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Profil des délinquants purgeant leur peine dans la collectivité
Shelley Trevethan et Christopher J. Rastin1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada
Selon la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC), le système correctionnel vise à contribuer au maintien dune société juste, vivant en paix et en sécurité, dune part, en assurant lexécution des peines par des mesures de garde et de surveillance sécuritaires et humaines, et dautre part, en aidant au moyen de programmes appropriés dans les pénitenciers ou dans la collectivité, à la réadaptation des délinquants et à leur réinsertion sociale à titre de citoyens respectueux des lois2. Les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité bénéficient de la semi-liberté, de la libération conditionnelle totale ou de la libération doffice. Pour mieux comprendre leurs besoins en matière de programmes, cet article établit le profil des délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité et examine les différences entre eux selon le type de mise en liberté.
A lheure actuelle, quelque 9,200 délinquants remis en liberté dun établissement correctionnel fédéral continuent de purger leur peine dans la collectivité3. Environ la moitié dentre eux (51%) bénéficient de la libération conditionnelle totale, le tiers (36%) de la libération doffice et 13% de la semiliberté.
Caractéristiques socio-démographiques
Parmi les délinquants sous responsabilité fédérale qui purgent leur peine dans la collectivité, 500 (soit environ 5%) sont des femmes. Cette proportion est plus grande que la proportion de femmes actuellement incarcérées dans les établissements correctionnels fédéraux (2%). Le Tableau1 montre que la proportion des femmes bénéficiant de la semiliberté et de la libération conditionnelle totale (7% dans chaque cas) est plus grande que la proportion des femmes qui bénéficient de la libération doffice (2%).
Comme dans le cas des délinquants incarcérés dans les établissements correctionnels fédéraux, environ les trois quarts des délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité sont de race blanche (72%). Cependant, la proportion des Autochtones est plus faible (12% contre 18%) et la proportion des Asiatiques est plus élevée (4% contre 2%). Comme lillustre le Tableau1, la proportion des Autochtones qui bénéficient de la libération doffice (17%) est plus élevée que la proportion de ceux qui bénéficient de la semiliberté et de la libération conditionnelle totale (14% et 9% espectivement).
Tableau 1
Caractéristiques socio-démographiques |
||||
Semi-liberté |
Libération conditionnelle totale |
Libération d'office |
P |
|
Femmes | 7% |
7% |
2% |
*** |
Autochtones | 14% |
9% |
17% |
*** |
Célibataires à l'admission | 44% |
38% |
47% |
*** |
< 8e année à l'admission | 15% |
15% |
20% |
*** |
Sans emploi à l'arrestation | 59% |
47% |
69% |
*** |
***p< 0,001 |
Au moment de leur admission dans un établissement correctionnel fédéral pour linfraction à lorigine de la peine actuelle, les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité étaient âgés en moyenne de 35ans, ce qui est un peu plus que les délinquants actuellement incarcérés dans les établissements correctionnels fédéraux (33 ans en moyenne). Au moment de leur mise en liberté, leur moyenne dâge était de 38 ans; plus précisément, ceux qui ont obtenu la libération conditionnelle totale étaient plus âgés (40 ans en moyenne) que ceux qui ont obtenu la semiliberté (38 ans en moyenne) et la libération doffice (36 ans en moyenne).
Au moment de leur admission, 42% des délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité étaient célibataires, une proportion moindre comparativement aux délinquants actuellement incarcérés (49%). En ce qui concerne les délinquants qui avaient un niveau de scolarité inférieur à la 8e année, la proportion de ceux qui purgent leur peine dans la collectivité est semblable à celle des délinquants qui sont incarcérés (17% et 18% respectivement). Une plus petite proportion de délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité étaient sans emploi au moment de leur arrestation (58% contre 68%).
Le Tableau1 montre également quune plus grande proportion de délinquants en liberté doffice étaient célibataires, avaient un niveau de scolarité inférieur à la 8e année et navaient pas demploi au moment de larrestation comparativement aux délinquants bénéficiant de la semiliberté et de la libération conditionnelle totale.
Infractions
En ce qui concerne linfraction la plus grave, les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité ont été condamnés dans des proportions plus grandes pour des infractions liées à la drogue (20% contre 5%) et pour des infractions contre les biens (11% contre 8%), comparativement aux délinquants qui sont actuellement incarcérés. Le Tableau 2 indique que la plus grande proportion des délinquants bénéficiant de la semiliberté ou de la libération conditionnelle totale ont été condamnés pour meurtre ou tentative de meurtre comme infraction la plus grave à lorigine de la peine actuelle (24% et 33% respectivement). Chez les délinquants bénéficiant de la libération doffice, la plus grande proportion ont été condamnés pour vol qualifié comme infraction la plus grave (31%).
Tableau 2
Infraction la plus grave à l'origine de la peine actuelle |
||||
Semi-liberté |
Libération conditionnelle totale |
Libération d'office |
P |
|
Meurtre ou tentative de meurtre |
24% |
33% |
7% |
*** |
Voies de fait | 5% |
2% |
13% |
*** |
Agression sexuelle | 6% |
6% |
16% |
*** |
Vol qualifié | 20% |
9% |
31% |
*** |
Autre infraction avec violence |
1% |
1% |
2% |
* |
Infraction contre les biens | 15% |
9% |
19% |
*** |
Conduite avec facultés affaiblies |
1% |
1% |
1% |
NS |
Infraction liée à la drogue | 18% |
28% |
8% |
*** |
Autre infraction au Code criminel ou à une loi fédérale |
7% |
9% |
3% |
*** |
NS = non significatif; *p < 0,05; **p < 0,01; ***p < 0,001 |
La durée totale moyenne de la peine des délinquants sous responsabilité fédérale qui purgent leur peine dans la collectivité, à lexception de ceux qui purgent une peine demprisonnement à perpétuité, est denviron 6,0 ans, ce qui sapparente à la durée moyenne de la peine des délinquants qui sont actuellement incarcérés dans les établissements correctionnels fédéraux (6,2 ans). La durée totale moyenne de la peine des délinquants bénéficiant de la libération conditionnelle totale (6,7 ans) est plus longue que celle des délinquants bénéficiant de la semiliberté ou de la libération doffice (5,5 ans et 5,3 ans espectivement).
Antécédents criminels
Les délinquants qui sont actuellement incarcérés dans les établissements fédéraux ont en général des antécédents criminels plus lourds que ceux qui purgent leur peine dans la collectivité. Ainsi, une plus grande proportion des délinquants actuellement incarcérés ont déjà été condamnés par un tribunal pour adolescents ou un tribunal pour adultes, ont déjà purgé une peine et ont manqué à diverses conditions alors quils étaient soumis au système correctionnel.
Chez les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité, les délinquants qui ont les antécédents criminels les plus lourds sont, dans lordre, ceux qui bénéficient de la libération doffice et ceux en semiliberté. Ceux qui ont obtenu la libération conditionnelle totale ont les antécédents criminels les moins lourds (voir le Tableau 3).
Tableau 3
Antécédents criminels |
||||
Semi-liberté |
Libération conditionnelle totale |
Libération d'office |
P |
|
Tribunal pour adolescents |
36% |
21% |
51% |
*** |
Tribunal pour adultes |
77% |
64% |
87% |
*** |
Surveillance communautaire antérieure |
65% |
47% |
77% |
*** |
Peine antérieure de ressort provincial |
59% |
42% |
76% |
*** |
Peine antérieure de ressort fédéral |
18% |
9% |
32% |
*** |
Manquement aux conditions d'une sanction communautaire |
44% |
26% |
63% |
*** |
Manquement aux conditions de la mise en liberté sous condition |
25% |
15% |
45% |
*** |
Reclassé à un niveau de sécurité supérieur |
8% |
3% |
19% |
*** |
Isolement disciplinaire | 15% |
6% |
34% |
*** |
Évasion ou illégalement en liberté |
15% |
8% |
30% |
*** |
< 6 mois écoulés depuis la dernière incarcération | 14% |
7% |
27% |
*** |
***p<0,001 |
Facteurs statiques et dynamiques
En plus de linformation se rapportant aux antécédents, à la situation sociale et au niveau de scolarité de chaque délinquant sous responsabilité fédérale, le processus dévaluation initiale effectuée par le Service correctionnel du Canada permet aussi de recueillir des renseignements sur les facteurs qui servent à déterminer le risque de récidive (comme le nombre et la nature des condamnations antérieures, les contacts antérieurs avec les services correctionnels pour jeunes contrevenants et pour adultes et la réaction à ces services) et les facteurs qui servent à déterminer les besoins dynamiques du délinquant (comme les antécédents demploi, les antécédents familiaux, la fréquentation dautres criminels, la toxicomanie et les attitudes). Les résultats de lévaluation initiale aident à déterminer le placement dans un établissement et le plan correctionnel.
Au moment de ladmission pour linfraction à lorigine de la peine actuelle, plus du tiers (35%) des délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité présentaient un risque élevé de récidive. Une proportion encore plus grande (60%) de délinquants incarcérés présentaient à lorigine un risque élevé de récidive. Comme le montre le Tableau 4, parmi les délinquants purgeant leur peine dans la collectivité, une plus grande proportion de ceux bénéficiant de la libération doffice (50%) présentaient un risque élevé de récidive au moment de ladmission, comparativement aux délinquants bénéficiant de la semiliberté ou de la libération conditionnelle totale (33% et 22% respectivement).
Tableau 4
Facteurs statiques et facteurs dynamiques |
||||
Semi-liberté |
Libération conditionnelle totale |
Libération d'office |
P |
|
Risque élevé de récidive | 33% |
22% |
50% |
*** |
Faible potentiel de réinsertion sociale |
5% |
2% |
32% |
*** |
Besoin important (dans l'ensemble) |
43% |
26% |
60% |
*** |
Emploi (modéré ou manifeste) |
48% |
45% |
56% |
*** |
Relations conjugales ou familiales (modéré oumanifeste) |
38% |
31% |
47% |
*** |
Interactions sociales et fréquentations (modéré ou manifeste) |
64% |
60% |
62% |
* |
Toxicomanie (modéré ou manifeste) |
63% |
48% |
74% |
*** |
Comportement dans la collectivité (modéré ou manifeste) |
33% |
30% |
38% |
*** |
Orientation personnelle et affective (modéré ou manifeste) |
83% |
73% |
90% |
*** |
Attitude (modéré ou manifeste) |
49% |
43% |
56% |
*** |
* p< 0,05; ***p < 0,001 |
Une plus grande proportion de délinquants actuellement incarcérés montraient un potentiel de réinsertion sociale faible au moment de leur admission dans un établissement correctionnel comparativement aux délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité (25% contre 14%). Parmi ces derniers, une plus grande proportion de ceux qui bénéficiaient de la libération doffice (32%) montraient un faible potentiel de réinsertion sociale à ladmission comparativement aux délinquants qui bénéficiaient de la semiliberté ou de la libération conditionnelle totale (5% et 2% respectivement).
À leur admission dans un établissement correctionnel fédéral pour leur peine actuelle, 42% des délinquants purgeant leur peine dans la collectivité avaient grandement besoin de suivre des programmes, daprès leur évaluation. La plupart dentre eux avaient un besoin «modéré» ou «manifeste» de suivre des programmes dans le domaine de lorientation personnelle et affective, des relations sociales, des fréquentations et de la toxicomanie. Toujours selon lévaluation initiale, une plus grande proportion de délinquants incarcérés avaient un besoin élevé de suivre des programmes (64%).
Parmi les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité, une plus grande proportion de ceux qui bénéficiaient de la libération doffice éprouvaient des besoins importants (60%) comparativement à ceux qui bénéficiaient de la semiliberté ou de la libération conditionnelle totale (43% et 26% respectivement).
Besoins au moment de ladmission et de la mise en liberté
On peut aussi se demander si les besoins des délinquants à leur admission dans un établissement correctionnel diffèrent de leurs besoins au moment de leur mise en liberté. Comme lillustre le Graphique1, dans tous les domaines de besoins, moins de délinquants éprouvent un besoin «modéré» ou «manifeste» au moment de leur mise en liberté comparativement au moment de leur admission4. Cette observation montre que les programmes et les services fournis durant lincarcération répondent aux besoins des délinquants.
Graphique 1
Besoins modérés ou manifestes à l’admission et à la mise en liberté
Le Tableau 5 indique que pour tous les types de mise en liberté la proportion de délinquants qui éprouvaient un besoin considérable dans lensemble était moindre à la mise en liberté quà ladmission dans un établissement correctionnel fédéral. Dans le cas des délinquants bénéficiant de la semiliberté et de la libération conditionnelle totale, la proportion de ceux qui éprouvaient un besoin «modéré» ou «considérable» dans chaque domaine de besoin était sensiblement plus faible à la mise en liberté quà ladmission. Chez les délinquants en liberté doffice, la proportion de ceux qui éprouvaient un besoin «modéré» ou «considérable» était moindre dans le domaine des interactions sociales et des fréquentations (39% contre 62%), de la toxicomanie (67% contre 74%) et de lattitude (51% contre 56%). Cependant, dans le domaine de lorientation personnelle et affective, de lemploi et des relations conjugales et familiales, les proportions de délinquants qui éprouvaient un besoin «modéré» ou «considérable» étaient semblables à ladmission et à la mise en liberté. Enfin, la proportion des délinquants qui éprouvaient un besoin «modéré» ou «considérable» dans le domaine du comportement dans la collectivité a augmenté légèrement (de 38% à 40%)
Tableau 5.
Facteurs dynamiques à l'admission et à la mise en liberté |
||||||
Semi-berté |
Libération cond. totale |
Libération d'office |
||||
Admission |
Mise en liberté |
Admission |
Mise en liberté |
Admission |
Mise en liberté |
|
Besoin élevé (dans l'ensemble) |
43% |
24% |
26% |
8% |
60% |
48% |
Besoin «modéré» ou «manifeste» |
||||||
Emploi | 48% |
39% |
45% |
28% |
56% |
55% |
Relations conjugales et familiales | 38% |
30% |
31% |
20% |
47% |
45% |
Interactions sociales et fréquentations |
64% |
29% |
60% |
9% |
62% |
39% |
Toxicomanie |
63% |
54% |
48% |
22% |
74% |
67% |
Comportement dans la collectivité | 33% |
30% |
30% |
19% |
38% |
40% |
Orientation personnelle et affective | 83% |
78% |
73% |
51% |
90% |
87% |
Attitude | 49% |
38% |
43% |
17% |
56% |
51% |
Résumé
Ce profil des délinquants fait ressortir les différences entre ceux qui purgent leur peine dans la collectivité et ceux qui sont incarcérés dans les établissements fédéraux. En général, les deux groupes se ressemblent beaucoup en ce qui concerne les caractéristiques sociodémographi-ques, sauf quil y a proportionnellement plus de femmes et moins dAutochtones parmi ceux qui purgent leur peine dans la collectivité. Dans ce dernier groupe toutefois, les délinquants sont plus souvent condamnés pour des infractions liées à la drogue et des infractions contre les biens, ils ont des antécédents criminels moins lourds et ils présentent un moins grand risque de récidive et un besoin général moins important à leur admission dans un établissement correctionnel fédéral, comparativement aux délinquants qui sont actuellement incarcérés. Mais surtout, bien que les délinquants purgeant leur peine dans la collectivité éprouvent, selon leur évaluation, un besoin «modéré» ou «manifeste» de certains types de programmes au moment de leur mise en liberté, leurs besoins sont moins importants à leur mise en liberté quà leur admission. Ce changement est peutêtre attribuable aux programmes suivis et aux services obtenus durant leur incarcération.
Les domaines de besoins les plus importants des délinquants au moment de leur mise en liberté sont lorientation personnelle et affective, les relations sociales et les fréquentations ainsi que la toxicomanie. Cette situation démontre à quel point il est important de leur offrir, dans la collectivité, des programmes adaptés à ces besoins.
Le profil des délinquants fait ressortir des différences entre ceux qui bénéficient de la semi-liberté, de la libération conditionnelle totale et de la libération doffice. Dans lensemble, le groupe des délinquants qui bénéficient de la libération doffice compte proportionnellement moins de femmes, plus dAutochtones, plus de délinquants ayant un faible niveau de scolarité et plus de délinquants sans emploi à ladmission que les deux autres groupes. De plus, le profil des infractions est différent chez les délinquants qui purgent leur peine dans la collectivité. Ceux qui bénéficient de la libération doffice ont des antécédents criminels plus lourds, présentent un risque de récidive plus élevé et éprouvent des besoins plus importants comparativement aux délinquants qui ont obtenu la semiliberté ou la libération conditionnelle totale.
1. 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
2. Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition, L.C. 1992, ch..20.
3. Les données sont tirées dun Profil instantané des délinquants incarcérés dans un établissement fédéral ou purgeant leur peine dans la collectivité un jour de
novembre 2002.
4. La signification est calculée à laide de moyennes tirées dune échelle à quatre points, 1 indiquant un acquis, 2 - labsence de besoin, 3 - lexistence dun besoin modéré et 4 - lexistence dun besoin manifeste. Le domaine de la toxicomanie et celui de lorientation personnelle et affective est mesuré à laide dune échelle à trois points (aucun besoin, besoin modéré et besoin manifeste).