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L’influence de l’environnement correctionnel sur le comportement des délinquantes en établissement

2008 No R-190

Renée Gobeil,
Kelley Blanchette
et
Meredith Robeson Barrett

Service correctionnel du Canada

Septembre 2007

 

REMERCIEMENTS

Nous sommes reconnaissants envers Kelly Taylor pour sa contribution durant l’essai de l’Échelle de réévaluation du niveau de sécurité pour les délinquantes sur le terrain, d’où proviennent une partie des données de la présente étude.

RÉSUMÉ

Les recherches montrent que l’inconduite en établissement est plus répandue chez les délinquantes classées et placées à des niveaux de sécurité élevés que chez celles classées et placées à des niveaux de sécurité inférieurs (Blanchette, Verbrugge et Wichmann, 2002; Collie et Polaschek, 2003). Compte tenu du taux de concordance élevé entre le classement selon le niveau de sécurité et le placement réel, il est difficile de déterminer si ces différences s’expliquent par des variables au niveau de la personne, par l’environnement correctionnel ou par une combinaison de ces deux facteurs. D’après certains chercheurs, l’environnement correctionnel exercerait une influence criminogène sur les comportements des délinquants en établissement (Harer et Langan, 2001). Bien que plusieurs autres chercheurs aient constaté l’absence de ce phénomène chez les délinquants (Baird, 1993; Camp et Gaes, 2005; Hanson, Moss, Hosford et Johnson, 1983; Luciani, Motiuk et Nafekh, 1996), aucune recherche sur les délinquantes n’a encore été réalisée à ce sujet. Ainsi, la présente étude porte sur l’influence que l’environnement correctionnel pourrait avoir sur le comportement des délinquantes en établissement.

Le processus de réévaluation du niveau de sécurité des délinquantes, mis en œuvre en 2005, comprend une méthode actuarielle (c.-à-d. l’Échelle de réévaluation du niveau de sécurité pour les délinquantes ou ERNSD). Puisque l’Échelle ne peut tenir compte de l’ensemble des facteurs propres à chaque cas, les placements réels ne concordent pas toujours avec les recommandations selon l’ERNSD. Conséquemment, l’analyse de notre étude consistait à comparer les taux d’inconduite en établissement des délinquantes classées à un même niveau de sécurité selon l’ERNSD, mais placées à différents niveaux de sécurité. Inversement, nous avons comparé les taux d’inconduite en établissement des délinquantes placées au même niveau de sécurité, mais classées à différents niveaux de sécurité selon l’ERNSD. Les données ont été recueillies antérieurement, dans le cadre de l’essai sur le terrain (Blanchette et Taylor, 2005) et de la revalidation (Gobeil, sous presse) de l’ERNSD. Les deux échantillons totalisent respectivement 580 et 384 réévaluations du niveau de sécurité.

Les résultats indiquent qu’il n’y a pas de corrélation entre le placement réel et l’inconduite en établissement lorsque le classement selon l’ERNSD est pris en considération. Par contre, il y a une association entre le classement selon l’ERNSD et l’inconduite en établissement lorsque le placement réel est pris en considération. Ces résultats indiquent que ce sont les variables au niveau de la personne, et non pas l’environnement correctionnel, qui influent sur le comportement en établissement. Ils confirment le bien-fondé des processus de classement et de placement en vigueur.

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

LISTE DES GRAPHIQUES

INTRODUCTION

Pour assurer la gestion des délinquants, le système correctionnel fédéral du Canada utilise différents niveaux de sécurité. Ainsi, les délinquants sont placés à des niveaux de sécurité minimale, moyenne ou maximale, selon leur adaptation au milieu carcéral, le risque d’évasion et (en cas d’évasion) le risque pour la sécurité du public qu’ils présentent, comme le prévoit la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition (LSCMLC, 1992). Les recherches ont montré que l’inconduite en établissement est plus répandue chez les délinquantes classées et placées à des niveaux de sécurité élevés (Blanchette, Verbrugge et Wichmann, 2002; Collie et Polaschek, 2003). De toute évidence, les délinquantes placées au niveau de sécurité minimale sont moins souvent impliquées dans des incidents d’inconduite que celles placées au niveau de sécurité moyenne, et ces dernières, à leur tour, le sont moins que les délinquantes placées au niveau de sécurité maximale.

Toutefois, d’aucuns affirment que les méthodes de classement influent sur le comportement en établissement, puisqu’elles déterminent la répartition et le placement des délinquants (p. ex. ACSEF, 1998; Harer et Langan, 2001). L’influence potentiellement criminogène de l’environnement correctionnel est notamment un sujet de préoccupation. Si les établissements s’avéraient criminogènes, l’inconduite en établissement s’expliquerait par l’environnement correctionnel, et non par les caractéristiques propres à chaque délinquant; or, cette hypothèse va à l’encontre des objectifs de réadaptation du système correctionnel. Dans ce contexte, le présent rapport fait état des résultats d’une étude sur l’influence potentielle de l’environnement correctionnel sur le comportement des délinquantes en établissement. De plus, cette recherche donne suite à un engagement pris par le SCC après la publication, en 2003, du rapport de la Commission canadienne des droits de la personne sur les droits de la personne des femmes purgeant une peine de ressort fédéral (SCC, 2005).

Le classement selon le niveau de sécurité et l’environnement correctionnel

Jusqu’ici, peu de recherches ont traité de l’influence criminogène de l’environnement correctionnel sur le comportement en établissement, tout particulièrement chez les délinquantes. Compte tenu de cette lacune, l’analyse documentaire de la présente étude porte sur des échantillons composés uniquement ou principalement d’hommes. Toutefois, les résultats empiriques de ces études doivent être interprétés avec circonspection, puisque des recherches semblent indiquer que les hommes et les femmes s’adaptent différemment au milieu carcéral (Warren, Hurt, Loper et Chauhan, 2004).

Une étude antérieure de Hanson, Moss, Hosford et Johnson (1983) a évalué la capacité de quatre méthodes de classement à prédire l’adaptation des détenus au milieu carcéral. Aux fins de la présente analyse documentaire, deux de ces méthodes sont examinées : la Détermination du niveau de sécurité et le Classement selon le niveau de détention. La méthode de Détermination du niveau de sécurité consiste à placer les détenus dans les établissements appropriés en fonction de différentes variables, comme la gravité de l’infraction à l’origine de la peine actuelle, la durée approximative de la détention et les antécédents d’évasion ou de tentatives d’évasion. La deuxième méthode de classement, c.-à-d. le Classement selon le niveau de détention, détermine le degré de supervision des délinquants dans les établissements en fonction de variables dynamiques comme la consommation de drogues ou d’alcool, le type d’infraction disciplinaire la plus grave et les liens familiaux et communautaires. Hanson et ses collaborateurs ont recueilli des données issues de ces méthodes, ainsi que d’autres données sur le comportement en établissement de 337 détenus d’un pénitencier aux États-Unis, à Lompoc, durant une période de suivi de six mois. À l’aide de la corrélation canonique, ils ont conclu que la méthode de classement selon le niveau de détention était la plus apte à prédire l’adaptation des détenus au milieu carcéral (Rc = 0,90), qui était mesurée en fonction des infractions disciplinaires, du temps passé en isolement et des évaluations du rendement au travail. Par ailleurs, la capacité de prédiction de la méthode de détermination du niveau de sécurité s’est révélée peu élevée (Rc = -0,08). Les chercheurs ont avancé que les variables au niveau de la personne, mesurées dans la méthode de classement selon le niveau de détention, prédisaient le mieux l’adaptation au milieu carcéral, car elles correspondent aux différences de comportement entre les individus. Essentiellement, ces résultats indiquent que le comportement en établissement est influencé par le niveau de classement des individus, et non par l’environnement correctionnel.

Une étude sur la méthode de classement des détenus au Tennessee en 1984 (Baird, 1993) a permis d’examiner indirectement les effets criminogènes de l’environnement correctionnel. L’étude, réalisée par le Tennessee Department of Corrections et le National Council on Crime and Delinquency, a révélé que la plupart des délinquants étaient placés au même niveau de sécurité même s’il existait une méthode rigoureuse de classement des détenus. En effet, une proportion importante des 384 détenus placés au niveau de sécurité moyenne étaient classés à un autre niveau de sécurité : 84 détenus étaient classés au niveau de garde « fermée » (un niveau de sécurité entre la sécurité moyenne et la sécurité maximale), 112 détenus étaient classés au niveau de sécurité moyenne et 188 détenus étaient classés au niveau de sécurité minimale. Même si tous les détenus étaient placés au même niveau de sécurité, les taux d’inconduite en établissement étaient significativement plus élevés chez les détenus classés au niveau de garde « fermée » que chez les détenus classés au niveau de sécurité moyenne ou minimale.

En 1991, le Tennessee Department of Corrections a de nouveau examiné sa méthode de classement (Baird, 1993), en observant cette fois les détenus classés au niveau de sécurité minimale (c.-à-d. ceux classés au niveau de sécurité minimale ou au niveau de sécurité minimale supérieure) qui étaient placés dans des établissements à sécurité moyenne. L’analyse a révélé que 18,9 % des détenus classés au niveau de sécurité minimale et 22,1 % des détenus classés au niveau de sécurité minimale supérieure avaient commis des infractions, comparativement à 58,0 % des détenus classés au niveau de sécurité moyenne. De plus, 2,2 % des détenus classés au niveau de sécurité minimale et 3,7 % des détenus classés au niveau de sécurité minimale supérieure avaient commis des actes violents, comparativement à 15,8 % des détenus classés au niveau de sécurité moyenne. Ainsi, même s’ils étaient placés au niveau de sécurité moyenne, les détenus classés au niveau de sécurité minimale commettaient bien moins d’infractions que les détenus classés au niveau de sécurité moyenne. Ces études démontrent que les détenus classés à un niveau de sécurité élevé sont plus portés à commettre des infractions que ceux classés à un niveau de sécurité inférieur, et ce, même si tous ces détenus sont placés dans le même environnement.

Plus récemment, Luciani, Motiuk et Nafekh (1996) ont examiné la fiabilité, la validité et l’utilité pratique de l’Échelle de classement par niveau de sécurité (ECNS) du Service correctionnel du Canada, et ils ont utilisé le comportement des détenus à titre de variable dépendante. Dans le cadre de cette étude, les chercheurs ont examiné si les taux d’incidents s’expliquaient davantage par des variables au niveau de la personne ou par l’environnement correctionnel. Plus précisément, ils ont examiné les taux d’incidents des détenus en fonction de leur niveau de sécurité selon l’ECNS et du niveau de sécurité de leur unité. Si l’environnement correctionnel influait bel et bien sur les comportements en établissement, les chercheurs s’attendaient à ce qu’il y ait peu de différence, voire aucune, entre les taux d’incidents des détenus placés au même niveau de sécurité, mais classés à différents niveaux de sécurité selon l’ECNS. Or, parmi les 6 745 détenus examinés, et indépendamment du niveau de sécurité de leur unité, les taux d’incidents étaient plus élevés chez les détenus classés au niveau de sécurité moyenne que chez ceux classés au niveau de sécurité minimale, et les taux d’incidents étaient plus élevés chez les détenus classés au niveau de sécurité maximale que chez ceux classés au niveau de sécurité moyenne ou minimale. Cette relation linéaire positive infirme l’hypothèse selon laquelle l’environnement correctionnel est criminogène, et vient plutôt appuyer l’idée voulant que les taux d’inconduite en établissement sont influencés par les variables au niveau de la personne, qui sont prises en considération dans le classement par niveau de sécurité selon l’ECNS. Compte tenu du petit nombre de femmes (n = 65) dans l’étude, ces résultats ne peuvent être extrapolés avec certitude à l’ensemble des délinquantes. En effet, les données sur les taux d’incidents et le comportement des délinquantes placées à différents niveaux de sécurité sont trop dispersées une fois les données agrégées.

Finalement, Camp et Gaes (2005) ont examiné un sous-ensemble de données, recueillies par Berk, Ladd, Graziano et Baek (2003), pour vérifier si l’environnement correctionnel exerçait une influence criminogène sur le comportement des détenus. Les chercheurs avaient postulé que le comportement en établissement pouvait être influencé par différents facteurs, y compris le comportement criminel (c.-à-d. la propension d’un détenu à commettre des actes criminels), la culture carcérale (c.-à-d. la structure non officielle de l’établissement) et l’organisation officielle de l’établissement. Si les délinquants examinés sont tous classés au même niveau de sécurité, il est alors possible de mieux déterminer l’influence de la culture carcérale et de l’organisation de l’établissement. Ainsi, l’échantillon était composé de 561 délinquants classés au niveau III (un niveau de moins que le plus haut niveau de sécurité). Dans le cadre de l’évaluation d’une nouvelle méthode de classement, ces détenus ont été séparés en deux groupes : ils ont été placés aléatoirement dans des établissements de niveau I (c.-à-d. des établissements à sécurité minimale) ou de niveau III, et leur comportement a ensuite été observé durant deux années. Après, les chercheurs ont analysé les taux d’inconduite des détenus selon le niveau de sécurité de leur établissement, et ils n’ont trouvé aucune différence significative : 64 % des détenus placés dans les établissements de niveau I avaient été impliqués dans des incidents d’inconduite, comparativement à 60 % des détenus placés dans les établissements de niveau III. Les chercheurs ont donc conclu que l’environnement des établissements de niveau I (qui, selon eux, aurait du être moins violent et moins criminogène) n’avait pas permis de diminuer les taux d’inconduite, et que l’environnement des établissements de niveau III (considéré comme plus violent) n’avait pas favorisé un plus grand nombre de cas d’inconduite en établissement. D’autres analyses, portant uniquement sur les comportements plus graves et plus violents, ont encore révélé qu’il n’y avait pas de différence significative : 33 % des détenus placés dans les établissements de niveau I avaient été impliqués dans des incidents d’inconduite grave, comparativement à 36 % des détenus placés dans les établissements de niveau III. Encore une fois, ces résultats semblent indiquer que c’est la propension d’un détenu à l’inconduite qui détermine son comportement en établissement, et non pas l’environnement correctionnel.

La présente étude

Puisque les recherches dans l’analyse documentaire portent uniquement ou principalement sur les délinquants, il n’est pas certain que leurs résultats s’appliquent aussi aux délinquantes. Conséquemment, la présente étude examine l’influence de l’environnement correctionnel sur le comportement des délinquantes en établissement. L’élaboration et la mise en œuvre récentes de l’Échellede réévaluation du niveau de sécurité pour les délinquantes (ERNSD; Blanchette et Taylor, 2005) constituaient une excellente occasion pour étudier cette question.

En vertu d’une loi canadienne, le niveau de sécurité de la plupart des délinquants est réévalué au moins une fois par année (LSCMLC, 1992), et l’ERNSD joue un rôle important dans l’évaluation du niveau de sécurité des délinquantes. Mise en œuvre au niveau national en juin 2005, l’ERNSD représente une méthode d’évaluation objective, qui tient compte des besoins particuliers des femmes, et qui a été spécialement conçue pour les délinquantes purgeant une peine fédérale. L’Échelle, qui est axée surtout sur des facteurs dynamiques, dont le risque d’évasion, le risque pour la sécurité du public en cas d’évasion, l’adaptation au milieu carcéral ainsi que le comportement de la délinquante en établissement et son évolution, permet d’évaluer les changements depuis l’admission ou la dernière évaluation du niveau de sécurité. À l’aide de méthodes actuarielles, on obtient un résultat correspondant au niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale approprié pour chaque délinquante. Une marge discrétionnaire de 10 % se situe au seuil séparant chaque niveau de sécurité, ce qui permet une certaine souplesse pour classer les délinquantes dont le résultat se trouve près des valeurs limites. Ces recommandations servent de balises pour déterminer le niveau de sécurité de chaque délinquante. Toutefois, les agents chargés des cas réalisent également des évaluations cliniques pour déterminer les risques de chaque délinquante, ce qui permet de tenir compte des facteurs propres à chaque cas et des circonstances exceptionnelles qui ne font pas partie des critères examinés dans l’ERNSD. Ainsi, lorsque le niveau de sécurité recommandé selon l’échelle diffère de celui établi à la suite de l’évaluation clinique, les agents chargés des cas ne sont pas tenus de choisir le niveau de sécurité recommandé selon l’Échelle; toutefois, ils doivent mettre par écrit les raisons qui appuient leur décision.

Les différences entre les niveaux de sécurité obtenus avec l’ERNSD et le placement réel des délinquantes ont permis d’examiner la relation de ces deux facteurs avec le comportement des femmes en établissement. Si les résultats indiquaient que l’inconduite en établissement concorde avec le placement réel, et non avec le niveau de classement selon l’ERNSD, il faudrait sans doute conclure que c’est l’environnement correctionnel propre à chaque niveau de sécurité qui influe sur le comportement en établissement. À l’inverse, si les résultats indiquaient que l’inconduite en établissement concorde avec le niveau de classement selon l’ERNSD, et non avec le placement réel, il semblerait alors que le comportement en établissement est associé à des caractéristiques propres aux délinquantes, et non pas à l’environnement correctionnel. Finalement, si le comportement en établissement était associé de façon indépendante à ces deux facteurs, il faudrait conclure qu’il s’explique aussi bien par l’environnement correctionnel que par des caractéristiques propres aux délinquantes.

MÉTHODE

Échantillons

Notre étude comporte deux échantillons de données. Le premier a été constitué lors de l’essai sur le terrain de l’ERNSD (Blanchette et Taylor, 2005) et il comprend 580 réévaluations du niveau de sécurité réalisées entre 2000 et 2003. Puisqu’un certain nombre de femmes ont été réévaluées plus d’une fois durant cette période, la cohorte de l’échantillon comprend 323 femmes en tout. Le deuxième échantillon compte 443 réévaluations qui ont été effectuées entre 2005 et 2007 pour revalider l’Échelle (Gobeil, sous presse). Puisqu’il y avait des données manquantes sur le classement réel dans 59 des 443 réévaluations, la taille de l’échantillon pour notre étude est de 384 réévaluations (268 femmes en tout).

Les deux échantillons n’ont pas été regroupés dans les analyses, puisqu’ils proviennent d’études réalisées avec des méthodologies différentes : lors de l’essai sur le terrain, l’évaluation selon l’Échelle était réalisée après l’évaluation clinique et après que la décision concernant le placement réel ait été prise, tandis que, durant la revalidation, l’évaluation selon l’Échelle était réalisée avant que la décision concernant le placement soit prise. Puisque les effets respectifs de ces deux méthodologies demeurent inconnus, les deux échantillons ont été analysés séparément.

Données

Les données de l’étude ont été recueillies dans le cadre de l’essai sur le terrain (Blanchette et Taylor, 2005) et de la revalidation (Gobeil, sous presse) de l’ERNSD. Elles ont été extraites à partir des systèmes automatisés d’information sur les délinquants du SCC. Les données sur les recommandations du niveau de sécurité selon l’ERNSD et sur le placement réel (le placement réel ne concordait pas toujours avec la recommandation selon l’ERNSD) ont été enregistrées pour chacun des cas. Pour cadrer avec la manière dont l’échelle est utilisée en pratique, la marge discrétionnaire a été appliquée à l’ensemble des analyses.1 De plus, les données sur les incidents d’inconduite en établissement des délinquantes, survenus après leur évaluation, ont également été enregistrées. Les incidents d’inconduite ont été classés en trois catégories : les incidents mineurs (p. ex. tapage, possession d’objets non autorisés), les incidents majeurs (p. ex. voies de fait, prise d’otage, possession d’armes ou de drogues) et les incidents d’inconduite de tout genre (c.-à-d. les incidents mineurs comme les incidents majeurs); ils ont aussi été codifiés selon qu’ils aient eu lieu ou non. Tous les cas étaient examinés durant l’intervalle où les délinquantes étaient jugées « à risque » de prendre part à des incidents d’inconduite en établissement – c.-à-d. à partir de la date de la réévaluation jusqu’à la prochaine réévaluation, jusqu’à la mise en liberté ou jusqu’à ce que les données ne soient plus recueillies, selon ce qui venait en premier.

Stratégies d’analyse

Premièrement, les caractéristiques démographiques de chaque échantillon ont été examinées. Deuxièmement, les taux d’inconduite ont été observés en fonction du classement selon l’ERNSD et du placement réel. Par la suite, des tests d’indépendance du khi-deux ont été effectués pour analyser les différences qui existaient entre les taux d’inconduite en établissement des délinquantes classées au même niveau de sécurité selon l’ERNSD, mais placées à différents niveaux de sécurité. Cette analyse portait plus précisément sur les délinquantes classées au niveau de sécurité moyenne selon l’ERNSD, mais placées dans des unités à sécurité minimale, moyenne ou maximale. Inversement, l’analyse a ensuite porté sur les délinquantes placées dans des unités à sécurité moyenne pour observer les différences intergroupes entre les délinquantes classées au niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale selon l’ERNSD. Les analyses ont porté uniquement sur les délinquantes classées ou placées au niveau de sécurité moyenne, puisque la majorité des cas se trouvaient dans ces catégories. En effet, les analyses sur les autres niveaux de sécurité portaient sur des échantillons de plus petite taille, à tel point qu’il était souvent impossible de les examiner (notamment le deuxième échantillon, qui comptait un moins grand nombre de cas).2

Puisque la période de risque d’inconduite en établissement variait selon chaque réévaluation de sécurité, deux stratégies d’analyse ont été envisagées : 1) analyser l’ensemble des incidents d’inconduite durant la période de risque ou 2) analyser les incidents d’inconduite durant une période de suivi fixe de trois mois. Les résultats de la première stratégie risqueraient d’être faussés si la période de risque avant la réévaluation variait significativement selon le niveau de sécurité des délinquantes. Cette lacune n’apparaîtrait pas dans la deuxième stratégie d’analyse, car la période de risque serait la même dans tous les cas. Dans les deux études initiales, toutefois, un certain nombre de femmes avaient été réévaluées ou mises en liberté avant la fin de la période de suivi fixe de trois mois; il y avait donc des données manquantes dans un certain nombre de cas (n 1er ÉCHANTILLON = 115; n 2e ÉCHANTILLON = 31),3 ce qui n’aurait pas permis de réaliser certaines analyses en raison de la petite taille des échantillons.

Au bout du compte, les comparaisons par paire ont démontré, tant pour l’échantillon de l’essai sur le terrain que pour celui de la revalidation, que la période de risque d’inconduite en établissement avant la réévaluation ne différait pas de façon statistiquement significative selon le niveau de sécurité des délinquantes. Conséquemment, les analyses du présent rapport portent sur l’ensemble des incidents d’inconduite qui ont eu lieu durant la période de risque.4

RÉSULTATS

Caractéristiques des échantillons

Le Tableau 1 montre les caractéristiques démographiques des femmes (et non des cas). Les participantes des deux échantillons se ressemblaient sur le plan de l’âge, de la durée de la peine, de la proportion de femmes condamnées à une peine d’emprisonnement à perpétuité et de la situation matrimoniale. Il y avait toutefois une plus grande proportion de femmes autochtones dans le deuxième échantillon.5

Tableau 1. Caractéristiques démographiques

  1er échantillon  2e échantillon
Variable M (écart type) % (n/323) M (écart type) % (n/268)
Âge au moment de l’évaluation 32,6 (8,3)   33,5 (9,3)  
Durée de la peine (n. d’années) 3,7 (2,7)   4,0 (2,7)  
Emprisonnement à perpétuité   15 (49)   16 (43)
Ethnicité        
Blanche   56 (182)   43 (114)
Autochtone   35 (114)   49 (132)
Noire   5 (16)   3 (9)
Autre/ inconnue   3 (11)   5 (13)
Situation matrimoniale        
Célibataire/ veuve/ divorcée   68 (220)   69 (186)
Mariée/ conjointe de fait   29 (94)   29 (79)
Inconnue   3 (9)   1 (3)

Remarque : Les pourcentages ayant été arrondis, leur somme peut être supérieure ou inférieure à 100%.

Inconduite en établissement

Le premier et le deuxième échantillon comptaient respectivement 184 cas (31,7 %) et 122 cas (31,8 %) où il y avait eu inconduite en établissement durant la période complète de risque. En moyenne, la période de risque était de 182,1 jours dans le premier échantillon (étendue = 1 à 681 jours), comparativement à 152,0 jours dans le deuxième échantillon (étendue = 6 à 550 jours). Le Graphique 1 montre, pour chaque échantillon, la distribution des incidents d’inconduite en établissement selon leur gravité et selon le classement obtenu à l’ERNSD. Une relation linéaire apparaît clairement dans les deux échantillons : la proportion de femmes impliquées dans des incidents d’inconduite, indépendamment de leur gravité, augmente à mesure que le niveau de sécurité selon l’ERNSD devient plus élevé.

Graphique 1.   Proportion de cas d’inconduite en établissement, en fonction du niveau de sécurité selon l’ERNSD

Remarque : Tous les cas de chaque échantillon ont été utilisés pour calculer les proportions.  N 1er ÉCHANTILLON = 580; N 2e ÉCHANTILLON = 384.

Graphique 1 montre, pour chaque échantillon, la distribution des incidents d’inconduite en établissement selon leur gravité et selon le classement obtenu à l’ERNSD

Le Graphique 2 montre la répartition de la gravité des incidents d’inconduite en fonction du placement réel. Encore une fois, une relation linéaire apparaît clairement : la proportion de femmes impliquées dans des incidents d’inconduite, indépendamment de leur gravité, augmente à mesure que le niveau de sécurité du placement réel devient plus élevé. Toutefois, la distribution des proportions est moins bien définie que celle des niveaux de sécurité selon l’ERNSD. Plus particulièrement, les proportions de femmes au niveau de sécurité minimale qui ont été impliquées dans des incidents d’inconduite (mineurs, majeurs, ou de tout genre) sont plus élevées lorsque le placement réel est pris en considération. De même, les proportions de femmes au niveau de sécurité maximale qui ont été impliquées dans des incidents d’inconduite en établissement sont un peu moins élevées sur le plan du placement réel. En d’autres mots, l’inconduite ultérieure semble concorder un peu plus avec le niveau de sécurité selon l’ERNSD qu’avec le placement réel.

Graphique 2.  Proportion de cas d’inconduite en établissement, en fonction du placement réel

Remarque : Tous les cas de chaque échantillon ont été utilisés pour calculer les proportions.   N 1er ÉCHANTILLON = 580; N 2e ÉCHANTILLON  = 384.

Graphique 2 montre la répartition de la gravité des incidents d’inconduite en fonction du placement réel.

En général, le degré de concordance entre les classements selon l’ERNSD et les placements réels est assez élevé (concordance de 72 % pour l’essai sur le terrain, et de 66 % pour la revalidation; Blanchette et Taylor, 2005; Gobeil, sous presse), mais il y a des cas dont le niveau de sécurité selon l’ERNSD ne correspond pas à celui du placement réel. Ces cas permettent justement d’examiner les associations respectives qu’ont le niveau de sécurité selon l’ERNSD et le placement réel avec le comportement en établissement.

Taux d’inconduite, avec la neutralisation du niveau de sécurité selon l’ERNSD

Premièrement, les cas classés au niveau de sécurité moyenne selon l’ERNSD ont été observés dans chaque échantillon. La plupart des délinquantes classées au niveau de sécurité moyenne selon l’ERNSD avaient aussi été placées au niveau de sécurité moyenne (69,4 % dans l’échantillon de l’essai sur le terrain, et 68,6 % dans l’échantillon de la revalidation), alors que les autres avaient été placées à d’autres niveaux de sécurité. La comparaison des taux d’inconduite selon chaque niveau permet d’examiner l’effet du placement réel alors que l’effet du classement selon l’ERNSD demeure constant sur le plan méthodologique.

Toutes les femmes classées au niveau de sécurité moyenne selon l’ERNSD, indépendamment de leur placement réel, font partie de ces analyses. Le Tableau 2 montre qu’aucune différence statistique n’apparaît dans les deux échantillons. Ces résultats indiquent que les taux d’inconduite en établissement des femmes classées au niveau de sécurité moyenne varient peu selon qu’elles ont été placées au niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale. En d’autres mots, il n’y avait pas d’association entre l’inconduite en établissement et le placement réel une fois que le classement selon l’ERNSD était neutralisé.

Tableau 2. Inconduite en établissement des femmes classées au niveau de sécurité moyenne selon l’ERNSD, en fonction du placement réel

  Placement réel    
Inconduite Min. (%) Moy. (%) Max. (%) Total (%) χ2
1er échantillon          
Majeure  % 4,2 9,0 19,0 13,4 3,34
(n/N (1/24) (24/186) (11/58) (36/268)  
Mineure  %  20,8 22,6 19,0 21,6 0,35
(n/N (5/24) (42/186) (11/58) (58/268)  
Tout genre % 20,8 30,1 31,0 29,5 0,97
(n/N (5/24) (56/186) (18/58) (79/268)  
2e échantillon          
Majeure  % 0,0 24,6 23,3 22,7 0,18
(n/N (0/11) (29/118) (10/43) (39/172)  
Mineure  %  18,2 23,7 27,9 24,4 0,76
(n/N (2/11) (28/118) (12/43) (42/172)  
Tout genre % 18,2 42,4 39,5 40,1 0,61
(n/N (2/11) (50/118) (17/43) (69/172)  

Tous les résultats sont non significatifs.

Taux d’inconduite, avec la neutralisation du placement réel

Une deuxième série d’analyses ont porté sur les cas placés au niveau de sécurité moyenne, indépendamment du classement selon l’ERNSD. Dans la plupart des cas (69,9 % dans le premier échantillon et 60,5 % dans le deuxième échantillon), encore une fois, le niveau de sécurité selon l’ERNSD correspondait à celui du placement réel. Le Tableau 3 révèle les proportions de femmes placées au niveau de sécurité moyenne qui ont été impliquées dans des incidents d’inconduite, et ce, en fonction du classement selon l’ERNSD. Il y a des différences significatives dans les deux échantillons. Dans le premier échantillon, les taux d’inconduite augmentent à mesure que le niveau de sécurité selon l’ERNSD devient plus élevé. Ainsi, les femmes classées au niveau de sécurité minimale présentent les plus bas taux d’inconduite, alors que les taux d’inconduite sont plus élevés chez les femmes classées au niveau de sécurité moyenne et qu’ils sont encore plus élevés chez les femmes classées au niveau de sécurité maximale. Toutefois, cette tendance est moins évidente dans le deuxième échantillon.

Tableau 3. Inconduite en établissement des femmes placées au niveau de sécurité  moyenne, en fonction du niveau de sécurité selon l’ERNSD

  Niveau de sécurité selon l’ERNSD    
Inconduite Min. Moy. Max. Total χ2
1er échantillon          
Majeure  % 3,4 12,9 23,8 11,7 7,21*
(n/N (2/59) (24/186) (5/21) (31/266)  
Mineure  %  10,2 22,6 47,6 21,8 12,96**
(n/N (6/59) (42/186) (10/21) (58/266)  
Tout genre % 13,6 30,1 52,4 28,2 12,65**
(n/N (8/59) (56/186) (11/21) (75/266)  
2e échantillon          
Majeure  % 3,1 24,6 15,4 16,9 13,60**
(n/N (2/64) (29/118) (2/13) (33/195)  
Mineure  %  4,7 23,7 15,4 16,7 10,72**
(n/N (3/64) (28/118) (2/13) (33/195)  
Tout genre % 7,8 42,4 30,8 30,3 23,49****
(n/N (5/64) (50/118) (4/13) (59/195)  

* p < 0 ,05.  ** p < 0,01.  **** p < 0,0001.

Dans le deuxième échantillon, en effet, les femmes classées au niveau de sécurité moyenne présentent les taux d’inconduite les plus élevés; viennent ensuite les femmes classées au niveau de sécurité maximale et les femmes classées au niveau de sécurité minimale. Toutefois, cette tendance pourrait s’expliquer par le faible nombre de femmes (n = 13) classées au niveau de sécurité maximale selon l’ERNSD et placées au niveau de sécurité moyenne. En effet, des analyses subséquentes (avec des niveaux de signification différents) tendent à confirmer cette hypothèse. En comparant uniquement les femmes classées au niveau de sécurité minimale avec celles classées au niveau de sécurité moyenne, nous avons constaté que les différences entre les taux d’inconduite majeure, mineure et de tout genre demeuraient significatives. Toutefois, il n’y avait pas de différence entre les taux d’inconduite des femmes classées au niveau de sécurité moyenne et ceux des femmes classées au niveau de sécurité maximale. Ces analyses montrent qu’en général, parmi les femmes placées au niveau de sécurité moyenne, l’inconduite en établissement est plus répandue chez les femmes classées à des niveaux de sécurité élevés selon l’ERNSD que chez les femmes classées à des niveaux de sécurité inférieurs.

ANALYSE

Dans la présente recherche, des données sur les placements réels et les niveaux de sécurité selon l’Échellede réévaluation du niveau de sécurité pour les délinquantes (ERNSD) ont servi à évaluer l’influence de l’environnement correctionnel sur le comportement en établissement des délinquantes purgeant une peine fédérale. Les analyses de deux échantillons ont constamment révélé qu’il n’y avait pas de corrélation entre le placement réel et l’inconduite en établissement lorsque le classement selon l’ERNSD était pris en considération. Par contre, il y avait une association entre le classement selon l’ERNSD et l’inconduite en établissement lorsque le placement réel était neutralisé statistiquement. Tous ces résultats indiquent que ce sont les variables au niveau de la personne qui influent sur le comportement en établissement, et non pas l’environnement correctionnel. De plus, il faut souligner que ces résultats cadrent avec ceux d’autres études sur des échantillons composés principalement ou uniquement d’hommes (Baird, 1993; Camp et Gaes, 2005; Hanson et coll., 1983; Luciani et al., 1996).

Dans la présente étude, les analyses des cas classés au niveau de sécurité moyenne (selon l’ERNSD) semblent indiquer que l’inconduite en établissement n’est pas influencée par le placement réel (niveau de sécurité minimale, moyenne ou maximale). Ces résultats peuvent laisser croire que l’environnement correctionnel n’influe pas sur le comportement, mais ils peuvent aussi être interprétés différemment. En effet, une étude réalisée aux États-Unis révèle que le placement dans des établissements à sécurité élevée produit un effet dissuasif sur la tendance à l’inconduite en établissement, et ce, probablement en raison de la supervision plus étroite des délinquants ou du plus grand nombre de dispositifs de sécurité passive (Berecochea et Gibbs, 1991).

Dans ce contexte, d’aucuns pourraient avancer que le degré de sécurité plus élevé dans les établissements à sécurité maximale a permis de diminuer le nombre d’incidents d’inconduite qui auraient pu être commis par des détenus au comportement perturbateur. Toutefois, la deuxième série d’analyses de la présente étude ne corrobore pas cette hypothèse. Dans ces analyses, le niveau de sécurité du placement réel (l’environnement) est demeuré constant. Ainsi, les effets dissuasifs ou incitatifs associés à chaque niveau de sécurité des unités demeuraient stables pour l’ensemble des délinquantes. Malgré cela, l’association entre l’inconduite en établissement et les niveaux de sécurité selon l’ERNDS était toujours présente. Ces résultats ne peuvent donc être expliqués par l’effet potentiellement dissuasif des établissements à sécurité élevée.

Limites et orientations futures

Il faut préciser que les données analysées ne comprennent pas nécessairement tous les incidents d’inconduite en établissement qui sont réellement survenus. En effet, des études empiriques montrent que les infractions mineures ne sont pas toujours signalées (p. ex. Freeman, 2003; Hewitt, Poole et Regoli, 1984). Toutefois, une étude sur six établissements pour hommes aux États-Unis a démontré que le degré d’application des règlements variait selon les unités (Jenne et Kersting, 1998), mais pas selon le niveau de sécurité des unités (renseignement obtenu par D. Jenne le 24 août 2007). Ainsi, les variations de signalement devaient probablement être semblables pour l’ensemble des niveaux de sécurité des unités, ce qui n’affecterait pas les résultats de la présente étude.

Il se peut aussi que l’environnement correctionnel influe sur un comportement qui n’a pas été examiné dans la présente étude, c.-à-d. le comportement après la mise en liberté. D’aucuns affirment que les prisons peuvent être des « écoles de formation » pour les délinquants sans expérience, en ce sens qu’elles leur permettraient d’adopter les comportements criminels de leurs pairs durant leur incarcération. Des chercheurs ont même avancé que « les prisons engendrent le crime » (Petersilia, Turner et Petersen, 1986, p. 37). Il serait intéressant de savoir si le placement à différents niveaux de sécurité permettrait de modérer cet effet. Toutefois, il était impossible d’examiner cette question dans la présente étude, puisqu’une loi canadienne exige que le niveau de sécurité des délinquants soit réévalué régulièrement (LSCMLC, 1992) et fait en sorte que la plupart des délinquants sont placés à différents niveaux de sécurité durant leur peine d’emprisonnement. Dans la présente recherche, il aurait été impossible d’analyser les effets de chaque placement pénitentiaire des délinquantes sur leur comportement après leur mise en liberté.

Finalement, notre étude se distingue des études similaires sur les délinquants, puisqu’au Canada, les délinquantes sous responsabilité fédérale sont placées dans des établissements à niveaux de sécurité multiples. Dans ces établissements, les délinquantes placées aux niveaux de sécurité minimale et moyenne participent aux mêmes programmes et aux mêmes activités récréatives et sociales, elles sont supervisées par les mêmes employés et habitent des logements presque identiques. Ainsi, l’environnement correctionnel des délinquantes placées à ces niveaux de sécurité est à peu près le même, mais il diffère grandement de celui des délinquantes placées au niveau de sécurité maximale. Les résultats pourraient donc être différents dans les pays où l’environnement correctionnel varie davantage selon le niveau de sécurité des unités. Conséquemment, il faut faire preuve de circonspection avant d’extrapoler ces résultats à d’autres organismes correctionnels.

Conclusion

La présente étude démontre que la relation entre le niveau de sécurité et l’inconduite en établissement des délinquantes s’explique par les caractéristiques au niveau de la personne, qui contribuent à déterminer leur niveau de sécurité, et non par l’environnement correctionnel associé au niveau de sécurité des unités. Ces résultats permettent ainsi de dissiper les craintes quant à l’influence criminogène de l’environnement correctionnel dans les unités à sécurité élevée. Il s’agit d’un constat encourageant, puisqu’au Canada, le niveau de sécurité des délinquants est déterminé en fonction de trois sphères de risque : l’adaptation au milieu carcéral, le risque d’évasion et le risque pour la sécurité du public en cas d’évasion (LSCMLC, 1992). Ces résultats  montrent clairement que les délinquants qui doivent être placés à des niveaux de sécurité élevés, compte tenu de risques dans l’une ou l’autre des deux dernières sphères mentionnées, ne semblent pas être affectés défavorablement sur le plan de l’adaptation au milieu carcéral. Conséquemment, ces résultats confirment le bien-fondé des processus de classement et de placement en vigueur au Service correctionnel du Canada.

BIBLIOGRAPHIE

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1 Si, par exemple, le résultat d’une délinquante sur l’ERNSD correspondait à une recommandation de niveau de sécurité moyenne, mais qu’il se trouvait aussi dans la marge discrétionnaire permettant une recommandation de niveau de sécurité maximale, et que la délinquante avait été placée au niveau de sécurité maximale, la recommandation selon l’ERNSD était enregistrée au niveau de sécurité maximale.

2 Pour effectuer un test du khi-deux, chaque case du tableau de contingence doit comprendre une fréquence théorique minimale. Or, cette condition n’était pas toujours respectée lors des tests sur les cas classés ou placés aux niveaux de sécurité minimale et maximale.

3 Ces nombres comprennent uniquement les cas classés ou placés au niveau de sécurité moyenne, car ils sont les seuls à avoir été soumis à des tests du khi-deux. Ainsi, la taille des échantillons pour la période complète de risque était respectivement de 348 et 249 cas; pour la période de suivi fixe de trois mois, la taille des échantillons était respectivement de 233 et 218 cas.

4 À titre d’exercice, des analyses sur la période de suivi fixe de trois mois ont aussi été effectuées lorsqu’il y avait un nombre de cas suffisant. Les résultats des deux séries d’analyses étaient très similaires.

5 Pour plus de détails sur les caractéristiques démographiques des échantillons, les lecteurs sont invités à consulter les rapports de recherche qui résument les résultats de l’essai sur le terrain (Blanchette et Taylor, 2005) et de la revalidation de l’ERNSD (Gobeil, sous presse).