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Alcool et drogue : Une perspective des services correctionnels de la province de la Saskatchewan

Don Head1
Division des services correctionnels, Ministère de la Justice de la Saskatchewan

Toutes les autorités correctionnelles du Canada sont aux prises avec le problème de l’alcoolisme et de la toxicomanie chez les individus qui entrent dans leur système. La Saskatchewan ne fait pas exception. Pour résoudre ce problème dans son ensemble, il faut plus qu’un renforcement des mesures d’application de la loi ou des programmes, il faut une approche multidimensionnelle, une approche qui tienne compte de tous les aspects du problème.

Données de base

Pour comprendre l’étendue du problème en Saskatchewan, il vaut la peine de souligner certaines des difficultés auxquelles la province devra s’attaquer si elle veut mettre en place une stratégie pour lutter contre l’alcoolisme et la toxicomanie. Ainsi, la Saskatchewan affichait le taux de criminalité le plus élevé au Canada en 1999, avec un ratio de 12 155 incidents par 100 000 habitants. Elle comptait également le plus haut taux de crimes violents au Canada (1 589 incidents par 100 000 habitants) et venait au deuxième rang pour ce qui est des crimes contre les biens (5 724 incidents par 100 000 habitants).

Environ 75 % des personnes qui ont affaire au système de justice pénale, qu’il s’agisse des délinquants ou des victimes, sont d’origine autochtone. Or, cette proportion correspond à presque sept fois la représentation des Autochtones, selon les données de recensement de la province.

En 1998-1999, la Saskatchewan avait également le taux d’incarcération le plus élevé de toutes les provinces (161 par 100 000 habitants), et ce, même si ce taux est à la baisse depuis cinq ans. En moyenne, le système provincial compte environ 1 200 délinquants incarcérés et 5 100 délinquants surveillés dans la collectivité. Environ 30 % de la population incarcérée est en détention provisoire et la durée moyenne des peines imposées est de 12 mois.

Étendue du problème de consommation d’alcool et de drogue

La consommation d’alcool et de drogue est un problème dans le système correctionnel depuis plus de 100 ans. L’examen des données historiques sur les admissions en milieu correctionnel révèle qu’entre 25 % et 30 % des admissions au début du siècle étaient liées à l’utili-sation de substances intoxicantes. Actuellement, quelque 93 % des délinquants sous responsabilité provinciale éprouvent des problèmes de consommation de substance intoxicante, allant de moyens à graves, même si les infractions liées à l’alcool ou à la drogue comptent pour moins de 4 % des admissions totales. En outre, une étude récente sur les délinquantes de la région de Prince Albert a permis de constater que 75 % des femmes ont été ou sont des utilisatrices de drogues injectables et que 30 % des femmes ont participé ou participent à un programme de traitement à la méthadone.

En 1999-2000, quelque 90 saisies de drogue ont été effectuées dans les établissements correctionnels. Sur ces 90 saisies, 10 ont été signalées à la police en vue d’accusations extérieures. De plus, quelque 145 échantillons d’urine ont été demandés, dont les tests se sont soldés par 103 résultats positifs. À la lumière de ces saisies et de ces résultats, les drogues de choix semblent être les suivantes : la marijuana, les produits de la marijuana artificielle (THC), l’huile de haschisch, l’utilisation illicite de médicaments de prescription et les benzodiazépines. Des saisies plus récentes ont également permis de mettre la main sur des petites quantités d’héroïne, de cocaïne, de Talwin et de Ritalin. L’un des problèmes auxquels les responsables des établissements sont aux prises tient à la façon dont la police réagit aux saisies de drogue à l’intérieur des établissements correctionnels. La police n’intervient généralement pas lorsque des petites quantités de drogue sont saisies. Cette attitude crée des problèmes opérationnels lorsque les détenus se rendent compte qu’ils peuvent éviter d’autres accusations criminelles en répartissant en petits lots les quantités de drogue qu’ils importent.

L’évolution de la situation observée dernièrement à la suite de l’admission de membres présumés de gangs à l’intérieur du système correctionnel a changé les choses dans les établissements correctionnels pour ce qui est des activités liées à la drogue. Ainsi, le nombre de cas de voies de fait sur des détenus ou d’intimidation s’accroît depuis l’an dernier et l’incidence de ces cas semble plus importante lorsque des membres présumés de gangs sont présents au sein de la population carcérale.

Intervention correctionnelle efficace

Au cours des trois dernières années, les Services correctionnels de la Saskatchewan ont mis sur pied un cadre de base pour définir ce qu’est une «intervention correctionnelle efficace». Les quatre éléments clés sont la prévention, l’évaluation, l’intervention et le suivi. Notre solution au problème de l’alcoolisme et de la toxicomanie trouve ses racines dans ce cadre et nous avons recensé une série d’occasions qui nous permet-traient de renforcer nos interventions dans ces domaines.

Opportunités sur le plan de la prévention

En tenant compte des conditions qui règnent actuelle-ment dans la province, les Services correctionnels de la Saskatchewan ont cerné plusieurs activités qui permettront de renforcer la prévention de façon générale. L’une de ces activités concerne les communications. Les Services correctionnels de la Saskatchewan ont pris des mesures pour accroître les communications avec les services de police locaux et le Service correctionnel du Canada (SCC) par l’intermédiaire des membres du personnel de liaison pour la lutte contre les gangs/la drogue. Nous serons ainsi mieux à même de prendre des mesures proactives pour éliminer l’introduction de substances illicites dans nos établissements et surveiller les délinquants ou les visiteurs bien en vue qui pourraient être mêlés au trafic de la drogue.

Les Services correctionnels de la Saskatchewan s’occupent activement de l’échange de renseignements avec les autres autorités correctionnelles sur diverses questions de sécurité. Ils communiquent notamment des renseignements sur les incidents de sécurité importants et les enquêtes. Depuis trois ans, ils reçoivent les bulletins de sécurité du SCC et échangentles renseignements de cette nature avec notre personnel pour mieux lutter contre l’alcoolisme et la toxicomanie.

Il faut tirer profit de toutes les occasions qui se présentent à nous pour uniformiser les méthodes choisies pour lutter contre le VIH/sida et les maladies infectieuses dans nos milieux correctionnels. Le temps des discussions est terminé et il faut maintenant mettre des mesures de prévention en place.

Il faut également discuter activement des changements législatifs requis pour s’attaquer à l’introduction de substances illicites dans les établissements correctionnels. On a tendance à croire que l’introduction en milieu correctionnel de petites quantités de drogue ou de «drogues douces» ne constitue pas un problème; or, c’est là une erreur dangereuse. L’intimidation, les voies de fait, les surdoses et l’économie souterraine sont des problèmes graves dans les établissements correctionnels.

Opportunités sur le plan de l’évaluation

Il appert que, pour faire des percées dans la lutte contre la toxicomanie chez les délinquants, il faut évaluer les cas selon une approche normalisée. Ce principe ne s’applique pas seulement aux autorités correctionnelles, mais à d’autres organismes qui s’occupent de l’évaluation et du traitement de la toxicomanie.

Il faut donc chercher les occasions qui peuvent faciliter l’échange des renseignements sur l’évaluation de la toxicomanie entre les autorités gouvernementales et les organismes. Ainsi, entre autres avantages, les autorités correctionnelles visées seraient en mesure de procéder plus rapidement à l’évaluation initiale des délinquants. De plus, l’échange des renseignements avec d’autres organismes pourrait faciliter le maintien du traitement des délinquants lorsque ceux-ci passent d’un système gouvernemental ou d’un organisme à un autre.

L’évaluation de la consommation de substances en milieu carcéral offre également d’autres possibilités d’échange de renseignements. La méthode actuelle de dépistage de la drogue (échantillons d’urine) s’inscrit dans un cadre disciplinaire. Cependant, les nouvelles techniques pour contrôler la consommationde substances chez les délinquants dans de meilleurs délais et de façon à mieux prévenir les rechutes offrent des occasions de collaboration qui méritent d’être explorées.

Opportunités sur le plan de l’intervention

L’observation de nos données sur l’évaluation préliminaire du risque a révélé, entre autres, qu’un nombre considérable de délinquants se montrent intéressés à participer à des programmes. Malheureusement, la durée de la peine des délinquants sous responsabilité provinciale, le nombre limité d’animateurs de programme disponibles et certains autres facteurs empêchent les autorités de donner suite rapidement à ce haut niveau de motivation. Il est clair que plus de fois les délinquants sont admis dans le système correctionnel, plus leur motivation à participer aux programmes chute. En conséquence, le système correctionnel doit saisir toutes les occasions qui se présentent pour offrir les programmes pendant que la motivation des délinquants est élevée.

Au cours des trois dernières années, les Services correctionnels de la Saskatchewan et le SCC ont mis en place une formation commune pour les animateurs de programme. Les possibilités qu’offre ce genre d’initiative méritent également d’être explorées régulièrement dans les autres administrations, car la prestation et le maintien d’un ensemble commun de programmes présentent des avantages évidents.

Les Services correctionnels de la Saskatchewan et le SCC sont tous les deux capables d’établir des calendriers complémentaires pour l’exécution de leurs programmes communs. Les délinquants de chaque administration peuvent donc participer à un programme en temps opportun. Actuellement, les libérés conditionnels, les probationnaires et les délinquants sous responsabilité provinciale qui présentent un risque peu élevé peuvent assister à des séances conjointes de programme.

Dans presque toutes les provinces, les responsables peuvent, entre autres possibilités, participer à des réseaux provinciaux mis sur pied pour s’attaquer à la toxicomanie. Les représentants des organismes de santé provinciaux, des organismes non gouvernementaux et des organismes internationaux établis au Canada ont toujours assisté aux rencontres organisées par ces réseaux. Ces rencontres sont également ouvertes aux représentants des services correctionnels provinciaux et fédéraux et il serait bon d’en profiter.

L’amélioration des programmes de traitement à la méthadone dans les établissements correctionnels offre d’autres possibilités de collaboration intéressantes. Il s’agit autant des programmes de suivi que des programmes de traitement initial des délinquants qui entrent dans le système correctionnel.

Occasions qui s’offrent sur le plan du suivi

L’une des plus grandes difficultés en ce qui concerne les programmes correctionnels a trait à la prévention de la rechute et à la présence requise d’un réseau de soutien dans la collectivité lorsque le délinquant quitte le système carcéral. Les autorités correctionnelles doivent nouer des liens solides et durables avec les comités interministériels chargés des questions de développement social. Elles pourraient ainsi établir des partenariats pour intervenir dans des domaines comme l’emploi, l’éducation, la santé et le logement.

Il faudrait aussi examiner activement les possibilités qui s’offrent à nous pour donner aux personnes qui travaillent auprès des toxicomanes dans la collectivité de la formation sur les méthodes de prestation de programmes et de suivi qui sont cohérentes avec les approches et les programmes des services correctionnels. On pourrait ainsi fournir aux délinquants un soutien continu tout en misant sur les progrès réalisés au cours de leur participation aux programmes et en tirant profit des ressources dont dispose la collectivité pour la prévention de la rechute et le suivi des programmes.

On peut également envisager la possibilité de recourir aux options de «résidence obligatoire dans une maison de transition». Prenons, à titre d’exemple, les résidences de formation communautaires des Services correctionnels de la Saskatchewan destinées aux probationnaires éprouvant des difficultés. Cette initiative permet de s’attaquer aux rechutes des délinquants au moyen de mesures axées sur la réparation plutôt que sur l’exécution de la loi.

La mise en place d’accords de «réinsertion sociale» avec les collectivités constitue un autre secteur d’intervention que les diverses administrations auraient intérêt à examiner. Ces accords permettent une planification structurée des mises en liberté en respectant une approche intégrée de gestion des cas avec les organismes communautaires et les réseaux de soutien.

Partenariats

Il faut conclure des partenariats solides et efficaces pour profiter de chacune des occasions d’intervention susmentionnées. Il n’est plus acceptable que les collectivités ou les autres organismes gouvernementaux tiennent pour acquis qu’un service correctionnel d’une administration donnée a l’entière responsabilité de la lutte contre la toxicomanie. Il importe également que les autorités correctionnelles n’essaient plus d’accepter l’entière responsabilité du problème.

Pour établir des partenariats, il faut que les attentes soient établies clairement et acceptées par chacune des parties, que ces attentes, comme les capacités de chaque partie, soient équilibrées, que les rôles et les responsabilités soient, eux aussi, établis clairement et qu’un processus d’examen et d’évaluation soit mis au point. Ces éléments revêtent une importance cruciale, même lorsque les rôles de chaque partenaire peuvent sembler évidents.

La mise en place de partenariats pour la lutte contre la toxicomanie requiert l’intégration de diverses activités à l’intérieur d’un service correctionnel. Souvent, des intérêts contradictoires vont empêcher la réalisation des progrès qui seraient possibles lorsque l’on cherche à tirer profit d’une occasion. Il est d’une importance cruciale de trouver un juste équilibre entre les objectifs de sécurité et les objectifs des programmes, les intérêts de la recherche et de l’évaluation ainsi que les attentes relatives à la gestion et aux opérations.

Il importe également de recenser clairement tous les partenaires à faire intervenir dans la lutte contre la toxicomanie en utilisant le modèle servant à définir ce qu’est une intervention correctionnelle efficace. Des partenaires doivent être choisis pour chaque élément du modèle : prévention (p. ex., écoles, police, procureurs, famille); évaluation (p. ex., chercheurs, professionnels de la santé physique et mentale); intervention proprement dite (p. ex., les travailleurs de la santé, les animateurs des programmes dans la collectivité) et le suivi (p. ex., famille, travailleurs de la santé, professionnels de l’éducation, responsables des politiques de logement et organismes d’emploi).

Conclusion

Le problème de la toxicomanie sévit depuis plus de 100 ans dans le système correctionnel de la Saskatchewan. Les approches traditionnelles utilisées pour s’attaquer à ce problème n’ont donné que des résultats discutables. Il est donc d’une importance critique d’adopter une approche plus globale pour résoudre ce problème, une approche qui fasse appel à tous les organismes concernés et aux collectivités. L’approche retenue par les Services correctionnels de la Saskatchewan tire profit des éléments du cadre que nous avons mis en place pour une intervention correctionnelle efficace et elle reconnaît qu’il faut nouer des partenariats solides pour obtenir les résultats désirés. Nous avons bon espoir que notre approche intégrée permettra aux délinquants, aux collectivités et aux partenaires du système de justice pénale de prendre les bonnes décisions dans l’avenir.


1.   1874, rue Scarth, 7e étage, Regina (Saskatchewan) S3P 3V7.