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Taux de récidive pour les libérés conditionnels et les autres délinquants mis en liberté : Une comparaison sur cinq ans

En Ontario, les décisions de libération conditionnelle pour les délinquants sous responsabilité provinciale (ceux qui purgent une peine de moins de deux ans) incombent à la Commission ontarienne des libérations conditionnelles (COLC). «Est-ce que la libération conditionnelle fonctionne?» est l'une des questions que l'on pose le plus souvent à la Commission. Cette question a été posée par des étudiants qui préparent des mémoires, par des journalistes qui rédigent des articles et par des comités permanents qui présentent leur rapport à l'assemblée. C'est une question importante. Elle soulève le point quant à savoir si la libération conditionnelle est un programme correctionnel valable pour promouvoir la réinsertion sociale du délinquant et la protection du public en Ontario.

Au cours des années, la COLC a utilisé divers types de données pour évaluer la réussite de ses prises de décision. Les statistiques sur la révocation de la liberté conditionnelle ont été publiées régulièrement en tant qu'indice du taux de réussite; plus le taux de révocation est faible, plus le taux de réussite est élevé pour les libérés conditionnels. La difficulté avec ceci c'est que les taux de révocation ont peut-être un lien avec le niveau de tolérance des surveillants de liberté conditionnelle pour les différentes formes de violation des conditions ou encore l'empressement de la Commission à révoquer la liberté conditionnelle à cause du comportement actuel des libérés conditionnels.

On peut prétexter qu'une évaluation plus objective du taux de réussite soit celle qui tient compte des nouvelles infractions. En 1994­1995, la COLC a commencé à surveiller les cas dont la liberté conditionnelle a été suspendue en raison d'une récidive grave. Depuis 1995­1996, la COLC possède également des renseignements sur la récidive liée à la révocation, peu importe la gravité de l'infraction. Ces évaluations du taux de réussite des libérations conditionnelles présentent deux problèmes :

  1. Les libérés conditionnels sont surveillés seulement pendant la période de libération conditionnelle. Pour les libérés conditionnels sous responsabilité provinciale en Ontario, cela veut dire de 3 à 16 mois, avec une période moyenne de surveillance de 6 à 8 mois.
  2. Il n'y a aucune comparaison avec les délinquants qui ne sont pas en libération conditionnelle.

Pour les besoins de notre étude, un échantillon de libérés conditionnels et un échantillon de détenus mis en liberté à la fin de leur peine ont été observés durant une période de deux ans après leur mise en liberté pour la perpétration de nouvelles infractions. Pour cette étude, «la fin de la peine» est définie comme étant les deux-tiers de la peine. C'est le moment où la plupart des délinquants sous responsabilité provinciale, pour lesquels la libération conditionnelle n'a pas été accordée, sont mis en liberté sans surveillance ou obligation de se présenter et jugés d'avoir rempli les conditions de leur peine. Les échantillons ont été sélectionnés à partir d'un exercice quinquennal pour permettre l'examen de la relation qui existe entre les niveaux de récidive et les taux d'octroi de la libération conditionnelle.

Méthodologie

Nous avons sélectionné les échantillons de libérés conditionnels et des autres délinquants mis en liberté (à savoir tout détenu qui n'est pas mis en liberté conditionnelle, soit parce que la libération conditionnelle a été refusée ou parce que la COLC n'a jamais envisagé une libération conditionnelle pour le délinquant) à partir de la base de données du Système de gestion des délinquants du Ministère du Solliciteur général et services correctionnels pour chacune des années de l'exercice quinquennal qui a commencé en 1991­1992. Nous avons utilisé les critères suivants :

  • Les délinquants avec une peine totale de moins de 91 jours ou de plus de 729 jours ont été exclus; excluant ainsi les peines discontinues et les cas sous responsabilité fédérale.
  • Les délinquants en attente d'une probation ont été exclus; excluant ainsi les délinquants mis en liberté sous surveillance communautaire et les libérés conditionnels avec n'importe quelle forme de surveillance communautaire autre que la libération conditionnelle.
  • Les délinquants mis en liberté conditionnelle et dont cette dernière a été révoquée ont été exclus du groupe des autres délinquants mis en liberté.

La période de suivi pour les deux groupes de délinquants était de deux ans après la mise en liberté.

«Nouvelle infraction» sous-entendait toute admission selon un mandat de dépôt, un mandat de détention préventive, une ordonnance de probation ou une amende au sein du système correctionnel de l'Ontario durant la période de deux ans après la mise en liberté. Certaines admissions durant la période de suivi pouvaient découler d'infractions qui ont été commises avant la période à l'étude, mais nous avons supposé que ceci serait semblable pour les deux groupes.

Les résultats

Pour chacune des cinq années financières consécutives à l'étude, une proportion considérablement plus faible de libérés conditionnels a été réincarcérée au cours de la période de suivi de deux ans pour de nouvelles infractions comparativement aux autres délinquants mis en liberté (voir le Tableau 1). En fait, pour les échantillons de 1995­1996, les libérés conditionnels ont récidivé à environ 40 % du taux des délinquants qui ont purgé leur peine en établissement et qui ont été mis en liberté à la date normale d'élargissement (23,2 % contre 57,4 %).

Tableau 1

Réincarcération pour de nouvelles infractions

 

Libérés conditionnels

Autres délinquants mis en liberté

Nombre de
réincarcération

Échantillion
réincarcération

% de
réincarcération

Nombre de
réincarcération

Échantillion
réincarcération

% de
réincarcération

1991-1992

405

1 301

31,1

2 030

3 372

60,2

1992-1993

473

1 495

31,6

1 971

3 383

58,3

1993-1994

520

1 701

30,6

1 802

3 194

56,4

1994-1995

338

1 291

26,2

1 838

3 237

56,8

1995-1996

208

897

23,2

1 852

3 226

57,4

Au cours de la période de cinq ans, le taux de récidive a chuté de 8 % (31,1 % à 23,2 %), pour le groupe des libérés conditionnels alors que celui pour les autres délinquants mis en liberté a baissé de 3 % (60,2 % à 57,4 %). On note des différences plus marquées entre les deux groupes au cours des trois derniers exercices : le taux de récidive pour les libérés conditionnels a chuté de plus de 7 % (30,6 % à 23,2 %) alors que le taux a augmenté de 1 % pour l'autre groupe (56,4 % à 57,4 %).

Nous avons examiné les taux d'octroi de la COLC pour chacun des cinq exercices pour déterminer s'il y a un lien entre les taux de récidive et les taux d'octroi de libération conditionnelle (voir le Tableau 2). Le pourcentage du taux d'octroi a fluctué au cours de cette période de cinq ans. En 1993­1994, il a enregistré une hausse pour ensuite chuter considérablement en 1994­1995 et 1995­1996. Nous avons remarqué une autre tendance : le nombre de délinquants admissibles à la libération conditionnelle a baissé au cours des cinq exercices; moins de détenus purgeant de courtes peines ont fait une demande de libération conditionnelle et plus de détenus purgeant une peine de longue durée ont renoncé au droit d'une audience de libération conditionnelle. Conséquemment, en 1991­1992, la COLC a examiné 6 599 demandes de libération conditionnelle comparativement à seulement 4 404 pour 1995­1996. La baisse du nombre de candidats et la baisse du taux d'octroi ont généré ensemble une réduction nette de 45 % des octrois de libération conditionnelle entre 1991­1992 et 1995­1996 (de 3 400 à 1 868).

Tableau 2

Octrols de la libération conditonnelle
libération
conditionnelle
Octrols de
de libération
conditionnelle
Demandes
d'octrol
Taux
1991-1992
3 400
6 599
51,5
1992-1993
3 427
6 506
52,7
1993-1994
3 833
6 477
59,2
1994-1995
2 748
5 602
49,1
1995-1996
1 868
4 404
42,4

Lorsque l'on compare les chiffres du Tableau 2 avec les taux de réincarcération du Tableau 1, on peut faire quelques commentaires. La hausse du taux d'octroi, qui est passé de 52,7 % en 1992­1993 à 59,2 % en 1993­1994, ne semble pas être liée à un changement du taux de récidive des libérés conditionnels (31,6 % en 1992­1993 et 30,6 % en 1993­1994). Toutefois, en 1994­1995, lorsque le taux d'octroi est passé à 49,1 %, le taux de récidive des libérés conditionnels a également subi une baisse en passant de 30,6 % à 26,2 % et, en 1995­1996, lorsque le taux d'octroi a chuté à 42,4 %, le taux de récidive des libérés conditionnels a encore baissé pour atteindre 23,2 %. Bien que les taux de récidive pour les autres délinquants mis en liberté ont légèrement fluctué, ils ne semblent pas être liés aussi nettement aux changements dans les taux d'octroi de la libération conditionnelle.

Conclusions

Dans cette analyse, les statistiques obtenues par l'intermédiaire de la base de données du système correctionnel provincial indiquent que les libérés conditionnels sont beaucoup moins susceptibles de perpétrer de nouvelles infractions que les détenus qui sont mis en liberté après avoir purgé leur peine en établissement sur une période de deux ans après la mise en liberté. Ceci est vrai pour tous les délinquants des deux groupes d'échantillon sélectionnés à partir de cinq exercices consécutifs.

Ce que cette étude ne révèle pas ce sont les raisons pour lesquelles les libérés conditionnels et les autres délinquants mis en liberté sont différents dans ce domaine. Une étude basée sur les dossiers des délinquants est nécessaire pour déterminer :

  • jusqu'à quel point la COLC fait la distinction entre les délinquants qui sont peu susceptibles de récidiver et ceux qui le sont;
  • l'effet de la surveillance communautaire sur la récidive.

Si nous voulons apprendre à réduire le risque que posent, à long terme, les délinquants pour la sécurité du public, nous devons comprendre ces facteurs et leurs relations avec les différences dans les taux de récidive des libérés conditionnels et des autres délinquants mis en liberté.

Cette analyse a permis de comparer les taux d'octroi aux taux de récidive. Nous supposions qu'un faible taux d'octroi pouvait conduire à la mise en liberté de délinquants qui présentaient un plus faible risque et qui étaient moins susceptibles de récidiver. Nous nous attendions également à ce qu'un taux d'octroi plus élevé serait associé avec un taux élevé de récidive -- donc mettre en danger la sécurité du public.

Cette analyse a également démontré que, lorsque les taux d'octroi ont augmenté en 1993­1994, le taux de récidive pour les libérés conditionnels ne semblait pas subir de hausse. Toutefois, lorsque le taux d'octroi a nettement chuté au cours des deux dernières années à l'étude, le taux de récidive des libérés conditionnels a également baissé. Au fur et à mesure que les données de suivi sur la récidive deviendront disponibles, il sera intéressant de voir si le lien entre les taux d'octroi et les taux de récidive demeure le même, étant donné qu'en 1996­1997, par exemple, le taux d'octroi a chuté jusqu'à 35,1 %.

Si l'on retourne à notre question «Est-ce que la libération conditionnelle fonctionne?», notre analyse donne à penser qu'elle fonctionne, même si nous ne savons pas encore pourquoi. Les résultats de cette analyse indiquent également que nous devrions aussi nous inquiéter du risque que présentent les délinquants qui ne sont pas mis en libération conditionnelle. Ces délinquants présentent un plus grand risque pour la collectivité, en ce sens que leur taux de récidive sont beaucoup plus élevés que ceux des libérés conditionnels.


1. 2195, rue Yonge, Pièce 201, Toronto (Ontario).