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Profil des délinquants sous responsabilité fédérale en liberté sous condition

Le Service correctionnel du Canada doit déterminer de quelle façon il peut le mieux répondre aux besoins particuliers des délinquants sous surveillance communautaire et au risque qu'ils présentent. Dans les années 1980, plusieurs organismes correctionnels avaient tendance à mettre tous les délinquants dans le même sac et, par conséquent, ils faisaient très peu de distinctions fondées sur le sexe ou les besoins criminogènes. Ils prenaient plutôt une approche globale pour dispenser les services correctionnels. Cet article a l'intention de sensibiliser le lecteur aux différentes caractéristiques des délinquants en liberté sous condition (sexe, endroit, forme de mise en liberté, phase, âge, facteurs de risque dynamiques) et de décrire jusqu'où le système correctionnel fédéral est allé pour différencier cette population.

Facteurs de risque statiques et dynamiques

Distinguer les facteurs de risque dynamiques des facteurs de risque statiques n'est pas chose facile pour prédire la criminalité. Bien que certains professionnels correctionnels pensent encore que les délinquants ne changeront pas -- «criminel un jour, criminel toujours» -- un plus grand nombre croit en la réadaptation, c'est-à-dire que les délinquants peuvent apprendre comment vivre en étant des citoyens respectueux des lois. L'hypothèse à l'origine de la réadaptation est que si quelqu'un identifie correctement les facteurs de risque statiques et dynamiques et aide les délinquants en conséquence, ces derniers peuvent donc devenir plus respectueux des lois.

On ne peut pas faire grand chose pour changer des facteurs de risque statiques comme les antécédents criminels. Toutefois, ces variables ont un pouvoir considérable de prévision, surtout en ce qui a trait au nombre et à la diversité des condamnations criminelles et aux abus de confiance.

Les facteurs de risque dynamiques se rapportent aux besoins criminogènes ou aux besoins en général du délinquant et qui reflètent des changements chez un individu2. Ceci est un élément essentiel non seulement pour l'évaluation du risque et des besoins du délinquant mais aussi pour la gestion du risque, car c'est là que l'intervention entre en ligne de compte. Le but est de réduire la probabilité d'un avenir criminel en visant ces facteurs efficacement et en intervenant de façon appropriée.

Dans les années 1980, la communauté correctionnelle était divisée sur la signification relative des facteurs de risque statiques et dynamiques. Pour certains, les facteurs statiques étaient très prédictifs et, selon eux, les décisions relatives à une mise en liberté sous surveillance communautaire devraient être fondées sur ces facteurs. Cette approche est très problématique parce que la fréquence des contacts, le niveau de surveillance et la quantité de prestation de services ne peuvent pas varier si les délinquants ne changent pas. De plus, une méthode d'évaluation basée sur ces facteurs ne peut pas détecter ou évaluer les changements qui surviennent chez un délinquant. Les carences de cette approche ont abouti à un changement conceptuel face à un examen complet des besoins du délinquant en tant que sous-élément des facteurs de risque dynamiques, allouant ainsi une flexibilité dans la prestation des services.

Recherche antérieure

En 1988, on a demandé aux agents de liberté conditionnelle du Service correctionnel du Canada d'examiner leurs cas et de coter les délinquants en utilisant des facteurs de risque statiques selon une échelle croissante allant de «faible risque» à «risque élevé». Pour coter les délinquants, ils se sont fiés aux antécédents criminels, à l'Échelle d'information statistique sur la récidive3, aux décisions de la Commission nationale des libérations conditionnelle, à leur expérience globale avec les délinquants et à leur connaissance au sujet de chacun des délinquants.

Les agents de liberté conditionnelle ont pris une approche méthodique semblable pour évaluer les besoins des délinquants et atteindre une cotation globale de «faible», «moyen» ou «élevé» pour chacun des délinquants. Pour effectuer cette évaluation ils ont utilisé l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité4, qui évalue les besoins des délinquants selon 12 catégories distinctes, à savoir, la formation scolaire et professionnelle, l'emploi, la gestion du budget, les relations conjugales et familiales, les fréquentations, le logement, le comportement et la vie affective, la consommation d'alcool, la consommation de drogue, les aptitudes mentales, la santé et l'attitude générale.

Cet examen était important parce que cela voulait dire que les délinquants étaient évalués en fonction de vrais facteurs de risque dynamiques, c'est-à-dire, selon le principe que ces besoins doivent changer en cours de route. Toutefois, le risque statique demeure, plus précisément les antécédents criminels, et il ne change pas avec le temps.

Profil de la population

Nous devons faire une distinction importante entre les échantillons qui proviennent des libérés sous condition et les échantillons de délinquants nouvellement mis en liberté lorsque nous examinons les résultats des études portant sur la prévision du risque. Les échantillons de libérés sous condition proviennent de la totalité du groupe sous surveillance dans la collectivité alors que les échantillons de délinquants nouvellement libérés proviennent des délinquants libérés sous condition depuis peu de temps. On considère ce dernier groupe de délinquants comme présentant un risque beaucoup plus élevé de réincarcération que ceux qui sont dans la collectivité depuis plus longtemps.

Les différentes phases de la mise en liberté sous condition sont un concept important. Les six premiers mois après la mise en liberté sont souvent une période difficile pour les délinquants et les interventions et niveaux de surveillance devraient être ajustés en conséquence. La seconde phase, qui se situe entre 6 et 12 mois après la mise en liberté, est un peu moins difficile. Lorsqu'un délinquant est en liberté sous condition pour plus de 12 mois, il a beaucoup plus de chances de réussite à long terme. Il faut prendre en considération le lien qui existe entre la phase dans laquelle se trouve le libéré sous condition et son profil du risque et des besoins.

La question relative aux besoins des délinquants est contentieuse : Devons-nous évaluer les besoins des délinquants? Est-ce que les besoins ont une validité prédictive? Est-ce qu'une intervention liée à ces besoins va influencer la probabilité d'un avenir criminel?

Les recherches effectuées au début des années 1990 ont examiné la répartition des besoins identifiés, selon les 12 catégories de besoins cibles de l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité. Les agents de liberté conditionnelle ont évalué les délinquants pour chacun des facteurs selon un ordre croissant allant de «aucun problème pour une adaptation au sein de la collectivité» à «grand besoin d'amélioration». Le but des tests expérimentaux était d'en apprendre plus sur chacun des facteurs pour améliorer la gestion des cas sous surveillance. La recherche a révélé plusieurs liens entre des facteurs de risque spécifiques et la probabilité de suspension qui sont statistiquement significatifs.

En août 1995 et 1997, les Échelles d'évaluation du risque et des besoins disponibles dans la collectivité de la population carcérale sous responsabilité fédérale en liberté sous condition ont été extraites du Système de gestion des détenus.

Dans le passé, les hommes l'emportaient en grand nombre sur les femmes parmi la population correctionnelle, limitant ainsi les recherches dans ce domaine et, il était très difficile de généraliser ou de tirer des conclusions au sujet des délinquantes. La proportion actuelle de femmes sous surveillance dans la collectivité représente un échantillon suffisamment important pour être étudié (297 ou 3,9 %).

Endroit

Le Service correctionnel du Canada dessert cinq régions : l'Atlantique, le Québec, l'Ontario, les Prairies et le Pacifique (voir le Tableau 1). Les délinquantes des régions de l'Ontario (45,1 %) et des Prairies (29,3 %) sont très bien représentées au sein du groupe des libérées sous condition. Les délinquants du Québec (31,4 %) et de l'Ontario (24 %) sont également très bien représentés au sein de la population sous surveillance communautaire.

Tableau 1

Répartition régionale des délinquants en liberté sous condition
 
Année
Hommes
Femmes
Atlantique 1995
776(13,0%)
26 (12,9%)
  1997
800(11,0%)
27(9,1%)
Québec 1995
1,897(31,8%)
20(9,9%)
  1997
2,286(31,4%)
32(10,8%)
Ontario 1995
1,524(25,5%)
91(45,0%)
  1997
1,748(24,0%)
134(45,1%)
Prairies 1995
1,029(17,2%)
47(29,3%)
  1997
1,593(21,9%)
87(29,3%)
Pacifique 1995
741(12,4%)
18(8,9%)
  1997
859(11,8%)
17(5,7%)
Total 1995
5,967(96,7% du total)
202(3,3% du total)
  1997
7,286(96,1% du total)
297(3,9% du total)
Remarque: En date du 31 août 1995 et 1997

Régimes de mise en liberté

Il y a trois grands régimes de mise en liberté sous condition : la semi-liberté, la libération conditionnelle totale et la libération d'office (voir le Tableau 2). Les délinquantes tout comme les délinquants en liberté conditionnelle sont plus susceptibles d'être en liberté conditionnelle totale (77,8 % et 56,5 % respectivement). Toutefois, les délinquants en libération d'office (32,6 %) sont également très bien représentés.

Tableau 2

Répartition des régimes de mise en liberté pour les libérés sous condition
 
Année
Hommes
Femmes
Semi-liberté 1995
804(13,5%)
32 (15,1%)
  1997
795(10,9%)
36(12,1%)
Lib, cond, totale 1995
3 750 (62,8%)
152(75,2%)
  1997
4 114(56,5%)
231(77,8%)
Libération d'office 1995
1 413(23,7%)
18(8,9%)
  1997
2 376(32,6%)
30(10,1%)
Remarque: En date du 31 août 1995 et 1997

Les étapes

Si l'agent de liberté conditionnelle savait à quelle étape de la mise en liberté sous condition se trouvent les délinquants, ces derniers pourraient réinsérer la collectivité plus facilement (voir le Tableau 3). Environ un tiers des délinquants sous responsabilité fédérale en liberté dans la collectivité y étaient pour moins de six mois. Ces derniers nécessitent souvent une surveillance beaucoup plus intensive.

Tableau 3

Étape de la répartion des mises en liberté pour
les liberté pour les libérés sous condition
Étape de la
mise en liberté
Année
Hommes
Femmes
0 à 6 mois 1995
1 519(25.5%)
53 (26.2%)
  1997
2 669(37.5%)
105(36.0%)
6 à 12 mois 1995
1 715(28.7%)
64(31.7%)
  1997
1 368(19.2%)
56(19.2%)
12 mois ou plus 1995
2 734(45.8%)
85(42.1%)
  1997
3 088(43.3%)
131(4.9%)
Remarque: En date du 31 août 1995 et 1997; Les chiffres peuvent varier
en raison de renseignements manquants

La plus grande partie du pourcentage de délinquants sous responsabilité fédérale en liberté sous condition était dans la collectivité pour 12 mois ou plus, une statistique qui peut être expliquée par le simple fait que le groupe de délinquants purgeant de plus longues peines ou des peines d'emprisonnement à perpétuité augmente avec le temps.

Démographie

L'âge est un important facteur pour le potentiel de réinsertion sociale du délinquant. La plupart des délinquants sous responsabilité fédérale qui sont en liberté dans la collectivité sont âgés entre 30 et 50 ans.

Il y a presque autant de délinquants sous responsabilité fédérale sous surveillance communautaire qui ont 50 ans et plus que de délinquants qui ont 30 ans ou moins. Une tendance qui a augmenté récemment vu que la population carcérale vieillit (voir le Tableau 4) tout comme le reste de la population au Canada. L'implication de cette répartition de l'âge pour la surveillance communautaire c'est que la population carcérale à l'avenir sera probablement composée d'un assez grand groupe de jeunes et d'un autre grand groupe de personnes plus âgées.

Tableau 4

Répartition de l'âge des libérés sous condition
Âge
Année
Hommes
Femmes
Moins de 30 ans 1995
1 519(25,5%)
53 (26,2%)
  1997
2 669(37,5%)
105(36,0%)
30 à 50 ans 1995
1 715(28,7%)
64(31,7%)
  1997
1 368(19,2%)
56(19,2%)
50 ans et plus 1995
2 734(45,8%)
85(42,1%)
  1997
3 088(43,3%)
131(4,9%)
Remarque: En date du 31 août 1995 et 1997
Facteurs de risque dynamiques

Pour examiner les changements dans les facteurs de risque dynamiques au cours des différentes étapes de la mise en liberté sous condition, nous avons subdivisé l'échantillon représentatif en trois groupes : 0 à 6 mois, 6 à 12 mois et 12 mois et plus (voir le Tableau 5). Nous avons trouvé des tendances intéressantes. En effet, les délinquants qui étaient en liberté depuis 12 mois ou plus avaient un niveau de besoins nettement inférieur à celui de la majorité des délinquants libérés depuis peu, et ce dans toutes les catégories.

Tableau 5

Facteurs de risque dynamiques selon les étapes de la mise en liberté (délinquantes et délinquants) 1997
 
Étapes de la mise en liberté sous condition (en mois)
Facteurs de risque dynamiques
0 à 6
6 à 12
12 et plus
P
Formation scolaire/ professionnelle Femmes(%)
79,4
71,4
51,5
***
  Hommes(%)
59,7
57,0
40,8
***
Emploi Femmes(%)
77,3
76,8
64,6
***
  Hommes(%)
70,0
67,6
55,2
***
Gestion du budget Femmes(%)
75,3
69,6
60,8
ns
  Hommes(%)
62,2
61,1
53,3
***
Relations conjugales et familiales Femmes(%)
60,8
64,3
55,4
ns
  Hommes(%)
50,0
47,0
38,2
***
Compagnons Femmes(%)
70,1
46,4
39,5
***
  Hommes(%)
58,9
53,0
37,3
***
Logement Femmes(%)
20,6
25,0
30,0
ns
  Hommes(%)
16,6
17,6
22,2
***
Comportement et vie affective Femmes(%)
83,5
82,1
63,1
***
  Hommes(%)
71,2
68,1
47,2
***
Consommation d'alcool Femmes(%)
23,7
17,9
10,8
*
  Hommes(%)
35,8
27,8
17,2
***
Consommation de drogue Femmes(%)
29,9
26,8
16,2
*
  Hommes(%)
38,8
31,1
18,3
***
Aptitudes mentales Femmes(%)
3,1
7,1
5,4
ns
  Hommes(%)
8,2
9,0
6,0
***
Santé Femmes(%)
20,6
26,8
43,3
**
  Hommes(%)
20,7
22,6
30,9
***
Attitude générale Femmes(%)
11,3
5,4
10,1
ns
  Hommes(%)
17,3
17,8
14,5
**
Remarque: ns non significant; *p<0,05, **p<0,01, ***p<0,001
Conclusion

Nous avons visiblement beaucoup plus de données sur les facteurs de risque dynamiques des délinquants en liberté sous condition que jamais auparavant. Ces renseignements nous indiquent avec qui nous avons affaire, où les délinquants se trouvent, qui sont-ils et quels sont leurs problèmes dans la collectivité. Notre nouveau défi est de trouver des stratégies pour identifier les facteurs de risque dynamiques qui ont une plus grand influence sur le comportement criminel ultérieur, et d'élaborer des interventions qui pourront répondre à ces facteurs principaux.


1. 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K0A 0P9

2. ANDREWS, D. A., BONTA, J. et HOGE, R. D., «Classification for effective rehabilitation: Rediscovering psychology», Criminal Justice and Behavior, Vol. 17, 1990, p. 19­52.

3. NUFFIELD, J., La libération conditionnelle au Canada : Recherches en vue d'une normalisation des décisions, Ottawa, Ministère du Solliciteur général Canada, 1982.

4. MOTIUK, L. L. et PORPORINO, F. J., Essai pratique de l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité : une étude des libérés sous condition, Rapport R-06, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1989. Et voir MOTIUK, L. L., «L'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité : un outil de surveillance efficace», Forum, Recherche sur l'actualité correctionnelle, Vol. 9, no 1, 1997, p. 8­12.