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L'emploi des délinquants: un objectif pour la réduction du risque et des besoins
L'instabilité de l'emploi constitue un des principaux
facteurs de risque et de besoins chez les délinquants(2).
Les délinquants qui n'ont jamais occupé d'emploi stable
risquent beaucoup plus de récidiver que ceux qui ont des antécédents
d'emploi stable. On pourrait par conséquent réduire considérablement
la récidive en déterminant la situation sur le plan de l'emploi
d'un délinquant au moment de son arrestation, en analysant ses
besoins sur ce plan à son admission dans un établissement
pénitentiaire et en suivant son évolution dans le milieu
du travail pendant qu'il est sous surveillance dans la collectivité,
puisque tous ces aspects peuvent constituer des objectifs de programmes.
L'article qui suit souligne l'importance de considérer l'emploi
des délinquants comme un facteur de risque et de besoins fondamental
pendant tout le processus correctionnel et démontre que cette façon
de procéder peut améliorer l'efficience et l'efficacité
du processus de gestion des cas.
Situation en matière d'emploi au moment de l'arrestation L'Échelle
d'information statistique sur la récidive(3) a été
utilisée pour déterminer la situation en matière
d'emploi des délinquants au moment de l'arrestation. Cet instrument
de classement objectif a été administré à
12 422 délinquants faisant partie du système correctionnel
fédéral. L'emploi est un des 15 facteurs de risque mesurés.
Plus des deux tiers des délinquants sous responsabilité
fédérale étaient sans travail au moment de leur arrestation
(voir le tableau 1). En outre, la proportion de délinquants sans
travail augmente en fonction du niveau de risque que l'Échelle
permet de mesurer.
Tableau 1
Proportion de délinquants sans
travail au moment de leur arrestation d'aprés l'Échelle d'information statistique sur la récidive (12,422 délinquants) |
||
Niveau de risque |
Nombre de délinquants à ce niveau |
Pourcentage de délinqants sans travail à ce niveau |
Trés élevé | 2,974 |
89,4% |
Élevé | 1,732 |
81,7% |
Moyen | 1,921 |
75,9% |
Faible | 1,703 |
67,4% |
Trés faible | 4,092 |
46,3% |
Total | 12,422 |
69,0% |
Besoins sur le plan de l'emploi au moment de l'admission dans le système
correctionnel L'Inventaire du niveau de surveillance(4) a été
utilisé pour déterminer les besoins des délinquants
sur le plan de l'emploi au moment de leur admission dans un établissement.
L'Inventaire est un instrument objectif de classement selon le risque
et les besoins dont les indices composés emploi instruction (somme
des résultats obtenus pour l'emploi et l'instruction) permettent
de prévoir l'échec après le placement dans une maison
de transition (r= 0,38; p< 0,001) et la réincarcération
(r= 0,37; p< 0,001)(5).
L'Inventaire a été administré à 510 délinquants
admis consécutivement dans le système correctionnel provincial
de l'Ontario(6).
Tableau 2
Validité prédictive de
variables liées à l'emploi mesurées au moyen de l'inventaire du niveau de surveillance (510 délinquants) |
||||
Variable liée à l'emploi |
Délinquants répondant au critére |
Inconduite en établissement (510) |
Réincarcération (510) |
Manquement aux conditions de la libération conditionnelle (170) |
Actuellement sans travail | 69,4% |
0,19 *** |
0,20 ** | 0,20 ** |
Fréquemment sans travail | 67,1% |
0,24 *** |
0,21 * | 0,26 *** |
N'a jamais travaille à temps plein |
47,8% |
0,29 ** |
0,19 * | 0,32 *** |
A déja été renoye | 24,1% |
0,06 |
0,09 * | 0,05 |
Note: *=p<0,05; **=p<0,01; ***=p0,001 |
On a constaté l'existence d'une rélation significative entre
d'une part la majorité des variables liées à l'emploi
et d'autre part l'inconduite en établissement, la réincarcération
et le manquement aux conditions de la libération conditionnelle
(voir le tableau 2).
En novembre 1994, le Service correctionnel du Canada a mis en place le
Processus d'évaluation initiale du délinquant(7).
Le processus comprend la collecte et l'analyse systématiques, pour
chaque délinquant, de renseignements sur les antécédents
criminels et la santé mentale, la situation sociale et l'instruction,
les facteurs servant à déterminer le risque criminel et
les facteurs permettant de déterminer les besoins du délinquant.
Ainsi on a pu déterminer qu'environ les trois quarts des hommes
et les deux tiers des femmes admis dans un établissement éprouvaient
des «besoins» sur le plan de l'emploi.
On a également établi un résumé détaillé
pour 2 738 délinquants et 31 délinquantes (voir le tableau
3) de la répartition des variables liées à l'emploi
(on a déterminé en moyenne 9,7 indicateurs pour les délinquants
et 8,5 indicateurs pour les délinquantes).
Tableau 3
Répartition des indicateurs
liés à l'emploi mesurés au moyen du Processus de l'evaluation initiale du délinquant |
||
Employment Indicators |
Male offenders identified |
Female offenders identified |
N'a pas terminé la 8e année | 21,9% |
27,6% |
N'a pas terminé la 10e année | 53,0% |
44,8% |
Ne délient pas de diplôme d'études secondaires* | 77,8% |
58,6% |
Trouve qu'il est difficult d'apprentissage | 30,7% |
44,8% |
A des dificultés d'apprentissage | 18,6% |
16,7% |
Soutire de problémes physiques qui nuisent à l'apparentissage | 5,3% |
0 |
A des problémes de mémoire | 19,0% |
21,4% |
A des problémes de concentration | 28,3% |
32,1% |
A de la difficulté à lire | 19,7% |
17,9% |
A de la difficulté à écrire | 27,0% |
17,9% |
A de la difficulté à compter | 29,0% |
28,6% |
A de la difficulté à comprendre des insructions | 11,6% |
20,7% |
Ne posséde pas de spécialisation, de son métier ou de sa profession* | 58,6% |
37,9% |
Est insatisfait de sa spécialisation, de son métier ou de sa profession | 48,1% |
39,3% |
Souffre de problémes physiques qui nuisent au travail | 15,7% |
17,2% |
Sans emploi au moment de l'arrestation | 63,2% |
62,1% |
Sans emploi 90% du temp ou plus | 27,7% |
24,1% |
Sans emploi 50% du temp ou plus | 54,6% |
48,3% |
A des arrécédent de travail caractérisés par l'instabilité | 66,7% |
55,2% |
Arrive souvent au retard au travail | 9,0% |
10,7% |
N'est pas assidu au travail | 11,5% |
10,7% |
N'a pas d'antécédents de travail | 9,9% |
17,2% |
A de la difficultité à salistaire aux exigences liées à la charge de travail | 11,1% |
7,4% |
Manque d'initiative | 23,4% |
13,8% |
A démissionné d'un emploi sans en avoir un autre* | 42,4% |
24,1% |
A été mis en disponibilité | 56,1% |
53,6% |
A été renoyé | 26,1% |
28,6% |
A touché un salaire insuffisant | 35,5% |
32,1% |
A occupé des emplois n'offrant aucun avantage | 51,5% |
35,7% |
A occupé des emplois n'offrant aucun sécurité | 56,2% |
41,4% |
A des problémes avec ses collégues de travail | 4,9% |
3,6% |
A des problémes avec les survellants | 12,6% |
10,7% |
A deja subi une ou plusieurs évaluations professionnels | 11,9% |
4,0% |
A participé à des programmes d'emploi* | 25,3% |
7,4% |
A terminé un programme de perfectionnement professionnel | 12,1% |
3,8% |
Remarque: Il se peut que les chiffres
varient légérement; * = p<0,05 |
Suivi de la situation en matière d'emploi dans la collectivité
Les surveillants de liberté conditionnelle du Service correctionnel
du Canada utilisent l'Échelle de gestion du risque et des besoins
dans la collectivité pour évaluer systématiquement
les besoins des délinquants, leur risque de récidive et
tout autre facteur susceptible d'influencer leur réinsertion sociale.
Une des 12 catégories de besoins incluses dans l'Échelle
est celle de la situation de l'emploi.
Si l'on juge que la situation en matière d'emploi est un «facteur
considéré comme un élément de succès
en vue de la réinsertion sociale», cela signifie que l'emploi
a été un élément très satisfaisant
pour le délinquant depuis son retour dans la société.
La cote «aucun besoin immédiat d'amélioration»
signifie que ni l'emploi ni le sous-emploi, ni l'emploi sporadique, ni
le chômage chronique n'ont nui au fonctionnement quotidien du délinquant,
tandis que la cote «besoin modéré d'amélioration»
signifie qu'une de ces situations a causé pour le délinquant
des problèmes d'adaptation mineurs depuis son retour dans la société.
Enfin, la cote «besoin manifeste d'amélioration» signifie
que la situation en matière d'emploi a été à
l'origine de problèmes d'adaptation graves.
Les premières recherches ont permis de constater qu'il existait
une relation systématique entre cette évaluation et la suspension
(r=0,27; p< 0,001) et la révocation (r=0,25; p< 0,001) de
la liberté sous condition(8).
Un examen de la répartition des échecs (suspension) de la
liberté sous condition et des niveaux de besoins sur le plan de
l'emploi du délinquant a permis de dégager une tendance
cohérente. En effet, plus ses besoins étaient grands, plus
le délinquant était susceptible d'échouer durant
sa liberté sous condition.
Ainsi, le taux d'échec des délinquants pour lesquels on
avait noté, sur le plan de l'emploi, un «besoin manifeste
d'amélioration» (36,5 %) était plus de six fois supérieur
à celui des délinquants pour lesquels on avait retenu la
cote «facteur considéré comme un élément
de succès en vue de la réinsertion sociale» (6 %).
Le Service a également mis au point un moyen automatisé
de suivre l'évolution du risque et des besoins des délinquants
dans la collectivité. Le Système de gestion des délinquants
renferme actuellement tous les niveaux de besoins sur le plan de l'emploi
réunis depuis la mise en application de l'Échelle d'évaluation
du risque et des besoins dans la collectivité. Il est possible
de récupérer cette information n'importe quand.
Il suffit de jeter un coup d'oeil sur les besoins cernés quant
à l'emploi (cotes «besoin modéré d'amélioration»
ou «besoin manifeste d'amélioration») au sein de la
population des libérés sous condition pour constater qu'il
existe à cet égard des variations considérables quant
au type de liberté sous condition, mais non pas quant au sexe (voir
le tableau 4).
Tableau 4
Besoins cernés sur le plan de
l'emploi et type de liberté sous condition |
||||
Type de liberté sous condition |
Délinquants (5,642) |
Délinquants (193) |
||
Nombre de libérés sous condition |
Ceux qui ont des besoins quant à l'emploi |
Nombre de libérés sous condition |
Ceux qui ont des besoins quant à l'emploi |
|
Semi-liberté | 849 |
53,6% |
33 |
27,6% |
Libération conditionnelle totale |
3,394 |
35,5% |
143 |
44,8% |
Libération d'office | 1,395 |
64,0% |
17 |
58,6% |
Total | 5,642 |
45,% |
193 |
44,8% |
Analyse Des profils significatifs et exacts de l'ensemble de la population
carcérale peuvent être utilisés pour établir
des statistiques fondamentales sur les niveaux de risque et de besoins
des délinquants en général ainsi que sur des besoins
particuliers. Qui plus est, ces données peuvent aider les organismes
correctionnels à aiguiller les ressources et les mesures de contrôle
vers les segments de leur population qui en ont le plus besoin afin de
réduire le risque.
En ciblant systématiquement et en surveillant les niveaux de risque
criminel et de besoins des délinquants au moment de leur admission
et au moment de leur mise en liberté sous condition, le Service
correctionnel du Canada franchit un pas de plus vers un programme de gestion
de risque efficace et bien intégré.
(1)Deuxième étage, 340, avenue
Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
(2)ANDREWS, D.A. et BONTA, J., Psychology of Criminal Conduct,
Cincinnati, Anderson, 1993.
(3)NUFFIELD, J., La libération conditionnelle au
Canada - Recherches en vue d'une normalisation des décisions,
Ottawa, Division des communications, 1982.
(4)ANDREWS, D.A., The Level of Supervision Inventory,
Toronto, ministère des Services correctionnels de l'Ontario, 1982.
(5)BONTA, J. et MOTIUK, L.L., «Utilization of an Interview-based
Classification Instrument: A Study of Correctional Halfway Houses»,
Criminal Justice and Behaviour, vol. 12, no 3, 1985, p. 333-352.
(6)MOTIUK, L.L., Antecedents and Consequences of Prison
Adjustment: A Systematic Assessment and Re-assessment Approach, thèse
de doctorat, Université Carleton, 1991.
(7)MOTIUK, L.L., «Le point sur la capacité d'évaluer
le risque» Forum - Recherche sur l'actualité correctionnelle,
vol. 5, no 2, 1993, p. 15-20.
(8)MOTIUK, L.L. et PORPORINO, F.J., Essai pratique de l'Échelle
d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité:
Une étude des libérés sous condition, Ottawa,
Service correctionnel du Canada, 1989.