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évaluer ce que font les prisons : un aperçu
Gerald G. Gaes1
Office of Research and Evaluation, National Institute of Justice
Les opinions exprimées dans cet article sont celles de lauteur et ne reflètent pas nécessairement la politique du National Institute of Justice ou du Department of Justice des États-Unis.
Introduction
Les prisons sont des organisations dotées dune structure complexe. Elles visent plusieurs objectifs et sont perçues de diverses façons par différentes personnes. Comment peut-on créer des normes de comparaison du rendement des prisons qui tiennent compte à la fois de cette complexité inhérente et de la diversité des objectifs et des intérêts ? Louvrage intitulé Prison Performance: Laying the Groundwork to Compare Public and Private Prisons,2 qui sera publié sous peu, tente, entre autres, de répondre à cette question. Cet ouvrage est le fruit dune étude menée par les auteurs sur la difficulté de mesurer le rendement des prisons. Nous voulions notamment comparer le rendement des prisons privées et des prisons publiques tout en continuant dexercer nos fonctions en tant quemployés ou sous-traitants du Federal Bureau of Prisons. Lors de sa rédaction, nous avons toutefois cherché à inscrire notre analyse dans un contexte plus global. Louvrage se veut également un modèle dévaluation du rendement dun organisme gouvernemental et un outil de référence pour aider à déterminer sil y a lieu de privatiser un service gouvernemental. Ce qui suit est un résumé du contenu de chacun des chapitres de louvrage.
Perspectives de lévaluation du rendement
Le chapitre 1 décrit la raison d'être des prisons. Selon nous, cette mise en contexte s'impose si on veut établir un cadre cohérent d'évaluation du rendement. Nous faisons état des différentes opinions exprimées par d'autres spécialistes sur le mandat du système de justice pénale ou celui des prisons. Les spécialistes cités sont John DiIulio, James Q. Wilson et Charles Logan. Nous nous attardons particulièrement au point de vue de M. Logan, car nous estimons qu'il a apporté une contribution essentielle à la définition des étapes logiques entre l'évaluation du mandat des prisons et l'évaluation de leur rendement. Nous ne sommes pas d'accord avec lui en ce qui a trait au mandat des prisons, mais nous reconnaissons tout de même qu'il a fait une analyse soignée de la question. Nous sommes plutôt d'avis qu'il revient aux établissements de définir leur propre mandat, celui-ci étant généralement énoncé dans leur mission. Cependant, une fois cette étape franchie, il faut définir des objectifs mesurables visant à réaliser la mission. Ces objectifs doivent à leur tour être assortis d'éléments mesurables. Si un système carcéral a entre autres pour mission de promouvoir la réinsertion sociale des délinquants, il faut établir des objectifs pertinents, par exemple, améliorer les aptitudes des délinquants. Cet objectif doit ensuite être défini selon des indicateurs du rendement mesurables, par exemple le niveau de compétence atteint. Nous nous intéressons également à la récidive comme indicateur clé de l'évaluation du rendement. Nous examinons la complexité associée à l'évaluation de la récidive, tant sur le plan individuel qu'à l'échelle de l'établissement. L'évaluation de la récidive sur le plan individuel présente de nombreuses difficultés inhérentes, mais nous examinons également les problèmes associés à l'évaluation des taux de récidive au sein de la population d'un établissement. Comme nous considérons la récidive comme étant un élément important du rendement des prisons, nous étudions cet aspect plus loin dans notre ouvrage.
Vérification
Dans les chapitres 2, 3, 4 et 5, nous analysons diverses façons dont les autorités carcérales peuvent faire le suivi de leur rendement. Pour ce faire, nous décrivons les approches qui ont été utilisées par divers établissements. Le chapitre 2 porte précisément sur la vérification de lexploitation des prisons. Dans bien des cas, lorganisme responsable envoie des équipes dinspecteurs ou de vérificateurs chargés dexaminer une activité donnée dun établissement et de déterminer si celui-ci respecte les politiques et les lois applicables. Nous expliquons comment on peut transposer ces méthodes en données scientifiques à partir dune vérification modèle de la sécurité dans une prison élaborée avec laide du National Institute of Corrections.
Évaluation
Le chapitre 3 porte sur « l'évaluation qualitative ». De manière générale, cela englobe divers rapports et exposés qui ne renferment pas nécessairement de nombreuses données ou des analyses détaillées. Souvent, les organismes préparent des rapports rétrospectifs après un événement, par exemple, une émeute ou un homicide flagrant commis dans un établissement. La documentation existante renferme également de nombreux exemples théoriques et certains ouvrages expliquent le contexte général et la perspective sociale des prisons. L'ouvrage rédigé par Jim Jacob sur la prison de Stateville en Illinois en est l'exemple parfait. De tels documents généraux, souvent historiques, viennent rehausser notre compréhension et notre analyse du rendement des prisons.
Évaluation du rendement
Le chapitre 4 porte sur lévaluation du rendement fondée sur le comportement. De manière générale, il sagit dune analyse fondée sur lexamen du comportement dun détenu. Ces données sont parfois obtenues dans le contexte des activités quotidiennes de létablissement, parfois lors dévaluations menées dans le cadre dune étude donnée. Cest dans les rapports sur les cas dinconduite quon trouve le type le plus courant de données sur le comportement des détenus. Bien que ces données puissent sembler objectives, nous expliquons pourquoi il importe de comprendre le contexte entourant la mesure du comportement avant de tirer des conclusions à ce sujet.
Le chapitre 5 traite de lutilité des sondages comme outil dévaluation du rendement. Le Service correctionnel du Canada et le Federal Bureau of Prisons ont tous deux mené de vastes études auprès des détenus et du personnel. Les données recueillies dans le cadre détudes de ce genre peuvent porter sur une foule de sujets, du plus délicat au plus banal. Nous expliquons comment ces données peuvent aider à analyser le rendement des prisons.
Dans les chapitres 4 et 5, nous nous intéressons également aux problèmes statistiques et méthodologiques associés à lévaluation du rendement de lorganisation dans le cas qui nous occupe, la prison. Il existe aujourdhui de nouveaux outils statistiques et des logiciels permettant de faire des analyses de données multiniveaux. Ces outils ont été utilisés pour analyser le rendement des écoles, la qualité des hôpitaux et lefficacité des prisons. Ces techniques sont novatrices en ce quelles permettent au responsable de létude de tenir compte à la fois de caractéristiques propres à lorganisation et dautres propres aux personnes. Pour évaluer le rendement dun hôpital, lanalyste doit prendre en compte les caractéristiques individuelles des patients. Lorsquon évalue des écoles, il faut tenir compte de la composition de la population étudiante. De même, dans le cas des prisons, le rendement peut varier en fonction des caractéristiques de chaque détenu. Nous expliquons cette façon de faire en termes simples que pourra comprendre un lecteur non initié. Nous voulons que cela soit compréhensible autant pour les décideurs que pour les gestionnaires ou les étudiants. Plusieurs théories justifient lutilisation de modèles multiniveaux et nous en analysons quelques-unes dans notre ouvrage. Nous illustrons également comment les résultats obtenus peuvent être interprétés sous forme graphique. Ces graphiques fournissent un classement des établissements en fonction de leur rendement, du meilleur au pire.
Le coût des prisons
Les chapitres 6 et 7 portent sur l'établissement du coût des services gouvernementaux et sur certaines des théories économiques à partir desquelles on a établi que la privatisation des prisons entraînerait vraisemblablement une réduction des coûts. Ces deux chapitres s'inspirent en grande partie des travaux de Julianne Nelson, qui a participé à la rédaction de l'ouvrage et a consacré une bonne partie de sa vie professionnelle à l'analyse des coûts-avantages. Elle a également étudié les coûts relatifs de la prestation de services correctionnels et de services médicaux dispensés dans les établissements carcéraux par les secteurs privé et public. Nous décrivons la méthode préconisée par madame Nelson pour procéder à une analyse des coûts pour la prestation des services par le secteur privé et par le secteur public. Nous étudions également la théorie économique à l'origine du débat sur la privatisation d'un service gouvernemental quel qu'il soit, plus particulièrement les services carcéraux. Nous examinons les travaux de théoriciens du secteur économique qui ont des opinions divergentes sur la question - certains croient que la privatisation est nettement plus avantageuse, d'autres estiment que la privatisation de certains services n'améliore pas leur efficacité. Le chapitre 7 explique comment on peut et on doit tenir compte du coût dans l'analyse du rendement des prisons. Cet élément est particulièrement déterminant lorsqu'on compare ce qu'il en coûte au secteur privé et au secteur public pour exploiter un établissement carcéral. Le coût d'exploitation varie d'un établissement à l'autre, mais qu'advient-il de la qualité lorsque les coûts diminuent ? Nous nous intéressons aussi à la main-d'ouvre, qui constitue de loin la plus importante partie des dépenses d'un établissement carcéral. Dans un tel contexte, nous émettons l'hypothèse que la prestation de services carcéraux par le secteur privé dépend de la «McDonaldisation » du travail dans les établissements. Selon ce principe, emprunté aux ouvrages sur la sociologie organisationnelle, on peut compartimenter les emplois, de la même façon qu'on le fait dans les restaurants de la chaîne McDonald. Ainsi, la main-d'ouvre est plus facilement remplaçable, selon certains économistes. Mais quel effet cela a-t-il sur la qualité des services carcéraux ? Nous analysons cette question.
Dans le chapitre 8, nous avançons la possibilité détablir des comparaisons entre les mesures du rendement effectuées par divers organismes. Peut-on comparer le rendement du Service correctionnel du Canada à celui du Federal Bureau of Prisons ? Peut-on comparer la qualité des travaux menés par les services correctionnels du Texas, de la Californie et du Michigan ? De telles comparaisons posent de nombreux problèmes, mais nous reconnaissons aussi que nous ne pouvons comprendre certains événements et certains processus quà la faveur danalyses comparatives.
Récidive et abandon
Dans le chapitre 9, nous revenons sur la mesure de la récidive en la situant dans le contexte de la documentation sur la criminalité et, de manière plus globale, sur la criminologie. De telles études sont menées au Canada, au Royaume-Uni, en Allemagne et aux États-Unis, entre autres. Il sagit dune méthode expérimentale dans le cadre de laquelle on tente de tenir compte de la propension criminelle à un moment ou un autre de la vie de la personne. Certains chercheurs étudient même des causes prénatales et périnatales de la propension criminelle. Les travaux portent également sur les facteurs qui mènent à labandon de la criminalité la fin de la carrière de criminel, si on veut. Nous donnons un aperçu général de ces nouveaux travaux fascinants et faisons valoir leur importance pour nous aider à comprendre la récidive et leur utilité pour la mesure du rendement des prisons.
Sommaire
Le chapitre 10 réunit tous les sujets abordés dans les chapitres précédents et explique comment on peut mesurer chacune des activités du système carcéral. Nous démontrons également comment on peut les intégrer à des outils conviviaux à lintention des gestionnaires. Dans le chapitre 11, nous élargissons lhorizon de ces travaux en démontrant comment le rendement des prisons sinsère dans le cadre plus général du rendement et de la responsabilité dun gouvernement. Pour ce faire, nous examinons les documents les plus récents publiés dans le domaine de ladministration publique. Nous expliquons comment les dix chapitres précédents peuvent servir de modèle danalyse du rendement et de la rentabilité dun service gouvernemental, que ce soit la collecte des ordures ou laide sociale. Nous explorons également les conséquences non prévues de la mesure du rendement, y compris celles qui pourraient miner la pertinence du système.
Le dernier chapitre présente un résumé des principaux thèmes abordés et jette les bases des travaux à venir. Avec cet ouvrage, nous avons voulu démontrer quil est possible de mesurer le rendement des prisons, démontrer que le modèle est valable pour tous les services gouvernementaux et souligner que la plupart des études qui ont été faites jusquà maintenant sur la privatisation des prisons étaient soit mal conçues, soit mal exécutées.
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2 GAES, Gerald G., CAMP, Scott D., NELSON, Julianne etSAYLOR, William G. Prison Performance: Laying the Groundwork to Compare Public and Private Prisons, Alta Mira, CA, AltaMira Press, à paraître.