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Programmes pour femmes toxicomanes

Lucy Hume1
Centre de recherche en toxicomanie, Service correctionnel du Canada

Le rapport du Groupe d’étude sur les femmes purgeant une peine fédérale (1990). La création de choix, a jeté les bases pour tous les traitements subséquents à

l’intention des délinquantes. Les grands principes établis par le Groupe d’étude (pouvoir de contrôler sa vie, choix valables et responsables, respect et dignité, environnement de soutien, responsabilité partagée) sont devenus la pierre d’assise de tous les programmes destinés aux femmes, y compris un programme national de traitement des toxicomanes, mis en œuvre en 1995. Cet article discute des récentes observations d’un groupe d’experts qui a examiné le programme national et fait état des observations de la Direction, du personnel et des femmes purgeant une peine fédérale. Ensemble, leurs recommandations guident l’élaboration d’un nouveau modèle de traitement de la toxicomanie.

Programmes pour femmes toxicomanes : Les cinq premières années

Le premier programme national de traitement dela toxicomanie, le Programme de traitement de la toxicomanie pour les femmes purgeant une peine fédérale,2 a vu le jour en 1995. Un volet communautaire s’y est greffé en 1997. Les deux programmes, qui s’inspiraient largement du modèle de changement,3 offraient des solutions pragmatiques tout particulièrement aux femmes toxicomanes. En 1998, une deuxième version plus intensive, Solutions, a été mise à l’essai à l’échelle régionale. Depuis 1995, près de 500 femmes ont participé à ces programmes.

Un examen externe

À la fin de 1999, le Service correctionnel du Canada (SCC) a demandé à un groupe d’experts nationaux et internationaux d’évaluer les programmes de traitement pour femmes toxicomanes alors en place. Partant des principes établis dans La création de choix, le groupe a mené un examen approfondi des programmes existants en matière de toxicomanie. Bien que les experts reconnaissaient la validité des efforts déployés jusque-là, ils ont constaté des lacunes quant au processus et au contenu, et ont recommandé l’élaboration d’un modèle de traitement plus détaillé. Ils ont proposé un modèle qui ferait en sorte que le programme :

  • respecte la philosophie correctionnelle et établisse clairement le rôle de l’abstinence à l’intérieur d’un cadre de travail axé sur la réduction des méfaits;
  • soit adapté aux femmes et solidement enraciné dans les principes holistiques, y compris ceux de la théorie relationnelle;
  • soit équilibré, c’est-à-dire qu’il réponde autant aux besoins d’apprentissage cognitif qu’aux besoins thérapeutiques.

Les experts disent que, pour être efficace, un traitement doit être multidimensionnel, c’est-à-dire qu’il doit tenir compte à la fois de l’intervention (au niveau cognitif, affectif et comportemental) et de l’environnement (sécurité, liens et pouvoir de contrôler sa vie). Conscient de ces éléments, le groupe a également souligné le besoin de :

  • Déterminer la relation entre la toxicomanie et le crime, qui est considérablement différente chez les femmes.
  • Mettre l’accent sur l’importance des renvois opportuns et des niveaux correspondants d’intervention, y compris avant et après le traitement.
  • Créer des liens vers d’autres besoins et d’autres programmes. C’est la façon clé de favoriser un environnement intégré où les relations et la collectivité facilitent le changement favorable.
  • Former et garder le personnel compétent. Le groupe a souligné que la formation et le perfectionnement étaient essentiels à l’efficacité du traitement et à la fidélité envers le programme.
  • Évaluer l’efficacité en fonction de variables comportementales (récidivisme, suspensions, infractions) et personnelles/affectives (estime de soi, symptômes de stress post-traumatique, dépression, changement au niveau de la santé, fonctionnement amélioré, usage productif du temps libre).
    Conceptuellement, ce processus, qui comprend des mesures qualitatives et quantitatives, offre une évaluation approfondie du traitement.

Dans l’ensemble, les membres du groupe soutenaient que, pour maximiser son efficacité, un programme de traitement de la toxicomanie doit créer un environnement qui donne aux femmes l’occasion d’intégrer les informations et les comportements à leurs propres expériences de vie.

Réponse aux recommandations

Le SCC a accepté les conclusions du groupe, et l’élaboration d’un nouveau programme de traitement de la toxicomanie est en cours. Plusieurs membres du groupe d’experts continueront de jouer un rôle consultatif pendant l’élaboration de ce modèle. La première étape consistait en la consultation de la direction, du personnel chargé des programmes et de délinquantes purgeant une peine fédérale dans chacun des établissements régionaux. Parmi les délinquantes interrogées, certaines commençaient le traitement, d’autres avaient terminé le traitement avec succès et un certain nombre étaient retournées en établissement à la suite d’un écart ou d’une rechute. Les deux groupes (le personnel et les délinquantes) ont parlé de leur expérience relativement au programme existant et ont relevé les points à prendre en considération lors de la conception d’un nouveau modèle.

Cette consultation a clairement mis en évidence que de nombreuses délinquantes avaient tiré profit du programme de traitement de la toxicomanie. Il était cependant tout aussi clair que le traitement actuel compte des lacunes.

Les citations suivantes, tirées des entrevues avec les délinquantes, donnent un aperçu des antécédents de ces femmes et font état des points forts et des points faibles du programme actuel.

[Traduction] Ma vie était très différente avant...mon conjoint était violent, et j’ai été victime de violence auparavant. Le programme m’a aidé à comprendre ma situation On ne m’a pas sermonnée; on m’a plutôt expliqué mes options.

Le modèle de changement m’a aidée à me prendre en charge, à dissocier la personne de l’action je n’étais pas méchante, mais je ne me sentais pas bien... Les drogues, ce n’était que la pointe de l’iceberg.

Je déteste les jeux de rôle, mais c’est là que je constate réellement des choses J’aurai besoin d’un endroit où poursuivre ces activités lorsque j’obtiendrai ma libération.

J’ai suivi le programme, mais j’ai rechuté Je croyais qu’il n’y aurait pas de risques, mais j’ai succombé à la pression de mes pairs un service de suivi est vraiment nécessaire... il devrait y avoir un autre volet au programme à notre retour... notre état d’esprit est différent.

Je ne suis pas le programme actuellement il devrait y avoir de l’aide en tout temps, même un groupe mené par des pairs les témoignages sont pour moi une grande source de motivation... On ne parle pas beaucoup des relations et de la mesure dans laquelle ma consommation touche mon entourage.

Par leurs commentaires, ces femmes reprennent de nombreuses questions soulevées par le personnel et le groupe d’experts et appuient de façon convaincante la mise sur pied d’un programme en mesure de répondre à toute une gamme de questions et de besoins complexes.

De nombreuses recommandations se rapportaient précisément au programme, tandis que d’autres avaient trait à l’infrastructure de soutien. Ces suggestions ont permis d’orienter de façon stratégique l’élaboration d’un nouveau modèle de traitement de la toxicomanie.

Parmi les suggestions pour le programme, mentionnons :

  • Un cadre de travail axé sur la réduction des méfaits et qui tient compte de l’importance de l’abstinence (qu’elle soit circonstancielle conformément à une condition juridique ou choisie selon le style de vie et la gravité). L’abstinence est requise en milieu carcéral et, pour de nombreuses délinquantes avec des antécédents graves de toxicomanie, constitue l’option la plus sûre à long terme. Il est aussi valable d’enseigner aux femmes à faire des choix responsables en matière de consommation, ce qui les amène à prendre elles-mêmes le contrôle et entraînera probablement des changements durables;
  • Bien que le programme actuel cherche à être axé sur les femmes, il ne va pas assez loin. Le nouveau modèle doit s’adresser tout particulièrement aux femmes à tous les points de vue, ce qui ne pourrait se concrétiser au moyen de modifications ou de substitutions. Le contenu du programme sera présenté du point de vue de la vie des femmes et sera élargi pour comprendre des questions pertinentes et importantes touchant les femmes, comme les maladies infectieuses, le syndrome d’alcoolisation fœtale, les traumatismes, etc.;
  • Le programme est décrit comme «déséquilibré», les besoins thérapeutiques ne recevant que peu d’attention. Une approche intégrée reposant sur plusieurs modèles est nécessaire pour s’assurer que l’on répond autant aux besoins cognitifs que thérapeutiques des femmes purgeant une peine fédérale. Le débat entourant ces deux types de besoins est stérile. Les deux sont valables et seront incorporés à un volet complémentaire et équilibré du traitement de base. Le modèle de changement demeure un cadre d’intervention pertinent et nombreux sont ceux qui préconisent son application à plus grande échelle en milieu carcéral. L’éducation, le prétraitement et un suivi permanent (pour les femmes incarcérées et celles dans la collectivité) sont aussi considérés comme essentiels et seront ajoutés au traitement.
  • Les programmes ne sont habituellement pas liés les uns aux autres. La communication est difficile et l’on essaie d’éviter les chevauchements. L’isolation ou la dissociation est aussi une des préoccupations croissantes concernant la culture carcérale. Le nouveau modèle favorisera les liens et les objectifs communs avec des programmes relevant d’autres secteurs, et, ce faisant, préconisera le retour au modèle holistique de «communautés saines» envisagé dans La création de choix. De nouvelles possibilités de soutien par les pairs sont également importantes pour favoriser l’intégration du programme et le développement de la conscience communautaire.

Les recommandations concernant l’infrastructure sont tout aussi importantes. Voici quelques exemples de suggestions relevées plus d’une fois :

  • L’intention de faire participer les organismes communautaires à la prestation du programme est généralement considérée comme valable, mais la pérennité du projet soulève des doutes. De véritables efforts doivent être consacrés au renforcement des systèmes de soutien communautaire à l’intérieur de chaque établissement, qui est considéré comme une tâche permanente ayant des effets non seulement sur le programme de l’établissement, mais aussi sur la réussite de la réinsertion sociale.
  • Les ressources affectées au programme doivent être protégées. La concurrence entre les priorités ne devrait pas nuire à la prestation du programme.
  • Une orientation et une formation à point nommé à tous les niveaux (des intervenants de première ligne à la haute direction) sont essentielles au maintien de la direction et de l’intégrité du programme.
  • La recherche et l’évaluation sont des composantes essentielles. Des instruments d’évaluation et de mesure des effets du programme conçus spécialement pour les femmes sont requis, et ce, malgré les difficultés liées à la taille de la population, à la dispersion, etc.

L’avenir

Les experts, le personnel du SCC et les délinquantes s’entendent sur le besoin de changement. Leur évaluation du programme existant et leurs recommandations se rapprochent beaucoup. Devant ce consensus et cet appui, le SCC travaille actuellementà la création d’une gamme de traitements polyvalents à l’intérieur d’un cadre d’intervention conçu spécialement pour les femmes et qui incorpore les meilleures pratiques tirées de modèles théoriques crédibles.

Voici une liste partielle des modules en cours d’élaboration pour le programme de traitement de la toxicomanie :

  • Engagement initial;
  • Éducation et prétraitement;
  • Rétablissement (thérapeutique/affectif);
  • Suivi (établissement et collectivité);
  • Soutien des pairs.

Les activités préconisant l’intégration communautaire, comme les rencontres communautaires, l’animation par les pairs et le partage du contenu et des buts du programme sont également examinés. Le rôle de la coordination du programme est essentiel au succès du projet.

L’amélioration du programme et son intégration à d’autres programmes de base préconiseront une culture ou un milieu visant des changements favorables. En passant d’un éventail de programmes séparés mais liés à un système interdépendant, nous mettons progressivement l’accent sur les liens et la collectivité. Pour les femmes de ce milieu, l’apprentissage ira au-delà de l’éducation systématique et du counselling; il s’étendra à leurs expériences et à leur vie. Ce milieu de «communauté saine» sert finalement d’intervention de première ligne et de base au programme.

La mise en œuvre sera progressive. Une mise à l’essai unique du programme est prévue au début de 2002. Il offrira une gamme complète de services et des volets supplémentaires visant une meilleure intégration du programme et le développement de la conscience communautaire. Une mise à l’essai à l’échelle nationale suivra plus tard la même année. Les difficultés parallèles en matière d’infrastructure de soutien demandent un suivi immédiat et continu.


1.  B. P. 1360, Montague (Île-du-Prince-Édouard) C0A1R0.

2.  ALBERTAALCOHOLAND DRUG ABUSE COMMISSION et KERR CREATIVE CONSULTING. Substance Abuse Program for Federally Sentenced Women, 1995.

3.  PROCHASKA, J., NORCROSS, J. et DICLEMENTE, C. Changing for Good, New York, NY, Morrow, 1994.