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Le service spécialisé d'évaluation initiale des délinquants sexuels de Millhaven : examen préliminaire

Le service spécialisé d'évaluation des délinquants sexuels a été créé en 1993 en réponse aux recommandations présentées au Service correctionnel du Canada(2). Le choix de l'établissement Millhaven, qui sert de centre de réception et d'évaluation pour la plupart des délinquants purgeant une peine sous responsabilité fédérale en Ontario, est apparu logique pour la création d'un tel service.

Cet article traite de la mise en oeuvre du service d'évaluation des délinquants sexuels de Millhaven. Il décrit tout d'abord les composantes du service d'évaluation qui répondent aux six principales recommandations à l'origine de la mise sur pied de ce service. Puis il passe en revue les premières opinions exprimées au sujet du service par les divers «groupes intéressés» de l'Ontario.

Identification des délinquants sexuels
Il a été relativement facile de mettre en place, à l'établissement Millhaven, des méthodes d'identification des délinquants sexuels. Les craintes initiales quant à la violence que cette démarche pouvait provoquer dans l'établissement ne se sont pas réalisées. On distingue les délinquants en fonction des facteurs suivants :
  • leur peine actuelle ñ ils purgent actuellement une peine pour une infraction sexuelle grave ou mineure;
  • une peine antérieure ñ ils ont déjà été condamnés pour une infraction sexuelle grave ou mineure;
  • une infraction à caractère sexuel à l'origine de la peine actuelle ñ ils purgent actuellement une peine pour une ou des infractions de nature sexuelle qui ne sont pas officiellement considérées comme infractions sexuelles (il se peut, par exemple, qu'un délinquant n'ait pas été inculpé pour infraction sexuelle parce que le comportement sexuel accompagnait une infraction plus grave).
Pour identifier les délinquants sexuels qui purgent actuellement une peine pour une infraction d'ordre sexuel, on passe en revue les condamnations aux termes du Code criminel de tous les délinquants admis dans l'établissement Millhaven. Tous les délinquants reconnus coupables d'une infraction à composante sexuelle sont automatiquement dirigés vers le service d'évaluation.

Les délinquants sexuels qui ont déjà purgé une peine pour une infraction sexuelle et ceux qui ont été reconnus coupables d'une infraction à caractère sexuel sont identifiés par le personnel du service de psychologie et les agents de gestion des cas à partir de l'information obtenue de sources comme le Service des empreintes digitales de la GRC, la base de données du Centre d'information de la police canadienne, des rapports de police et des déclarations de victimes. Antécédents psychosociaux On recueille, sous forme d'exposés narratifs, des renseignements au sujet des antécédents psychosociaux des délinquants. Cette information est importante pour concevoir un traitement adapté, évaluer le risque et élaborer des programmes individualisés de gestion du risque et de prévention de la rechute. Qui plus est, pour appliquer les instruments de prévision du risque, il faut avoir accès aux dossiers complets des délinquants. Description des infractions sexuelles Des documents officiels sont utilisés pour établir une description complète et détaillée des antécédents d'infractions sexuelles du délinquant (inclus dans les antécédents psychosociaux). Par souci de commodité et aux fins de référence, on énumère ces documents dans le rapport.

Ordinairement, au moins un des documents suivants est disponible :
  • rapport de la police;
  • dossier de la Couronne;
  • déclaration de la victime;
  • exposé conjoint des faits;
  • motifs de la peine;
  • transcription du procès.

On utilise également des renseignements officiels pour déterminer à quel type de délinquants appartient le sujet. La plupart des typologies sont basées à la fois sur les caractéristiques des délinquants et sur celles des victimes (p. ex., nombre de victimes, sexe et âge des victimes). À l'aide d'échelles, on détermine également le degré de violence physique et d'intrusion sexuelle.

La description de l'infraction donnée par le délinquant suit immédiatement la version officielle. Sa version, y compris toute tentative de nier ou de minimiser l'infraction, est enregistrée telle que le délinquant la présente, sans interprétation. Cette information est essentielle pour établir des échelles comme la liste de contrôle du déni et de la minimisation(3) ainsi que pour certains aspects des mesures du risque mentionnées précédemment. Évaluation du risque Trois échelles bien connues sont employées pour évaluer le risque de récidive de chaque délinquant. Les agents de gestion des cas remplissent par exemple systématiquement l'Échelle d'information statistique sur la récidive(4). Le score obtenu et son interprétation normalisée sont utilisés à des fins de comparaison et comme variable prédictive de la récidive en général.

L'Inventaire du niveau de service (révisé)(5) est également employé. Le score total du délinquant et la probabilité de récidive qu'il traduit servent à mesurer le risque de récidive en général. L'efficacité prédictive dynamique de cet inventaire a déjà été prouvée.

La Liste de contrôle de la psychopathie (révisée) est sans doute le meilleur instrument de prévision de la récidive avec violence et elle est largement utilisée auprès des populations de délinquants sexuels(6). Les scores obtenus selon cette liste de contrôle sont présentés par rapport à des seuils(7). Aiguillage vers les programmes de traitement Dans la région de l'Ontario, le Service offre des programmes de traitement aux délinquants sexuels classés aux trois niveaux de sécurité ñ minimale, moyenne et maximale. Le Centre régional de traitement (Ontario) s'occupe des délinquants de tous les niveaux de sécurité et offre deux programmes de traitement à l'intention de cette population : un programme de groupe destiné aux délinquants qui fonctionnent à un niveau relativement élevé et un programme individualisé pour les délinquants qui fonctionnent à un niveau relativement faible ou qui souffrent de troubles mentaux.

Le Programme satellite pour délinquants sexuels du pénitencier de Kingston s'adresse aux délinquants classés au niveau de sécurité maximale, tandis que la Clinique du comportement sexuel de Warkworth accueille des délinquants classés au niveau de sécurité moyenne.

Le Programme pour délinquants sexuels de Bath est destiné aux délinquants dont le niveau de sécurité a été abaissé et qui, dans bien des cas, ont déjà reçu un traitement dans le cadre d'autres programmes. Le programme de l'établissement de Bath est également destiné aux délinquants sexuels qui présentent un risque faible ou modéré.

Enfin, le Programme pour délinquants sexuels de Pittsburgh vise les délinquants sexuels à faible risque qui sont placés directement dans un établissement à sécurité minimale après leur évaluation à Millhaven. Chaque établissement à sécurité minimale offre également un programme de prévention de la rechute.
Le rapport d'évaluation de Millhaven inclut une recommandation quant au besoin qu'a le détenu de participer à un programme pour délinquants sexuels et quant au programme indiqué, compte tenu de son profil de risque et de besoins. Le nom du délinquant est ensuite inscrit sur la liste d'attente du programme en question (voir le graphique 1).

Graphique 1
graphique 1

Système de données informatisé Une base de données complète a été créée en vue d'être utilisée avec les délinquants sexuels de la région de l'Ontario. L'information versée dans la base de données répond aux besoins des administrateurs, des cliniciens et des chercheurs. Évaluation du programme On peut dire que le service d'évaluation des délinquants sexuels de Millhaven intéresse cinq groupes de personnes :

  • les administrateurs de l'établissement;
  • les agents de gestion des cas de Millhaven;
  • les agents de gestion des cas d'autres établissements;
  • les psychologues d'autres établissements;
  • le personnel chargé du traitement des délinquants sexuels.
Les administrateurs de l'établissement sont intéressés du fait qu'ils sont chargés de la gestion courante des délinquants sexuels. Les agents de gestion des cas de Millhaven le sont parce qu'ils doivent décider de l'établissement où chaque délinquant commencera à purger sa peine. Les agents de gestion des cas des autres établissements ont besoin de l'information fournie par l'évaluation parce qu'ils sont responsables de la participation des délinquants aux programmes offerts en établissement. Les psychologues des établissements en ont besoin aussi parce qu'ils doivent souvent s'occuper de programmes et de cas d'urgence touchant les délinquants. Enfin, l'information intéresse le personnel chargé du programme parce que c'est lui, en définitive, qui doit traiter les délinquants.

On a envoyé à 45 intéressés, en leur demandant d'y répondre anonymement, un questionnaire accompagné d'une enveloppe-réponse préadressée; 32 ont répondu (voir le tableau 1).

Tableau 1

Ventilation des réponses au questionnaire d'evaluation
Poste
Nombre visé
Taux de réponse
Administrateurs
4
25%
Agents de gestion des cas de Millhaven
7
57%
Agents de gestion des cas d'autres établissements
13
92%
Psychologues
10
90%
Personnel de traitement
11
36%
Total
45
67%

Les intéressés ont été invités à évaluer six aspects du travail du service d'évaluation des délinquants sexuels de Millhaven en indiquant l'amélioration qu'ils avaient constatée par rapport aux méthodes antérieures, les cotations allaient de «aucune amélioration» à «amélioration considérable.» Les répondants ont également été invités à proposer des améliorations. S'ils ne connaissaient pas une des fonctions, ils devaient laisser un blanc. Quelques répondants ont laissé des blancs mais aucun n'a coté les services comme présentant aucune amélioration.

Plus de 65 % des répondants ont jugé que le processus d'identification des délinquants sexuels de Millhaven représentait une amélioration considérable par rapport aux méthodes antérieures (voir le graphique 2). Seuls quelques-uns ont fait des commentaires à ce sujet, et la plupart ont appuyé ou loué la capacité du personnel de Millhaven de dépister les infractions à caractère sexuel.

Pour 78 % des répondants, les rapports d'évaluation de Millhaven représentaient une amélioration considérable. Tous les répondants ont coté ce point, vraisemblablement parce qu'ils avaient tous utilisé les rapports. Un seul répondant a jugé que les rapports ne représentaient pas une amélioration. La plupart des observations faites à ce sujet étaient positives; il y avait aussi quelques critiques constructives. Ainsi, trois agents de gestion des cas de Millhaven ont signalé que les rapports sur le profil criminel renfermaient essentiellement les mêmes renseignements que la section des antécédents criminels.

En outre, 63 % des répondants ont dit que les évaluations du risque représentaient une grande amélioration. Toutefois, les commentaires faits à ce sujet étaient beaucoup plus critiques, quoique constructifs. Quelques psychologues ont conseillé d'indiquer les scores bruts, surtout pour la liste de contrôle, afin qu'ils puissent appliquer leurs propres seuils. Plusieurs agents de gestion des cas ont également émis des réserves quant à l'utilisation des mesures phallométriques.

En tout, 66 % des répondants estimaient que les recommandations en matière de traitement des délinquants constituaient une vaste amélioration. Seuls des agents de gestion des cas ont émis des critiques quant aux recommandations, presque tous conseillant d'indiquer la raison pour laquelle un programme est recommandé pour un délinquant.

Graphique 2
graphique 2

Dans une même proportion, c'est-à-dire 66 %, les répondants estimaient aussi que les recommandations de placement dans des établissements donnés représentaient une amélioration considérable. Toutefois, les agents de gestion des cas de Millhaven ont signalé qu'il y avait parfois des recommandations faisant double emploi tandis que les agents de gestion des cas d'autres établissements se sont interrogés sur le degré de consultation entre le service d'évaluation et les agents de gestion des cas de Millhaven.

Le nombre de blancs laissés dans la section sur le système de données informatisé semble indiquer que plusieurs répondants n'étaient pas au courant de ce système ou ne l'avaient jamais utilisé. Toutefois, les intéressés qui l'avaient utilisé tendaient à dire qu'il représentait une nette amélioration. Ce sont les répondants ayant accès au réseau informatique qui ont fait les commentaires les plus positifs, en signalant toutefois que les ralentissements posaient des problèmes. Recommandations Les résultats de cet examen préliminaire du service d'évaluation des délinquants sexuels de Millhaven sont manifestement très positifs. Les cinq groupes d'intéressés ont tous jugé qu'il offrait de bien meilleurs services que ceux qui étaient offerts auparavant. Toutefois, comme il y a toujours possibilité d'amélioration, plusieurs changements ont été apportés ou recommandés.

Pour régler le problème des chevauchements entre les profils criminels (établis par les agents de gestion des cas) et les antécédents criminels (établis par les analystes du comportement), on a entrepris un projet visant à combiner ces deux domaines de responsabilité. Les évaluations initiales des délinquants et les évaluations spécialisées des délinquants sexuels relèveront du service d'évaluation des délinquants sexuels.

En outre, le système informatisé de suivi et d'information a été élargi et est désormais utilisé dans tous les établissements et dans deux bureaux de district de la région de l'Ontario. Au fur et à mesure que les employés se familiariseront avec ce système, on en poursuivra sans doute l'expansion.

Cet examen préliminaire démontre que le service d'évaluation des délinquants sexuels de Millhaven pourrait être qualifié de succès. Sous réserve de quelques changements relativement mineurs, il pourrait devenir un modèle pour les autres régions.


(1)Route 33, C. P. 22, Kingston (Ontario) K7L 4V7.

(2)QUINSEY, V. L., Strategies for the Assessment, Treatment and Management of Sex Offenders, rapport présenté au Service correctionnel du Canada, 1990.

(3)BARBAREE, H. E., «Déni de la réalité et minimisation par les délinquants sexuels : évaluation et résultats du traitement», Forum ñ Recherche sur l'actualité correctionnelle, vol. 3, no 4, 1991, p. 35-38.

(4)NUFFIELD, J., «La formule de prévision statistique sur la récidive (PSR) : Comment l'appliquer?», Forum ñ Recherche sur l'actualité correctionnelle, vol. 1, no 2, 1989, p. 23-27.

(5)ANDREWS, D. A. et BONTA, J. L., Manual for the Level of Service Inventory (Revised), Toronto, Multi-Health Systems Inc., 1995.

(6)HARE, R. D., Manual for the Revised Psychopathy Checklist, Toronto, Multi-Health Systems Inc., 1991.

(7)SERIN, R. et coll., «Psychopathy and deviant sexual arousal», Journal of Interpersonal Violence, 1994.