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La justice réparatrice au Canada

par l’honorable E.D. Bayda1
Juge en chef de la Saskatchewan

Cet article (avec des corrections mineures) a été rédigé d’après un discours prononcé par l’auteur lors du Forum du Commissaire (Service correctionnel du Canada) à Hobbema (Alberta) en mai 1999.

En août 1995, j’ai utilisé pour la première fois l’expression « justice réparatrice » dans un jugement. Je crois avoir été sinon le premier du moins un des premiers juges d’appel au Canada à le faire. Au niveau des cours provinciales, plusieurs juges s’étaient déjà imposés, bien avant 1995, comme d’ardents défenseurs du principe de la justice réparatrice.

Il a fallu, en quelque sorte, lutter dans le milieu judiciaire pour obtenir que le principe de la justice réparatrice soit reconnu et accepté comme moyen légitime, pour ne pas dire principal, de parvenir à l’équité et de respecter la dignité de tous les citoyens, tout en assurant la protection de la société par le truchement du système de justice pénale.

Le 23 avril 1999, dans la décision Gladue2, la Cour suprême du Canada a accordé unanimement son imprimatur au principe de la justice réparatrice. Cette reconnaissance officielle est une victoire, mais elle n’est, selon moi, que la première étape d’un cheminement qui en comporte deux autres.

Du point de vue judiciaire, il faut franchir au moins trois étapes importantes avant d’être certain que les notions liées à la justice réparatrice ont fermement pris racine.

Toutes ces étapes dérivent en partie de l’alinéa 718.2e du Code criminel.

718.2 Le tribunal détermine la peine à infliger compte tenu également des principes suivants :

e) l’examen de toutes les sanctions substitutives applicables qui sont justifiées dans les circonstances, plus particulièrement en ce qui concerne les délinquants autochtones.

La décision Gladue a gravité autour de cet alinéa. Les motifs de la décision dans cette cause ont été énoncés dans le contexte d’une peine convenant à un délinquant autochtone.

Étant donné que je suis un juge de la Saskatchewan, où 72 % de la population carcérale sous responsabilité provinciale est autochtone, et que, à l’intérieur de notre système de justice pénale, ce sont les Autochtones qui ont présenté et appuyé la notion de justice réparatrice, je me sens parfaitement en mesure de parler de justice réparatrice dans le contexte des délinquants autochtones.

Rappelons toutefois que la justice réparatrice ne s’applique pas uniquement aux délinquants autochtones; elle peut aussi être employée avec d’autres délinquants, à condition d’en adapter les modalités. Je crois que dans la décision Gladue, la Cour le précise assez clairement.

Pour revenir aux motifs de la décision dans l’affaire Gladue, la Cour suprême a déclaré ce qui suit :

« Ces constatations exigent qu’on reconnaisse l’ampleur et la gravité du problème, et qu’on s’y attaque. Les chiffres sont criants et reflètent ce qu’on peut à bon droit qualifier de crise dans le système canadien de justice pénale. La surreprésentation critique des Autochtones au sein de la population carcérale comme dans le système de justice pénale témoigne d’un problème social attristant et urgent. Il est raisonnable de présumer que le Parlement, en prévoyant spécifiquement à l’alinéa 718.2e) la possibilité de traiter différemment les délinquants autochtones dans la détermination de la peine, a voulu tenter d’apporter une certaine solution à ce problème social. On peut légitimement voir dans cette disposition une directive que le Parlement adresse à la magistrature, l’invitant à se pencher sur les causes du problème et à s’efforcer d’y remédier, dans la mesure où cela est possible dans le cadre du processus de détermination de la peine. »

Puis, au paragraphe 82, la Cour ajoute : « Le tribunal n’a pas le pouvoir discrétionnaire d’examiner ou de ne pas examiner la situation particulière du délinquant autochtone; son seul pouvoir discrétionnaire réside dans la détermination d’une peine juste et appropriée. »

Qu’est-ce que ce jugement de la Cour suprême signifie pour les juges appelés à déterminer la peine des délinquants autochtones ? Il est absolument clair que le juge chargé de prononcer la sentence ne peut désormais éviter de tenir compte des origines autochtones d’un délinquant pour déterminer ce qui constitue une peine juste et appropriée à moins, bien sûr, que le délinquant ne renonce à ce droit. Il doit donc tout d’abord établir si le délinquant en cause est un Autochtone. Dans certains cas, cela est facile à faire, dans d’autres, cela est plus difficile.

Si le délinquant est Autochtone, le juge devra déterminer les circonstances particulières qui ont contribué à ce qu’il soit traduit devant les tribunaux. Si ce dernier n’est pas représenté par un avocat, comme c’est souvent le cas, le juge devra lui parler et lui poser les bonnes questions. Cela veut dire que les juges doivent apprendre à parler avec les délinquants autochtones. Il ne suffit pas de connaître la langue. Il faut savoir quelles questions poser et comment le faire.

Un Aîné a déjà siégé aux côtés d’un juge lors d’une audience de détermination de la peine d’un jeune délinquant autochtone reconnu coupable d’un crime grave. Le juge a posé les questions habituelles au sujet de la scolarité du jeune homme. Il lui a demandé s’il avait consommé des drogues, il l’a interrogé sur ses amis, son emploi, bref il lui a posé le genre de questions que les juges posent normalement à des audiences de ce genre. Pendant tout ce temps, l’Aîné est demeuré silencieux, puis il a posé une question déterminante : « Comment se porte ta mère ces jours-ci ? » La mère du jeune homme n’était pas bien, de sorte que le foyer était bouleversé. Le comportement du jeune homme résultait en somme de cette situation difficile.

La première étape pour les juges consiste donc à apprendre à parler aux délinquants autochtones sur la même longueur d’onde que ces derniers, ce que beaucoup de juges ont énormément de difficulté à faire. Il faut combler le fossé entre les deux cultures qui nuit à la communication.

La seconde étape, une fois que le principe de la justice réparatrice a été reconnu et accepté sur le plan judiciaire, consiste à se demander comment moi, comme juge chargé de prononcer la peine, je dois le mettre en œuvre ? De quels outils est-ce que je dispose ? Avant l’acceptation du principe de la justice réparatrice, mon principal outil était l’emprisonnement. Mais, voici que le Parlement et la Cour suprême du Canada se sont prononcés et ont dit que l’emprisonnement n’était plus le principal outil. Il faut changer d’éclairage. Il est toujours possible de condamner les délinquants à l’emprisonnement, non pas automatiquement mais uniquement si cela est absolument nécessaire. Quels sont donc mes nouveaux outils ?

Honnêtement, je ne le sais pas. Personne ne m’a expliqué clairement et simplement quels étaient ces outils. Bien sûr, les personnes que vous interrogez utiliseront des expressions génériques comme « sanctions communautaires », « programmes communautaires ». Je leur réponds : « Montrez-moi la collectivité. Montrez-moi la sanction, montrez moi le programme. » Permettez-moi une petite digression pour parler de la « collectivité ». À une époque, il était relativement facile de décrire la collectivité. Lorsque les êtres humains, y compris les Autochtones, vivaient en petits groupes, ce mot désignait un groupe particulier caractérisé par un réseau dense de relations personnelles largement basées sur les liens du sang et sur les rapports directs et face à face qui existent dans un petit village fermé. Un sociologue allemand, Ferdinand Tönnies, utilisait le mot Gemeinschaft3 pour désigner ce type de relations humaines (qui existe encore de nos jours dans les villages autochtones septentrionaux de la Saskatchewan et aussi, dans une large mesure, parmi nos populations huttériennes et amish.) Les normes du groupe étaient largement tacites et les individus étaient liés les uns aux autres par un tissu d’interdépendance mutuelle touchant tous les aspects de la vie, y compris la famille, le travail et les rares activités de loisirs.

Puis vint la révolution industrielle. Nous sommes passés à ce que le sociologue Tönnies a appelé Gesellschaft. Cette notion désignait des groupes de personnes vivant en conformité avec un ensemble de lois et d’autres règles officielles caractéristiques des grandes sociétés industrielles. Les relations sociales étaient plus formelles et impersonnelles : les individus ne dépendaient pas autant les uns des autres et les gens avaient moins d’obligations morales envers leurs voisins4.

Nous voici maintenant à l’âge de l’information. Depuis les années 1960, nous avons lentement délaissé le modèle de la Gesellshaft. Une transformation s’est amorcée entraînant des répercussions énormes sur les valeurs sociales. Il est difficile de prévoir où cette transformation nous mènera. Le passage suivant peut toutefois faire la lumière sur ce nouveau virage :

« Les gens continuent à partager des normes et des valeurs selon des modalités qui constituent un capital social et ils sont toujours plus nombreux à se joindre à des groupes et des organisations. Mais la nature des groupes a fondamentalement changé. Le pouvoir de la plupart des grandes organisations a diminué alors que l’importance dans la vie des gens d’une foule de petites associations a crû. Plutôt que de tirer une fierté de leur adhésion à une fédération syndicale puissante ou de leur emploi au sein d’une grande société, ou encore de leur service militaire, les gens s’identifient socialement à une classe locale d’aérobie, à une secte nouvel âge, à un groupe de soutien pour codépendants ou à un forum Internet. Plutôt que de puiser leurs valeurs prédominantes auprès d’une église qui a jadis façonné la culture de la société, ils choisissent ici et là leurs valeurs au niveau individuel par des moyens qui les lient à des petites communautés de personnes de même mentalité. Ce virage en faveur des groupes à petit rayonnement se traduit sur le plan politique par l’accroissement presque universel du nombre de groupes d’intérêts aux dépens des grands partis politiques5.

Comment donc de nos jours un juge ou un intervenant du système de justice pénale cerne-t-il ou définit-il la « communauté » lorsqu’il est question de « sanctions communautaires » ou de « programmes communautaires » ? Honnêtement, je ne le sais pas. Supposons que je me trouve demain matin en présence d’un jeune Autochtone âgé de 19 ans venant d’un milieu urbain qui a été reconnu coupable d’introduction par effraction dans un établissement commercial et de vol. Son dossier révèle qu’il a déjà trois condamnations pour introduction par effraction ainsi que des condamnations pour voies de fait, conduite en état d’ébriété et manquement aux conditions de sa probation. Le rapport présentenciel montre clairement que le jeune homme n’a aucun bien matériel, qu’il n’en a jamais eu. Ses parents, qu’il ne voit presque jamais, n’ont pas non plus de biens matériels à proprement parler et n’en ont jamais eu. Il n’a guère ou pas d’estime de soi. Les mots « honneur » et « dignité » ne sont pas ceux qui viennent à l’esprit pour désigner les qualités que possède ce jeune homme. Il a mené une vie à la dérive et n’a aucune motivation. La violence, l’affrontement et l’alcool ont été les facteurs prédominants de sa vie. Il est sans travail et sans instruction. Ses chances d’obtenir un emploi sont honnêtement nulles ou presque nulles. Ses peines antérieures ont consisté en ordonnances de probation et en peines d’emprisonnement. Je crois vous avoir donné suffisamment de détails pour vous permettre de tracer dans votre esprit un profil de ce délinquant. La Couronne soutient qu’on l’a traité par le passé avec trop d’indulgence et qu’il n’a pas réagit convenablement. Il s’agit d’un récidiviste qu’il faut condamner encore une fois à l’emprisonnement pour lui donner une leçon et pour protéger convenablement le public.

Mais voici que la Cour suprême du Canada et le Parlement m’ont dit essentiellement : « Vous devez essayer de lui faire éviter la prison ». Mais alors, que dois-je donc faire de lui ? Je suppose que je peux lui imposer une peine d’emprisonnement de deux ans moins un jour et ordonner que la peine soit purgée hors du milieu carcéral.

Je dois ensuite imposer certaines conditions. Je lui ordonne donc de s’abstenir de l’alcool et des drogues, de se présenter régulièrement à un agent de probation et de faire ce que ce dernier exige. Je peux lui imposer certains travaux communautaires. C’est à peu près tout ce que je peux faire, à moins que je ne veuille lui imposer la surveillance électronique. Permettez-moi de vous signaler que dans le cas d’un délinquant autochtone, cela n’a presque pas de sens. Il n’y a rien dans une ordonnance de ce genre qui soit lié aux origines autochtones du délinquant.

En toute honnêteté, il n’y a guère de programmes conçus pour les collectivités autochtones ou un segment de ces collectivités et destinés à être mis en œuvre par celles-ci. Il est vrai que nous organisons à l’occasion un cercle de guérison ou de détermination de la peine, mais nous n’atteignons ainsi qu’une petite proportion des délinquants autochtones qui sont traduits tous les jours devant les tribunaux.

Les cercles de guérison prennent beaucoup de temps, souvent un jour, parfois deux. Ils font participer un segment de la collectivité à un processus très intime, ce qui constitue un avantage énorme, mais à certains endroits, les collectivités participantes s’épuisent. Il n’y a tout simplement pas assez de personnes aptes et disposées à y prendre part. Les cercles de guérison constituent un élément de réponse mais sont loin d’être la solution parfaite.

Il y a aussi des Aînés qui pourraient exercer une influence très salutaire sur les délinquants qui vivent dans leur collectivité. De plus, un grand nombre d’entre eux ont besoin du même genre d’assistance que beaucoup d’autres personnes âgées. En un sens, les Aînés et les délinquants ont des besoins complémentaires. Mais, il n’y a guère de programmes pour faire le lien entre les deux groupes, pour surveiller les relations et pour intervenir si celles-ci échouent.

La créativité et les ressources humaines et financières sont en grande demande dans tout ce domaine des programmes et des sanctions communautaires. Il faudrait examiner sérieusement les moyens de réaffecter de réorienter l’argent; il s’agirait de prendre la somme de 52 000 $ normalement consacrée chaque année au logement d’un délinquant en établissement pour la consacrer à la réinsertion sociale du délinquant au moyen d’une démarche qui le garde hors du milieu carcéral pendant le processus de réparation. Peut-être l’Aîné a-t-il droit à des émoluments. Peut-être le délinquant a-t-il droit à ce que son logement et ses repas soient payés pendant qu’il vit avec l’Aîné. Comme l’État paie son logement et ses repas pendant sa période de réadaptation en établissement, l’idée qu’il le fasse pendant que le délinquant vit avec l’Aîné et entreprend sa réadaptation est-elle donc si radicale ? La mobilisation des Aînés peut contribuer à atténuer le problème, mais elle ne le réglera pas. J’ai entendu parler d’une statistique intéressante l’autre jour. Seulement 25 % environ des délinquants autochtones s’intéressent à des mesures de réparation comportant un élément autochtone. Qu’allons-nous faire du 75 % qui reste ?

Il est important de planifier soigneusement toutes les modalités de la réadaptation dans la collectivité et du rétablissement de saines relations. Ces modalités ne doivent pas être que de la frime.

Dans l’esprit de la justice réparatrice, les collectivités ne devraient-elles pas avoir des centres communautaires, des endroits où seraient obligés de se rendre les délinquants ayant besoin d’instruction ou de soutien, le jour, en soirée et les fins de semaine si nécessaire ? Ces centres ne remplaceraient pas totalement les pénitenciers mais contribueraient énormément à en réduire la taille. Et comme corollaire : ne devrions-nous pas construire et doter en personnel des centres communautaires plutôt que des pénitenciers ?

Dans le même esprit, ne faudrait-il pas exiger que certains probationnaires voient leur agent de probation tous les jours plutôt qu’une fois par semaine ou par mois, ou une fois tous les trois à six mois ? Autrement dit, plutôt que de multiplier le nombre d’agents correctionnels, ne devrait-on pas avoir plus d’agents de probation?

Ces notions sont encore à un stade très embryonnaire dans mon esprit. Elles ont besoin d’être explorées et cristallisées. Les juges auront besoin de beaucoup d’aide de différents milieux pour la détermination de la peine non seulement des délinquants autochtones mais aussi de tous les délinquants. Les avocats de la Couronne et de la défense devront changer le point de mire de leurs représentations au moment de la détermination de la peine.

Si l’on attend des juges qu’ils mettent l’accent sur les peines à purger dans la collectivité plutôt que dans un pénitencier, il faudra peut-être que le Service correctionnel du Canada et les autorités correctionnelles provinciales se concentrent sur les collectivités plutôt que sur les pénitenciers.

Le Service correctionnel du Canada devrait peut-être devenir le catalyseur dans la création de programmes communautaires. Je sais fort bien que pour être fructueux, un programme communautaire devrait être pris en charge par la collectivité et non par le Service correctionnel du Canada, mais avant qu’un programme ne puisse être mis en place, il doit y avoir un catalyseur, et c’est sous ce rapport que le Service correctionnel du Canada devrait intervenir.

Si les juges sont appelés à chercher les causes d’un acte criminel, à déterminer la raison pour laquelle un délinquant est traduit devant le tribunal et à adapter la peine en conséquence, on peut s’attendre à ce que disparaisse prochainement la ligne de démarcation entre les peines d’incarcération et les autres peines. Par exemple, si, en tant que juge, je conclus qu’un délinquant a commis un crime à cause d’une colère refoulée depuis longtemps et que le meilleur « remède » pour lui ainsi que la meilleure protection pour la société consistent en une série de programmes destinés à faire disparaître cette colère, l’endroit où la série de programmes doit être offerte est-il vraiment important ? Les programmes pourraient être offerts dans un pénitencier, dans un hôpital ou ailleurs. Ce qui est important, c’est que les délinquants suivent ces programmes. Le choix du lieu comme tel est secondaire.

Je crois savoir qu’environ 20 % des détenus souffrent de troubles mentaux. Nous avions autrefois des établissements psychiatriques ou asiles d’aliénés. Nous avons décidé que ces établissements n’étaient pas l’endroit idéal pour certaines personnes; nous avons donc procédé à la désinstitutionnalisation de ces dernières. Quelle a été la conséquence ? Nous avons criminalisé nombre d’actes commis par des personnes souffrant de troubles mentaux. Bon nombre d’entre elles sont retournées en établissement. Mais elles ont tout d’abord dû être traduites en justice. Si un juge détermine que la cause d’un acte criminel était un trouble mental, il doit imposer une peine qui fait entrer ce facteur en ligne de compte. Il faudra créer des programmes destinés à être administrés en dehors d’un cadre correctionnel. Je le répète, nous avons grand besoin d’un catalyseur.

Si le Service correctionnel du Canada ouvre la voie, ses homologues provinciaux emboîteront rapidement le pas, ce qui m’amène à la troisième et dernière étape. Encore faut-il faire passer ce message aux élus et au public. Ce dernier est encore dans l’esprit de la justice punitive par opposition à réparatrice. Quant aux élus, ils se plient bien sûr aux exigences du public. Tant que ce dernier n’aura pas été convaincu, beaucoup de juges auront de la difficulté à accepter la notion qu’une peine puisse être purgée dans la collectivité, conformément au principe de la justice réparatrice. Ils continueront à imposer des peines qui, selon eux, ne mineront pas la confiance du public dans l’administration de la justice. Autrement dit, ils continueront à condamner les délinquants à l’emprisonnement s’ils estiment que cela correspond aux vœux du public.

Voilà donc trois gros obstacles du point de vue judiciaire. Il y en a sans aucun doute beaucoup d’autres. Mais c’est en surmontant ces trois obstacles que nous ferons le plus pour combattre notre vue traditionnelle selon laquelle l’emprisonnement constitue en quelque sorte une panacée contre tous les maux dont souffre le système de justice pénale.


1. 2425, avenue Victoria, Regina (Saskatchewan) S4P 3V7.

2. R. c. Gladue [1999] 1 R.C.S. 688.

3. FUKUYAMA, Francis « The Great Disruption : Human Nature and the Reconstitution of Social Order », The Atlantic Monthly, mai 1999, p. 55.

4. FUKUYAMA « The Great Disruption : Human Nature and the Reconstruction of Social Order », p. 56.

5. FUKUYAMA « The Great Disruption : Human Nature and the Reconstruction of Social Order », p. 71.