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L’Échelle révisée d’information statistique sur la récidive (Échelle d’ISR-R1) : Un examen psychométrique

Mark Nafekh
Laurence L. Motiuk

Direction de la recherche
Service correctionnel du Canada

Novembre 2002

RÉSUMÉ

L'Échelle révisée d'information statistique sur la récidive (Échelle d'ISR-R1) combine 15 éléments dans un système de notation dans le but de produire des estimations de la probabilité de récidive dans les trois ans après la mise en liberté. Chaque élément sert à mesurer une caractéristique démographique ou des antécédents criminels et est noté statistiquement. La présente étude avait pour but de réexaminer l'Éc helle ISR-R1 par rapport à sa fiabilité, sa valeur prédictive et son utilité pratique auprès des délinquants de sexe masculin purgeant une peine de ressort fédéral. Elle portait également sur la création d'une mesure proximale pour les Autochtones de sexe masculin et les délinquantes également sous responsabilité fédérale. On a également réétalonné et mis à l'essai cette échelle de substitution pour déterminer si elle procurait un avantage sur le plan de la prévision par rapport à l'Échelle d'ISR-R1.

Un réexamen de l'Échelle d'ISR-R1 a été mené auprès de la population de délinquants non autochtones de sexe masculin purgeant une peine de plus de 2 ans, libérés d'un établissement fédéral entre 1995 et 1998 et disponibles pour une période de suivi de trois ans (N = 6 881). Les mesures de fiabilité, de validité prédictive et d'utilité pratique incluaient le coefficient de fiabilité alpha de Cronbach, l'amélioration relative par rapport au hasard (ARRH), la fonction d'efficacité du récepteur et l'analyse du tracé de l'exactitude de la valeur de prévalence.

Les résultats ont démontré que l'Échelle d' ISR-R1 présentait une fiabilité et une validité internes quand il s'agit de prévoirla récidive en général et avec violence parmi les délinquants de sexe masculin sous responsabilité fédérale. En accord avec d'autres études, l'Échelle d'ISR-R1 s'est révélée un outil cohérent et valide de prévision quant aux résultats post libératoires dans le temps. Des vérifications de l'utilité pratique ont également démontré qu'elle était un outil actuariel efficace. Les coûts d'utilisation de l'échelle déterminés de façon empirique (prévisions des faux positifs et des faux négatifs) ont révélé qu'on obtenait 17 % de meilleurs résultats en utilisant l'échelle plutôt qu'en se fiant au hasard.

À l'heure actuelle, l'Échelle d'ISR-R1 n'es t administrée ni aux délinquantes ni aux délinquants autochtones de sexe masculin purgeant une peine fédérale. Des lignes directrices sur la mise en pratique ont été établies après l'exécution d'études d'interprétation qui n'ont pu confirmer la validité prédictive pour ces deux groupes particuliers. Par conséquent, une mesure de substitution de l'Échelle d'ISR-R1 (Échelle d'ISR de substitution) a été élaborée pour cette enquête en vue d'évaluer l'applicabilité de ce genre d'échelle aux délinquantes et aux délinquants autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. On a constaté une grande corrélation entre l'Éche lle d'ISR de substitution et l'Échelle d'ISR-R1, la première produisant des résultats équivalents, voire supérieurs, lors d'essais de la fiabilité, de la validité prédictive et de l'utilité pratique. Dans le cas des délinquants autochtones, l'Échelle d'IS R de substitution ne permettait pas de prévoir le résultat post libératoire (c.-à-d., une réincarcération sous responsabilité fédérale après la perpétration d'une nouvelle infraction dans les trois ans suivant la mise en liberté). Toutefois, dans le cas des délinquantes purgeant une peine de ressort fédéral, l'Échelle d'ISR de substitution a permis de prévoir le résultat post libératoire. Cette dernière échelle pourrait donc servir de base à la création d'un instrument actuariel plus exhaustif pour ces délinquantes.

Enfin, on a entrepris de réétalonner l'échelle de substitution et de déterminer si elle procurait des avantages prédictifs par rapport à l'Échelle d'ISR-R1. Le processus de réétalonnage consistait en une répétition du procédé déjà employé pour l'Échelle d'ISR-R1 initiale, c'es t-à-dire qu'on a employé la méthode de Burgess pour noter les éléments individuels de l'échelle pour la moitié de l'échantillon de délinquants. L'échelle réétalonnée a ensuite été essayée auprès de l'autre moitié de l'échantillon. Les résultats de l'essai étaient cohérents, puisque l'Échelle d'ISR-R1 réétalon née s'est révélée efficace pour les délinquantes et les délinquants non autochtones, mais non pour les délinquants autochtones de sexe masculin. Toutefois, l'échelle réétalonnée n'a pas procuré d'avantages significatifs sur le plan de l'exactitude prédictive par rapport à l'Échelle d'ISR-R1.

L'étude confirme l'application de l'Éc helle d'ISR-R1 aux délinquants non autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. Les résultats semblent également indiquer qu'on pourrait améliorer l'exactitude prédictive en élaborant une échelle analogue pour les délinquantes. En ce qui concerne les délinquants autochtones, il faudra poursuivre les recherches afin d'élaborer un outil actuariel pouvant contribuer aux démarches de réinsertion sociale de ce groupe.

Table des matières

Liste des tableaux

Liste des graphiques

INTRODUCTION

L'Échelle d'information statistique générale sur la récidive (ISGR, Nuffield, 1982) a été élaborée dans le cadre du « projet de la prise de décision en matière de libération conditionnelle » lancé par la Commission nationale des libérations conditionnelles en 1975 et elle a été adoptée comme composante des politiques décisionnelles prélibératoires pour les délinquants de sexe masculin (Commission nationale des libérations conditionnelles, 1988).

Joan Nuffield a élaboré l'échelle d'ISGR en 1982 comme outil prédictif servant à mesurer la récidive parmi les délinquants libérés des pénitenciers canadiens. La récidive a été définie comme une nouvelle arrestation pour un acte criminel commis durant une période de suivi post libératoire de trois ans. L'échelle d'ISGR a été élaborée au moyen d'une pondération d'éléments entretenant une relation statistiquement significative avec la récidive. Des notes ont été attribuées à chacun des 15 éléments et leurs sous-niveaux au moyen d'une méthode de pondération de Burgess, appelée aussi une méthode de sommation simple. Les éléments de l'échelle d'ISGR ont été notés en fonction de l'écart entre le taux de nouvelles arrestations des délinquants pour chaque élément et celui de l'ensemble de l'échantillon. Les notes ont ensuite été regroupées pour former cinq groupes d'à peu près la même taille, représentant cinq catégories de risque allant de « très faible » à «  élevé ». Le groupe présentant les notes les plus faibles de l'échantillon (et par conséquent le « plus susceptible de réussir ») correspondait à la catégorie de risque « très faible » tandis que la catégorie de risque « élevé » regroupait les délinquants aux résultats les plus élevés.

En 1996, on a révisé l'échelle d'ISGR pour améliorer sa validité apparente et tenir compte des changements législatifs. L'élément 13 de l'Échelle d'ISGR (condamnations antérieures pour infraction sexuelle) aboutissait au classement des délinquants ayant des condamnations antérieures pour infraction sexuelle à un niveau de risque inférieur à celui des délinquants n'ayant pas ce genre de condamnations antérieures. Une étude de suivi de 3,5 ans auprès de délinquants sexuels a permis à Motiuk et Brown (1996) de constater que les infractions sexuelles antérieures étaient un des facteurs les plus saillants en ce qui concerne la récidive sexuelle. Ces auteurs ont conclu qu'il fallait poursuivre les recherches longitudinales pour établir fermement les facteurs de risque pertinents en matière de récidive sexuelle. Cela a semblé indiquer que la notation de l'élément 13 de l'Échelle d'ISGR constituait un artifice statistitiel de l'étalonnage initial; dans les années 1970, peu de récidivistes sexuels obtenaient la libération conditionnelle. La notation a donc été inversée pour que les récidivistes sexuels soient classés à un niveau de risque supérieur.

Comme nous l'avons déjà signalé, on a aussi révisé l'Échelle d'ISGR pour tenir compte des modifications pénales. Les lignes directrices en matière de notation précédaient l'adoption de la Loi sur les jeunes contrevenants. La Loi sur le service correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCLMC, 1992) a eu pour effet de modifier les définitions de la libération conditionnelle et de la libération d'office. On a également changé la notation des facteurs de façon à ce qu'une note positive corresponde à une meilleure probabilité de réussite plutôt que d'échec. L'Échelle d'ISGR modifi ée, intégrant ces améliorations et modifications légales, est devenue l'Éche lle révisée d'information statistique (Échelle d'ISR-R1).

De nos jours, l'Échelle d'ISR-R1 est un outil d'évaluation qu'utilise le Service correctionnel du Canada (SCC) aux étapes de l'évaluation initiale, de l'intervention et de la décision du processus de réinsertion sociale. Elle est normalement administrée au début de la peine et également pour réévaluer le potentiel de réinsertion sociale du délinquant (Motiuk et Nafekh, 2001). Comme celle qui l'a précédée, l'Échelle d'ISR-R1 combine des mesures de caractéristiques démographiques et d'antécédents criminels dans un système de notation qui produit des estimations de la probabilité de réussite ou d'échec dans les trois ans suivant la mise en liberté (SCC, Instructions permanentes 700-04, paragr. 61).

Depuis l'élaboration de ces mesures, de nombreuses études ont démontré qu'elles constituaient des outils stables permettant de prévoir la récidive post libératoire des délinquants sous responsabilité fédérale (Bonta, Harman, Hann et Cormier, R. B., 1996; Hann et Harman, 1988; Hann et Harman, 1992; Luciani, Motiuk et Nafekh, 1996; Motiuk et Belcourt, 1995; Wormith et Goldstone, 1984).

Hann et Harman (1989) ont validé l'Échel le d'ISGR auprès d'un échantillonnage de 534 détenus de sexe masculin admis en sous mandat de dépôt et libérés en 1983-1984. Avec une période de suivi de 2,5 ans, ces deux auteurs ont constaté que l'Échelle d'ISGR pouvait distinguer les délinquants à risque élevé des délinquants à faible risque. En 1992, on a obtenu les mêmes résultats en élargissant l'échantillon pour inclure 2 998 délinquants de sexe masculin et en portant la période de suivi à trois ans (semblable à la période de suivi de l'étude originale de Nuffield). Encore une fois, l'Échelle d'ISGR présentait l'exactitude prédictive obtenue au moment de sa conceptualisation initiale (Hann et Harman, 1992).

Motiuk et Porporino (1989) ont examiné un bassin de 231 délinquants qui avaient achevé sans récidive leur libération conditionnelle, liberté surveillée ou dont la libération conditionnelle ou la liberté surveillée avait été révoquée en 1985. Ils ont constaté que l'Échelle d'ISGR avai t permis d'identifier correctement les délinquants qui avaient échoué leur libération conditionnelle, étant donné que les échecs de la libération conditionnelle parmi les membres de l'échantillon augmentaient de manière proportionnelle au niveau de risque de l'Échelle d'ISGR. De même, Grant et coll. (1996) ont conclu que l'Échelle d'ISGR était un outil relativement efficace pour aider les agents de gestion de cas à prévoir le succès de la semi-liberté. Parmi un échantillon de 444 délinquants ayant obtenu la semi-liberté entre 1990 et 1991, 11 % des délinquants à faible risque ont échoué, contre 25 % des délinquants à risque élevé.

La recherche a également démontré que l'Échelle d'ISR-R1 permettait de distinguer différents groupes de délinquants. Ainsi, Motiuk et Belcourt (1996a) ont calculé les notes sur l'Échelle d'ISR- R1 de substitution pour un échantillon de 424 délinquants maintenus en incarcération qui ont été en liberté pendant au moins un an. Ils ont constaté que les délinquants maintenus en incarcération dont « la seule chance » de libération conditionnelle avait été révoquée étaient classés dans une plus forte proportion dans la catégorie de « risque élevé » sur l'Échelle d'ISR comparat ivement aux deux autres groupes. Les différences dans les catégories de risque sur l'Échelle d'ISR-R1 entre les trois groupes de délinquants maintenus en incarcération sont aussi apparues statistiquement et de façon significative.

Luciani, Motiuk et Nafekh (1996) ont constaté une validité concourante entre l'Échelle de classement par niveau de sécu rité (ECNS) et l'Échelle d'ISR-R1. L'ECNS est un instrument de classement par niveau de sécurité servant à prévoir le placement initial selon le niveau de sécurité des délinquants sous responsabilité fédérale. Elle fonde essentiellement les prévisions de classement sur une combinaison de notes liées à l'adaptation en milieu carcéral et au risque sur le plan de la sécurité. Pour un échantillon de 3 656 délinquants, la corrélation entre l'Échelle d'ISR et l'ECNS était st atistiquement significative. Ainsi, les groupes distingués au moyen de l'Échelle d'ISR-R1 allaient de « risque très faible » à « risque élevé » selon que le classement par niveau de sécurité allait de minimum à maximum.

Des études ont à maintes reprises validé l'Échelle d'ISGR et l'Échelle d'ISR-R1 comme outils de prévision de la récidive générale. Toutefois, la recherche révèle que les résultats tendent à être moins satisfaisants lorsqu'on utilise ces mesures pour prévoir le comportement de violence. Il serait difficile d'utiliser l'Échelle d'ISR-R1 pour prévoir un comportement de violence surtout à cause des taux de base relativement faibles. Des taux de récidive avec faible violence exigent davantage de l'Échelle d'ISR-R1 sur le plan de sa valeur prédictive. Cette situation réduit l'amélioration par rapport au hasard que l'Échelle d'ISR-R1 peut offrir lorsqu'on tente d'isoler un petit groupe de délinquants violents1.

1 Les analyses actuelles permettent de faire des essais de la validité prédictive et de l'utilité pratique indépendants des taux de base, comme la fonction d'efficacité du récepteur et le tracé de l'exactitude de la valeur de prévalence.

Dans l'échantillon original de Nuffield (1982), le taux de récidive avec violence était de 12,6 %. Il y a lieu de noter l'absence de corrélation significative entre un des 15 facteurs de l'Échelle d'ISR et la récidive avec violence. Bonta (1992) espérait produire une évaluation plus adéquate de l'Échelle d'ISR comme moyen de prévoir le comportement de violence. Révélant un taux de récidive avec violence (semblable à la définition de Nuffield) de 18,6 % pour un échantillon de 3 267 détenus sous responsabilité fédérale libérés, les résultats ont traduit une amélioration modeste, mais limitée, par rapport à la prévision basée sur le hasard.

Serin (1996) a aussi examiné la capacité de l'Échelle d'ISR afin de prévoir la récidive avec violence dans un échantillon de 79 délinquants de la région de l'Ontario (Serin, 1996). Soixante-quinze pour cent des membres de l'échantillon étaient considérés comme des délinquants violents (vol à main armée, voies de fait, homicide coupable involontaire, agression sexuelle et meurtre) et le taux global de récidive avec violence après une période de suivi de cinq ans était de 10 %. Les résultats ont révélé que, lorsqu'on utilisait un indice statistique d'association faisant entrer en ligne de compte les taux de base et les ratios de sélection (amélioration relative par rapport au hasard ou ARRH), il y avait une faible association entre l'ISR et la récidive avec violence (ARRH = 9 %).

Le fait que l'Échelle d'ISR soit compos ée surtout de variables du risque statiques nous incite à nous demander si l'exactitude prédictive de l'échelle fait entrer en ligne de compte des changements dans les déterminants individuels ou contextuels. Les stratégies de recherche actuelles visant à améliorer la capacité à prévoir le comportement des délinquants incluent l'intégration de facteurs dynamiques au modèle d'évaluation du risque (Andrews, 1983 ; Andrews et Bonta, 1995; Baird, Heinz et Bemus 1979; Grant, Motiuk, Brunet, Lefebvre et Couturier, 1996 ; Motiuk et Porporino, 1989).

La présente étude

La présente étude vise à aider le Service correctionnel du Canada (SCC) dans ses efforts d'intervention auprès des délinquants dans la réinsertion sociale. Un outil actuariel comme l'Échelle d'ISR- R1 peut être examiné au moyen d'un processus de validation et adapté en vue d'être employé auprès de populations jusque-là exclues, telles que les délinquants autochtones et les délinquantes.

Nous espérons qu'utilisée de pair avec le jugement professionnel de tous les intervenants dans le processus de réinsertion sociale, l'échelle appuie le Service dans la réalisation de sa mission. En utilisant l'échelle pour déterminer la direction que prendront les délinquants en termes de programmes disponibles, le Service contribue à la protection de la société en préparant convenablement ceux à risque élevé en vue de leur mise en liberté et en toute sécurité. En aidant à distinguer dès l'admission les différentes catégories de risque, l'échelle favorise également l'exercice efficace par le SCC d'un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain.

La présente étude portait sur la capacité de l'Échelle d'ISR-R1 à prévoir la récidive en général (réincarcération sous responsabilité fédérale suivant la perpétration d'une nouvelle infraction) parmi les délinquants non autochtones de sexe masculin. L'exactitude prédictive de l'échelle est examinée au moyen de diverses techniques statistiques couramment employées dans des études antérieures (Nuffield, 1982, Hann et Harman, 1992, Bonta et coll., 1996). Bien qu'on ait vanté la supériorité de certaines techniques, une multitude de procédures a été explorée, notamment le coefficient de corrélation de Pearson, l'amélioration relative par rapport au hasard (ARRH), la fonction d'efficacité du récepteur (FER) et l'analyse du tracé de l'exactitude de la valeur de prévalence (EVP).

L'étude a également porté sur l'élargissement d'une mesure proximale pouvant être employée auprès des délinquantes et des délinquants autochtones purgeant une peine de ressort fédéral. Comme l'Échel le d'ISR-R1 n'est actuellement pas administrée à ces deux groupes (Instructions permanentes 700-4), une mesure de substitution a été créée pour les trois groupes avec la présente étude. Pour déterminer son exactitude, on a ensuite comparé la mesure de substitution aux notes effectivement obtenues sur l'Éche lle d'ISR-R1 pour l'échantillon de délinquants non autochtones de sexe masculin.

La présente étude a aussi servi à réétalonner l'Échelle d'ISR-R1 et à comparer les notes pour les différents facteurs et groupes sur cette échelle à l'étalonnage original. Des statistiques ont été effectuées pour déterminer tout avantage procuré sur le plan de la prévision par rapport à l'Échelle d'ISR-R1.

MÉTHODE

Composition de l'échantillon

Pour les besoins de ce rapport de recherche, toutes les données disponibles sur les délinquants purgeant une peine fédérale ont été tirées de la base de données automatisée du SCC (Système de gestion des délinquants ou SGD). En mai 2000, on disposait de renseignements sur le risque et les besoins pour 8 434 délinquants libérés des établissements fédéraux entre 1995 et 1998 et disponibles pour une période de suivi de trois ans. De ces délinquants, 4,06 % (342) étaient des femmes, 14,36 % (1 211) étaient des délinquants autochtones de sexe masculin et 81,59 % (6 881) étaient des délinquants non autochtones de sexe masculin.

Mesures

I) Échelle d'ISR-R1

L'Échelle d'ISR-R1 combine 15 facteur s dans un système de notation qui produit des estimations de la probabilité de récidive dans les trois ans suivant la mise en liberté (Annexe A). Chaque facteur correspond à une mesure d'une caractéristique démographique ou des antécédents criminels, et il est noté statistiquement à l'aide de la méthode Burgess. Selon cette méthode, des cotations positives ou négatives sont attribuées à un élément en fonction des différences entre le facteur en question et les taux de réussite de la population. Une simple sommation des notes ISR-R1 produit un total allant de -30 (risque élevé) à +27 (risque très faible). Les notes totales sont ensuite réunies pour former cinq groupes ISR-R1 allant de risque très faible (on prévoit la réussite de quatre délinquants sur cinq) à risque élevé (on prévoit la réussite d'un délinquant sur trois).

II) Mesure de substitution de l'Échelle d'ISR

La mesure de substitution de l'Échelle d' ISR-R1 a été établie principalement à partir des données provenant de l'évaluation initiale des délinquants (EID). Ces données fournissent une information sur les antécédents criminels et la situation sociale de chaque délinquant ainsi que sur d'autres facteurs équivalents ou semblables aux éléments de l'Échelle d' ISR-R1. On trouvera dans la section suivante une description détaillée de la méthode employée pour créer la mesure de substitution de l'Échelle d'ISR.

III) Échelle d'ISR réétalonnée

On a réétalonné l'Échelle d'ISR-R1 pour les délinquants de sexe masculin purgeant une peine de ressort fédéral en répartissant au hasard entre deux groupes égaux les membres de l'échantillon. Le premier sous-groupe (N = 4 045) a été employé pour le réétalonnage, et la méthode Burgess a été employée pour pondérer les facteurs de l'échelle dans le cas de cet échantillon. On a ensuite validé l'échelle réétalonnée auprès du deuxième sous-groupe de même taille. Le coefficient de fiabilité alpha de Cronbach, les coefficients de corrélation de Pearson, l'amélioration relative par rapport au hasard (ARRH), la fonction d'efficacité du récepteur (FER) et l'exactitude de la valeur de prévalence (EVP) ont été employés pour mesurer la fiabilité, la validité prédictive et l'utilité pratique de l'Échelle d'ISR réétalonnée.

Procédures

I) Échelle d'ISR-R1

On a tiré du Système de gestion des délinquants (SGD) automatisé du SCC les notes ISR-R1 et le classement selon le risque des délinquants autochtones de sexe masculin purgeant une peine de ressort fédéral et libérés entre 1995 et 1998. Les éléments identificateurs des délinquants pour ce groupe ont été appariés à ceux des relations entre données renfermant des éléments d'information de l'Échelle d'ISR-R1.

II) Mesure de substitution de l'Échelle d'ISR

La principale source d'information employée pour élaborer la mesure de substitution de l'Échelle d'ISR étai t les données provenant du processus d'évaluation initiale (EID). L'EID est une évaluation exhaustive et intégrée à laquelle le délinquant est soumis au moment de son admission dans le système fédéral (Motiuk, 1997). Elle consiste en la collecte et l'analyse d'éléments d'information sur les antécédents criminels et en matière de santé mentale, la situation sociale et la scolarité de chaque délinquant, ainsi que d'autres facteurs pertinents pour déterminer le risque et les besoins du délinquant. L'EID comporte essentiellement deux composantes fondamentales : l'Évaluation du risque criminel (ERC) et l'Instrument de définition et d'analyse des facteurs dynamiques (IDAFD). Le processus d'évaluation porte également sur le risque de suicide, auquel neuf indicateurs sont associés.

La composante de l'Évaluation du risque cr iminel (ERC) de l'EID fournit des éléments d'information précis sur les infractions antérieures et celles qui sont à l'origine de la peine actuelle. L'ERC est basée principalement sur le casier judiciaire, mais peut également inclure des données propres au cas touchant tout autre détail pertinent des facteurs de risque individuels. À partir de ces données, l'EID produit une cote globale du risque pour chaque délinquant au moment de son admission dans un établissement de détention fédéral.

L'Instrument de définition et d'analyse des facteurs dynamiques (IDAFD) sert à déterminer les besoins criminogènes du délinquant. Il porte plus précisément sur un vaste éventail d'aspects de la personnalité et de la vie du délinquant, et les données sont regroupées en sept domaines cibles comportant chacun des indicateurs multiples : emploi (35 indicateurs), relations conjugales/familiales (31 indicateurs), fréquentations/interaction sociale (11 indicateurs), toxicomanie (29 indicateurs), fonctionnement dans la collectivité (21 indicateurs), orientation personnelle et affective (46 indicateurs) et attitude (24 indicateurs)2.

Au moyen de l'IDAFD, on cote les délinquants pour chaque domaine cible le long d'un continuum à quatre points. Les cotes correspondent à l'évaluation des besoins et vont de « facteur considéré comme un élément de succès en vue de la réinsertion sociale » (cela ne s'applique ni à la toxicomanie ni à l'orientation personnelle ou affective) à « aucun besoin d'amélioration », « besoin modéré d'amélioration » et « besoin manifeste d'amélioration ». Après un examen attentif de tous les indicateurs dans chaque domaine de besoin, les agents de gestion de cas fournissent une estimation du niveau de besoin général. Cette information est communiquée pour chacune des sept sphères.

2 Voir les Instructions permanentes 700-04 du Service correctionnel du Canada, qui renferment une liste complète des indicateurs.

Les 15 facteurs de l'Échelle d'ISR-R1 ont été appariés à des indicateurs dichotomiques spécifiques de l'EID. À ceux-ci, on a attribué la note ISR-R1 équivalente. Ainsi, on a attribué au facteur 15 sur l'Échelle d'ISR-R1 (situation du point de vue de l'emploi au moment de l'arrestation) la cote, sur l'Échelle d'ISR de substitution de +1 si le facteur 16 dans le domaine de l'emploi de l'EID (avait un emploi au moment de son arrestation) était choisi. Le facteur 11 (nombre de personnes à charge lors de la dernière admission) est le seul de tous les facteurs de l'Échelle d'ISR-R1 pour lequel on n'a pas fait de rapprochement. À l'Annexe B se trouvent les notes réelles et les notes calculées ventilées en fonction des facteurs de l'Échelle d'ISR-R1.

III) Échelle d'ISR réétalonnée

L'Échelle d'ISR de substitution a été employée comme instrument de réétalonnage. On a tout d'abord réparti au hasard en deux groupes égaux la cohorte de délinquants de sexe masculin libérés. La méthode de Burgess a ensuite été utilisée pour réétalonner les facteurs de l'Échelle d'ISR de substitution. Selon cette méthode, les éléments choisis sont cotés en fonction de la différence entre le taux de récidive global de l'échantillon et celui des personnes qui donnent une réponse positive à un élément donné. Cette technique exige d'attribuer +/- 1 pour chaque tranche d'écart de 5 % entre la cote globale et la cote se rapportant à un élément. Ce système de notation repose sur des écarts en plus ou en moins par rapport à la moyenne de l'échantillon global de plus/moins 5 %. Par exemple, le taux de récidive (réincarcération consécutive à la perpétration d'une nouvelle infraction) de l'échantillon aléatoire était de 23,58 %. Les délinquants qui ont donné une réponse positive à l'élément 16 de l'EID pour cet échantillon (avait un emploi au moment de son arrestation) avaient un taux de récidive de 14,58 %. L'élément 15 de l'Échelle d'ISR réétalonnée était donc noté comme suit :

Note du facteur 15 = ((23,58-5)- 14,58)/5=0,8; arrondi = 1

On a ensuite établi des groupes de risque en classant les scores réétalonnés pour obtenir cinq groupes égaux. Les seuils correspondants ont été créés en fonction de ces groupes.

Enfin, les résultats réétalonnés et les groupes de risque ont été appliqués au deuxième échantillon de même taille. On trouvera à l'Annexe C une comparaison entre l'Échelle d'ISR de substitu tion et les facteurs réétalonnés.

RÉSULTATS

I) Validation de l'Échelle d'ISR-R1

Comme l'Échelle d'ISR-R1 n'est actuelle ment administrée ni aux délinquantes ni aux délinquants autochtones de sexe masculin sous responsabilité fédérale (IP 700-04), on l'a réexaminée pour les délinquants non autochtones de sexe masculin purgeant une peine de ressort fédéral (N = 6 881). Elle a été évaluée en fonction de sa fiabilité, puis validée pour sa capacité à prévoir toute réincarcération sous responsabilité fédérale consécutive à la perpétration d'une nouvelle infraction et évaluée sous l'angle de son utilité pratique. Diverses techniques statistiques ont été employées pour permettre de faire une comparaison avec d'autres études et traduire la pratique actuellement en vigueur.

Pour évaluer la cohérence interne de l'Échelle d'ISR-R1, on a employé le coefficient de fiabilité alpha de Cronbach. Les coefficients alpha normalisé et brut étaient respectivement 0,75 et 0,77. Les techniques employées dans des études antérieures ont ensuite été employées pour examiner la capacité de l'Échelle d'ISR-R1 de distinguer les cas de réussite des cas d'échec.

Les coefficients de corrélation simples de Pearson ont révélé l'existence d'une forte relation avec la récidive générale parmi les groupes établis au moyen de l'Échelle d'ISR-R1 (r = 0,36, p<0,0001). La technique de l'amélioration relative par rapport au hasard (ARRH) est une méthode qui permet de résumer, au moyen d'un seul indice, la mesure dans laquelle les valeurs, dans un tableau comparant deux facteurs à deux autres, s'écartent d'une attribution au hasard et qui corrige le pourcentage maximal (Farrington et Loeber, 1989). On peut voir au Tableau 1 les quatre composantes. Signalons que par «  spécificité », on entend les délinquants qui obtiennent la libération conditionnelle et qui réussissent leur liberté sous condition. La « sensibilité » correspond aux délinquants auxquels on refuse la libération conditionnelle et dont la mise en liberté serait un échec.

Tableau 1 : Composantes de la matrice de décision de l'Échelle d'ISR-R1

  Réussite Échec
Libération conditionnelle Faux positif Vrai positif (Sensibilité)
Libération conditionnelle Vrai négatif (Spécificité) Faux négatif

Ordinairement, on suppose un pourcentage seuil pour le risque de 50 % afin de satisfaire aux hypothèses sur lesquelles repose une analyse ARRH; autrement dit, si l'on suppose que le taux de réussite est supérieur à 50 % dans un groupe de risque donné, tous les membres de ce groupe obtiennent la libération conditionnelle. Le Tableau 2 ci-dessous est donc comprimé au Tableau 3 pour faciliter le calcul de la valeur ARRH.

Tableau 2 : Groupes de risque basés sur l'Échelle d'ISR-R1 selon le résultat (récidive générale)

Groupe de risque basé sur l'Échelle d'ISR-R1 Réussites Échecs Total
Élevé 866 673 1 539
(taux) (56 %) (44 %) (100 %)
Moyen/élevé 583 265 848
(taux) (69 %) (31 %) (100 %)
Moyen 768 246 1 014
(taux) (76 %) (24 %) (100 %)
Faible 765 142 907
(taux) (84 %) (16 %) (100 %)
Très faible 2 382 141 2 523
(taux) (94 %) (6 %) (100 %)
Total 5 364 1 467 6 831
(taux) (79 %) (21 %) (100 %)

Note : Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que la somme des pourcentages ne soit pas égale à 100.

Tableau 3 : Seuils de décision pour les groupes de risque basés sur l'Échelle d'ISR-R1

  Réussites Échecs Total
Libération conditionnelle refusée 1 149 (21 %) 938 (14 %) 2 387 (35 %)
Libération conditionnelle 3 915 (57 %) 529 (8 %) 4 444 (65 %)
Total 5 364 (79 %) 1 467 (21 %) 6 831 (100 %)

Note : Parce que les chiffres ont été arrondis, il se peut que la somme des pourcentages ne soit pas égale à 100.

La valeur ARRH résultante pour l'Échelle d'ISR-R1 était de 24 % dans le cas des délinquants non autochtones de sexe masculin.

Une solution de rechange populaire à la valeur ARRH pour évaluer la validité prédictive est celle de la fonction d'efficacité du récepteur ou FER (Swets, 1986). L'avantage de la FER par rapport aux mesures précédentes est qu'elle est indépendante des taux de base et des ratios de sélection.

La FER a été employée pour calculer les taux de vrais positifs et de faux positifs pour les seuils de l'Échelle d' ISR-R1 correspondant à chaque catégorie de risque. Pour produire une courbe FER, on a reporté les taux connexes sur un axe XY. La surface sous la courbe ou SSC (entre 0 et 1) est une mesure de la probabilité que les non-récidivistes obtiennent une cote plus élevée sur l'Échelle d'ISR-R1 que les récidivistes. Une SSC de 1 indique une discrimination parfaite entre les récidivistes et les non-récidivistes, tandis qu'une SSC de 0,5 ou moins signifie que l'échelle n'offre aucun pouvoir de discrimination. Dans le cas des délinquants non autochtones de sexe masculin purgeant une peine de ressort fédéral, la SSC était de 0,745, donc bonne (voir le Graphique1).

Graphique 2 : Représentation graphique de l'exactitude de la valeur de prévalence

On a ensuite soumis l'Échelle d'ISR- R1 à une analyse de l'exactitude de la valeur de prévalence (EVP). Alors que l'analyse de la FER permet de déterminer l'exactitude prédictive, l'EVP permet d'établir l'utilité pratique d'une mesure. Pour évaluer l'utilité pratique, on intègre à une formule quantifiable les taux de résultat et le coût des erreurs de classement. Dans cette étude, cette formule est une fonction des taux de récidive générale et des coûts associés aux prévisions de faux positifs et de faux négatifs. En représentant graphiquement les erreurs de classement minimales en fonction d'une gamme de combinaisons de taux de réussite et de ratios faux positifs/faux négatifs, l'analyse EVP produit une aire de coûts. Comme la surface sous la courbe (SSC) dans l'analyse FER, le volume sous cette aire de coûts (indice coût-volume) est un indice de la performance d'un test (Remaley et coll., 1999). Un test parfait n'entraîne aucun coût lié à une erreur de classement et a donc un volume de 03. L'indice coût-volume pour l'Échelle d'ISR-R1 était de 0,06946, c'es t-à-dire que celle-ci était 17 % plus efficace qu'une prévision basée simplement sur le hasard.

3 Un test ne pouvant pas faire la distinction entre la réussite et l'échec (c. à-d., un test basé sur le hasard) aurait un volume de 0,08334.

Enfin, les analyses portaient sur la capacité de l'Échelle d'ISR-R1 de prévoir d'autres variables des résultats, soit la réincarcération sous responsabilité fédérale après la perpétration d'une nouvelle infraction de violence et la réincarcération sous responsabilité fédérale après la perpétration d'une infraction sexuelle. Pour la récidive avec violence, la SSC pour l'échelle d'ISR-R1 était bonne, soit 0,71. En ce qui concerne la récidive sexuelle, les faibles taux de récidive et la taille réduite des échantillons dans les groupes de risque expliqueraient éventuellement l'incapacité de l'Échelle d'ISR-R1 de distinguer les récidivistes des non-récidivistes (SSC = 0,54).

Comme nous l'avons démontré, l'Échelle d'ISR-R1 présente une fiabilité interne. Les données confirment l'exactitude de l'échelle pour ce qui est de recenser les délinquants susceptibles d'être réincarcérés sous responsabilité fédérale, dans un délai de trois ans après avoir commis une nouvelle infraction. L'échelle est également pratique, dans le sens où les coûts attribuables à des erreurs de calcul sont inférieurs à ceux qui seraient attribuables au pur hasard.

IIa) Échelle d'ISR de substituti on : Dérivation et validation

Le coefficient de fiabilité alpha de Cronbach a été employé pour déterminer la cohérence interne de l'Échelle d'ISR de substitution. Cette technique a produit des coefficients alpha normal et brut de 0,77 et 0,78 respectivement. On a ensuite confronté l'Échelle d'ISR de s ubstitution à l'Échelle d'ISR-R1 pour déterminer la mesure dans laquelle elle correspondait aux scores et groupements basés sur celle-ci. D'après les coefficients de corrélation simple de Pearson, il existait de grandes corrélations avec les scores totaux sur l'Échelle d'ISR-R1 (r = 0,90). On a établi des seuils pour les groupements basés sur l'Échelle d'ISR de substitution afin que ce ux-ci correspondent à la distribution de l'échantillon entre les groupes réels basés sur l'Échelle d'ISR-R1. Il existait aussi une forte corrélation entre ces groupements et ceux basés sur l'Échelle d'ISR-R1 (r = 0,85).

Lorsqu'on l'a validée par rapport aux résultats afin de mesurer sa validité prédictive, l'Échelle d'ISR de substitution était équivalente à l'échelle d'ISR-R1.

Cela n'est pas étonnant, étant donné l'étroite corrélation entre les deux échelles.

On trouvera au Tableau 4 les résultats des diverses comparaisons avec l'Échelle d'ISR-R1.

Tableau 4 : Comparaison entre l'Éche lle d'ISR-R1 et l'Échelle d'ISR de substitution

  ISR-R1 ISR de substitution
Coefficient de fiabilité alpha de Cronbach Alpha = 0,77 Alpha = 0,78
Amélioration relative par rapport au hasard (ARRH) ARRH = 0,28 ARRH = 0,29
Surface sous la courbe (SSC) et corrélation : récidive générale SSC = 0,745 r=0,36*** SSC = 0,752 r=0,36***
Surface sous la courbe (SSC) et corrélation : récidive avec violence SSC = 0,708 r=0,14*** SSC = 0,726 r=0,14***
Surface sous la courbe (SSC) et corrélation : récidive sexuelle SSC = 0,540 r=0,01NS SSC =--r=0,01NS

Notes : NS = non significatif, * p<0,05; **p<0,01; ***p<0,001

Les vérifications de l'utilité pratique ont révélé qu'il n'y avait pas de différences significatives entre l'Échelle d'ISR de subs titution et l'Échelle d'ISR-R1. Une vue topographique des représentations graphiques de l'EVP permet de voir que toutes les combinaisons de taux de récidive et de ratios de coûts unitaires sont essentiellement les mêmes pour tous les coûts attribuables aux erreurs de classement (voir la Graphique 3). Une analyse plus quantitative a révélé qu'il n'y avait pas plus qu'une différence de 4 % dans les coûts minimaux attribuables aux erreurs de classement entre les deux mesures et ce, à tous les points de l'aire de coûts. Il y a lieu de noter que tous les points des aires de coûts des deux mesures étaient associés à des coûts minimaux attribuables à des erreurs de classement qui étaient inférieurs à ceux d'un test basé sur le hasard.

IIb) Échelle d'ISR de substitution : S on application aux délinquantes et aux délinquants autochtones de sexe masculin

À l'heure actuelle, l'Échelle d'ISR-R1 n'es t administrée ni aux délinquantes ni aux délinquants autochtones de sexe masculin. Toutefois, comme nous l'avons vu, il est possible de créer un instrument semblable à l'ISR-R1 pour ces deux populations. L'Échelle de substitution, une échelle dérivée s'appliquant aux délinquantes et aux délinquants autochtones de sexe masculin purgeant une peine fédérale, peut donc être mise à l'essai.

i) Délinquantes

Les méthodes de validation appliquées à l'Éch elle d'ISR de substitution pour les délinquantes rejoignaient celles employées dans les analyses susmentionnées.

En se basant sur l'issue post libératoire comme mesure de la validité prédictive, on a obtenu des résultats significatifs pour les délinquantes. Il y avait une corrélation entre le score sur l'Échelle d'ISR de substitution et la récidive générale (r = 0,32, p<0,0001), et la surface sous la courbe a révélé que les groupes basés sur l'échelle correspondaient à une distinction juste entre les récidivistes et les non-récidivistes (SSC = 0,767). En ce qui concerne la récidive avec violence, l'Échelle d'ISR de subs titution a permis de distinguer les groupes avec une SSC de 0,725. On n'a pas soumis l'Échelle d'ISR de substitution à une vérification de la validité pour voir si elle permettait de faire une distinction en fonction de la récidive sexuelle parmi les délinquantes, étant donné qu'il n'y a pas de résultats observables comme tels pour ce groupe.

ii) Délinquants autochtones de sexe masculin

Il y avait une corrélation entre les scores sur l'Échelle d'ISR de substitution et la récidive générale à r = 0,32 (p<0,0001) pour le groupe des délinquants autochtones de sexe masculin. L'analyse FER a révélé que la capacité de l'échelle à distinguer les différents groupes de récidivistes était faible à médiocre (SSC = 0,683 pour la récidive générale, SSC = 0,645 pour la récidive avec violence et SSC = 0,599 pour la récidive sexuelle). Ces résultats étaient disparates par rapport à ceux d'une étude antérieure sur les délinquants autochtones de sexe masculin libérés en 1983-19844. La SSC pour l'échantillon de 1983-1984 était modérée à 0,708 (Hann et Harman, 1993). L'écart quant à la validité entre l'échantillon actuel et l'échantillon antérieur pourrait être attribuable à l'évolution de la population de délinquants autochtones de sexe masculin sous responsabilité fédérale. Les jeunes Autochtones constituent en effet un des segments démographiques au taux de croissance le plus élevé parmi la population carcérale sous responsabilité du Service correctionnel du Canada (SCC). On a relevé des différences significatives entre les délinquants autochtones en fonction de l'âge, notamment en ce qui concerne les facteurs de risque statiques et dynamiques et l'infraction à l'origine de l'incarcération (Nafekh, 2002). Il se pourrait par conséquent que les différences sur ces plans se reflètent dans les scores sur l'Échel le d'ISR de substitution pour les jeunes délinquants autochtones et les délinquants autochtones plus âgés.

4 Robert G. Hann et William G. Harman, Prévision du risque de récidive lié à la mise en liberté des détenus autochtones, 1993, no 1993-12.

III) Échelle d'ISR réétalonnée

Les résultats ont révélé que l'Échelle d'ISR réétalonnée ne produisait pas de gains significatifs sur le plan de l'exactitude prédictive par rapport à l'Échelle d'ISR de substitution ou l'Échelle d'IS R-R1. La SSC pour l'Échelle d'ISR réétalonnée était de 0,754, contre 0,745 et 0,752 pour l'Échelle d'ISR-R1 et l'Échelle d'ISR de substitution respec tivement. Une vérification visant à déterminer s'il y avait des gains sur le plan de l'efficacité n'a pas révélé d'avantages. L'indice du volume de coût était de 0,06819 pour l'Échelle d'ISR-R2 (seulement 2 % et 0,2 % de moins que celui des échelles d'ISR-R1 et d'ISR de substitution respectivement).

Les résultats de l'Échelle d'ISR réétal onnée pour les femmes étaient semblables à ceux obtenus pour les hommes, c'est-à-dire qu'il n'y avait pas de différences significatives sur les plans de l'exactitude prédictive et de l'efficacité prédictive entre la version réétalonnée et l'Échelle d'ISR de substitution. La SSC pour la première était de 0,784 et, pour la seconde, de 0,767, et la différence des indices de volume de coût pour les deux échelles était inférieure à 0,1 %.

La capacité de l'Échelle d'ISR réétalonnée à prévoir la récidive générale pour les délinquants autochtones de sexe masculin est apparue marginalement meilleure que celle de l'Échelle d'ISR de substitu tion. La SSC était de 0,718, tandis que l'indice du volume de coût était 5,5 % plus bas que celui des décisions basées sur le hasard. Ces résultats n'étaient pas étonnants, étant donné que l'Échelle d'ISR de substitution avait un rendement faible pour cette population.

CONCLUSIONS

Les résultats révèlent que l'Échelle d' ISR-R1 présentait une fiabilité interne et permettait de prévoir exactement les groupes de risque auxquels appartenaient les délinquants non autochtones de sexe masculin sous responsabilité fédérale, libérés entre 1995 et 1998. Cela permet au Service correctionnel d'exercer un contrôle raisonnable, sûr, sécuritaire et humain. L'administration de l'Échelle d'ISR-R1 à l'admission permet également d'identifier les délinquants auxquels il faudrait consacrer des ressources de programmes, ce qui permet de préparer à une mise en liberté en toute sécurité des candidats offrant un grand potentiel de réinsertion sociale. Les constatations appuient les études antérieures et confirment les données nombreuses sur la validité de l'Échelle d'ISR-R1.

Au moyen de techniques d'estimation et d'évaluation actuelles, les auteurs du rapport ont produit par dérivation une Échelle d'ISR de substitution qui s'est révélée aussi efficace que l'Échelle d'IS R-R1. En outre, les coûts attribuables à des erreurs de classement associés à l'Échelle d'ISR de substitution n'étaient pas supérieurs à ceux de l'Échelle d'ISR-R1. Par conséquent, comme l'Échelle d'ISR de substitution a été dérivée principalement de la base de données de l'évaluation initiale des délinquants qui se trouve dans le Système de gestion des délinquants (SGD) du SCC, l'Échelle d'IS R-R1 pourrait être remplacée par l'Échelle d'ISR de substitution au moyen d'un processus automatisé.

Nous concluons également que, lorsqu'elle est appliquée aux délinquantes, l'Échelle d'ISR de substitution permet de distinguer avec exactitude les cinq groupes de risque. Les recherches antérieures n'ont pas appuyé l'utilisation de l'Échelle d'ISR-R1 ou de l'Échelle ISGR auprès des délinquantes sous responsabilité fédérale (Blanchette, 1996, Hann et Harman, 1989b). Comme l'Échelle d'ISR originale a été élaborée à partir d'un échantillon d'hommes, les résultats semblent indiquer qu'il y a de bonnes chances que l'exactitude prédictive soit meilleure pour une échelle élaborée de la même façon à partir d'un échantillon de femmes.

En ce qui concerne les délinquants autochtones de sexe masculin, nous avons obtenu des résultats contraires à ceux obtenus pour les délinquants non autochtones de sexe masculin et les délinquantes. La conclusion, à savoir que l'Échelle d'ISR de substitution ne permet guère de faire la distinction entre les groupes à risque parmi les délinquants autochtones, contredit également les conclusions antérieures (voir Hann et Harman, 1989). Cela pourrait être attribuable aux tendances touchant la nature de cette population.

L'accroissement de la population de jeunes délinquants autochtones parmi la population carcérale du SCC pourrait aussi expliquer les différences, quant aux scores obtenus sur l'Échelle d'ISR-R1, entre l'échantillon actuel et l'échantillon antérieur. On a d'ailleurs constaté par le passé des différences significatives entre les groupes d'âge parmi la population de délinquants autochtones de sexe masculin (Nafekh, 2002). Il a également lieu de noter que cette population n'est pas homogène; en effet, ses membres diffèrent sur divers plans allant de la diversité culturelle au statut constitutionnel et légal (Commission nationale des libérations conditionnelles, 1988). Il serait éventuellement possible de maximiser, au moyen d'un processus très spécialisé, l'exactitude prédictive d'un outil actuariel comme l'Échelle d'ISR-R1. Ce processus inclurait des consultations avec les Aînés et d'autres experts et ferait entrer en ligne de compte tous les facteurs et tendances qui touchent la population de délinquants autochtones de sexe masculin.

Le réétalonnage de l'Échelle d'ISR de s ubstitution n'a pas vraiment permis d'améliorer l'exactitude ou l'efficacité prédictive. Compte tenu du caractère statique de l'échelle, des tendances qui se dessinent au sein de la population carcérale sous responsabilité fédérale et de la capacité de l'échelle à maintenir dans le temps son exactitude prédictive, l'Échelle d'ISR-R1 n'aura sans doute jamais besoin d'être refondue pour les délinquants non autochtones de sexe masculin.

En guise de conclusion, signalons que l'étude démontre que l'Échelle d'ISR-R1 continue à aider le Service à réaliser sa mission. Elle décrit également une échelle analogue, l'Échelle d'ISR de substitu tion, pour laquelle les résultats et les groupes à risque peuvent être automatiquement calculés à partir des éléments d'information obtenus au moyen de l'évaluation initiale. À l'heure actuelle, cette échelle n'est pas un bon instrument à employer auprès des délinquants autochtones de sexe masculin. Elle pourrait toutefois servir d'instrument de base pouvant orienter une évaluation plus complète du potentiel de réinsertion sociale des délinquantes. Enfin, on pourrait accroître l'utilité de l'Échelle d'ISR-R1/d'ISR de substitution pour contribuer à la réussite de la réinsertion sociale. Pour cela, il faudrait ajouter des facteurs de risque dynamiques au modèle de l'ISR-R1.

Ceux-ci feraient entrer en ligne de compte les déterminants personnels ou contextuels qui peuvent contribuer à la réussite du délinquant après sa mise en liberté.

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