes directrices pour accroître la motivation du client à l'égard du traitement. Méthodologie Au Service correctionnel du Canada, la région de l'Ontario a récemment mis au point un instrument qui permet aux agents chargés des cas d'évaluer la nature et l'importance des besoins des délinquants, et de recommander l'intervention qui convient dans chaque cas(3).

Conformément à la Stratégie de gestion des délinquants dans la collectivité, les agents de gestion des cas doivent évaluer l'importance des besoins (faibles, moyens, élevés) dans sept domaines liés au comportement criminel. Ils mesurent ensuite la motivation du délinquant pour ce qui est de faire face à ses besoins dans chaque domaine.

La motivation est dite faible lorsque le délinquant nie la nécessité d'un changement ou refuse de participer aux programmes recommandés. Elle est dite modérée lorsque le délinquant n'accepte peut-être pas sans réserves l'évaluation, mais est disposé à participer aux programmes recommandés. La motivation est dite élevée lorsque le délinquant aspire et s'emploie à surmonter ses problèmes.

Les agents de gestion des cas procèdent à l'évaluation initiale dans les 30 jours suivant la mise en liberté du détenu et réévaluent chaque cas tous les six mois.

Les données recueillies pour cette étude proviennent de presque tous les bureaux de libération conditionnelle de la région de l'Ontario du SCC. Elles portent sur un total de 2 400 évaluations de cas échelonnées sur une période de deux ans(4). Des données concernant les cas de suspension de la mise en liberté sous condition au bout d'une période de six mois, en moyenne, ont également été recueillies. Motivation et nature des besoins Environ la moitié des délinquants visés par l'étude avaient été jugés très motivés par les agents de gestion des cas. La proportion de ces délinquants qui étaient soucieux de régler leurs problèmes d'emploi en participant à des programmes était particulièrement élevée (59,5 %), tandis que la proportion d'entre eux qui voulaient corriger leur attitude générale était la plus faible (44,1 %). Dans tous les domaines visés, on notait une corrélation significative entre le degré de motivation et la réussite ou l'échec de la mise en liberté sous condition. Ainsi, les délinquants jugés très motivés étaient plus nombreux que les délinquants moyennement motivés, et nettement plus nombreux que les délinquants peu motivés, à avoir réussi leur mise en liberté (voir le tableau 1).

Tableau 1

Motivation des délinquants et réussite/échec de la
mise en liberté sous condition
Catégorie de beoins
Degré de motivation
Liberté sous condition suspendue
dans les six premiers mois
Emploi
Faible
Modéré
Élevé
36,2%
31,1%
22,9%
Relations matrimoniales/
familiales
Faible
Modéré
Élevé
34,4%
27,8%
20,5%
Fréquentations/
relations sociales
Faible
Modéré
Élevé
31,0%
29,7%
20,5%
Consummation d'achool/
de drogues
Faible
Modéré
Élevé
36,2%
31,1%
22,9%
Aptitude à la vie
quotidienne
Faible
Modéré
Élevé
36,7%
28,9%
18,8%
Orientation personnelle/
affective
Faible
Modéré
Élevé
39,3%
26,0%
21,3%
Attitude générale
Faible
Modéré
Élevé
34,5%
27,0%
19,3%

Motivation et niveau des besoins On peut mieux prévoir le résultat de la mise en liberté sous condition dans les six premiers mois en combinant le degré de motivation et le niveau des besoins dans chaque domaine. D'une manière générale, c'est entre les délinquants dont les besoins sont importants et la motivation faible, et les délinquants dont les besoins sont faibles et la motivation élevée que l'on constate la différence la plus nette les premiers sont de deux à trois fois plus susceptibles que les seconds de voir leur liberté sous condition suspendue (voir le tableau 2).

Tableau 2

Importance des besoins, degré de motivation et résultat
de la mise en liberté sous condition
Catégorie de besoins
Niveau des besoins/
degré de motivation
Liberté sous condition suspendue
dans les six premiers mois
Emploi
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
13,7%
48,0%
Relations matrimoniales/
familiales
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
14,2%
35,7%
Fréquentations/
relations sociales
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
14,9%
41,2%
Consummation d'achool/
de drogues
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
16,5%
41,2%
Aptitude à la vie
quotidienne
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
16,1%
38,5%
Orientation personnelle/
affective
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
15,5%
40,0%
Attitude générale
Besoins faibles/ motivation élevée
Besoins élevés/ motivation faible
14,2%
35,7%

Motivation et niveau de risque Comme on pouvait s'y attendre, les délinquants à risque élevé étaient généralement jugés moins motivés que les délinquants à faible risque. On a évalué le degré de motivation générale, toutes catégories de besoins confondues, chez les délinquants à risque élevé et les délinquants à faible risque, et l'on a constaté que 76,1 % des sujets les plus motivés (jugés très motivés dans les sept domaines) étaient des délinquants à faible risque, tandis que 71,2 % des sujets les moins motivés (jugés peu motivés dans les sept domaines) étaient des délinquants à risque élevé.

Les délinquants à faible risque et à forte motivation étaient les plus susceptibles de réussir leur mise en liberté sous condition (seulement 8,5 % d'entre eux ont vu leur liberté suspendue dans les six premiers mois).

Toutefois, le degré de motivation ne semble pas avoir une incidence significative sur la réussite ou l'échec de la mise en liberté sous condition chez les délinquants à risque élevé. En effet, le pourcentage d'échecs est sensiblement le même chez les délinquants à risque élevé jugés très motivés dans tous les domaines que chez les délinquants à risque élevé jugés peu motivés dans tous les domaines (soit 36,2 % contre 35,4 %). La motivation à l'égard du traitement comme facteur de réceptivité Ces résultats indiquent que la motivation à l'égard du traitement est un facteur significatif de réceptivité chez les délinquants. En effet, on note une corrélation significative entre la réussite ou l'échec de la mise en liberté sous condition et le degré de motivation à l'égard de chacune des sept catégories de besoins retenues pour la Stratégie de gestion des délinquants dans la collectivité. En outre, on constate que les cas d'échec sont plus nombreux chez les délinquants dont les besoins sont importants et qui sont peu motivés.

Par contre, il semble que le degré de motivation influe peu sur la probabilité de suspension de la liberté sous condition chez les délinquants à risque élevé.

Bien que cette étude empirique démontre que la motivation à l'égard du traitement est un facteur de réceptivité, la corrélation entre la motivation et l'issue de la mise en liberté sous condition n'est pas aussi significative que la corrélation entre le degré de risque et l'importance des besoins d'une part, et le résultat de la mise en liberté sous condition d'autre part. C'est pourquoi la motivation à l'égard du traitement ne devrait être considérée que comme un élément parmi d'autres d'une évaluation approfondie d'un cas.



(1)330, rue Keele, rez-de-chaussée, Toronto (Ontario) M6P 2K7.
(2)Ces conclusions s'inspirent largement des travaux de Don Andrews.
(3)TOWNSON, C., «Un meilleur processus d'évaluation du risque: stratégie de la Région de l'Ontario pour la gestion des délinquants dans la collectivité», Forum - Recherche sur l'actualité correctionnelle, volume 6, numéro 3, 1994, p. 17-19.
(4)Le nombre total de délinquants varie légèrement d'un calcul à l'autre en raison de données manquantes.