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Participation aux programmes d'emploi de CORCAN et récidive postlibératoire

Beaucoup d'intervenants du milieu correctionnel estiment qu'un délinquant qui participe à des programmes d'emploi durant son incarcération a de bonnes chances de s'adapter à la vie carcérale et de réussir ensuite sa réinsertion dans la société.

De fait, beaucoup de recherches semblent indiquer que les délinquants dont les antécédents sont caractérisés par une instabilité sur le plan de l'emploi risquent beaucoup plus que ceux qui peuvent faire état d'emplois stables d'enfreindre les règles du pénitencier et de récidiver après leur mise en liberté.

On continue toutefois à se demander si la participation des délinquants à des programmes de travail en établissement favorise effectivement l'adaptation à la vie carcérale et si elle permet de réduire la récidive. Cet article traite cette question dans le contexte du programme d'ateliers industriels du Service correctionnel du Canada (CORCAN). La participation continue à un programme d'emploi de CORCAN peu avant la mise en liberté a-t-elle une incidence sur la récidive?

Méthode de recherche

L'échantillon observé était composé de 269 délinquants sous responsabilité fédérale qui avaient travaillé pour CORCAN de façon ininterrompue pendant au moins six mois durant leur incarcération. Ils travaillaient tous pour CORCAN dans le mois précédant leur mise en liberté, qu'ils avaient obtenue au moins un an avant l'étude.

Pour calculer les taux de réincarcération, on a tenu compte de la réincarcération des délinquants dans un établissement fédéral soit pour manquement aux conditions de la mise en liberté, soit en raison d'une nouvelle infraction. Les nouvelles condamnations (pour toute infraction ou pour une infraction avec violence) correspondent aux infractions dont les délinquants ont été reconnus coupables après leur libération.

Caractéristiques de l'échantillon

L'âge moyen des délinquants faisant partie de l'échantillon était de 36 ans, mais environ la moitié d'entre eux étaient âgés de moins de 31 ans. La plupart des délinquants n'étaient pas autochtones (88,4 %); les deux tiers étaient célibataires; les trois quarts environ purgeaient leur première peine sous responsabilité fédérale (d'une durée d'au moins deux ans) et les trois quarts purgeaient une peine de moins de cinq ans.

À peu près la moitié de ces délinquants n'avaient pas été mis en liberté antérieurement. Les autres avaient été réincarcérés après la révocation de leur liberté sous condition. La plupart des délinquants travaillaient pour CORCAN dans les secteurs de la fabrication, des ateliers industriels ou de l'agriculture, mais certains accomplissaient des travaux de peinture, de microfilmage, de soudure et d'impression.

La région du Québec était la plus fortement représentée dans l'échantillon (35,4 %) suivie de celle des Prairies (28,9 %) et de l'Ontario (13,7 %). Environ 55 % des délinquants avaient obtenu leur libération d'office, tandis que 24 % avaient obtenu la semi-liberté et 19 %, la libération conditionnelle totale. Les autres membres de l'échantillon avaient été élargis à la fin de leur peine.

Niveau de risque

L'Échelle d'information statistique sur la récidive a été utilisée pour déterminer le risque de récidive des délinquants constituant l'échantillon. A l'issue d'un examen rigoureux des casiers judiciaires, les auteurs de l'étude ont classé à peu près la moitié de ces délinquants dans les catégories de risque «très élevé» ou «élevé» (correspondant à des délinquants à risque élevé, ayant en moyenne 63 chances sur 100 d'être arrêtés dans les trois années suivant leur mise en liberté). Les autres délinquants appartenaient aux catégories de risque «très faible», «faible» ou «moyen» (délinquants présentant peu de risque, ayant en moyenne 33 chances sur 100 d'être arrêtés dans les trois années suivant leur mise en liberté).

Comme on pouvait s'y attendre, environ les trois quarts des délinquants ayant obtenu la libération conditionnelle totale ont été considérés comme des délinquants présentant peu de risque. Par contraste, près de la moitié des délinquants élargis à leur date de libération d'office présentaient un grand risque. Plus de la moitié des délinquants qui ont obtenu la semi-liberté présentaient peu de risque, mais un peu plus du tiers ont été classés dans la catégorie de risque «très élevé». Les pratiques de mise en liberté semblent donc être consistantes avec l'évaluation du risque.

Moment de la mise en liberté

Les délinquants qui avaient purgé les quatre neuvièmes de leur peine, ou moins, au moment de leur mise en liberté ont été considérés comme des délinquants ayant obtenu une mise en liberté «anticipée», tandis que ceux qui avaient purgé plus des quatre neuvièmes de leur peine ont été considérés comme des délinquants ayant obtenu une mise en liberté «retardée».

Dans ce contexte, on définit la mise en liberté «anticipée» comme celle qui est accordée bien avant la fin de la part de la peine que les détenus purgent en moyenne avant leur mise en liberté. Les délinquants sont admissibles à la libération conditionnelle totale après avoir purgé le tiers (trois neuvièmes) de leur peine et à la libération d'office après en avoir purgé les deux tiers (six neuvièmes). Les deux tiers des délinquants inclus dans cet échantillon ont obtenu une mise en liberté «anticipée».

Nous n'avons pas constaté de relation entre le niveau de risque et le moment de la mise en liberté, mais il y avait une relation significative entre le type de mise en liberté et la proportion de la peine purgée par le délinquant. Ainsi, la plupart des délinquants ayant obtenu la libération conditionnelle (85 %) ou la semi-liberté (97 %) ont bénéficié d'une mise en liberté «anticipée». On ne s'étonnera pas de constater que près de la moitié des délinquants qui ont obtenu leur élargissement à la date de la libération d'office ont obtenu une forme de mise en liberté «retardée».

Les délinquants qui ont obtenu leur élargissement à la date de libération d'office mais dont la mise en liberté était «anticipée» étaient ceux qui purgeaient le reste d'une peine, c'est-à-dire qui avaient déjà été mis en liberté, mais dont la liberté sous condition avait été révoquée, qui avaient été réincarcérés puis mis de nouveau en liberté à la date de la libération d'office.

Résultats postlibératoires

Le taux de réincarcération sous responsabilité fédérale, au cours d'une période de suivi moyenne de 1,5 an (la gamme allant de un à trois ans), était de 42 %.

Le taux de réincarcération des délinquants ayant obtenu la semi-liberté était de 56,7 %, près de 10 % de ces délinquants ayant été réincarcérés pour avoir commis une nouvelle infraction (voir le tableau 1). Le taux de réincarcération était sensiblement plus faible pour les délinquants qui avaient obtenu la libération conditionnelle totale (19,2 %). En fait, un seul libéré conditionnel a été réincarcéré dans un établissement fédéral pour avoir commis une nouvelle infraction.

Tableau 1

Résultats postibératoires et type de mise en liberté (269 délinquants)
Type de mise
en liberté
Réincarcération sous
responsabilité fédéral
(n'importe quelle raison)
Réincarcération sous
responsabilité fédéral
(infraction)
Nouvelle
condamnation
(n'importe quelle raison)
Nouvelle
condamnation
(infraction avec violence)
Semi-liberté
(60 délinquants)
56,7%
10,0%
30,0%
15,0%
Libération
conditionnelle total
(52 délinquants)
19,2%
1,9%
15,4%
1,9%
Libération d'office
(157 délinquants)
44,0%
17,2%
36,3%
14,0%
Total
42,0%
12,6%
30,9%
11,9%

Environ le tiers des délinquants ont été condamnés de nouveau après leur mise en liberté, mais certains ont été reconnus coupables d'une nouvelle infraction qui n'a pas entraîné leur réincarcération sous responsabilité fédérale leur réincarcération sous responsabilité fédérale (la condamnation a été prononcée après l'expiration de leur peine et a entraîné une amende, une période de probation ou une peine de moins de deux ans). Néanmoins, les résultats constatés en ce qui concerne les condamnations reflétaient ceux qui avaient été observés pour la réincarcération sous responsabilité fédérale. Qui plus est, le taux de réincarcération sous responsabilité fédérale (pour n'importe quelle raison et pour une nouvelle infraction) des délinquants ayant participé aux programmes d'emploi de CORCAN qui avaient obtenu leur libération conditionnelle totale était sensiblement inférieur à la moyenne nationale(2) pour cette forme de mise en liberté (voir le tableau 2).

Tableau 2

Réincarcération sous responsabilité fédérale et type de mise en liberté
Type de mise
en liberté
Réincarcération sous
responsabilité fédéral
(n'importe quelle raison)
Réduction
Réincarcération sous
responsabilité fédéral
(infraction)
Réduction
Libération conditionnelle totale
Moyenne nationale
Participants au
programmes de CORCAN
26,6%
19,2%
27,8%
12,1%
1,9%
84,3%
Libération d'office
Moyenne nationale
Participants au
programmes de CORCAN
46,4%
44,0%
5,2%
17,1%
17,2%
-

En effet, il y avait une réduction de 27,8 % pour les réincarcérations sous responsabilité fédérale lorsqu'il y avait une participation ininterrompue aux programmes de CORCAN juste avant la mise en liberté. Les résultats étaient semblables en ce qui concerne la réincarcération pour n'importe quelle raison et la libération d'office.

Risque, moment de la mise en liberté et résultats postlibératoires

L'étude a confirmé encore une fois que les évaluations du risque (basées sur les antécédents criminels d'un délinquant) permettaient de prévoir les résultats après la mise en liberté sous condition. On a constaté une relation significative entre d'une part les niveaux de risque des participants aux programmes d'emploi de CORCAN et d'autre part la réincarcération sous responsabilité fédérale (r = -0,30; p< 0,001), la réincarcération sous responsabilité fédérale pour une nouvelle infraction (r = -0,18; p< 0,01), une nouvelle condamnation (r = -0,32; p< 0,001) et une nouvelle condamnation pour une infraction avec violence (r = -0,17; p< 0,001).

Presque tous les délinquants mis en semi-liberté ou en liberté conditionnelle totale ont obtenu une mise en liberté «anticipée», de sorte que nous ne pouvions pas tirer de conclusions quant au moment de la mise en liberté et aux résultats obtenus pour ces groupes. Il n'y avait toutefois pas de relation entre le moment de la mise en liberté («anticipée» ou «retardée») et le résultat postlibératoire pour les détenus élargis à la date de leur libération d'office.

Une incidence certaine

Les résultats de cette recherche révèlent que la participation ininterrompue aux programmes d'emploi de CORCAN immédiatement avant la mise en liberté peut réduire la récidive, surtout dans le cas des délinquants obtenant la semi-liberté.

Le fait que les délinquants en semi liberté semblent profiter le plus de la participation aux programmes de CORCAN et que la plupart des délinquants auxquels on octroie la semi-liberté soient classés dans la catégorie des délinquants présentant «peu de risque» souligne l'importance de l'évaluation du risque comme moyen d'identifier les délinquants susceptibles d'obtenir une forme discrétionnaire de mise en liberté.

Il faut en outre encourager cette participation au début de la peine pour les délinquants à faible risque.



(1)Deuxième étage, 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

(2)Les moyennes nationales utilisées aux fins de comparaison proviennent de la publication Faits et chiffres sur les services correctionnels au Canada, Ottawa, Solliciteur général du Canada, 1993. Ces chiffres sont semblables à d'autres moyennes nationales de récidive. Voir NOUWENS, T., MOTIUK, L. et BOE, R., «Le taux de récidive détaillé», Forum - Recherche sur l'actualité correctionnelle, vol. 5, no 3, 1993, p. 25-30.