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Programme d’intensité élevée pour les délinquants toxicomanes

John Eno1, Carmen Long,2 Sylvie Blanchet,3 Ed Hansen4 et Steve Dine5
Service correctionnel du Canada

La plupart des délinquants sous responsabilité fédérale au Canada ont des problèmes de toxicomanie de divers niveaux.6 Bien que les problèmes de nombreux délinquants puissent être traités au moyen des programmes offerts par le Service correctionnel du Canada (SCC), comme le Programme prélibératoire pour toxicomanes (PPT) et le Programme de traitement, de prévention de la rechute et de suivi dans la collectivité (Choices), on reconnaît depuis longtemps que les délinquants qui ont une forte dépendance un groupe qui représente jusqu’à 37 % de la population carcérale7 ont besoin d’un programme spécialisé.8 Ainsi, les délinquants qui font partie de ce groupe sont plus susceptibles d’avoir consommé de l’alcool ou de la drogue le jour où ils ont commis leur crime; ils ont un taux plus élevé de condamnations antérieures; ils sont plus susceptibles d’avoir besoin d’aide pour contrôler ou cesser leur consommation; ils ont un taux plus élevé d’échec dans leurs tentatives de réduire leur consommation, un taux plus élevé de consommation d’alcool ou de drogue9 et un taux plus élevé de récidive que ceux qui ont un problème de toxicomanie moins grave.10 Cet article donne un aperçu de l’approche qu’utilise le SCC pour répondre aux besoins particuliers des délinquants qui ont un problème de toxicomanie important ou grave.11

Le modèle de Programme d’intensité élevée pour toxicomanes

Les délinquants qui ont un grave problème de toxicomanie ont également plus de problèmes que les autres dans divers domaines : famille, relations interpersonnelles, santé physique, santé mentale, loisirs, études, emploi et criminalité.12 Le modèle de traitement du Programme d’intensité élevée pour toxicomanes (PIET), qui est très complet en matière d’acquisition de compétences et de durée, vise à aider les délinquants à régler les problèmes qu’ils ont dans ces divers domaines à long terme. Le PIET comprend aussi d’autres programmes et services complémentaires pour également répondre aux changements occasionnés dans les domaines qui sont problématiques.

Le PIET offre aux délinquants qui ont des besoins élevés des interventions suivies dans le domaine de la toxicomanie.13 La première phase, phase intensive, est suivie d’une phase qui consiste en des séances de suivi régulières en vue de la mise en liberté dans la collectivité. La troisième phase comporte des programmes et des séances de suivi dans la collectivité jusqu’à la date d’expiration du mandat.

Le programme

En l’absence de programme d’intensité élevée, on a dirigé les délinquants toxicomanes ayant des besoins élevés vers le PPT. Bien que ce programme soit nettement plus efficace pour les délinquants qui ont un problème de toxicomanie modéré comme le montre la réduction de 48 % du nombre de nouvelles condamnations chez ces délinquants par rapport à un échantillon de délinquants apparié , les délinquants ayant des besoins élevés ont tout de même vu leur nombre de nouvelles condamnations baisser de 26 %.14 Ces résultats donnent à penser que les techniques et les compétences enseignées dans le cadre du PPT pourraient aussi s’appliquer aux participants au PIET, bien que ces derniers aient peut-être besoin d’un programme de plus longue durée pour acquérir et mettre en pratique les compétences qui leur permettront de changer leur comportement de façon durable (voir le Graphiques 1).

Le PIET est composé d’une centaine de séances d’une durée de deux heures chacune; il y a environ huit séances par semaine, le programme durant ainsi entre quatre et cinq mois. Ce programme satisfait aux normes d’accréditation des programmes15 du SCC et possède les caractéristiques des programmes correctionnels efficaces.16 En effet, il s’appuie sur le modèle d’apprentissage social et sur des techniques cognitives et comportementales qui ont été conçues pour l’enseignement de nouvelles compétences et attitudes. L’apprentissage supervisé et les techniques d’enseignement interactif, comme le jeu de rôles, sont fréquemment utilisés durant tout le programme.

Le programme est co-animé par deux agents d’exécution de programme, qui possèdent de préférence une attestation pour animer le PPT et qui ont reçu une formation spécialisée sur la prestation du PIET. Le contenu du programme est «convivial» et on a détaillé les plans de cours de façon à réduire le travail de préparation et de prestation des agents.

Vue d’ensemble du programme

Module 1 : Orientation (10 séances)

Au cours du premier module, on donne un aperçu du programme, on établit les attentes des participants et des animateurs, et on présente les habiletés de communication qui devront être utilisées pendant toute la durée du programme. Suit un exercice autobiographique, qui permet aux participants de mieux se connaître eux-mêmes et aux animateurs d’obtenir des renseignements clés qui seront utilisés plus tard au cours du programme (p. ex., les convictions et les comportements acquis). Le module d’orientation comporte aussi des pré-tests et la première d’une série de rencontres individuelles avec chaque délinquant.

Module 2 : Est-ce que je devrais changer ? (16 séances)

Même si les délinquants toxicomanes ayant une dépendance grave admettent volontiers qu’ils ont un problème de drogue ou d’alcool et qu’ils ont besoin d’aide pour le régler,17 ils ne sont pas nécessairement prêts à changer leur comportement. Par conséquent, avant de leur enseigner des compétences, on examine dans ce module les avantages et les inconvénients de leur consommation passée et future, afin de les inciter à vouloir changer de comportement. On présente d’abord une vue d’ensemble du processus de changement18 et on parle des raisons du changement ainsi que des obstacles, sur lesquels on reviendra tout au long du programme. On aborde aussi d’autres sujets afin d’aider les délinquants à comprendre leur comportement : terminologie relative aux drogues, renseignements de nature pharmacologique, mode d’acquisition de la dépendance, intentions et attentes liées à la consommation, comportements à risque liés à la toxicomanie. À la fin du module, les participants prennent des décisions et se fixent des objectifs.

Module 3 : Comprendre le comportement (8 séances)

Pour changer son comportement, il faut d’abord le comprendre. Par conséquent, ce module vise à faire comprendre aux participants les comportements qu’ils ont eus dans le passé pour qu’ils puissent mettre le doigt sur les sources de problème et sur les situations qui risquent de les pousser à consommer. On leur enseigne le modèle «éléments déclencheurs–comportement–conséquences» et le mode d’apprentissage du comportement, et on les aide à déterminer leurs facteurs de risque personnels et l’effet combiné de ces facteurs. On leur présente aussi un cycle de comportement dans lequel les comportements et les cycles de délinquance antérieurs sont illustrés par la métaphore «vert–jaune-rouge».

Module 4 : Savoir régler le problème comportemental (9 séances)

Avec ce module, on change un peu d’orientation, car on commence à se concentrer sur l’enseignement d’habiletés d’adaptation sur le plan du comportement. La résolution de problèmes est considérée comme une habileté essentielle que les participants doivent acquérir afin d’être en mesure de régler leurs problèmes dans tous les domaines de leur vie; cette habileté demeure un thème majeur pour le reste du programme. Pour le PIET, on a adopté les étapes de résolution de problèmes utilisées dans le programme de développement des aptitudes cognitives, non seulement à cause de leur efficacité reconnue auprès des délinquants, mais aussi pour créer un effet de synergie pour les nombreux participants au PIET qui suivront aussi l’autre programme au cours de leur peine.

Module 5 : Savoir régler le problème cognitif (18 séances)

Ce module se concentre sur les habiletés d’adaptation sur le plan cognitif et est considéré comme un module essentiel du programme. On donne aux participants un enseignement approfondi de la psychothérapie rationnelle émotive.19 On commence par leur montrer l’influence de la pensée sur les problèmes affectifs et interpersonnels qui peuvent déclencher la consommation et d’autres comportements destructeurs. Les participants définissent les schémas de pensée non objectifs qui altèrent leur interprétation des faits et essaient de les modifier. On essaie ensuite de définir, de remettre en question et de remplacer les exigences irrationnelles qu’ils ont envers eux-mêmes, envers les autres et envers le mode qui les entoure. On aborde aussi la question de la faible tolérance à l’égard de la frustration, une caractéristique commune aux toxicomanes.20 Ces stratégies d’adaptation par la pensée demeurent un thème majeur pour le reste du programme et du traitement d’intensité élevée.

Module 6 : Prévention de la rechute (21 séances)

À l’aide des habiletés d’adaptation acquises dans les modules précédents, les participants établissent leur propre plan de prévention de la rechute. On leur présente d’abord le modèle de prévention de la rechute de Marlatt.21 Puis, on examine en détail chacune des principales catégories de risque évaluées par la Liste des occasions de consommation de drogues (LOCD)22 : états physiques désagréables, états affectifs désagréables, états affectifs agréables, mise à l’épreuve de la maîtrise de soi, envies et tentations, conflits avec autrui, pression sociale, moments agréables passés en compagnie d’autres personnes. Chaque séance porte sur une situation de risque et fait appel à la résolution de problèmes et à la psychothérapie rationnelle émotive pour l’élaboration d’un plan détaillé, concis et réaliste pour la prévention de la rechute dans cette situation. Dans les séances qui s’y prêtent, on enseigne d’autres habiletés comme l’assertivité, la relaxation et les aptitudes à la communication afin de renforcer les habiletés d’adaptation des participants pour chaque situation à risque. On essaie aussi de définir les éléments qui déclenchent les comportements criminels et d’élaborer des stratégies de gestion de la rechute.

Module 7 : Planification des aspects de la vie (15 séances)

Dans ce module, les délinquants examinent attentivement chaque aspect de leur vie et élaborent des plans pour chacun : toxicomanie, travail/études, mariage/famille, santé et condition physique, loisirs, aspect juridique, aspect financier, santé et bien-être mental, vie sociale, aspect culturel/spirituel, réinsertion sociale. Ces plans constituent les guides qu’ils devront suivre pour atteindre leurs objectifs dans chaque domaine de leur vie.

Module 8 : Transition (5 séances)

L’objectif de ce dernier module est de préparer les délinquants aux étapes suivantes du PEIT et de conclure le programme. Les participants examinent la nécessité de participer aux séances de suivi et la façon dont ils les envisagent, l’importance des groupes d’entraide, la façon de maintenir et d’augmenter les progrès réalisés durant le programme. On leur administre un post-test et on organise une cérémonie de fin de cours.

Après le programme, les co-animateurs s’entretiennent avec chaque participant pour recueillir les renseignements dont ils ont besoin pour déterminer le progrès de chacun et pour préparer le rapport final du programme.

Plans d’avenir

Actuellement, on met à l’essai le Programme d’intensité élevée pour toxicomanes deux fois dans chaque région du SCC afin de mettre la dernière main au contenu et aux lignes directrices sur l’exécution du programme. On prévoit le présenter au panel d’experts internationaux sur l’accréditation des programmes au début de l’an 2002. Le modèle de traitement d’intensité élevée devrait être offert sur une grande échelle durant l’exercice 2002-2003. Durant chaque session du programme, on recueillera des données sur les participants en vue d’évaluer le programme et d’y apporter des modifications.


1.  B. P. 4500, Abbotsford (Colombie-Britannique) V2T 5L7.

2.  230-22e rue Est, pièce 601, Saskatoon (Saskatchewan) S7K 0E9.

3.  Administration régionale, Atlantique, 1045, rue Main, 2e étage, Moncton (Nouveau-Brunswick) E1C 1H1.

4.  B. P. 1360, Montague (Île-du-Prince-Édouard) C0A1R0.

5.  Administration régionale, Ontario, B. P. 1174, Kingston (Ontario) K7L 4Y8.

6.  ROBINSON, D., PORPORINO, F. et MILLSON, B. Profils de consommation de drogues et d’alcool chez les détenus sous responsabilité
fédérale : Évaluation faite à l’aide du Questionnaire informatisé sur le mode de vie. Rapport de recherche n° R-11, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1991, p. 27.

7.  Groupe d’étude sur la réduction de la toxicomanie : rapport final. Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1991, p. 57.

8.  D’après les données sur l’évaluation de la toxicomanie du Centre de réception et d’évaluation de la région du Pacifique pour l’exercice 2000-2001.

9.  MILLSON, W. A., WEEKES, J. R. et LIGHTFOOT, L. D. Le Programme prélibératoire pour toxicomanes : Analyse des résultats intermédiaires et postlibératoires. Rapport de recherche n° R-40, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1995.

10.  WEEKES, J. R., MILLSON, W. A. et LIGHTFOOT, L. D. Facteurs influant sur le résultat du traitement des délinquants toxicomanes. Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, 1995, vol. 7, no 3, p. 10.

11.  Évaluation fondée sur le Test de dépendance envers l’alcool (TDA), droits d’auteur 1984, J. L. Horn, H. A. Skinner, K. Wanberg et F. M. Foster, Fondation de recherche sur l’alcoolisme et la toxicomanie, Toronto, ON, ainsi que sur le Test de dépistage de l’abus de drogues (TDAD), droits d’auteur 1982, Fondation de la recherche sur la toxicomanie et H. A. Skinner.

12.  LANGEVIN, C. M. A profile of alcohol-abusing offenders. Thèse non publiée, Carleton University, Ottawa, ON, 1999.

13.  T3 ASSOCIATES. Évaluation des résultats de la participation aux programmes de traitement de la toxicomanie : PPT, ALTO et Choices Rapport final.

Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1999, p. 185.

14.  Idem. T3 Associates, 1999, p. 124.

15.   n° 726. Gestion des programmes Directive du commissaire correctionnels. Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1999.

16.  Gestion des programmes correctionnels, Instructions permanentes. Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1999, p. 5.

17. Trousse de formation et de sensibilisation au QIMV. Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1995, C-7, C-9, D-3, D-5.

18.  MILLER, W. R. et ROLLNICK, S. I. Motivational Interviewing: Preparing people to Change Addictive Behavior. Guilford Press, 1991, p. 15-19.

19.  ELLIS, A. et VELTEN, E. When AA doesn’t work for you: Rational steps to quitting alcohol. Fort Lee, NJ, Barricade Books, 1992, p. 3-15. Voir aussi DRYDEN, W. et DiGIUSEPPE, R. A Primer on Rational-Emotive Therapy. Champaign, IL, Research Press, 1990, p. 3-10.

20.  ELLIS, A., MCINERNEY, J. F., DiGIUSEPPE, R. et YEAGER, J. Rational-Emotive Therapy with Alcoholics and Substance Abusers, Needheim Heights, MA, Allyn & Bacon, 1988, p. 24-25.

21.  MARLATT, G. A. et GORDON, J. R. Relapse Prevention: Maintenance Strategies in the Treatment of Addictive Behaviors. New York, NY, Guilford Press, 1985, p. 38.

22.  ANNIS, H. M. et GRAHAM, J. M. LOCD, Liste des occasions de consommation de drogues : guide d’utilisation. Toronto, ON, Fondation de la recherche sur la toxicomanie, 1997.