Service correctionnel du Canada
Symbole du gouvernement du Canada

Liens de la barre de menu commune

FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Avertissement Cette page Web a été archivée dans le Web.

Former un lien entre les services de traitement de l'établissement et les services de traitement communautaires

Le Service correctionnel du Canada a de plus en plus recours de façon systématique à des programmes dans la collectivité. Même s'il passe des contrats avec des psychologues depuis les années 1970, il fait de plus en plus d'efforts pour offrir également des programmes de base dans la collectivité. Nul doute que cela témoigne de l'enthousiasme pour la réinsertion sociale qui est aujourd'hui répandu dans le système correctionnel au Canada. Toutefois, ces efforts tiennent aussi probablement au fait que les programmes dans la collectivité offrent de plus grandes possibilités aux délinquants de mettre en application ce qu'ils viennent d'apprendre que dans le milieu carcéral.

Reconnaissance des programmes en établissement

Même si le nombre de programmes dans la collectivité a augmenté de façon considérable et qu'on leur accorde beaucoup d'attention, il importe de reconnaître que ce n'est pas d'hier que datent les programmes en établissement qui permettent de donner des services aux délinquants. Au fur et à mesure que le Service cherche davantage à recourir à un personnel situé dans la collectivité pour offrir des programmes de réadaptation, il est de plus en plus nécessaire d'établir un lien qui permette d'intégrer les programmes en établissement aux programmes dans la collectivité. Cela est particulièrement vrai lorsqu'on voit que bon nombre de programmes communautaires sont fondés sur le fait que certains domaines font déjà partie des programmes qu'il faut suivre préalablement en établissement. Par exemple, le succès du programme de renforcement des aptitudes cognitives, récemment adopté, tient au fait que les délinquants ont mené à bien le programme de développement d'aptitudes cognitives pendant leur incarcération, bien que ce programme puisse également être exécuté dans la collectivité.

Le traitement pour la prévention de la rechute chez les délinquants sexuels est un autre exemple de programme dans la collectivité qui est étroitement liés au travail effectué dans les établissements. Cette prévention consiste en deux éléments : la gestion interne et la surveillance à l'extérieur3. Il est important de se rappeler que le modèle de prévention de la rechute peut s'appliquer à beaucoup de besoins liés à des facteurs criminogènes (p. ex., infractions sexuelles, consommation de drogues et d'alcool, jeux d'argent et autres comportements compulsifs), et que certains aspects de sa structure peuvent donc s'étendre à un certain nombre de programmes offerts aux délinquants sous la surveillance du Service.

La gestion interne consiste en l'acquisition de connaissances, c'est-à-dire apprendre des concepts et une terminologie de base, et s'attaquer à des attitudes comme le déni de la réalité et la minimisation. Ceux qui travaillent auprès des délinquants sexuels savent très bien que le traitement qui correspond à la phase de gestion interne de la prévention de la rechute s'applique mieux en établissement où les délinquants peuvent consacrer beaucoup de temps et d'effort à en assimiler le contenu et la façon dont il est lié à leur situation personnelle. À cette fin, les programmes de traitement des délinquants sexuels en établissement sont intensifs, ce qui signifie que les délinquants participent généralement à des traitements en groupe et individuels pendant plusieurs heures par jour pendant des mois. Manifestement, il ne serait pas conseillé de diriger des délinquants vers des programmes de cette intensité dans la collectivité.

La surveillance à l'extérieur consiste essentiellement dans la réintégration du délinquant sous surveillance dans la collectivité. C'est là qu'ils peuvent mettre en pratique les compétences qu'ils ont acquises en suivant le programme de traitement intensif en établissement. Une collaboration entre le personnel de la gestion des cas et le personnel préposé au traitement est l'un des éléments importants de cette surveillance. Le personnel du bureau de district central de l'Ontario4 ont révélé des résultats récents qui montrent nettement que cette collaboration réduit sensiblement la récidive sexuelle chez les délinquants en liberté conditionnelle. Nous pensons que cette constatation peut être étendue à d'autres groupes de délinquants.

Former un lien

Il est important que le personnel de l'établissement et celui qui oeuvre dans la collectivité collaborent pour mieux répondre aux besoins des délinquants et atteindre à la fois les buts de la réinsertion sociale et de la surveillance à l'extérieur. Des relations interactives particulièrement étroites ne sont peut-être pas très réalistes, mais le personnel préposé au traitement pourrait garder certaines choses présentes à l'esprit lorsqu'il traite des délinquants en milieu carcéral. À partir de cela, nous avons élaboré la «liste de souhaits » qui suit. Elle comporte des questions et des variables qu'il est important pour le personnel de l'établissement, croyons-nous, de faire comprendre aux délinquants avant leur mise en liberté. Nous espérons que ceux-ci, comprenant ces questions, pourront bénéficier d'une transition facile vers la collectivité. Un effet secondaire avantageux, bien sûr, sera que le travail du personnel préposé au traitement dans la collectivité en sera grandement facilité.

Nous avons déterminé cinq domaines dans lesquels les délinquants ont besoin de préparation avant leur retour dans la collectivité :

  1. la collectivité;
  2. les programmes et le traitement;
  3. la famille;
  4. l'emploi;
  5. les loisirs.

La collectivité. La collectivité a souvent beaucoup de mal à accepter les délinquants sexuels après qu'ils aient purgé leur peine; l'attention récemment portée par les médias à cette question n'en est qu'une indication. Toutefois, tous les membres de la collectivité -- simples citoyens, victimes, familles, délinquants, médias et personnel correctionnel -- ont un intérêt à ce que la réinsertion du délinquant soit réussie. Il faut préparer les délinquants à leur retour dans la collectivité. Le personnel de l'établissement peut les aider à comprendre qu'ils doivent se montrer de dignes membres de la collectivité. Les délinquants doivent accepter le fait que, après la mise en liberté, le risque est élevé au début; il ne diminue qu'après une certaine période d'adaptation. En outre, il importe de souligner qu'il leur faut être des membres responsables d'une équipe, et cela veut dire faire ce qu'attendent d'eux leurs surveillants dans la collectivité. L'équipe se compose en général du délinquant, du gestionnaire des cas, du personnel préposé au traitement et aux programmes et de quiconque a un intérêt personnel dans la réussite du délinquant dans la collectivité (p. ex., conjoint, parent, employeur). Fondamentalement, l'idée est de bien faire comprendre au délinquant que tous les membres de l'équipe ont le même but : réussir sa réinsertion.

Les programmes et le traitement. La Commission nationale des libérations conditionnelles s'attend à ce qu'il existe des programmes et des traitements pour presque tous les délinquants. Elle fait souvent des recommandations qui vont au-delà de celles qu'ont faites l'équipe de gestion des cas de l'établissement ou le personnel préposé au traitement et aux programmes. Il faut aider les délinquants à comprendre que de bonnes pratiques exigent un suivi approprié dans la collectivité des progrès accomplis grâce au traitement en établissement. Cela est particulièrement vrai dans le cas des délinquants sexuels, pour qui il faut invariablement poursuivre l'acquisition de compétences dans la collectivité, avec la collaboration du personnel préposé à la gestion des cas et au traitement. La meilleure façon d'échouer est de laisser croire un délinquant qu'il en a terminé avec le traitement à la fin du programme de l'établissement. Malheureusement, cela se produit dans un nombre surprenant de cas. Pour combattre ce problème, nous proposons que le personnel de l'établissement cherche à inculquer aux délinquants une ferme conviction dans la nécessité de programmes de maintien de l'acquis dans la collectivité. En outre, il devrait bien leur faire comprendre qu'ils doivent s'attendre à un suivi dans la collectivité.

La famille. La famille est importante pour les délinquants. Toutefois, beaucoup de délinquants sexuels, ayant commis une infraction envers leur famille, ont du mal à y retourner sans avoir des difficultés avec les victimes, la Société d'aide à l'enfance, la police et le Service. Les délinquants doivent comprendre que, s'ils ont eu le temps de réfléchir à certaines choses, leur famille ne l'a peut-être pas eu. Il en va ainsi des enfants qui ont été des victimes et qui n'ont probablement pas reçu de traitement. Le personnel de l'établissement serait bien avisé d'informer les délinquants qu'ils ne pourront peut-être pas voir leur famille tout de suite et, surtout les membres de la famille qui vivent à l'extérieur de la ville.

Certains délinquants doivent faire très attention à la façon d'aborder la réconciliation avec la famille. Cela peut être ardu si la Commission nationale des libérations conditionnelles a prescrit qu'il ne doit pas y avoir de contact entre un délinquant et certains membres de la famille. Par exemple, l'auteur d'actes incestueux peut être autorisé à avoir certains contacts avec certains d'entre eux, mais pas avec la victime. Ce qui peut être difficile si la victime vit dans la même maison que les autres membres de la famille. Les délinquants doivent comprendre les facteurs déterminants de la réconciliation, en particulier pour ce qui est de la compréhension et de l'empathie pour la victime.

L'emploi. Les emplois ne sont pas faciles à trouver, même pour ceux qui n'ont pas de casier judiciaire. Les délinquants doivent reconnaître que, même si nous nous attendons à ce qu'ils travaillent, nous les aiderons aussi à trouver du travail. Les ateliers CORCAN et d'autres organismes offrent de nombreux programmes. Cependant, tous les délinquants doivent comprendre que les exigences relatives aux programmes passent avant l'emploi. Mais nous leur donnerons toutes les chances possibles, y compris des rendez-vous le soir pour des groupes, des séances en tête-à-tête, etc.

Les loisirs. Les loisirs sont également importants; mais les délinquants doivent s'attendre à devoir faire accepter plusieurs de leurs loisirs par leur agent de gestion des cas. Cela touche tout particulièrement les personnes qu'ils aimeraient fréquenter et les destinations de voyage. Il faut clairement faire comprendre aux délinquants que la mise en liberté sous condition, spécialement la libération d'office ne veut pas dire la liberté d'aller où l'on veut sans surveillance. De plus, ils doivent comprendre que le temps de loisirs n'est que celui qui reste après que toutes les conditions de la libération conditionnelle ont été respectées.

Poursuite dans la collectivité des progrès accomplis grâce au traitement dans l'établissement

Assurément, les buts du traitement et des programmes ne sont pas abandonnés au moment où le délinquant quitte l'établissement. Les principes fondamentaux des programmes offerts au Service correctionnel du Canada soulignent la nécessité d'étendre à la collectivité l'acquisition des compétences entreprise en milieu carcéral. Deux éléments principaux du traitement, la gestion interne et la surveillance à l'extérieur, sont essentiels à la réinsertion de tout délinquant. Comme il comporte des périodes de surveillance dans la collectivité, le système correctionnel canadien est, en fait, basé sur sur un retour dans la société qui est facilité par lui.

Pour l'essentiel, le système a assez bien réussi à informer les délinquants des caractéristiques de la semi-liberté, de la libération conditionnelle totale, de la libération d'office, etc. Toutefois, nous ne faisons que commencer à faire de même pour ce qui est de nos attentes à l'égard des délinquants pendant une mise en liberté. Un élément important du travail nécessaire dans ce domaine pourrait être aisément accompli par l'adoption d'un protocole prélibératoire qui comprendrait des renseignements pour les délinquants sur la nécessité de poursuivre dans la collectivité les progrès accomplis grâce au traitement en milieu carcéral, et leur importance.


1. Directeur, Programme de suivi de la prévention des rechutes, 330, rue Keele, Toronto (Ontario) M6P 2K7.

2. 133 Princess Street, Suite 215, Kingston (Ontario) K7L 1A8.

3. PITHERS, W., «Relapse Prevention with Sexual Aggressors: A Method for Maintaining Therapeutic Gain and Enhancing External Supervision» dans MARSHALL, W., LAWS, D. et BARBAREE, H. (éd.), Handbook of Sexual Assault: Issues, Theories, and Treatment of the Offender, New York, NY, Plenum, 1990, p. 343­362

4. WILSON, R. J., STEWART, L., STIRPE, T.et BARRETT, M., Community Risk Management of Sex Offenders: Outcome of a Program Merging Treatment and Supervision, communication présentée à la 16th Annual Conference of the Association for the Treatment of Sexual Abusers, Arlington, VA, octobre 1997.