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Méta-analyse des résultats positifs obtenus dans le traitement des jeunes délinquants

et par Craig Dowden D.A. Andrews1
Département de psychologie, Université Carleton

Les principes des services individualisés, du risque, des besoins et de la réceptivité générale, dont la pertinence est reconnue sur les plans clinique et psychologique, reçoivent un appui très favorable des auteurs de plusieurs études méta-analytiques. Des méta-analyses plus récentes montrent que ces principes peuvent s’appliquer aux délinquantes2 et s’avèrent efficaces pour réduire la récidive générale3 et la récidive avec violence4. Notre étude examine en profondeur les principes des services individualisés, du risque, des besoins et de la réceptivité générale tels qu’ils s’appliquent aux jeunes délinquants (moins de 18 ans). En outre, des analyses complémentaires ont été effectuées sur les objectifs de traitement « plus prometteurs » et « moins prometteurs » décrits par Andrews et Bonta5. Les résultats de ces analyses montrent que la taille d’effet moyenne des traitements est plus importante lorsque les principes susmentionnés sont respectés. Ces résultats sont très éclairants pour les administrateurs correctionnels et le personnel de première ligne qui participent à l’exécution des programmes de traitement correctionnels conçus à l’intention des jeunes délinquants.

Plusieurs méta-analyses ont permis de constater l’efficacité de certains programmes de traitement correctionnels pour les jeunes délinquants6. Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen7 ont réalisé l’une des plus importantes études méta-analytiques dans laquelle étaient présentées les caractéristiques des programmes les plus efficaces pour les délinquants adultes et pour les jeunes délinquants. Ces chercheurs ont fait la preuve que les programmes qui souscrivent aux principes du risque, des besoins et de la réceptivité sont ceux qui permettent les réductions les plus marquées de la récidive. Toutefois, les principes du risque et des besoins n’ont pas fait l’objet de contrôles distincts pour toutes les études faisant partie de l’échantillon. C’est la raison pour laquelle notre méta-analyse portait sur un échantillon d’études plus vaste, à l’aide de nouvelles procédures de codage plus systématiques permettant d’évaluer l’importance des principes du risque, des besoins et de la réceptivité dans les traitements correctionnels offerts aux jeunes délinquants.

Méthodologie

Échantillon des études

Nous avons utilisé les deux échantillons d’études mentionnés par Andrews, Dowden et Gendreau8. Le premier échantillon (k = 131) comprenait les études sur les jeunes délinquants qu’avaient retenues Andrews, Zinger, Hoge, Bonta, Gendreau et Cullen pour leur méta-analyse. Le second (k = 98) se composait d’études supplémentaires recueillies par Andrews et al. à la suite de la publication de leur recherche en 1990 ainsi que des études rassemblées par Craig Dowden9.

Déroulement

Le manuel de codage utilisé pour notre recherche comprend des facteurs tirés directement de l’étude menée par Andrews et ses collègues, plusieurs facteurs proposés par Lipsey10 de même que des variables introduites par Dowden. Le coefficient d’objectivité a été établi en divisant le total des classifications approuvées par le total des classifications de codage. Le taux de concordance des quatre principales variables utilisées dans notre méta-analyse est de 100 % (tous les traitements, r = 1,00) et de 90 % pour chacune des variables restantes (risque, besoins et réceptivité, r = 79). Le coefficient de concordance s’établit à 76 % (r = 0,88) pour la variable « Genre de traitement », qui comporte quatre niveaux.

La taille de l’effet a été mesurée à l’aide du coefficient de corrélation produit-moment de Pearson et, plus particulièrement, du coefficient de corrélation phi qui peut être transformé d’emblée en indicateur binomial de la taille de l’effet11. Cet indicateur convertit le coefficient phi en une valeur qui exprime la simple différence entre les taux de récidive du groupe expérimental et ceux du groupe témoin. Ainsi, un coefficient de corrélation de 0,30 correspond à un taux de récidive de 35 % pour le groupe expérimental et de 65 % pour le groupe témoin.

Résultats généraux

La recherche a porté sur 229 évaluations de l’efficacité du traitement correctionnel provenant de 134 études primaires. La majorité de ces études (environ 84 %) font état d’échantillons composés principalement ou entièrement de délinquants de sexe masculin. Pour l’échantillon retenu, la taille d’effet moyenne s’établit à +0,09 et l’intervalle de confiance à 95 %, de +0,07 à +0,12. Ces résultats indiquent que les effets des interventions correctionnelles sont légèrement positifs. À l’aide de l’indicateur binomial de la taille de l’effet, nous avons pu établir que les résultats obtenus correspondent à un taux de récidive de 45,5 % chez le groupe étudié et de 54,5 % chez le groupe témoin. Une analyse complémentaire des données a révélé l’existence d’une variabilité considérable dans les tailles d’effet (de –0,43 à +0,83; écart-type = .21). Fait qui n’a rien d’étonnant, le genre d’intervention correctionnelle est en partie responsable de cette variabilité. En particulier, la taille d’effet moyenne des interventions fondées uniquement sur les sanctions pénales s’établit à –0,02 (n = 54) alors que celle des programmes individualisés, +0,13 (n = 175), est très différente, F(1 227) = 23,47, p<.001, Eta = 0,31.

Dans un contexte judiciaire, l’ajout de services individualisés est clairement associé à des réductions importantes des niveaux de récidive chez les jeunes délinquants. Toutefois, des analyses distinctes ont été réalisées sur les principes du risque, des besoins et de la Tableau 1 réceptivité afin de déterminer leur rapport avec une récidive moindre.

Tableau 1

Taille d’effet moyenne et nombre de traitements évalués pour déterminer
s’ils respectent les principes des services individualisés, du risque, des
besoins et de la réceptivité
Respect du principe
Variable
Non
Oui
Êt
Services individualisés
-0,02 (54)
0,13 (175)
0,31***
Risque
0,03 (61)
0,12 (168)
0,20**
Besoin criminogène Réceptivité générale :
-0,01 (126)
0,22 (103)
0,55***
Thérapie comportementale
0,04 (169)
0,24 (60)
0,42***
**p < 0,05; ***p < 0,001

Risque, besoins et réceptivité

Pour notre méta-analyse, le risque a été codé pour l’ensemble des échantillons et au sein de chacun d’entre eux. Il faut toutefois souligner quel’approche globale n’a été utilisée que dans les cas où l’étude primaire ne précisait pas le niveau de risque des clients. Dans l’approche globale, l’échantillon d’une étude a été codé à risque élevé lorsque la majorité des délinquants étudiés avaient déjà eu des démêlés officiels avec l’appareil judiciaire ou possédaient déjà un casier judiciaire à l’époque où l’étude a été réalisée.

Les résultats corroborent la pertinence du principe du risque dans la classification des cas. En particulier, les analyses révèlent que les interventions correctionnelles sont associées à une taille d’effet moyenne plus élevée chez les délinquants à risque élevé (+,12) que chez les délinquants à faible risque (+0,03), F(1 227) = 9,04, p<0,01 (Tableau 1).

La réceptivité générale a été codée de la même façon qu’Andrews et ses collègues l’avaient fait en 1990. Plus particulièrement, la réceptivité générale a été codée comme étant bonne lorsqu’il s’agissait d’un programme de thérapie comportementale ou lorsque plusieurs méthodes de traitement étaient utilisées conjointement, notamment l’apprentissage par observation, la pratique progressive, les jeux de rôle et plusieurs autres méthodes d’acquisition de compétences. Les résultats indiquent que, chez les jeunes délinquants, la taille d’effet moyenne des programmes de thérapie comportementale (+0,24; k = 60) est beaucoup plus importante (+0,24; k = 60) que celle des autres programmes (+0,04; k = 169), F(1 227) = 47,73, p<0,000 (voir le Tableau 1).

Les programmes entraient dans la catégorie des programmes qui respectent le principe des besoins lorsque la majorité des traitements offerts tentaient de répondre à des besoins criminogènes. Les programmes axés sur un nombre égal ou supérieur de besoins non criminogènes se voyaient attribuer un code de non-respect du principe des besoins.

Les programmes qui comportent des interventions axées sur le principe des besoins provoquent de plus fortes tailles d’effet moyennes (0,22; k = 103) que les programmes qui s’écartent de ce principe (-0,01; k = 126), F(1 227) = 98,52, p<0,000 (voir le Tableau 1).

Genre de traitement

Nous avons utilisé la nouvelle méthode proposée par Andrews, Dowden et Gendreau pour coder la variable « Genre de traitement ». On a tout simplement dénombré les principes du risque, des besoins et de la réceptivité qui étaient convenablement pris en compte dans le programme, et le codage a été effectué à l’aide des résultats de ce dénombrement. Il faut cependant souligner que les méthodes prévoyant des sanctions pénales étaient automatiquement placées dans la catégorie des services contre-indiqués.

Une analyse de la variance a révélé l’existence de différences importantes entre les différents niveaux de cette variable, F = 41,56 (n = 3 225), p<0,001, Eta = 0,60. Des comparaisons ultérieures à l’aide du facteur de correction Scheffe a démontré que la catégorie des services les plus prometteurs (0,28; k = 44) permettait d’obtenir une taille d’effet moyenne plus importante que chacune des autres catégories (p<0,05). En outre, la catégorie des services prometteurs (0,21; k = 44) était associée à une taille d’effet moyenne beaucoup plus élevée que les catégories des services peu prometteurs (0,08; k = 111) ou contre-indiqués (0,04; k = 30, p<0,05). Les catégories des services peu prometteurs et contre-indiqués étaient statistiquement indiscernables. Ces constatations démontrent que les principes des services individualisés, du risque, des besoins et de la réceptivité générale, dont la pertinence est reconnue sur les plans clinique et psychologique, constituent les principaux facteurs déterminants du potentiel thérapeutique d’un programme de traitement.

L’importance respective des besoins criminogènes et non criminogènes

Les répartitions en pourcentage des besoins criminogènes les plus fréquemment ciblés sont indiquées au Tableau 2. On y trouve également la taille d’effet moyenne pour chaque besoin, ciblé et non ciblé dans un programme en particulier, ainsi que sa corrélation avec la taille de l’effet. Le Tableau 3 illustre les besoins non criminogènes.

L’examen du Tableau 2 révèle que chacun des besoins criminogènes ciblés dans le traitement est associé à une taille d’effet moyenne positive. Il est clair que ces besoins doivent absolument être pris en compte lors de l’élaboration de programmes de traitement correctionnels efficaces.

Tableau 2

Besoins criminogènes ciblés classés selon la fréquence
et la corrélation avec la réduction de la récidive
Besoin ciblé
Fréquence
r
Études
51
0,23***
Autres besoins criminogènes
47
0,36***
Colère et hostilité à l’égard de la société
41
0,28***
Maîtrise de soi
40
0,29***
Affection familiale
24
0,33***
Modèle prosocial
19
0,19**
Attitudes antisociales
17
0,13*
Surveillance familiale
17
0,35***
Compétences professionnelles
17
0,09
Obstacles au traitement
12
0,30***
Tout traitement pour toxicomanie
11
0,04
Compétences professionnelles + emploi
9
0,26***
Moins de contacts avec pairs antisociaux
8
0,11
Prévention de la rechute
7
0,07
* p <0 ,05; **p < 0,01; ***p < 0,001

L’examen du Tableau 3 révèle que chacun des besoins non criminogènes est négativement associé à la taille de l’effet. En d’autres mots, le fait de cibler ces besoins dans les programmes de traitement correctionnels est associé à une récidive accrue au sein du groupe expérimental. Fait digne de mention, les programmes qui proposent une approche fondée sur « la peur d’un châtiment officiel » (c’est-à-dire l’incarcération choc) sont associés à un lien négatif significatif avec la taille d’effet.

Tableau 3

Besoins non criminogènes ciblés, classés selon la fréquence
et la corrélation avec la réduction de la récidive
Besoin ciblé
Fréquence
r
Vagues problèmes affectifs et personnels
59
-0,06
Activité physique
36
-0,03
Famille : Autres interventions
22
-0,11
Peur d’un châtiment officiel
15
-0,18**
Resserrer liens avec pairs antisociaux
15
-0,12
Cible : estime de soi
14
-0,09
Accroître ambition conventionnelle
12
-0,00
Respecter pensée antisociale
7
-0,05
* p <0 ,05; **p < 0,01; ***p < 0,001

Conclusion

Notre méta-analyse permet d’affirmer que les principes des services individualisés, du risque, des besoins et de la réceptivité sont réellement applicables aux jeunes délinquants. En outre, un respect plus grand de ces principes est associé à d’importantes diminutions de la récidive. Ces constatations donnent à penser que les méthodes dont la pertinence, sur les plans clinique et psychologique, a été reconnue par de nombreux chercheurs qui s’intéressent à la réadaptation sociale, sont indéniablement efficaces auprès des jeunes délinquants.porte sur l’efficacité des traitements correctionnels à l’intention des jeunes délinquants.


1. 1125, Promenade du Colonel By, Ottawa (Ontario) K1S 5B6.

2. DOWDEN, C. et ANDREWS, D.A. « What works for female offenders: A meta-analytic review », Crime and Delinquency, en cours de révision.

3. ANDREWS, D.A., DOWDEN, C. et GENDREAU, P.«Clinically relevant and psychologically informed approaches to reduced reoffending: A meta-analytic study of human service, risk, need, responsivity and other concerns in justice contexts», Criminology, en cours de révision.

4. DOWDEN, C. et ANDREWS, D.A. « Effective correctional treatment and violent reoffending: What works!, Canadian Journal of Criminology, en cours de révision.

5. ANDREWS, D.A. et BONTA, J. The Psychology of Criminal Conduct, Cincinatti, Ohio, Anderson Publishing Co., 1998.

6. GARRETT, C.J. « Effects of residential treatment of adjudiacted delinquents: A meta-analysis », Journal of Research in Crime and Delinquency, vol. 22, 1985, p. 287-308. Voir également LIPSEY, M.W. « What do we learn from 400 research studies on the effectiveness of treatment with juvenile delinquents? » dans J. Mcguire (éd.), What Works: Reducing Reoffending, Chichester, John Wiley & Sons, 1995 et IZZO, R.L. et ROSS, R.R. « A meta-analysis of rehabilitation programs for juvenile delinquents: A brief report », Criminal Justice and Behavior, vol. 17, 1990, p. 134-142.

7. ANDREWS, D.A., ZINGER,I., HOGE, R.D., BONTA, J., GENDREAU, P. et CULLEN, F.T. « Does correctional treatment work? A clinically relevant and psychologically informed meta-analysis », Criminology, vol. 28, 1990, p. 369-404.

8. ANDREWS, D.A., DOWDEN, C. et GENDREAU, P.« Clinically relevant and psychologically informed approaches to reduced reoffending: A meta-analytic study of human service, risk, need, responsivity and other concerns in justice contexts ».

9. DOWDEN, C. A Meta-Analytic Examination of the Risk, Need and Responsivity Principles and their Importance Within the Rehabilitation Debate, thèse de maîtrise inédite, Ottawa, Université Carleton, 1998.

10. LIPSEY, M.W. The efficacy of intervention for juvenile delinquency: Results from 400 studies, communication présentée à la 41e Assemblée annuelle de l’American Society of Criminology, Reno, Nevada, 1989.

11. ROSENTHAL, R. Meta-analytic Procedures for Social Research, Newbury Park, Sage Publications, 1991.