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L'employabilité en pratique

Le travail est un des principaux éléments qui confèrent de l'importance, voir du prestige à une personne dans la société. Ceux qui travaillent ont droit à plus de reconnaissance sociale que ceux qui n'ont pas de rôle spécifique sur le marché du travail. Ils participent aux projets de société, ils paient des impôts et ils participent aux programmes sociaux. Les autres sont exclus puisqu'ils ne participent pas de la même manière et qu'ils sont souvent forcés de dépendre de programmes, telle l'assistance sociale, qui coûtent cher et sont généralement impopulaires auprès des travailleurs.

Cette exclusion est ressentie encore plus vivement par ceux que la société considère déjà comme des marginaux du tait qu'ils ont commis une infraction criminelle. Dans leur cas, l'étiquette d'«exclu» vient s'ajouter à celle de «délinquant». La combinaison de ces deux épithètes a pour effet de placer ces individus au bas de l'échelle d'utilité et de désirabilité sociale et de leur rendre extrêmement difficile d'apporter à leur vie des changements positifs.

Dans le contexte de l'évaluation professionnelle, la notion d'employabilité désigne la capacité d'un individu de se trouver un emploi, de s'y adapter et de le conserver(2). Cet article décrit la manière don t la notion d'employabilité es t mise en pratique au Centre régional de réception de la région du Québec, tant dans l'évaluation des délinquants que dans l'élaboration de plans de programmes à leur intention.
Le développement de l'employabilité L'employabilité étant, dans notre société, d'importance primordiale, il est normal que nous ayons notamment pour mandat de rendre notre clientèle plus employable. Nous devons bien sûr, pour cela, être en mesure de cerner les lacunes de cette clientèle et de prendre des mesures pour y remédier.

Un processus à trois étapes a été proposé pour aider les délinquants à devenir aptes à l'emploi(3). Premièrement, il faut concevoir un mécanisme permettant de saisir la personnalité professionnelle de l'individu. Deuxièmement, il faut prévoir son potentiel professionnel ou sa capacité d'apprendre, de poursuivre un objectif et de progresser après son placement initial. Troisièmement, il faut assurer son adaptation au travail en lui offrant des programmes et des services axés sur la modification et l'amélioration des comportements essentiels liés à l'emploi.

Il s'agit là des comportements qu'une personne doit posséder pour chercher, obtenir et conserver un emploi. Les autres comportements clés sont liés à la vie sociale, à la vie en collectivité et aux compétences générales requises dans la vie personnelle(4).

Toutefois, l'employabilité n'est pas déterminée exclusivement par la formation et les compétences professionnelles. La façon dont une personne utilise son temps libre et gère son argent, sa tenue vestimentaire, son logement, sa capacité de se déplacer, ses relations familiales ou conjugales, sa stabilité personnelle, sa santé, tous ces facteurs et bien d'autres ont une incidence directe sur son niveau d'employabilité.
Mesure des facteurs d'employabilité Il y a plusieurs critères qui servent à évaluer l'employabilité d'un délinquant (ou de n'importe qui). En plus de tenir compte des facteurs déjà mentionnés, il faut déterminer la capacité d'apprentissage, la scolaptitude et la possession (ou le manque) d'habiletés génériques utilisables en situation de travail.

Les traits de personnalité entrent aussi en ligne de compte. Il faut en effet essayer de comprendre la dynamique personnelle du délinquant et sa capacité de s'adapter et de participer au marché du travail et à la société, et d'agir éventuellement sur celles-ci.

Au Centre régional de réception, nous avons pour tâche d'évaluer le degré d'employabilité des délinquants à leur admission, de cerner les raisons de leurs difficultés à s'adapter au marché du travail et, enfin, de proposer des moyens concrets pour les rendre plus employables.

Des entrevues nous permettent de recueillir des éléments d'information sur les antécédents et sur le profil psychosocial; nous utilisons aussi des instruments psychométriques et des instruments d'évaluation des acquis scolaires pour obtenir une information intéressant les facteurs d'évaluation de l'employabilité.

Nous avons également recours à une évaluation des habiletés génériques en situation de travail pour obtenir des données qualitatives sur la capacité des délinquants d'exécuter des tâches spécifiques communes à plusieurs métiers.
Tests psychométriques Nous utilisons généralement trois types de tests psychométriques: un test de personnalité, des tests de rendement intellectuel et des inventaires d'intérêts.

Le test de personnalité fournit des renseignements qui permettent d'avoir une image globale de la dynamique personnelle du délinquant. Il nous aide à déterminer si ce dernier est apte à s'investir personnellement dans une tâche, s'il est responsable, motivé, autonome, déterminé et apte à s'investir dans des relations interpersonnelles.

Bref, nous analysons la personnalité du délinquant pour avoir une idée de sa capacité d'entretenir des relations interpersonnelles efficaces dans un cadre de travail. Si nous constatons des lacunes à cet égard, nous recommandons des programmes appropriés.

Les tests d'aptitudes et de rendement intellectuel nous donnent une meilleure idée de la capacité du délinquant de raisonner, d'apprendre, de se concentrer, d'assimiler de nouvelles notions, de retenir les notions apprises et de les utiliser de manière convenable pour atteindre un but donné. Il s'agit là d'un aspect très important étant donné que les délinquants doivent acquérir certaines notions et les appliquer en situation de travail.

Pour diverses raisons-culturelles, familiales, personnelles ou autres-, beaucoup de délinquants n'ont pas exploré de manière structurée leurs intérêts personnels; en outre, ils manquent d'information sur les emplois et les programmes de formation actuellement offerts.

Les inventaires d'intérêts aident à déterminer si le délinquant a fait un choix judicieux en fonction de ses intérêts fondamentaux. Le délinquant qui est incapable de faire des choix et qui préfère s'en remettre au destin est souvent incapable de satisfaire aux exigences d'un employeur, de sorte qu'il finit inévitablement par perdre son emploi.

Mais il y a plus que le simple fait de perdre un emploi; souvent, le délinquant perd du même coup une confiance en soi péniblement acquise.
Évaluation des acquis scolaires Bien que l'employabilité ne dépende pas uniquement de la scolarité, les connaissances et les compétences indispensables à l'exercice d'un métier sont ordinairement acquises à l'école. En outre, il faut posséder certains acquis scolaires pour être admissible à des programmes de formation professionnelle.

Nous estimons que plus de la moitié des délinquants n'ont pas terminé la 9e année et que bon nombre n'ont fait que des études primaires. Ils ne sont donc pas admissibles aux programmes de formation professionnelle et doivent absolument recevoir l'enseignement qui leur manque.

Au Centre, nous utilisons deux tests pour déterminer le niveau d'instruction des délinquants et recommander les programmes d'éducation nécessaires. Le premier a été élaboré par le Service correctionnel du Canada; il s'agit, pour les anglophones, du Canadian Adult Achievement Test et, pour la clientèle francophone, du Test de rendement pour francophones.

Le second est un test de classement mis au point par le ministère de l'Éducation du Québec qui permet de déterminer à quelle partie du programme scolaire correspond le niveau réel de connaissances du délinquant. Les résultats de ce test servent à situer le niveau exact auquel le délinquant devrait commencer son programme d'éducation.

Nous portons une attention toute spéciale aux troubles d'apprentissage, sachant qu'un manque d'habiletés cognitives a une incidence considérable sur la capacité d'une personne de fournir un bon rendement sur le plan scolaire et de s'adapter à un cadre de travail et à la société.

À partir d'une évaluation psychométrique, nous établissons un diagnostic assez précis qui nous permet de recommander des exercices destinés à développer les fonctions cognitives qui sont touchées par les difficultés d'apprentissage. À long terme, cela devrait améliorer la capacité du délinquant d'apprendre et de fonctionner convenablement en milieu de travail et dans la société. A notre avis, cette forme d'intervention aide aussi le délinquant à profiter davantage des autres programmes offerts en établissement.
Évaluation des habiletés génériques en situation de travail Afin d'obtenir des renseignements utiles sur les compétence s et les attitudes des d'élinquants, nous recommandons à ces derniers de prendre part à des activités structurées qui correspondent à différents métiers.

Ils ont le choix entre des ateliers de menuiserie, de cuisine professionnelle, de câblage électrique, de tôlerie, de mécanique des petits moteurs, de soudure, de dessin technique, de techniques de machiniste et de plomberie.

Ces activités permettent de recueillir de l'information sur les caractéristiques suivantes d'un délinquant

  • sa dextérité;
  • sa coordination;
  • sa capacité de distinguer les formes, les espaces et les dimensions;
  • sa capacité de résoudre des problèmes et d'effectuer des calculs;
  • sa capacité d'utiliser des instruments de mesure, d'organiser ses idées, d'établir l'ordre des tâches;
  • sa capacité de comprendre et de suivre des instructions verbales, schématiques et audiovisuelles;
  • sa capacité d'interpréter des instructions écrites, de lire et de comprendre des graphiques et des tableaux, de communiquer et de poser des questions perspicaces.
Elles fournissent également une information objective sur des caractéristiques comme la ténacité et la persévérance, la maîtrise de soi, la confiance en soi l'adaptabilité et la souplesse, le sens de l'initiative et l'autonomie.

Bref, l'évaluation en situation de travail permet de déterminer les compétences de base, les habiletés génériques et spécifiques, la transférabilité du potentiel professionnel et l'adaptabilité active et passive.
Modes d'intervention Le Service correctionnel du Canada offre un vaste éventail de services et de programmes destinés à aider la plupart des détenus, et ce, dans le respect de leurs besoins particuliers.

Ces services et programmes visent à favoriser la croissance personnelle, l'acquisition de compétences psychosociales, l'acquisition de connaissances théoriques et professionnelles, et la capacité de maîtriser ses émotions (surtout la colère). Il existe aussi des programmes de traitement pour toxicomanes.

Un grand nombre de ces programmes aident les délinquants à acquérir des comportements essentiels liés à l'emploi. Étant donné que des facteurs autres que la formation scolaire et professionnelle ont une incidence directe sur l'employabilité d'une personne, ces programmes de développement personnel sont recommandés.
L'employabilité en pratique Le fait que l'employabilité constitue une condition essentielle à l'estime de soi et au sentiment d'appartenance est bien établi. Il est vrai aussi que les délinquants, peut-être plus que d'autres personnes, tendent à avoir des difficultés sur ce plan.

Au Centre régional de réception de la région du Québec, nous déployons des efforts concertés pour mieux comprendre les problèmes associés à l'employabilité. Nos analyses nous incitent à trouver des moyens plus efficaces de diagnostiquer ces problèmes et de recommander les programmes les plus appropriés.

Notre programme d'intervention axé sur les troubles d'apprentissage est un exemple actuel et concret de ces efforts, mais il doit marquer le début d'une tendance et non pas constituer une intervention unique.



(1)246, montée Ganon, Sainte-Anne-des-Plaines (Québec) J0N 1H0.

(2)DODIER, P., Problématique et gestion opérationnelle de l'employabilité chez la clientèle carcérale, 14e Consultation nationale sur l'orientation professionnelle, Ottawa, 1988.

(3)DODIER, P., Un modèle de gestion opérationnelle de l'employabilité pour la clientèle en milieu carcéral, document inédit, 1986.

(4)DODIER, P., Un modèle de gestion opérationnelle de l'employabilité pour la clientèle en milieu carcéral.