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Le classement des délinquantes en vue des interventions correctionnelles

par Kelley Blanchette1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Le but ultime du système correctionnel canadien est la gestion du risque et l’élimination des facteurs criminogènes qui y sont associés2. On détermine le risque que présente le délinquant en décelant les variables qui contribuent au comportement criminel, puis en les évaluant. Les délinquants sont différents à plusieurs points de vue, entre autres quant aux causes et aux conséquences de leur comportement criminel, quant à leur réceptivité à l’incarcération et au traitement. Une évaluation complète peut servir à diverses fins, que ce soit pour classer le délinquant selon le niveau de sécurité, pour planifier le traitement à lui offrir ou pour préparer l’évaluation du risque avant la libération. L’évaluation des facteurs de risque et de besoins statiques et dynamiques3 doit se poursuivre pendant toute la durée de la peine du délinquant. C’est ainsi qu’on pourra classer le délinquant dans la catégorie appropriée et qu’on pourra adapter son plan correctionnel. Cet article donne un aperçu des pratiques actuelles d’évaluation et de classement des délinquantes.

Dans le passé, on a fait peu d’études empiriques sur les délinquantes, en particulier dans le domaine des pratiques objectives d’évaluation. Aujourd’hui, la situation a changé et les chercheurs s’intéressent au classement et à l’évaluation des délinquantes.

Bien que la plupart des outils servant au classement aient été élaborés en fonction des délinquants, certains, comme les Stratégies de gestion des cas et l’Inventaire du niveau de service — révisé, sont utilisés régulièrement et efficacement auprès des délinquantes. Cette situation est digne de mention, puisque l’évaluation des délinquantes joue un rôle important dans la gestion et les programmes correctionnels.

Évaluation initiale

Tous les délinquants sous responsabilité fédérale sont soumis à un processus complet et intégré qu’on appelle évaluation initiale du délinquant (EID). Cette évaluation comporte plusieurs éléments : évaluation communautaire, évaluation préliminaire, évaluation du risque criminel, détermination et analyse des besoins, évaluation psychologique et évaluations supplémentaires, profil criminel. On a commencé à utiliser le processus d’évaluation initiale en novembre 1994. Il permet d’obtenir un résumé des inquiétudes particulières à propos du délinquant, le cas échéant, de déterminer les besoins du délinquant en traitement ainsi que sa réaction éventuelle au traitement, et d’évaluer le risque de récidive.

L’évaluation communautaire permet de définir les préoccupations essentielles (le cas échéant) et nécessite la consultation des rapports de police, du dossier médico-légal et des dossiers de détention. L’évaluation préliminaire concerne l’administration de la peine et les renseignements sur la sécurité, les antécédents médicaux et l’examen médical, l’état de santé mentale, le risque et les possibilités de suicide. L’évaluation du risque criminel porte sur les antécédents criminels (condamnations criminelles en tant que jeune contrevenant, condamnations antérieures en tant qu’adulte et infractions à l’origine de la peine actuelle), les critères de maintien en incarcération et tout autre facteur connexe. La définition et l’analyse des besoins couvre sept sphères de besoins, dont l’emploi et l’éducation, les relations conjugales et familiales, les fréquentations (de personnes criminelles ou non), la toxicomanie, la vie dans la collectivité, la vie personnelle et affective, et l’attitude générale. Les évaluations psychologiques et supplémentaires sont adaptées en fonction du délinquant et peuvent porter sur des considérations et des besoins particuliers. Enfin, on établit un profil criminel, qui décrit l’infraction à l’origine de la peine actuelle.

Classement selon le niveau de sécurité

Jusqu’à tout récemment, il n’y avait au Canada qu’une seule prison fédérale pour les délinquantes, la Prison des femmes à Kingston. Cette prison est un établissement à sécurité maximale; en conséquence, sauf certaines exceptions, les femmes condamnées à une peine de deux ans ou plus purgeaient leur peine dans cet établissement, indépendamment de la cote de sécurité qui leur avait été attribuée.

Certains auteurs4 se sont demandé pourquoi on évaluait les délinquantes pour les classer selon le niveau de sécurité, puisqu’elles étaient toutes incarcérées dans le même établissement. Cependant, comme on a construit cinq nouveaux établissements fédéraux pour les femmes, la question de l’évaluation en vue du classement selon le niveau de sécurité a pris une grande importance.

En 1988, le Service correctionnel du Canada a commencé à utiliser l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) pour classer les délinquants sous responsabilité fédérale d’une façon objective et normalisée. Cette échelle est composée de deux sous-échelles auxquelles on attribue un score indépendant : la sous-échelle d’adaptation à l’établissement (cinq items) et la sous-échelle du risque pour la sécurité (sept items ). Les scores varient entre 0 et 186 points pour la première sous-échelle, et entre 17 et 190 points pour la deuxième. Lorsque le score augmente pour l’une ou l’autre des sous-échelles, on classe le délinquant dans un niveau de sécurité plus élevé. Les valeurs limites de l’échelle sont fixées de telle sorte qu’on retrouve 15 % des délinquants dans le niveau de sécurité minimale, 73 % dans le niveau de sécurité moyenne et 12 % dans le niveau de sécurité maximale.

Un rapport publié récemment5 a démontré que l’ECNS est un outil de classement fiable et valide, qui est utile autant pour les femmes que pour les hommes. Il est intéressant de remarquer que les scores totaux moyens étaient identiques (111,6) pour les hommes et pour les femmes. Avec un échantillon de 65 délinquantes, les chercheurs ont démontré que le classement effectué à l’aide de l’échelle était en accord avec les décisions de placement pénitentiaire dans la totalité des cas.

Évaluation des besoins et programmes correctionnels

La recherche a montré que les délinquantes ont des besoins divers; elles ont des difficultés sur le plan de l’emploi et de l’éducation, des problèmes conjugaux ou familiaux, des problèmes d’alcool ou de toxicomanie. Bien que beaucoup de ces besoins soient semblables à ceux des délinquants, la recherche révèle que les délinquantes ont aussi des besoins disparates et des priorités différentes.

Ainsi, les délinquantes ont un taux de prévalence de troubles mentaux supérieur à celui observé chez les hommes et les femmes de la population générale6; chez les délinquantes, ce taux est supérieur à celui des hommes et des femmes en général et à celui des délinquants8. Cette constatation s’applique en particulier aux troubles psychiatriques graves comme la schizophrénie et le trouble bipolaire, ainsi qu’aux troubles comme la dépression, les troubles anxieux et la pharmacodépendance. Bien que les troubles mentaux ne soient pas en eux-mêmes directement associés à la criminalité ou à la récidive, d’autres besoins dans le domaine de la santé émotionnelle des délinquantes nécessitent une intervention et semblent être liés à des facteurs criminogènes.

Par exemple, une étude8 a révélé qu’une tentative de suicide est la variable prédictive la plus déterminante de la récidive avec violence chez un échantillon de délinquantes sous responsabilité fédérale; dans une autre étude9, on a trouvé un taux beaucoup plus élevé d’automutilation chez les femmes récidivistes que chez les non-récidivistes. Ces résultats valent d’être mentionnés, étant donné que près de 50 % des femmes purgeant une peine fédérale ont déjà tenté de se suicider (comparativement à moins de 15 % des délinquants)10. Bien que les actes d’automutilation ou les tentatives de suicide commis dans le passé soient des facteurs de risque statiques, il est possible que les comportements autodestructeurs actuels ou futurs augmentent la probabilité de récidive. Ces éléments constituent des facteurs dynamiques qui peuvent faire l’objet d’un traitement. Il y a de bonnes chances pour que les recherches prospectives démontrent que ces facteurs ne sont criminogènes que pour les délinquantes.

Le processus d’évaluation initiale comprend un protocole structuré d’évaluation des besoins appelé Détermination et analyse des besoins (DAB). Ce protocole permet d’évaluer les délinquants dans sept sphères de besoins (domaines), chaque domaine comportant de nombreux indicateurs. Les sept domaines sont l’emploi (35 indicateurs), les relations conjugales et familiales (31 indicateurs), les fréquentations et les interactions sociales (11 indicateurs), la toxicomanie (29 indicateurs), la vie dans la collectivité (21 indicateurs), la vie personnelle et affective (46 indicateurs) et l’attitude générale (24 indicateurs). Le processus permet de classer les délinquants dans chaque domaine selon quatre catégories, allant de {tout pour l’adaptation à la collectivité} à {besoin considérable d’amélioration}. Le processus de la DAB peut donc être utilisé comme outil pour déceler les besoins en matière de traitement et les classer en ordre de priorité.

On présente au tableau 1 les résultats de la définition des besoins qui a été effectuée, dans chaque domaine, chez les femmes purgeant une peine fédérale à leur admission à l’établissement. Ces résultats concernent toutes les délinquantes soumises à l’évaluation au moyen du processus de la DAB depuis que celui-ci a été mis en application.

La majorité des femmes purgeant une peine fédérale ont un problème de toxicomanie à leur admission à l’établissement. En outre, près de 90 % des délinquantes ont un besoin {modéré} ou {considérable} d’amélioration dans le domaine de la vie personnelle et affective. Comme leurs homologues masculins, elles ont aussi des problèmes importants sur le plan de l’éducation et de l’emploi et des difficultés conjugales ou familiales. Heureusement, tous les domaines cibles (mais non pas nécessairement tous les indicateurs qu’ils comportent) correspondent à des besoins liés à des facteurs criminogènes qui peuvent faire l’objet d’interventions. Plus nombreux sont les indicateurs qui s’appliquent à la délinquante dans chaque domaine, plus le score attribué à ce domaine a de chances de se situer dans les catégories {besoin modéré d’amélioration}ou {besoin considérable d’amélioration}. Le tableau 2 montre la relation entre le nombre d’indicateurs dans chaque domaine et le niveau de risque et de besoins déterminé sur l’échelle des quatre catégories.

Tableau 1

Définition des besoins des femmes purgeant une peine fédérale
à leur admission (n = 182)

Domaine de
besoins

Atout pour
l’adaptation à
la collectivité
( % )

Aucun
besoin
immédiat
( % )
Besoin
modéré
( % )
Besoin
considérable
( % )
Éducation / emploi
14,3
12,1
48,9
24,7
Relations conjugales/ familiales
8,8
20,9
47,3
23,1
Fréquentations
8,8
10,4
63,7
17,0
Toxicomanie
n/a
37,9
23,6
38,5
Vie dans la collectivité
13,7
17,0
58,8
10,4
Vie personnelle / affective
n/a
12,1
52,2
35,7
Attitude générale
17,6
52,7
20,9
8,8
Source : SGD, base de données informatisée du Service correctionnel du Canada

Comme on pouvait s’y attendre, toutes les corrélations se trouvant sur la diagonale montrent une relation positive et statistiquement significative, ce qui confirme que la DAB est bien appliquée, puisque le niveau de risque et de besoins est plus élevé lorsqu’un plus grand nombre d’indicateurs sont présents. En outre, un niveau élevé de besoins dans le domaine de l’éducation et de l’emploi est associé à la présence d’indicateurs dans d’autres domaines. Selon une interprétation, si une délinquante a un besoin considérable d’amélioration dans le domaine de l’éducation et de l’emploi, il est probable qu’elle a aussi de graves problèmes dans d’autres domaines.

Tableau 2

Interrelations entre les niveaux de risque et de besoins et les indicateurs de
chaque domaine pour les femmes purgeant une peine fédérale (n = 182)

Indicateurs

Niveau de risque et de besoins

 
E
F
FR
T
VC
VPA
At
Emploi (E)
0,44d
0,04
0,16a
0,16a,
17a
0,14
0,07
Famille (F)
0,23b
0,24b
0,04
0,14
0,05
0,17a
–0,05
Fréquentations (FR)
0,36d
0,15a
0,30d
0,14
0,14
0,22b
0,10
Toxicomanie (T)
0,24b
0,20b
0,20b
0,55d
0,07
0,26c
0,13
Vie dans la collectivité (VC)
0,38d
0,09
0,13
0,09
0,23b
0,21b
0,07
Vie personnelle et affective (VPA)
0,31d
0,16a
0,13
0,22b
0,08
0,35d
0,18a
Attitude générale (At)
0,32d
0,19b
0,28c
0,31d
0,09
0,33d
0,38d
Remarque: ap <0,5; bp < 0,01; cp < 0,001; dp < 0,0001

L’Échelle d’évaluation du risque et des besoins dans la collectivité (EERBC), le prédécesseur du processus de la DAB, permet d’évaluer, dans douze domaines, les besoins des délinquants au moment de leur mise en liberté dans la collectivité et par la suite. Cette échelle a été mise en application en 1990 pour évaluer le risque et établir les normes de surveillance dans la collectivité. Le tableau 3 présente la distribution des pourcentages associés à chaque domaine pour un échantillon de 175 délinquantes sous responsabilité fédérale bénéficiant d’une liberté sous condition.

La comparaison des tableaux 1 et 3 laisse supposer que les femmes purgeant une peine fédérale ont des besoins plus élevés au moment de l’admission qu’à la mise en liberté. Cependant, cela ne signifie pas nécessairement que les besoins diminuent (par exemple grâce au traitement) durant la période d’incarcération. Ces données ont été tirées de deux échantillons différents et on pourrait les interpréter en disant que les délinquantes ayant des besoins plus faibles sont plus susceptibles d’être mises en liberté.

Bien qu’il n’y ait que très peu de recherches dans le domaine, les études sur l’efficacité du traitement offert aux délinquantes ont donné des résultats équivoques11. Plus précisément, à peu près rien ne prouve que les programmes offerts en établissement réduisent le taux de récidive chez les délinquantes mises en liberté. On en est aussi arrivé à cette conclusion dans une étude faite récemment sur les programmes communautaires {exemplaires} pour les femmes purgeant une peine fédérale12, dans laquelle on a établi que les programmes offerts aux femmes sont non seulement structurés pour les hommes, mais qu’ils sont aussi mal adaptés aux femmes.

Tableau 3

Besoins des délinquantes après la mise en liberté (n = 175)

Domaine de
besoins

Atout pour
l’adaptation à
la collectivité
( % )

Aucun
besoin
immédiat
( % )
Besoin
modéré
( % )
Besoin
considérable
( % )
Formation scolaire /
professionnelle
n/a
65,7
29,1
5,1
Emploi
12,0
44,6
36,6
6,9
Gestion du budget
10,2
54,0
26,1
9,7
Relations conjugales /
familiales
21,1
44,6
24,6
9,7
Fréquentations
25,6
45,3
25,0
4,1
Logement
19,0
65,5
12,6
2,9
Comportement /
vie affective
n/a
56,3
33,0
10,8
Consommation d’alcool
n/a
89,1
8,6
2,3
Consommation de drogue
n/a
89,7
8,6
1,7
Aptitudes mentales
n/a
95,4
4,0
0,6
Santé
n/a
76,7
18,8
4,5
Attitude
36,2
55,7
6,3
1,7
Remarque: s.o. = sans objet

Sur une note plus positive, on pourrait soutenir que rien ne prouve non plus que les programmes de traitement offerts aux délinquantes ne sont pas efficaces. En outre, la mise en application de protocoles structurés d’évaluation des besoins et l’augmentation de leur utilité dans la planification des programmes et la prévision du risque pourraient améliorer de beaucoup la possibilité d’adapter des programmes visant à réduire le risque que présentent les délinquantes.

Évaluation du risque et récidive

L’évaluation du risque et l’évaluation des besoins sont toutes deux des stratégies de gestion correctionnelles. L’évaluation du risque porte habituellement à la fois sur le risque et sur les besoins liés aux facteurs criminogènes. Cependant, la composante des besoins peut être soumise à des interventions et sert donc à adapter les stratégies de traitement.

Dans les milieux correctionnels provinciaux et fédéraux, on utilise couramment des instruments statistiques objectifs13 pour évaluer le risque. On se sert régulièrement de l’Inventaire du niveau de service — révisé (INS-R)14. L’INS-R est l’outil de classement qui a fait l’objet du plus grand nombre de recherches en Amérique du Nord. Il est unique en son genre parce qu’il a été mis à l’essai auprès de délinquants et de délinquantes (956 et 1 141 respectivement) et qu’on a établi des normes pour ces deux groupes. Reconnu comme valide et fiable pour les délinquants des deux sexes, il s’est montré utile pour prévoir le placement dans un niveau de sécurité particulier, l’adaptation à l’établissement, le placement en isolement, l’octroi de la libération conditionnelle, la violation des conditions de la libération, le placement en maison de transition et diverses mesures liées à la période postlibératoire.

Dans le cadre d’une étude effectuée récemment15, on a administré l’INS à un large échantillon (n = 526) de délinquantes purgeant une peine de moins de deux ans. Les résultats ont révélé que les valeurs limites fondées sur les normes s’appliquant aux hommes ne fonctionnent pas avec les femmes. Le score moyen pour l’échantillon a été de 15,5; les scores moyens pour les hommes dans la même situation allaient de 20,9 à 25,1.

Les auteurs ont construit cinq catégories de risque pour qu’environ 20 % des scores de l’échantillon puissent être classés dans chaque niveau. Les analyses statistiques ont révélé une augmentation régulière de la récidive à mesure que le niveau de risque selon l’INS augmentait.

C’est là la première application consignée de l’INS à un large échantillon de délinquantes dans une étude longitudinale. Bien que les résultats confirment l’utilité de l’INS pour le classement des délinquantes et la prévision du risque qu’elles peuvent présenter, ils montrent aussi qu’il est nécessaire d’établir des catégories de risque distinctes pour ce groupe. Il faut espérer que d’autres chercheurs examineront la faisabilité de cette suggestion.

Les Stratégies de gestion des cas (SGC) sont un instrument d’évaluation qui a été élaboré à l’origine pour fournir aux agents de probation des renseignements devant les aider à effectuer des interventions pertinentes. Bien que les SGC tiennent compte de diverses sources d’information, la principale composante est une entrevue semi-structurée qui porte sur l’attitude du délinquant face à l’infraction, ses antécédents, ses projets et ses problèmes actuels. Cette entrevue est généralement effectuée dans le cadre de l’évaluation initiale. Le dossier d’entrevue est un protocole normalisé de 71 questions sur les attitudes du délinquant, ses antécédents, son comportement et la perception qu’a l’agent des facteurs qui ont contribué au comportement criminel.

Dans une enquête innovatrice16, des chercheurs ont utilisé les SGC pour en extraire certains éléments et construire des scores de risque composés pour chaque récidive générale ou violente dans un échantillon de 81 femmes purgeant une peine fédérale mises en liberté. Dans l’ensemble, les scores de risque composés représentaient respectivement 48 et 45 % de la variance expliquée dans la récidive générale et violente. Les résultats ont démontré qu’on peut se servir de mesures du risque objectives pour évaluer le risque de récidive. En outre, ces mesures peuvent être manipulées et adaptées à des groupes particuliers, comme les femmes purgeant une peine fédérale.

Analyse

Les paradigmes de l’évaluation et du classement sont des reformulations de ce que nous savons déjà à propos des variables relatives au risque et aux besoins. L’évaluation et le classement de tous les délinquants sont essentiels au placement dans le niveau de sécurité approprié, au traitement et à la prévision du risque. Lorsqu’on classe les délinquants selon le niveau de sécurité approprié, on décèle les délinquants qui présentent un faible risque et on peut appliquer des solutions de rechange à l’incarcération plus humanitaires et moins coûteuses. En outre, les crédits pourraient être réaffectés à des stratégies de programme adaptées aux délinquants à risque élevé. Les conclusions préliminaires indiquent qu’il est souhaitable d’utiliser l’ECNS pour classer les délinquantes. Les recherches prospectives évalueront l’utilité de cette échelle en tant qu’outil de prévision pour ce groupe (par exemple, dans le cas des incidents en établissement).

Beaucoup d’études montrent que nos outils d’évaluation du risque et des besoins sont fiables et valides pour les délinquantes. Cependant, il nous faut aussi tenir compte de questions qui pourraient s’avérer particulièrement importantes pour la réussite ou l’échec de la mise en liberté (comme les incidents d’automutilation ou les tentatives de suicide). Bien que la DAB et l’EERBC comportent l’élément suicide/automutilation comme indicateur de problèmes dans la vie personnelle et affective, nous croyons qu’il faudrait accorder plus d’importanceà cette variable lorsqu’on évalue des délinquantes. Il se peut que cet élément ait une grande valeur de prédiction. En outre, les problèmes conjugaux et familiaux peuvent s’avérer déterminants pour prévoir le comportement durant la mise en liberté. Ainsi, les délinquantes sont beaucoup plus susceptibles que leurs homologues masculins de s’occuper des enfants. Cette question est importante lorsqu’on considère que la plupart des outils statistiques négligent de considérer l’éducation des enfants à temps plein comme un {emploi} véritable.

Bien que les outils actuels semblent nous permettre d’évaluer avec exactitude le risque et les variables liées aux besoins chez les délinquantes, il y a place à l’amélioration. Comme le démontrent les SGC, nous pouvons encore améliorer nos outils de classement pour les adapter davantage au groupe étudié.

La prévision dynamique du risque exige que les divers facteurs de risque et de besoins soient d’abord évalués, puis réévalués de façon régulière (par exemple, tous les six mois). Nous sommes d’avis que la prévision sera plus exacte si on évalue les variables dynamiques régulièrement. Il faudrait donc évaluer périodiquement les variables qui peuvent changer avec le temps, de sorte que la prévision du risque soit fondée sur l’information la plus récente possible.


1. Direction de la recherche, 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. Les besoins liés aux facteurs criminogènes correspondent aux facteurs de risque qui peuvent être modifiés et qui, lorsqu’ils sont modifiés, entraînent des changements dans la probabilité de récidive.

3. Les facteurs statiques sont les caractéristiques du délinquant qui ne peuvent être changées (comme le sexe et les antécédents criminels). Les facteurs dynamiques sont les caractéristiques qui peuvent être modifiées et faire l’objet d’interventions (comme les attitudes procriminelles, l’éducation et les problèmes de toxicomanie).

4. BURKE, P. et ADAMS, L., Classification of Women Offenders in State Correctional Facilities: A Handbook for Practitioners, Washington, U.S. Department of Justice, 1991.

5. LUCIANI, F.P., MOTIUK, L.L. et NAFEKH, M., Examen opérationnel de la fiabilité, de la validité et de l’utilité pratique de l’échelle de classement par niveau de sécurité, Service correctionnel du Canada, Ottawa, 1996.

6. MOTIUK, L.L. et PORPORINO, F., The Prevalence, Nature, and Severity of Mental Health Problems among Federal Male Inmates in Canadian Penitentiaries, Service correctionnel du Canada, Ottawa, 1991.

7. BLANCHETTE, K., The Relationships between Criminal History, Mental Disorder, and Recidivism among Federally Sentenced Female Offenders, thèse de maîtrise inédite, Carleton University, Ottawa, 1996.

8. BLANCHETTE, K. et MOTIUK, L.L., Female Offender Risk Assessment: The Case Management Strategies Approach, communication présentée à la convention annuelle de la Société canadienne de psychologie, Charlottetown, 1995.

9. BONTA, J., PANG, B. et WALLACE-CAPRETTA, S., “Predictors of Recidivism among Incarcerated Female Offenders”, The Prison Journal, 75, 3, 1990, p. 227-293.

10. LOUCKS, A. et ZAMBLE, E. “Comparaison des délinquantes et des délinquants ayant comis une infraction grave”, Forum — Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 6, no 1, 1994, p. 22-25.

11. BLANCHETTE et MOTIUK, Female Offender Risk Assessment. Voir aussi BONTA, PANG et WALLACE-CAPRETTA, Predictors of Recidivism.

12. DAUVERGNE-LATIMER, M., Exemplary Community Programs for Federally Sentenced Women: A Literature Review, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1995.

13 Les mesures statistiques utilisent une combinaison de variables prédictives dérivées de façon empirique de sorte que leur association statistique avec la récidive est maximisée. Dans le contexte de l’évaluation du risque, les mesures statistiques produisent une valeur dans un éventail de scores possibles, un score plus élevé signifiant une plus grande probabilité de récidive.

14. ANDREWS, D.A. et BONTA, J., The Level of Service Inventory — Revised, Toronto, Multi Health Systems, 1995.

15. COULSON, G., LLACQUA, G., NUTBROWN, V., GIULEKAS, D. et CUDJOE, F., “Predictive Utility of the SLI for Incarcerated Female Offenders”,Criminal Justice and Behavior, no 23, 3, 1996, p. 427-439.

16 BLANCHETTE et MOTIUK, Female Offender Risk Assessment.