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Le maintien en incarcération donne-t-il les résultats attendus?

la date prévue pour leur libération d'office, les détenus des établissements fédéraux canadiens qui ne bénéficient pas d'une libération conditionnelle totale sont généralement mis en liberté afin de purger le dernier tiers de leur peine sous surveillance dans la collectivité. Cependant, certains délinquants jugés trop dangereux pour être mis en liberté sont maintenus en incarcération au-delà de la date de libération d'office.

Une disposition de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992)autorise le maintien en incarcération2 jusqu'à l'expiration de leur peine des délinquants dont on a des motifs raisonnables de croire qu'ils commettront une nouvelle infraction avec violence ou une infraction grave en matière de drogue. Cette disposition vise avant tout à assurer la protection de la société en gardant en détention les délinquants les plus dangereux. Toutefois, on ne peut les maintenir en incarcération après l'expiration de leur peine. Comme les données dont on dispose indiquent que des peines plus longues ne réduisent pas la récidive3, il apparaît que le principal avantage du maintien en incarcération est de garder le délinquant derrière les barreaux jusqu'à la fin de sa peine.

Qui fait l'objet d'un renvoi ?

Il est très difficile de prévoir, avec exactitude, si un délinquant commettra une infraction avec violence après sa mise en liberté. Les agents de gestion de cas et la Commission nationale des libérations conditionnelles sont cependant tenus, aux termes de la loi, de faire ce genre de prévision en vue d'un maintien éventuel en incarcération. Ils se fondent pour cela sur les renseignements en leur possession avant la date de libération d'office du délinquant.

LaLoi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (1992) contient des dispositions très précises quant à la procédure à suivre lorsqu'un délinquant est maintenu en incarcération au-delà de la date prévue pour sa libération d'office. Ces dispositions indiquent que le législateur tenait à ce que le maintien en incarcération soit réservé aux délinquants présentant le risque le plus élevé.

Le Service correctionnel du Canada renvoie le cas de certains délinquants à la Commission nationale des libérations conditionnelles afin que celle-ci détermine si un maintien en incarcération est justifié. Les cas des délinquants ayant commis des infractions avec violence ou des infractions graves en matière de drogue sont automatiquement soumis à un tel examen4. Les autres délinquants faisant l'objet d'un renvoi sont ceux qui peuvent représenter une menace pour la société si on les met en liberté ou qui sont susceptibles de commettre une autre infraction avec violence ou une infraction grave en matière de drogue avant l'expiration de leur peine. La Commission détermine s'il y a lieu de maintenir le délinquant en incarcération. Dans l'affirmative, le cas est réexaminé chaque année afin de décider s'il convient de mettre le délinquant en liberté.

Cet article résume les résultats d'une étude récente5 qui visait à répondre à deux questions fondamentales : Est-ce vraiment les délinquants qui présentent le risque le plus élevé qui font l'objet d'un renvoi et d'un maintien en incarcération? Les délinquants qui font l'objet d'un renvoi et d'un maintien en incarcération sont-ils vraiment les plus susceptibles de récidiver?

Pour répondre à la première question, les facteurs relatifs aux antécédents criminels ont été examinés. Pour ce qui est de la seconde, la période écoulée avant la réincarcération et la période écoulée avant une nouvelle infraction permettaient de déterminer si les délinquants maintenus en incarcération étaient les plus susceptibles de récidiver.

En ce qui concerne les délinquants sous surveillance dans la collectivité, la réincarcération constitue une mesure de la récidive très utile. Un délinquant peut en effet être réincarcéré pour avoir commis une nouvelle infraction et/ou pour avoir manqué aux conditions de sa mise en liberté. En outre, la réincarcération peut s'effectuer très rapidement, ce qui en fait une mesure de la récidive plus sensible que la perpétration d'une nouvelle infraction. Toutefois, en raison de la durée des procédures judiciaires, il est impossible de comparer le taux de réincarcération des délinquants sous surveillance dans la collectivité à celui des délinquants ayant fini de purger leur peine. C'est pourquoi on a eu recours à une deuxième mesure de la récidive : la période écoulée avant une nouvelle infraction ou une nouvelle condamnation. Étant donné que les tribunaux traitent de la même manière les cas de tous les délinquants, qu'ils aient été sous surveillance dans la collectivité ou qu'ils aient fini de purger leur peine, la période écoulée avant l'imposition d'une nouvelle peine se prête à une comparaison entre ces deux catégories de délinquants.

Dans l'étude, des comparaisons sont établies entre les groupes suivants :

  • les délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi mais qui n'ont pas été maintenus en incarcération;
  • les délinquants qui ont été maintenus en incarcération pendant un certain temps mais qui ont été mis en liberté avant la date d'expiration de leur peine;
  • les délinquants qui ont été maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine;
  • les délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office sans avoir bénéficié de mises en liberté antérieures;
  • les délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office mais qui avaient bénéficié auparavant d'une autre forme de mise en liberté;
  • les délinquants bénéficiant d'une libération conditionnelle totale.
Nombre de renvois

L'étude englobait toutes les mises en liberté et tous les renvois en vue d'un examen de maintien en incarcération effectués de 1989-1990 à 1993-1994. Au cours de cette période, 1 115 cas ont fait l'objet d'un renvoi et 917 délinquants (82 %) ont été maintenus en incarcération au-delà de la date prévue pour leur libération d'office. Des données de suivi ont pu être obtenues pour 862 des délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi qui sont arrivés à la fin de leur peine dans la période visée par l'étude. Parmi ces derniers, 62 % avaient été maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine, 15 % avaient été maintenus en incarcération un certain temps puis mis en liberté, et 23 % n'avaient pas été maintenus en incarcération.

Le tableau 1 indique l'issue de tous les renvois ainsi que le pourcentage de cas qui ont fait l'objet d'un suivi de deux ans. Les cas de délinquants maintenus en incarcération dont la peine n'était pas arrivée à expiration (colonne D) ne sont pas inclus dans les analyses ci-dessous. Les cas ayant fait l'objet d'un suivi de deux ans sont ceux pour lesquels on disposait de données quant à la réincarcération et à la nouvelle condamnation.

Tableau 1

Issues des renvois
 
A
Renvoi et
mise en liberté
B
Maintain en
incarc. puis
mise en liberté
C
Miantain en
incarc. jusqu'à
la fin de peine

D
Maintain en

incarc. peine
inachevée*

Total
Nbre total de cas
198
131
533
253
1,115
Suivi de deux ans
164
92
235
2
493
Suivi de deux ans (%)
83
70
44
1
44
Notes:* includes those cases still detained at the conclusion of the study period and a few released and subsequently detained

Il est à noter que le nombre de délinquants faisant l'objet d'un renvoi en vue d'un examen de maintien en incarcération s'accroît d'année en année. Étant donné que seuls les délinquants qui restent incarcérés jusqu'à la date prévue pour leur libération d'office font l'objet de tels renvois, cet accroissement a été calculé par rapport au nombre total de délinquants admissibles à la libération d'office chaque année. On a ainsi constaté (graphique 1) que le pourcentage de cas de renvoi avait augmenté régulièrement, passant de 4 % en 1989-1990 à 14 % en 1993-1994.

Facteurs de risque

Afin de déterminer si les délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi étaient bien ceux présentant le risque le plus élevé, on a examiné trois facteurs : le niveau d'activité criminelle, le type d'infraction et la durée de la peine. Les résultats obtenus pour les cas de renvoi ont ensuite été comparés aux données correspondant aux autres types de mise en liberté. Une comparaison a en outre été établie entre trois groupes de cas ayant fait l'objet d'un renvoi, selon l'issue de celui-ci : mise en liberté, maintien en incarcération puis mise en liberté et maintien en incarcération jusqu'à la fin de la peine.

Graphique 1
Graphique 1

Parmi les délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office, plus de 50 % avaient commis au moins six infractions leur ayant valu une peine d'emprisonnement dans un établissement fédéral. Toutefois, c'était le cas de 35 % seulement des délinquants faisant l'objet d'un renvoi (tableau 2).

Tableau 2

Niveau d'activité criminelle(nombre d'infractions)
selon le type de mise en liberté (%)
Type de mise
Distribution des cas de renvoi
Nbre d'infractions
antérieures (ressort fédéral)
LCT
LO et
autre
LO
seul
Renvoi
Renvoi et
mise en lib.
Maintain en inc.
puis mise en lib.
Maintain en
inc. justqu' à la
fin de la peine
Maintain en inc.
peine inachieve
Une ou deux
41
16
22
31
31
30
32
30
Trois à cinq
27
26
28
34
30
33
36
34
Six ou plus
32
58
49
35
38
37
33
36
Nombre de cas
10, 624
6, 207
5, 654
1, 115
198
131
533
253

Remarques: (s'appliquent pour ce tableau et les tableaux 3 et 4) : LCT libération conditionnelle totale: LO et autre-libération d'office postiérieure à semi-liberté ou à une libération conditionnelle totale; LO seul. - libération d'office sans mise en liberté antérieure pendant la durée de la peine; Renvoi - cas renoyés en vue d'un examen de maintain en incarceration: * includes délinquantes qui était encore incarcérés à la fin de la période visée par l'étude ainsi qu'un petit nombre mis en liberté, plus réincarcérés

Les délinquants dont le cas était renvoyé en vue d'un examen de maintien en incarcération étaient plus susceptibles de purger des peines de longue durée (tableau 3). Ainsi, 37 % des délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi purgeaient des peines de plus de six ans, contre seulement 20 % des délinquants bénéficiant de la libération conditionnelle totale ou de la libération d'office. Parmi les délinquants maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine, 27 % purgeaient des peines d'une durée de six ans ou plus, et 49 % des peines de quatre ans ou moins.

Tableau 3

Durée de la peine selon selon le type de mise en liberté(%)
Type de mise en liberté
Distribution des cas de renvoi
Durée de la peine
LCT
LO et
autre
LO
seul.
Renvoi
Renvoi et
mise en lib.
Maintain en
inc puis
mise en lib.
Maintain en
inc jusqu à la
fin de la peine
Maintain en
inc. peine
inachevée*
Quarte ans ou moins
58
58
60
38
43
25
49
20
De quatre à six ans
21
18
20
25
21
30
24
27
Plus de six ans
27
24
20
37
36
45
27
53
Nombre de cas
10,624
6,207
5,654
1,115
198
131
533
253

Le tableau 4 indique le type d'infraction à l'origine de la peine. Les délinquants faisant l'objet d'un renvoi étaient plus susceptibles d'avoir été condamnés pour une infraction sexuelle (59 %) que les autres délinquants (19 % ou moins). Ceux ayant fait l'objet d'un renvoi mais qui avaient été mis en liberté étaient moins susceptibles d'avoir commis une infraction sexuelle que les délinquants maintenus en incarcération (44 % contre 60 %).

Tableau 4

Délinquantes ayant été condamnés au moins une fois antériuerement (%)
Type de mise en liberté
Distribution des cas de renvoi
Type d'infraction
LCT
LO et
autre
LO
seul.
Renvoi
Renvoi et
mise en lib.
Maintain en
inc puis
mise en lib.
Maintain en
inc jusqu à la
fin de la peine
Maintain en
inc. peine
inachevée*
infr. sexuelle
10
10
19
59
44
60
62
64
Voies de fait
13
24
28
42
45
38
42
41
Vol qualifié
24
42
38
22
25
24
18
24
Homicide invol.
5
3
3
9
8
12
9
7
Autre
9
12
10
6
9
5
5
4
Drogue
28
13
11
3
4
5
1
4
Nombre de cas
10,624
6,207
5,654
1,115
198
131
533
253

Environ 25 % des délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office s'étaient rendus coupables de voies de fait. C'était le cas de 42 % des délinquants faisant l'objet d'un renvoi et de 42 % également des délinquants maintenus en incarcération.

Les délinquants condamnés pour vol qualifié ou infraction en matière de drogue étaient moins susceptibles de faire l'objet d'un renvoi. Environ 40 % des délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office avaient été condamnés pour vol qualifié, contre seulement 22 % des délinquants faisant l'objet d'un renvoi. Enfin, alors qu'environ 12 % des délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office purgeaient des peines imposées pour des infractions en matière de drogue, ce n'était le cas que de 3 % des délinquants faisant l'objet d'un renvoi. Il faut toutefois se souvenir qu'on ne peut maintenir en incarcération que les délinquants dont on a des motifs de croire qu'ils commettront une infraction grave en matière de drogue après leur mise en liberté. Or, beaucoup de délinquants condamnés pour infraction en matière de drogue ne répondent pas à ce critère.

Écarts entre les régions

Le graphique 2 présente pour chaque région le rapport entre le nombre de renvois et le nombre de délinquants admissibles à la libération d'office. On constate que la proportion de cas faisant l'objet d'un renvoi s'accroît dans toutes les régions. C'est au Québec que l'augmentation a été la plus faible; 6 % seulement des délinquants admissibles à la libération d'office y font l'objet d'un renvoi. Dans la plupart des autres régions, la proportion est passée d'environ
5 % en 1989-1990 à plus de 15 % en 1993-1994.

Graphique 2
Graphique 2

Délinquants autochtones

Au cours des cinq années couvertes par l'étude, environ 25 % des délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi en vue d'un examen de maintien en incarcération étaient des Autochtones. Étant donné que les délinquants autochtones ne constituent qu'environ 11 % de la population carcérale, ils semblent surreprésentés dans le groupe des renvois. D'autres analyses seront nécessaires pour déterminer les raisons de cet écart.

Écarts selon le sexe

Au cours des cinq années visées, 10 délinquantes seulement ont fait l'objet d'un renvoi. La proportion de cas de renvois par rapport aux mises en liberté n'a été que de 1,6 % chez les délinquantes durant cette période, au lieu de 4,8 % chez les délinquants. Cinq des 10 délinquantes ayant fait l'objet d'un renvoi ont été maintenues en incarcération jusqu'à la fin de leur peine. Pour les autres catégories de cas de renvoi, les chiffres sont trop faibles pour qu'il vaille la peine de les mentionner.

Réincarcération

La réincarcération d'un délinquant peut être le résultat de la révocation de la liberté sous condition ou de la perpétration d'une nouvelle infraction, ou d'une combinaison de ces deux causes. La liberté sous condition ne peut être révoquée que durant une période de surveillance dans la collectivité avant l'expiration de la peine.

Le graphique 3 indique la proportion de délinquants réincarcérés dans les deux ans suivant leur mise en liberté. Trois groupes (les délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi mais mis en liberté, ceux maintenus en incarcération puis libérés et ceux mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office) présentent des taux de réincarcération relativement proches, se situant entre 43 % et 49 %. Pour le groupe des délinquants ayant bénéficié de la libération conditionnelle totale, le taux de réincarcération est nettement plus faible, soit environ 24 %. Il semble donc que les délinquants qui font l'objet d'un renvoi mais qui sont mis en liberté et les délinquants maintenus en incarcération puis libérés sont aussi susceptibles d'être réincarcérés dans un établissement fédéral que ceux mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office. Si les délinquants faisant l'objet d'un renvoi étaient réellement ceux qui présentaient le risque le plus élevé, on pourrait s'attendre à ce que leur taux de réincarcération soit supérieur à celui des libérés d'office.

Graphique 3
Graphique 3

Nouvelle infraction

Les nouvelles condamnations entraînant l'incarcération dans un établissement fédéral ont également été utilisées pour mesurer la récidive. On a suivi les délinquants pendant 24 mois après leur mise en liberté afin de déterminer s'ils avaient été reconnus coupables d'une nouvelle infraction.

Le graphique 4 indique la période écoulée avant une nouvelle condamnation6 pour les six groupes suivis pendant deux ans après la mise en liberté. Parmi les délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office, environ 35 % ont été condamnés pour une nouvelle infraction. Cela a été le cas d'à peu près 28 % des délinquants faisant l'objet d'un renvoi mais qui avaient été libérés, et de moins de 20 % des délinquants ayant été maintenus en incarcération. Ce denier taux était inférieur à celui enregistré pour les délinquants ayant bénéficié d'une libération conditionnelle totale.

Graphique 4
Graphique 4

Au total, les délinquants les plus susceptibles d'être reconnus coupables d'une nouvelle infraction dans les deux années suivant leur mise en liberté étaient ceux mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office sans avoir fait l'objet d'un renvoi. Les délinquants maintenus en incarcération avaient une probabilité égale ou inférieure à celle des délinquants mis en liberté conditionnelle totale d'être condamnés pour une nouvelle infraction.

Analyse

Le nombre et le taux de renvois et de maintien en incarcération sont allés en augmentant, mais il n'est pas certain que selon le processus de sélection actuel ces mesures frappent les délinquants présentant le risque le plus élevé.

Il ressort de l'étude que les délinquants faisant l'objet d'un renvoi en vue d'un examen de maintien en incarcération sont plus susceptibles de purger des peines de longue durée, mais qu'ils ont de moins lourds antécédents d'activité criminelle. Ils sont plus susceptibles d'avoir été reconnus coupables d'une infraction sexuelle ou de voies de fait. Par rapport aux délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office, les délinquants maintenus en incarcération jusqu'à la fin de leur peine ont à leur actif un nombre moindre de condamnations antérieures à des peines de ressort fédéral; ils sont plus susceptibles de purger une peine de quatre ans ou moins et d'avoir été reconnus coupables d'une infraction sexuelle ou de voies de fait.

Les résultats obtenus en ce qui concerne la récidive semblent confirmer que les délinquants maintenus en incarcération ne sont pas ceux qui présentent le risque le plus élevé. Pour ce qui est du taux de réincarcération, il est presque identique chez les délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi et chez ceux mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office.

Quant aux nouvelles infractions, les résultats indiquent que les délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office sont plus susceptibles d'être reconnus coupables d'une nouvelle infraction que les délinquants ayant fait l'objet d'un renvoi. En fait, les délinquants ayant été maintenus en incarcération semblent commettre de nouvelles infractions à peu près dans la même proportion que les délinquants bénéficiant d'une libération conditionnelle totale. On serait tenté de croire que la réduction de la récidive est imputable à la plus longue durée de l'emprisonnement, liée au maintien en incarcération, mais d'autres recherches7 ont montré qu'il n'en est rien.

En prévoyant le maintien en incarcération dans laLoi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, le législateur visait à mieux assurer la sécurité de la population. On pourrait arguer que cet objectif est atteint : certains délinquants sont maintenus en incarcération pour une certaine période, de 415 jours en moyenne, et il est probable que 16 % d'entre eux auraient commis une nouvelle infraction dans les deux années suivant leur mise en liberté s'ils avaient été dans la collectivité. Toutefois, environ 35 % des délinquants mis en liberté à la date prévue pour leur libération d'office commettent une nouvelle infraction dans les deux ans suivant leur mise en liberté, et 18 % commettent une infraction avec violence ou une infraction en matière de drogue. Il semble donc que le processus de sélection des cas de maintien en incarcération n'a pas permis de repérer les délinquants présentant le risque le plus élevé.

Afin d'assurer la protection de la population, il est certes nécessaire, dans des cas exceptionnels, de maintenir des délinquants en incarcération au-delà de la date prévue pour leur libération d'office. Cependant, des études plus approfondies s'imposent afin de bien repérer les délinquants pour qui le maintien en incarcération se justifie, et de limiter à un petit nombre l'application de cette mesure. D'autres pourraient affirmer qu'il est impossible de prévoir mieux qu'on ne le fait actuellement qui est le plus susceptible de commettre une infraction grave, vu les caractéristiques indicatrices d'un risque élevé que présentent les délinquants restant incarcérés jusqu'à la date prévue pour leur libération d'office. Si tel est le cas, le maintien en incarcération pourrait bien être inefficace, sauf dans les cas les plus graves.


1. 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. Des dispositions relatives au maintien en incarcération ont été adoptées en 1986.

3. MOTIUK, L.L., BELCOURT, R.L et BONTA, J.,La gestion des délinquants à risque élevé : suivi après le maintien en incarcération, Rapport de recherche R-39, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1995.

4. Les infractions avec violence sont énumérées à l'annexe I de la Loi, et les infractions en matière de drogue, à l'annexe II. Ces annexes à la Loi sont de simples listes d'infractions.

5. On trouvera des précisions et des analyses plus détaillées dans GRANT, B.A.,Les délinquants dont le cas est renvoyé en vue d'un examen de maintien en incarcération (1989-1990 à 1993-1994) - Analyse comparative, Rapport de recherche R-45, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1996.

6. La date de détermination de la peine a été utilisée comme approximation de la date de la condamnation, celle-ci n'étant pas fournie par la base de données.

7. MOTIUK, BELCOURT et BONTA,La gestion des délinquants à risque élevé : suivi après le maintien en incarcération.