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Conséquences sur la récidive à long terme des programmes d'emploi, d'apprentissage et de formation professionnelle en milieu carcéral

Le Post-release Employment Project (projet d'emploi post libératoire) a été conçu pour évaluer les conséquences sur le comportement postlibératoire de la participation à des programmes de travail et déformation professionnelle en milieu carcéral. Des données ont été recueillies sur plus de 7 000 délinquants entre 1983 et 1987.

Les constatations préliminaires ont été présentées en 1991; les délinquants inclus dans l'étude avaient alors été en liberté depuis au moins un an. Toutefois, les auteurs examinent les résultats en se basant sur une période postlibératoire beaucoup plus longue, allant jusqu'à 10 ans pour un grand nombre des délinquants. Ils passent en revue le plan et la méthode d'étude, analysent brièvement les constatations initiales et, surtout, examinent en détail les résultats à long terme. Plan et méthodologie Contrairement à la plupart des études sur la participation à un programme de travail ou de formation professionnelle en milieu carcéral, le projet d'emploi postlibératoire a été conçu en vue d'une évaluation longitudinale prospective.

Les délinquants choisis pour l'étude devaient avoir travaillé dans des ateliers industriels de prison ou avoir participé à un programme d'apprentissage ou de formation professionnelle durant leur incarcération. Parmi ceux qui ont été choisis, 57 % avaient uniquement travaillé dans des ateliers industriels, 24 % avaient participé à un programme de formation professionnelle ou d'apprentissage (ou les deux) et 19 % avaient à la fois travaillé et participé à un programme de participation professionnelle.

Étant donné qu'il était impossible, vu l'obligation d'avoir travaillé ou participé à un programme de formation professionnelle, d'assigner au hasard les délinquants à un groupe expérimental ou à un groupe témoin, il a fallu utiliser un plan quasi expérimental et choisir les délinquants destinés à faire partie du groupe témoin à partir du «bassin» de tous les autres détenus mis en liberté au cours du même trimestre civil que les participants à l'étude.

Il faut souvent, dans des études d'évaluation, neutraliser l'erreur systématique qui risque de se produire dans le choix des participants. En effet, un tel choix n'est jamais aléatoire, il y a toujours un facteur qui le détermine. D'après cette thèse, les participants pourraient présenter des caractéristiques particulières qui augmenteraient leur probabilité de réussite, même sans l'intervention du programme.

Pour régler, dans cette étude, le problème de l'erreur systématique de sélection, on a utilisé une procédure d'appariement statistique à deux étapes. Il s'agissait de créer un groupe témoin de délinquants équivalant, en théorie, au groupe expérimental à tous les égards sauf celui de la participation à un programme de travail ou de formation professionnelle en établissement(2). Résultats initiaux Les constatations peuvent être regroupées en trois domaines: l'adaptation à la vie carcérale, le comportement en maison de transition et les résultats postlibératoires.

D'après les résultats initiaux, les délinquants ayant participé à des programmes de travail, de formation professionnelle ou d'apprentissage étaient moins susceptibles que ceux du groupe témoin de faire l'objet, au cours de leur dernière année d'incarcération, d'un rapport d'inconduite.
Quant aux participants qui faisaient l'objet d'un tel rapport, il était moins probable que celui-ci porte sur une inconduite grave. Les participants au programme ont également été jugés plus responsables par leur équipe d'unité.

Lorsqu'ils obtiennent leur mise en liberté, de nombreux délinquants sous responsabilité fédérale sont d'abord placés dans une maison de transition, au lieu de retourner directement dans la collectivité. Une maison de transition offre un cadre structuré qui permet aux délinquants de travailler dans la collectivité mais d'être surveillés de plus près qu'ils ne le seraient s'ils obtenaient une mise en liberté sous condition ordinaire.

Il est intéressant de noter que les membres du groupe témoin étaient aussi susceptibles que les participants au programme de ne pas commettre, durant leur séjour dans une maison de transition, une inconduite entraînant leur réincarcération. Toutefois, les participants au programme étaient 24 % plus susceptibles au cours de cette période d'obtenir un emploi à temps plein ou de travailler comme journaliers.

Pour recueillir des données sur les résultats postlibératoires, il a fallu communiquer avec les agents de probation. Dans le système de justice fédéral américain, ces agents surveillent aussi bien les délinquants qui ont uniquement une peine de probation que les délinquants condamnés à l'emprisonnement et subséquemment mis en liberté avant la fin de leur peine.

Au cours d'une période d'un an, on a recueilli des renseignements sur les points suivants: Les délinquants avaient-ils été arrêtés de nouveau ou avaient-ils vu leur mise en liberté sous condition révoquée? Avaient-ils trouvé un emploi? A combien se montaient leurs gains légaux?

À la fin de l'année, 10,1 % des délinquants du groupe témoin avaient été arrêtés de nouveau ou avaient vu leur mise en liberté sous condition révoquée, contre 6,6 % des participants au programme. Cette différence est statistiquement significative.

En outre, 72 % des participants au programme ont trouvé et conservé un emploi au cours de cette période, contre seulement 63 % des délinquants faisant partie du groupe témoin. Cette différence est aussi statistiquement significative.

Enfin, bien que la différence ne soit pas statistiquement significative, on a constaté que les participants au programme qui travaillaient gagnaient en moyenne plus (821 $ par mois) que les membres du groupe témoin qui travaillaient (769 $ par mois). Constatations sur les résultats à long terme Même si les résultats initiaux de cette étude étaient encourageants, nous voulions savoir si les différences manifestées persisteraient. A défaut de pouvoir réévaluer l'emploi et les gains, nous avons pu analyser de nouveau la récidive parmi les membres des deux groupes. La plupart des délinquants examinés à cette étape de suivi étaient en liberté depuis au moins huit ans, et certains depuis 12 ans.

Les dossiers automatisés du Bureau of Prisons ont permis de déterminer si des participants au programme ou des membres du groupe témoin avaient été réincarcérés dans un établissement fédéral pour avoir commis une nouvelle infraction ou parce que leur liberté sous condition avait été révoquée.

Puisque nous utilisions des données fédérales, des délinquants pouvaient avoir été condamnés et incarcérés pour avoir commis une infraction à des lois d'État sans que ce fait soit noté pour l'étude. Toutefois, rien ne permet de croire qu'il pourrait y avoir des taux différentiels de poursuite et de condamnation du fait qu'ils avaient participé à cette étude, ce qui aurait introduit un biais inconnu dans les données de suivi.

L'étude de suivi avait pour but de déterminer le temps que les délinquants avaient passé dans la collectivité avant d'être réincarcérés. Dans la mesure où la participation à un programme de travail ou de formation professionnelle en établissement a un effet positif, on pouvait s'attendre à ce que les participants au programme demeurent plus longtemps dans la collectivité.

Les délinquants et les délinquantes ont été examinés séparément, étant donné que les femmes sont moins susceptibles de récidiver que les hommes. Les résultats confirment ces attentes: seulement 19,3 % des délinquantes ont été réincarcérées, contre 31,6 % des délinquants. Toutefois, en moyenne, les hommes ont été réincarcérés après 811 jours, contre 647 jours pour les femmes. Par conséquent, même si le nombre de femmes susceptibles d'échouer au cours de leur liberté sous condition était moindre, celles qui ont échoué l'ont fait beaucoup plus tôt que les hommes.

Ce résultat pourrait avoir des conséquences intéressantes sur la conception des programmes destinés aux délinquants et aux délinquantes.

On a distingué parmi les participants au programme trois sous-groupes: les délinquants qui avaient participé au programme d'ateliers industriels (58 %), ceux qui avaient participé à des programmes de formation professionnelle ou d'apprentissage (24 %) et ceux qui avaient participé tant au programme d'ateliers industriels qu'au programme de formation (19 %).

Deux mesures de la récidive ont été utilisées pour cette étude: la perpétration d'une nouvelle infraction et la révocation de la mise en liberté sous condition.

Toutefois, la participation à un programme d'ateliers industriels ou de formation, ou à ces deux types de programmes, n'a pas eu d'incidence sur la récidive des délinquantes, indépendamment de la mesure de la récidive employée.

Par contre, la survie (en liberté sous condition) du sous-groupe des délinquants ayant travaillé en atelier industriel était 20 % plus longue que celle du groupe témoin lorsque la récidive était définie comme la perpétration d'une nouvelle infraction, alors que la survie du sous-groupe des participants au programme de formation était 28 % plus longue que celle du groupe témoin. Les deux écarts étaient statistiquement significatifs.

On a constaté une tendance semblable pour le sous-groupe «mixte», mais dans ce cas l'écart n'était pas statistiquement significatif. Ce résultat est sans doute attribuable à la taille relativement petite du sous-groupe.

Toutefois, lorsque la récidive était définie comme la révocation de la liberté sous condition, ni la participation à un programme d'ateliers industriels ou de formation ni la participation à ces deux types de programmes n'avait d'incidence sur la récidive des délinquants. Interprétation des résultats Le travail dans les ateliers industriels des prisons et la participation à un programme de formation ou d'apprentissage auraient, semble-t-il, des effets à court et à long terme qui réduisent la probabilité de la récidive, surtout chez les hommes.

Ils seraient sans incidence sur la révocation à long terme de la liberté sous condition, mais réduiraient la réincarcération à la suite de nouvelles infractions.

En moyenne, les délinquants qui se voient imposer de nouvelles peines sont incarcérés beaucoup plus longtemps que ceux dont on a simplement révoqué la liberté sous condition.

Cela voudrait dire que les programmes de travail et de formation en établissement peuvent contribuer à réduire la population carcérale.



(1)U.S. Federal Bureau of Prisons, NALC 202, 320 1st Street N.W., Washington, D.C. USA 20534. Les opinions exprimées dans cet article n'engagent que les auteurs et ne traduisent pas la position ou les politiques officielles du U.S. Bureau of Prisons ou du U.S. Department of Justice.

(2)Le lecteur trouvera des renseignements sur les aspects techniques de la méthode employée dans COCHRAN, W.G. et RUBIN, D.B., «Controlling Bias in Observational Studies: A Review», Sankhya, vol. 35, no 4, 1973, p. 417-446. Voir également ROSENBAUM, P.R. et RUBIN, D.B., «The Central Role of the Propensity Score in Observational Studies for Causal Effects», Biometrika, vol. 70, no 1, 1983, p. 41-55.