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Enjeux et considérations dordre général dans le domaine de lévaluation des délinquants
par James Bonta1
Division de recherche et développement correctionnels, Ministère du Solliciteur général du Canada
Lévaluation des délinquants est une des activités les plus importantes dans le domaine correctionnel. Une évaluation exacte favorise en effet le classement équitable, efficient et moralement défendable des criminels. Nous assistons actuellement à une convergence dans la façon denvisager lévaluation qui fait le pont entre les préoccupations traditionnelles au sujet de la sécurité et la réadaptation des délinquants.
Cet article fait le point de nos connaissances au sujet de lévaluation du risque. Notre compréhension du comportement criminel influe sur notre approche de lévaluation des délinquants. La plupart des thèses au sujet du comportement criminel peuvent être rattachées à trois principales optiques de la conduite criminelle, dont chacune sous-entend une approche particulière de lévaluation. Il sagit des optiques sociologique, psychopathologique et socio-psychologique et de la personnalité en général. Cet article renferme des éléments de preuve poussant à conclure que cette dernière optique englobe des facteurs (dynamiques) qui permettent le mieux de prévoir le comportement criminel.
Optique sociologique
Selon loptique sociologique, la criminalité est attribuable à des facteurs sociaux, politiques et économiques. La pauvreté, le manque de travail et de possibilités éducatives, et un préjugé systémique contre des groupes minoritaires sont par exemple à lorigine des frustrations et des incitations qui poussent à commettre des actes criminels. Daprès cette optique, quelle que soit la forme quelle prenne, la société cause la criminalité. Autrement dit, la société est largement responsable de la criminalité; pour combattre celle-ci, il faut donc modifier la situation sociale, politique et économique des membres de la société.
Optique psychopathologique
Dans loptique psychopathologique, les crimes sont commis par des personnes qui souffrent de troubles psychologiques ou affectifs. Les individus désobéissent aux lois et aux normes de la société parce quils sont névrosés ou quils suivent les ordres que leur donnent des voix intérieures. Un excès de testostérone les pousserait à commettre des crimes dordre sexuel, ou encore, un trouble neurologique serait à lorigine de leur comportement violent et déréglé. Selon les thèses psychopathologiques, peu importe que lon soit riche ou pauvre, que lon appartienne à une minorité ethnique ou un groupe dépourvu de pouvoir politique.
Optique socio-psychologique et de la personnalité en général
Dans loptique socio-psychologique et de la personnalité en général, laccent est mis sur lapprentissage des attitudes, émotions et comportements qui mènent à une conduite criminelle. Le centre dintérêt demeure lindividu (comme dans les thèses psychopathologiques), mais dans ce cas, cest lapprentissage qui est considéré comme étant à lorigine de la criminalité. Le délinquant nest pas vraiment « malade », mais plutôt exposé à des situations qui ont récompensé et encouragé un comportement antisocial. Ainsi, lenfant apprendra un comportement antisocial sil grandit dans un foyer où au moins un des parents permet un comportement agressif et hostile, donne lexemple dattitudes antisociales et ne dirige pas lenfant vers des activités prosociales (p. ex., lécole) et des amitiés convenables.
Chacune de ces trois optiques fait graviter notre attention vers différents facteurs permettant de comprendre le comportement criminel et elle laisse entrevoir les aspects quil y a lieu dévaluer pour traiter les délinquants. On peut voir au Tableau 1 les diverses variables à évaluer daprès chacune des optiques.
Tableau 1
Lien entre la théorie et l’évaluation des délinquants |
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Optique théorique |
E xemples des caractéristiques évaluées |
Sociologique | Situation sociale ( p. ex., ‚ge, sexe) Origine raciale et ethnique Situation financière |
Psychopathologique |
Inconfort psychologique ( p. ex., angoisse) Estime de soi Pensées bizarres |
Socio- psychologique et personnalité en général |
Appui du comportement par l’entourage Instabilité sur le plan de l’emploi Attitudes antisociales Personnalité antisociale Toxicomanie Antécédents de comportement antisocial Quartier à taux de criminalité élevé |
Sur quelle thèse faut-il se baser pour déterminer les activités dévaluation des délinquants ? Il est indispensable pour choisir une des thèses concurrentes de soupeser les preuves en faveur dune position. Une manière simple et directe dévaluer une optique théorique consiste à voir si les facteurs cernés en théorie sont effectivement liés au comportement criminel. Le revenu, lorigine ethnique, la « nervosité » et la fréquentation de criminels sont-ils par exemple des facteurs liés au comportement criminel dune personne ? Daprès les recherches, les variables découlant dune optique socio-psychologique et de la personnalité en général sont de meilleurs prédicteurs du comportement criminel que celles qui se rapportent aux autres théories.
Défis dordre technique liés à lévaluation des délinquants
Il y a deux manières générales de prendre des décisions au sujet du comportement criminel futur des délinquants (c.-à-d. la récidive). La première, quon appelle souvent la méthode clinique, est basée sur les jugements subjectifs de spécialistes comme moyen dévaluer les variables jugées théoriquement importantes. La seconde est plus objective et laisse moins de place à linterprétation subjective. On lappelle la méthode actuarielle structurée parce quelle repose sur des estimations statistiques et fondées sur des preuves du risque.
Pour illustrer la différence entre les approches, prenons la variable des attitudes antisociales. Celles-ci peuvent être évaluées de différentes manières. On peut chercher des preuves dattitudes antisociales durant une conversation avec le délinquant (méthode clinique) ou lon peut administrer un test papier-crayon sur les attitudes antisociales (méthode actuarielle structurée). Dans le premier cas, il faut des compétences et une expérience professionnelles pour reconnaître et noter des manifestations dattitudes antisociales. Linterviewer peut varier ses questions selon le délinquant. Ce mode de collecte de linformation peut toutefois influencer les réponses et par conséquent la fidélité de lévaluation des attitudes antisociales. Dans le cas du test papier-crayon, lévaluation se fait de manière standard. On pose exactement les mêmes questions à tous les délinquants et les réponses sont notées exactement de la même manière pour tous.
En réalité, les deux méthodes sont souvent utilisées ensemble. Les études comparant les méthodes cliniques aux méthodes actuarielles utilisées pour prévoir le comportement criminel ou nimporte quel autre comportement révèlent ordinairement que les évaluations basées sur lapproche objective tendent à être plus exactes.2 Quentendons-nous par « plus exactes » ? Toute tâche de prévision peut aboutir à quatre résultats. On peut prévoir quune chose va se produire, et elle se produit effectivement. Ainsi, une Commission des libérations conditionnelles peut prévoir quun délinquant sera dangereux, et ce dernier commettra effectivement un crime de violence. Ou encore, la Commission peut prévoir que le délinquant ne présentera pas de risque pour le public et, effectivement, la personne réussit sa réinsertion sociale. Mais des erreurs sont possibles. Il se peut quon refuse la libération conditionnelle à un délinquant qui, comme on le constate au moment du suivi, ne commet pas dautres crimes ou encore quon laccorde à un délinquant qui récidive avec violence.
La situation se complique lorsque différentes personnes naccordent pas la même importance aux divers types de prévisions et derreurs. On pourrait prévoir que tous les délinquants vont récidiver, et cette prévision entraînerait le minimum derreur. Mais à quel prix ? Des études révèlent quun nombre élevé de délinquants ne récidivent pas. Pour certaines personnes, cela constitue un problème secondaire (« ce qui est important, cest de sauver une victime »). Pour dautres (p. ex., défenseurs des libertés civiles, gestionnaires financiers), cela constitue un grave problème social et économique.
Il est en général préférable de considérer lexactitude prédictive en fonction des proportions globales de prévisions exactes et derreurs. Autrement dit, il faut connaître la répartition des chiffres entre les quatre possibilités pour avoir une juste idée de nos prévisions. Il faut aussi accepter limperfection inhérente à tout instrument de prévision. Daprès notre analyse des approches cliniques et actuarielles de lévaluation des délinquants, les méthodes actuarielles de mesure des caractéristiques des délinquants et de leurs situations constitueraient notre point de départ pour améliorer lexactitude prédictive.
Malheureusement, il nest pas aussi facile quil puisse sembler de mesurer de manière actuarielle et objective des facteurs théoriquement pertinents. Tout instrument de mesure comporte un élément derreur. Même la bonne vieille règle que vous possédez depuis le primaire nest pas exacte à 100 %. Lorsquil sagit dévaluer des facteurs humains, la gamme derreur est infiniment plus grande que pour des instruments mécaniques comme des règles et des balances. Voilà entre autres pourquoi il est impossible davoir une prévision parfaite.
Une façon de réduire les erreurs de mesure consiste à utiliser différentes méthodes pour évaluer un même facteur. Pour revenir à lexemple des attitudes antisociales, on peut mesurer cette variable en administrant un test papier-crayon et en menant une entrevue personnelle structurée. Les entrevues structurées ne sont pas des entrevues cliniques ouvertes. Elles sont basées sur une méthode claire et observable pour poser les questions et noter les réponses. De plus, les résultats des entrevues structurées peuvent être quantifiés et évalués quant à leur validité.
Lutilisation de plusieurs méthodes dévaluation permet de remédier aux problèmes associés à une méthode en particulier en y faisant contrepoids au moyen dune autre méthode. Dans le cas des tests papier-crayon, par exemple, on ne sait pas toujours si le délinquant a compris les questions ou sil voulait dire la vérité. Dans une entrevue, linterviewer peut vérifier si le délinquant a compris les questions et déterminer son intérêt et sa motivation. Les recherches ont montré que lutilisation de plusieurs méthodes dévaluation dune caractéristique en particulier dun délinquant accroît sensiblement lexactitude prédictive globale. Ces constations de recherches se traduisent facilement dans la pratique, et lon voit clairement que les meilleures pratiques correctionnelles sont celles qui sont basées sur lutilisation de plusieurs méthodes (p. ex., questionnaires, entrevues, observations directes du comportement).
La première façon daméliorer lexactitude prédictive consiste donc à utiliser plusieurs méthodes objectives pour évaluer des facteurs théoriquement pertinents. La seconde est de combiner différents facteurs pour former des mesures plus exhaustives dévaluation des délinquants. La combinaison des facteurs peut se faire de deux manières. La plus simple, appelée la méthode Burgess, est dattribuer une cote de 1 si le facteur est présent et de 0 si le facteur est absent. On peut donc avoir une série de points/facteurs dans une échelle qui sont simplement cotés (0 ou 1) et ensuite totalisés. Lautre méthode est basée sur des techniques statistiques poussées servant à attribuer des coefficients de pondération aux facteurs. LInventaire du niveau de service révisé est un exemple dinstrument dévaluation des délinquants basé sur la méthode de Burgess, tandis que les échelles de risque et de besoins du Wisconsin sont un exemple de la méthode de la pondération. Selon les recherches, aucune des deux méthodes nest supérieure à lautre.
Les prévisions sont beaucoup plus exactes si lon applique des évaluations basées sur plusieurs méthodes à différents domaines ou facteurs liés au comportement criminel et si lon combine ces domaines. Des recherches antérieures ont fourni des preuves indéniables de lamélioration des prévisions résultant dun échantillonnage basé sur plusieurs méthodes et domaines.3 On a administré à des probationnaires adultes une batterie de tests dévaluation mesurant différents domaines et utilisant différentes méthodes de mesure. Les auteurs ont constaté une corrélation (r) de 0,46 entre les attitudes antisociales et la récidive basée sur une mesure papier-crayon et de 0,63 lorsque celle-ci était combinée à une entrevue structurée. Lorsque cette information était combinée à dautres domaines (p. ex., personnalité antisociale, antécédents criminels, âge), la corrélation (plus précisément la corrélation canonique) atteignait 0,74.
Utilisation délibérée de facteurs pertinents
Évaluation du risque
Visiblement importante pour les décisions relatives à la mise en liberté et au niveau de sécurité, lévaluation du risque a aussi des répercussions sur la planification du traitement. La connaissance du niveau de risque que présentent les délinquants permet de prendre des décisions éclairées au sujet des candidats à certains traitements particuliers. La notion de risque est particulièrement importante pour les cliniciens et le personnel de traitement qui ont suivi une formation sur les techniques thérapeutiques sadressant aux clients sociables et capables de sexprimer et de réfléchir. Utiles pour beaucoup de personnes, les thérapies axées sur la parole et les relations ne sont toutefois pas très efficaces pour le délinquant typique. Beaucoup de délinquants ne possèdent pas les capacités à sexprimer et à réfléchir que ces techniques exigent. Par conséquent, lorsque les thérapeutes qui utilisent des thérapies axées sur la parole et les relations échouent auprès de leur clientèle carcérale, ils tendent à attribuer léchec à la « résistance » du client ou à son « manque de motivation » plutôt quà la technique comme telle.
Certains observateurs reprochent depuis longtemps aux thérapeutes des milieux correctionnel et judiciaire de préférer le client qui est jeune, sociable, intelligent, attrayant et à faible risque au client à risque élevé qui peut vraiment avoir besoin de leurs services. Il ne fait aucun doute quil est plus agréable de conseiller les délinquants à faible risque. En outre, certaines de nos idées préconçues au sujet des criminels nous poussent à rejeter toute tentative de traiter les délinquants à risque élevé (« cest un psychopathe », « cest un criminel endurci, il ne changera jamais »). Les recherches semblent toutefois indiquer que les clients à risque élevé peuvent profiter encore plus du traitement que les délinquants à faible risque. Heureusement, on commence à se rendre compte dans tout le domaine correctionnel de limportance de cibler les délinquants à risque élevé puisque de plus en plus de démarches de traitement visent ce groupe.
Évaluation des besoins
Une des conclusions importantes auxquelles mène loptique socio-psychologique et axée sur la personnalité en général du comportement criminel est que bon nombre des facteurs jugés marquants sont dynamiques ou changeables. Une personne peut changer dattitude et damis, trouver ou perdre un emploi, cesser de consommer des drogues ou de trop boire, et ainsi de suite. Il est même possible de changer les traits dune personnalité antisociale si lon prend celle-ci dans un sens très général plutôt que dans le sens étroit dun diagnostic de psychopathie. Cette vision de la personnalité antisociale appuie les tentatives de changer une myriade dattributs dynamiques des délinquants comme la recherche de sensations fortes, limpulsivité et légocentrisme.
En ce qui concerne lévaluation des délinquants, la théorie souligne limportance dévaluer objectivement et systématiquement les facteurs de risque dynamiques. Des études documentaires révèlent que les facteurs de risque dynamiques permettent de prévoir la récidive aussi bien que les facteurs de risque statiques.4 Qui plus est, des changements dans les facteurs dynamiques ont été liés à des changements sur le plan de la récidive.5
On appelle aussi les facteurs de risque dynamiques les besoins criminogènes. Il sagit des besoins qui, lorsquils sont changés, sont liés à des changements sur le plan de la récidive. Le principe du besoin en réadaptation exige de cibler les besoins criminogènes dans les programmes de traitement. Dans le contexte de lévaluation, il est extrêmement important de mesurer les besoins criminogènes pour déterminer les services de traitement et pour assurer la surveillance active des délinquants. Il existe des preuves convaincantes du fait que les interventions qui ciblent les besoins criminogènes sont liées à une baisse de la récidive.6 Nous disposons à lheure actuelle de programmes dintervention raisonnablement efficaces et dinstruments dévaluation qui permettent de constater fidèlement des changements dans les facteurs de risque dynamiques. Certains instruments dévaluation sappliquent spécifiquement à un besoin criminogène en particulier (p. ex., mesures de la toxicomanie ou des attitudes antisociales), tandis que dautres consistent en des évaluations plus générales du risque et des besoins des délinquants (p. ex., Inventaire du niveau de service révisé).7
Il est encore plus important de surveiller les facteurs de risque dynamiques dans le cas des délinquants sous surveillance dans la collectivité. Les agents de probation et de libération conditionnelle doivent être attentifs à lamélioration et à la détérioration de létat dun délinquant. Les surveillants communautaires observent facilement des changements marqués dans létat dun délinquant. Les changements plus subtils et graduels sont toutefois plus difficiles à détecter. Il est difficile de défendre lutilisation exclusive des jugements subjectifs des spécialistes quand il existe des outils dévaluation objectifs et à fondement empirique, dautant plus que le personnel correctionnel peut administrer, au terme dune brève formation, un grand nombre de ces instruments de mesure. En effet, il nest pas nécessaire de faire appel à des psychologues et des psychiatres pour administrer des instruments dévaluation du risque et des besoins ou un grand nombre des tests papier-crayon dévaluation des besoins criminogènes.
Évaluation des facteurs de réceptivité
Notre façon de tirer des leçons des expériences de la vie dépend en partie de certains facteurs cognitifs, socio-personnels et liés à la personnalité. Ces facteurs peuvent être des facteurs de risque ou des besoins criminogènes chez les délinquants, mais cela nest pas nécessairement le cas. Ils influent toutefois sur la réceptivité dune personne aux démarches faites pour laider à changer dattitude, de mentalité et de comportement. Ces facteurs de réceptivité jouent un rôle important dans le choix du type et du mode de traitement le plus utile pour opérer un changement. Voici quelques exemples de ces facteurs de réceptivité qui aideront à comprendre cette notion.
Notre premier exemple est tiré du domaine cognitif. Les êtres humains diffèrent les uns des autres quant à leurs modes de pensée (p. ex., concret ou abstrait, impulsif ou réfléchi) et leur intelligence générale. Ces deux dimensions ne constituent pas des facteurs de risque marqués. Elles sont toutefois très importantes pour ce qui est de lapprentissage de modes de pensée et de comportements nouveaux. Elles influent sur la facilité dapprentissage dun individu et sa capacité de profiter dune instruction. Deux délinquants peuvent présenter le même risque de récidive et les mêmes besoins criminogènes, mais différer quant à leur niveau et style cognitifs. Un saura sexprimer et saisira rapidement des idées complexes, tandis que lautre sera moins développé sur le plan des compétences cognitives. Les buts du traitement sont identiques, mais les facteurs de réceptivité cognitive du client influeront sur la manière dont ces buts seront atteints. Le client dont les compétences cognitives sont plus développées pourrait profiter dun programme fortement axé sur lélément verbal et exigeant des habiletés de raisonnement abstrait. Toutefois, cette approche présenterait un défi de taille pour le délinquant aux capacités cognitives plus rudimentaires.
On peut aussi prendre un exemple tiré du domaine de la personnalité, soit plus précisément le trait de langoisse. Encore une fois, il sagit dun facteur de réceptivité qui nest pas lié au risque ou au besoin criminogène. Les niveaux dangoisse ne sont pas de bons prédicteurs de la récidive, et il ny a pas de relation entre une diminution de langoisse et des baisses de la récidive. Mais le niveau dangoisse peut influer sur le choix de traitement. Un programme de gestion de la colère peut être efficace dans un groupe composé de personnes relativement peu angoissées. Mais pour les clients qui deviennent extrêmement angoissés en société, il serait préférable dorganiser des séances individualisées.
Certains facteurs de risque et besoins criminogènes comportent des caractéristiques de réceptivité. Par exemple, les délinquants considérés comme ayant une personnalité antisociale sont non seulement des délinquants à risque élevé et à besoins criminogènes nombreux, mais en raison de leur manque dempathie et de leur angoisse, ils ont besoin dune intervention très structurée. Leur nature énergique et agitée exige une modalité de traitement active et stimulante. Des discussions en classe et des lectures ne constituent pas dans leur cas le mode dintervention privilégié.
Il existe des mesures objectives de la personnalité antisociale, un des meilleurs instruments validés étant lInventaire de la psychopathie de Hare. Malheureusement, parce que cet instrument est souvent employé pour diagnostiquer la psychopathie, il ne se prête pas à la planification du traitement. Un diagnostic de psychopathie est fréquemment considéré comme un signe que la personne nest pas traitable. Cest pourquoi, on ne déploie guère defforts pour traiter des délinquants « psychopathes », malgré labsence de preuves convaincantes de linefficacité dinterventions théoriquement pertinentes. On na pas non plus effectué de recherche sur le rôle de la psychopathie ou de la personnalité antisociale en tant que facteur de réceptivité.
Les psychologues ont mis au point des mesures très valables et fidèles des facteurs de réceptivité. Il existe aussi de nombreuses et dexcellentes mesures de la capacité intellectuelle (p. ex., léchelle du QI de Wechsler), de langoisse (p. ex., le questionnaire sur lanxiété chronique et réactionnelle de Spielberger) et de la maturité interpersonnelle (p. ex., le Jesness I-Level). Il faudrait toutefois créer de bons instruments de mesure de limpulsivité, de lempathie et de la maîtrise de soi, entre autres. Il reste encore clairement beaucoup à faire.
Outre les caractéristiques cognitives et de la personnalité, il est possible que des facteurs démographiques et personnels, comme le sexe et lorigine ethnique, influent également sur la réceptivité. Les délinquantes réagissent peut-être mieux à un type dintervention centré davantage sur les femmes, tandis que les délinquants autochtones profiteraient peut-être dun programme mené par des Aînés et des conseillers autochtones. Bien quil ne soit pas nécessaire davoir des mesures dévaluation des caractéristiques démographiques et personnelles, il faudrait mener des recherches sur les modalités de traitement les plus efficaces daprès les facteurs du sexe et de lorigine ethnique.
Conclusions
La recherche sur lévaluation des délinquants est un domaine à la fois palpitant et prometteur. Nos instruments de prévision ne seront certes jamais parfaits, mais il y a matière à amélioration en ce qui concerne lexactitude prédictive. Il faudrait accorder plus dimportance à la recherche sur lévaluation des facteurs de réceptivité et des facteurs liés au risque et aux besoins de certains groupes de délinquants (p. ex., délinquants sexuels). Lélan a toutefois été donné pour continuer à apporter des améliorations qui nous permettront davoir un système correctionnel plus efficace et plus humanitaire.
2. GROVE, W. M. et MEEHL, P. E. « Comparative efficiency of informal (subjective, impressionistic) and formal (mechanical, algorithmic) prediction procedures: The clinical-statistical controversy », Psychology, Public Policy, and Law, vol. 2, 1996, p. 293-323.
3. ANDREWS, D. A., WORMITH, J. S. et KIESSLING, J. J. Lévaluation introspective de la propension au crime : les facteurs qui risquent decompromettre la validité de lévaluation des attitudes et de la personnalité (Rapport pour spécialistes de la Direction des programmes), Ottawa, Solliciteur général du Canada, 1985.
4. GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN, C. « A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism: What works! », Criminology, vol. 34, 1996, p. 575-607.
5. ANDREWS, D. A. et WORMITH, J. S. Sentiments criminels et comportement criminel (Rapport pour spécialistes de la Direction des programmes), Ottawa, Solliciteur général du Canada, 1984.
6. ANDREWS, D.A. et BONTA, J. The psychology of criminal conduct. (2e éd.). Cincinnati, OH, Anderson, 1998.
7. ANDREWS, D. A. et BONTA, J. Inventaire du niveau de service révisé, Toronto, Multi-Health Systems, 1995.