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Rapports de recherche

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Un Examen des Facteurs liés à une classification de sécuritéaccrue des délinquantes


Joy Irving, Cherami Wichmann

Direction de la recherche
Service correctionnel du Canada

Février 2001


REMERCIEMENTS

Nous tenons à remercier Kelley Blanchette pour sa participation à notre projet. Nous remercions aussi Hilda Vanneste ainsi que Kelley pour leur aide dans la rédaction de la version anglaise de ce document. Merci aussi à Kendra Delveaux, Fariya Syed et Craig Dowden, qui ont travaillé avec ardeur pour le codage des données. Merci enfin à Mark Nafekh pour son rôle dans le processus de gestion des données.

RÉSUMÉ

Les examens de la cote de sécurité ont des répercussions importantes, puisqu'ils peuvent donner lieu à l'augmentation ou à la réduction de la cote des délinquantes.

Un changement de cote peut avoir pour conséquences une modification du milieu physique de la délinquante, des privilèges qui lui sont accordés, des services de traitement qui lui sont offerts, et des chances d'être mise en liberté par la Commission nationale des libérations conditionnelles. Il est donc important de comprendre pourquoi certaines délinquantes, après un examen de leur cote de sécurité, sont classées dans un niveau de sécurité supérieur. De plus, bien que ces affirmations ne soient pas fondées sur des preuves, on a laissé entendre que les facteurs sur lesquels reposent les décisions d'augmenter la cote de sécurité des délinquantes sont subjectifs et n'ont que peu de relation directe avec les comportements des délinquantes. Ces préoccupations constituent la base de notre enquête.

Notre échantillon était composé de 167 délinquantes dont la cote de sécurité avait fait l'objet de 275 examens. Nous avons effectué une analyse de régression pour déterminer les variables liées à l'augmentation de la cote de sécurité après un examen. L'analyse a révélé que cinq facteurs permettaient de prévoir de façon significative la décision d'assigner aux femmes une cote plus élevée. Voici ces cinq facteurs, par ordre d'importance :

  1. attitude non coopérative (refus de participer aux activités de l'établissement, comme les programmes ou le travail, comportement perturbateur à l'égard du personnel ou des autres détenues),
  2. condamnations pour infractions disciplinaires graves (voies de fait,par exemple),
  3. motivation nulle ou faible à l'égard du plan correctionnel ou des programmes,
  4. possession ou distribution d'objets interdits,
  5. antécédents de liberté illégale.

Pris collectivement, ces facteurs expliquent 36 % de la variance dans les décisions d'augmenter la cote de sécurité, dans notre échantillon. En outre, plusieurs autres facteurs, qui n'ont pas été inclus dans l'analyse de régression en raison de leur plus faible occurrence, avaient une influence sur les décisions d'augmenter la cote de sécurité des délinquantes. Il s'agit des voies de fait causant un dommage grave à une autre personne, de l'incitation à des perturbations, des tentatives d'évasion, des analyses d'urine positives, du placement en isolement en raison du danger pour les autres. Tous ces facteurs semblent être liés à une augmentation du niveau de sécurité des délinquantes.

Nous avons constaté, entre autres, que dans tous les cas où, après un examen, on avait assigné une cote maximale aux délinquantes qui avaient la cote minimale, la décision avait été prise après un incident grave à l'établissement, comme des voies de fait ou une accusation pour une nouvelle infraction. Plus de deux tiers (69 %) des examens de la cote de sécurité des délinquantes de l'échantillon qui ont donné lieu à une modification de la cote (de moyenne à maximale) ont été déclenchés par un comportement perturbateur ou un incident à l'établissement, alors que seulement 24 % des examens ayant fait passer la cote de minimale à moyenne pour les délinquantes ont été déclenchés par un incident particulier.

Pour conclure, les résultats de la présente étude indiquent que l'augmentation de la cote de sécurité des délinquantes est fondée sur des facteurs subjectifs et des facteurs objectifs. De plus, tous ces facteurs sont liés à l'adaptation au milieu carcéral ou au risque pour la sécurité. Les analyses statistiques ont révélé que les problèmes psychologiques et la race ne sont pas des facteurs qui influencent les décisions relatives à l'augmentation de la cote de sécurité. Les données de notre enquête nous incitent à croire que les pratiques en matière de réévaluation des cotes de sécurité permettent de gérer le risque que présentent les délinquantes et d'assigner la cote la moins restrictive possible.

TABLE DES MATIÈRES

LISTE DES TABLEAUX

INTRODUCTION

On ne peut sous-estimer l'importance du processus de réévaluation des cotes de sécurité, puisque cette réévaluation peut avoir des répercussions majeures sur les délinquantes qui sont visées. Ainsi, la modification de la cote d'une délinquante a une incidence directe sur ses conditions de logement, son accès aux programmes et aux traitements, le nombre de privilèges et d'autorisations qui lui sont accordés, et même ses probabilités de mise en liberté. La cote de sécurité qui convient le mieux est celle qui permet de gérer le risque que pose une délinquante dans le milieu le moins restrictif et le plus humain possible (Blanchette, 1997a).

Les femmes représentent environ deux ou trois pour cent de l'ensemble des délinquants sous responsabilité fédérale au Canada. Avec la création de cinq nouveaux établissements régionaux pour remplacer la Prison des femmes, comme l'a recommandé en 1990 le Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, il s'avère encore plus important de réévaluer correctement les cotes de sécurité (Service correctionnel du Canada, 1990). Plutôt que de loger toutes les délinquantes dans un établissement à niveaux de sécurité multiples, nous devons les évaluer judicieusement pour déterminer quelle cote de sécurité convient le mieux à la gestion de leurs besoins et du risque qu'elles posent. 1Les réévaluations de la cote de sécurité des délinquantes doivent donc absolument reposer en grande partie sur des critères objectifs et normalisés afin que la cote qui leur est assignée soit pertinente et équitable.

Le processus de réévaluation des cotes de sécurité instauré par le Service correctionnel du Canada (SCC) a souvent été critiqué par des personnes qui prétendent que la majorité des délinquantes ne présentent pas un risque élevé de récidive et ne risquent pas de causer des problèmes dans l'établissement, et qu'on devrait leur assigner une cote de sécurité plus faible (Association canadienne des


1 Actuellement, les délinquantes dites à sécurité maximale ne sont pas logées dans les cinq établissements régionaux.

sociétés Elizabeth Fry, 1998; Hannah-Moffat, 1999). Toutefois, les données dont nous disposons donnent à penser que les délinquantes se voient assigner une cote de sécurité plus élevée lorsqu'elles présentent un risque plus grand (pour la sécurité du public, par exemple) et qu'elles ont besoin d'interventions correctionnelles plus intensives (Blanchette, 1997a; Blanchette, 1997b; Dowden et Blanchette, 1999). En outre, les délinquantes elles-mêmes ont confirmé la pertinence de l'assignation des cotes de sécurité. En fait, McDonagh (1999) signale que les femmes qu'elle a interrogées pendant leur incarcération dans un établissement à sécurité maximale estimaient qu'il incombait principalement à elles-mêmes de réduire leur cote de sécurité. Autrement dit, elles reconnaissaient que même si le SCC offre des programmes pertinents et leur apporte l'aide nécessaire, ce sont elles, au bout du compte, qui doivent modifier leur attitude et leurs comportements et se conformer à leur plan correctionnel, dans la mesure du possible. Malheureusement, elles ont toutefois avoué ne pas très bien comprendre comment réduire leur cote de sécurité.

Il n'y a pas eu d'étude sur les facteurs qui donnent lieu à l'augmentation des cotes de sécurité, pas plus que sur ceux qui entraînent une réduction des cotes. L'objectif de notre étude était donc de déterminer clairement les facteurs qui sont liés directement à l'augmentation d'une cote de sécurité après examen. Les conclusions pourront aider les délinquantes à mieux comprendre comment elles peuvent réduire leur cote de sécurité.

MÉTHODOLOGIE

Échantillon

Nous avons codé, puis analysé, les données concernant toutes les délinquantes (n = 167) pour lesquelles le Système de gestion des délinquants (SGD) contenait le niveau de dangerosité de la détenue (NDD) ainsi que des renseignements complets à propos des variables prédictives (Annexe A). Les données extraites portaient sur la période du 19 janvier 1993 au 24 septembre 1998. Pour être inclus dans l'étude, les examens du NDD devaient porter sur une période d'au moins six mois, à moins d'une modification de la cote de sécurité.

Les délinquantes de l'échantillon avaient entre 18 et 52 ans (M = 31,11; ET = 7,10) lorsqu'elles avaient été admises pour leur peine actuelle dans un établissement fédéral. Treize pour cent des femmes purgeaient une peine d'emprisonnement à perpétuité, les autres (87 %) purgeaient une peine allant de 20 à 304 mois, pour une moyenne de 67 mois (ET = 47,42). En ce qui concerne l'appartenance ethnique, 58 % des femmes étaient blanches, 25 % étaient de descendance autochtone2 et 17 % appartenaient à un autre groupe ethnique.

Sources des données

Pour les fins de l'étude, le Système de gestion des délinquants (SGD) informatisé du Service correctionnel du Canada a été la principale source d'information. Les données du SGD proviennent de rapports récapitulatifs sur l'évolution du cas, de rapports sur le comportement des délinquantes dans l'établissement (incidents en établissement, infractions disciplinaires graves ou placement en isolement), de rapports d'animateurs de programmes (niveau de participation, motivation et progrès réalisé), et d'évaluations en vue d'une décision relative à la cote de sécurité.


2 Nous avons délibérément choisi un échantillon surreprésentatif de femmes autochtones pour l'étude. Les femmes autochtones représentent environ 18 % de la population des délinquantes sous responsabilité fédérale.

Pour cet échantillon de 167 délinquantes, nous avons codé un total de 275 examens de décisions du NDD. Le nombre de décisions du NDD pour chaque délinquante se situait entre 1 et 5 (M = 1,67, ET = 0,92). La période de temps entre les examens (c.-à-d. la période visée par l'examen) était en moyenne de 10,5 mois (ET = 9,11). À la date de l'examen, il restait aux femmes condamnées à une peine de durée déterminée une moyenne de 21 mois à purger avant leur libération d'office et de 42 mois avant la date d'expiration de leur mandat. Quant aux femmes purgeant une peine d'incarcération à perpétuité, elles avaient purgé une moyenne de 34 mois à la date de l'examen de leur cote de sécurité (ET = 42,59).

Résultats des examens du niveau de sécurité

Dans notre échantillon d'examens de la cote de sécurité, le nombre de délinquantes classées au niveau de sécurité minimal a plus que doublé (par rapport à la cote précédente). Parmi les 275 examens, 54,5 % ont donné lieu à une réduction de la cote, 24 % à une augmentation, et 21,5 % n'ont entraîné aucun changement de la cote (voir le Tableau 1).3

Tableau 1 Résultat des examens du niveau de sécurité
Cote de
sécurité
N=275
(%)4
Moy. à
min.(%)
Max. à
moy. (%)
Max. à
min. (%)
Min. à
moy. (%)
Moy. à
max. (%)
Min. à
max. (%)
Réduite 150(54,5) 92(33,5) 58(21) 0
Augmentée 66(24) 25(9) 37(13,5) 4(1,5)
Inchangée 59(21,5)


3 Les résultats des examens de réévaluation de la cote de sécurité sont différents pour les hommes. En Ontario, de juillet à décembre 1997, 26 % des examens ont donné lieu à une réduction de la cote, 18 % à une augmentation, et la majorité (56 %) n'a entraîné aucun changement à la cote. Bien que les hommes conservent la même cote dans une plus grande proportion que les femmes, ces dernières se voient plus souvent assigner une cote réduite (Luciani, 1997).
4 Pourcentage de l'échantillon total.

Choix des variables

Variable dépendante

L'objectif de notre étude étant d'examiner les facteurs directement liés à une augmentation du niveau de sécurité, nous avons séparé les délinquantes en deux groupes selon le résultat des examens de leur cote de sécurité : celles dont la cote de sécurité a été augmentée (24 %; n = 66) et celles dont la cote n'a pas été augmentée (cote réduite ou inchangée; 76 %; n = 209).

Variables prédictives

Nous avons choisi de nombreuses variables pour les analyses.5 Ces variables comportaient des facteurs objectifs et des facteurs subjectifs dont on croit qu'ils influencent le processus de réévaluation de la cote de sécurité (adaptation au milieu carcéral et niveau de motivation, par exemple). Nous avons aussi examiné des variables que les opposants au processus d'assignation de la cote de sécurité aux délinquantes jugent déterminants (l'ethnie et la présence de problèmes psychologiques, par exemple). Le lecteur trouvera à l'Annexe A une liste complète des variables prédictives.


5 Dans le processus de sélection, les variables pour lesquelles il manquait 10 % ou plus de données ont été exclues des analyses. Les données ayant une distribution asymétrique ou un niveau de base extrêmement bas ont aussi été exclues.

RÉSULTATS

Fréquence de l'augmentation du niveau de sécurité

L'augmentation de la cote de sécurité n'est pas fréquente. En fait, selon les données de 1993 à 1998 de notre échantillon, seulement 9 % des délinquantes sont passées de la cote minimale à la cote moyenne, et 13,5 % de la cote moyenne à la cote maximale (voir le Tableau 1). Autrement dit, après un examen de leur cote de sécurité, la grande majorité des délinquantes conservent la même cote ou se voient assigner une cote plus faible.

Motifs de l'augmentation du niveau de sécurité

Les examens de la cote de sécurité sont effectués soit à la suite d'un incident particulier soit selon la fréquence établie. Nous nous attendions à ce qu'une grande proportion des réévaluations pour une cote maximale ait commis un acte grave juste avant l'examen (voies de fait, tentative d'évasion, menaces ou comportement perturbateur, par exemple). De la même façon, nous nous attendions à ce qu'un nombre relativement faible de délinquantes à sécurité minimale ayant été classées à sécurité moyenne à la suite d'un examen aient été impliquées dans un incident grave à l'établissement avant l'examen.

Les données ont confirmé nos attentes. Toutes les femmes qui ont vu leur cote passer de minimale à maximale (n = 4) avaient été impliquées dans un incident grave. Deux avaient commis des voies de fait, une avait fait des menaces et adopté un comportement perturbateur, et l'autre avait été accusée pour de nouvelles infractions. En outre, 69 % des femmes dont la cote est passée de moyenne à maximale avaient été impliquées dans un incident grave à l'établissement, à la suite duquel on avait réévalué et modifié leur cote de sécurité. Par contraste, la décision de faire passer la cote de délinquantes de minimale à moyenne a été motivée par un incident particulier dans seulement 24 % des cas.

Facteurs directement liés à la reclassification à un niveau de sécurité plus élevé

Nous avons procédé à une analyse de régression par degrés pour déterminer les variables qui sont liées de façon significative à l'augmentation du niveau de sécurité.

Le Tableau 2 présente les variables qui permettent de prévoir la réévaluation à des niveaux de sécurité plus élevés pour notre échantillon de délinquantes, par ordre d'importance.

Prises collectivement, les cinq variables énumérées (attitude non coopérative, condamnations pour infraction disciplinaire grave, motivation nulle ou faible à l'égard du plan correctionnel ou des programmes, possession ou distribution d'objets interdits, antécédents de liberté illégale) expliquent 36 % de la variance dans les décisions de réévaluer le niveau de sécurité des délinquantes. Compte tenu qu'une variance expliquée de 40 % ou plus est considérée comme impressionnante dans la plupart des études en sciences sociales, les conclusions de nos analyses donnent à penser que ces variables ont une bonne valeur prédictive. Nous analysons ci-dessous chaque variable en détail.

Tableau 2 Toutes les variables prédictives choisies et contribution différentielle des prédicteurs
Variable prédictive r simple R2 multiple
Attitude non coopérative -0,5381 0,2900
Condamnations pour infraction disciplinaire grave 0,1849 0,3258
Motivation nulle ou faible à l'égard
du plan correctionnel et des programmes
-0,3162 0,3425
Possession ou distribution d'objets interdits 0,2456 0,3532
Antécédents de liberté illégale 0,1456 0,3619

(Tous les coefficients de corrélation sont significatifs à p<0,001 ou plus)

Niveau de coopération

À l'aide des rapports récapitulatifs sur l'évolution du cas, nous avons codé le niveau évalué de coopération de chaque délinquante de l'échantillon selon trois catégories («non coopérative», «partiellement coopérative» et «coopérative»). Une délinquante est «non coopérative» si elle refuse de participer à diverses activités de l'établissement, comme le travail ou les programmes, et si elle perturbe les autres délinquantes et le personnel ou a un problème de discipline. Une délinquante est «partiellement coopérative» si elle a parfois un problème de discipline ou un comportement perturbateur, tout en étant coopérative à l'occasion. Une délinquante est «coopérative» si elle n'a pas de comportement perturbateur et n'a pas de problème de discipline dans l'établissement, et si elle a habituellement des interactions positives avec le personnel et participe aux activités de l'établissement.

Parmi les 275 décisions relatives à la réévaluation de la cote de sécurité, 18,5 % des délinquantes ont été jugées «non coopératives», 22,2 % «partiellement coopératives» et 59,3 % «coopératives».

Le niveau de coopération, qui expliquait la plus grande partie de la variance dans l'attribution d'un niveau de sécurité plus élevé aux délinquantes, était principalement une variable subjective. Cependant, une analyse plus poussée a montré que de nombreux facteurs objectifs sont associés au niveau de coopération évalué. Ainsi, des facteurs comme la mauvaise adaptation au milieu carcéral - mesurée par les accusations pour infractions disciplinaires mineures ou graves -, le nombre d'incidents en établissement, les voies de fait, les analyses d'urine positives, et les périodes d'isolement non sollicité sont tous des variables qui influencent (à divers degrés) le niveau de coopération évalué des délinquantes (voir le Tableau 3).

Tableau 3 Analyse de la corrélation des variables objectives et du niveau de coopération
Variable objective6 r simple
Infractions disciplinaires graves -0,5809
Isolement/danger pour les autres -0,5381
Nombre d'incidents en établissement -0,4692
Infractions disciplinaires mineures -0,4641
Refus de prendre des médicaments prescrits -0,4355
Nombre d'analyses d'urine positives -0,3066
Source de distribution d'objets interdits -0,2749
Nombre d'incidents de voies de fait causant un dommage grave -0,2252

(Tous les coefficients de corrélation sont significatifs à p<0,0005 ou plus)

Les résultats indiquent que plus de la moitié des femmes qui ont été réévaluées à des niveaux de sécurité plus élevés ont été cotées «non coopératives» avec le personnel de l'établissement et les autres délinquantes (54,5 %; voir le Tableau 4).

Toutefois, seulement 7 % des femmes dont le niveau de sécurité a été réduit ou est demeuré inchangé ont été évaluées «non coopératives». Par ailleurs, un peu moins de 20 % des femmes dont le niveau de sécurité a été augmenté ont été jugées «coopératives». Il est intéressant de constater que pour les femmes généralement «coopératives» qui ont vu leur niveau de sécurité augmenter, ce changement est causé par un événement particulier, comme une accusation pour voies de fait ou tentative d'évasion.

Tableau 4 Niveau de coopération, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Niveau de coopération Aucun changement
ou réduction (%)
Augmentation du niveau
de sécurité (%)
Non coopératives (n = 51) 15 (7,2) 36 (54,5)
Partiellement coopératives (n= 61) 44 (21,0) 17 (25,8)
Coopératives (n = 163) 150 (71,8) 13 (19,7)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

Condamnations pour infractions graves

Les infractions «graves» commises dans l'établissement comprennent différents comportements comme les voies de fait contre le personnel ou les autresdélinquantes, les comportements menaçants et la possession d'une arme. Il s'agit d'infractions qui menacent la sécurité de l'établissement, du personnel ou des autres délinquantes. Le nombre d'infractions graves donnant lieu à des condamnations est manifestement un facteur objectif. Une infraction est classée comme «mineure» ou «grave» selon son importance et sa nature. Lorsqu'on condamne une délinquante pour une infraction, c'est qu'il existe des preuves indiscutables qui permettent de l'accuser et de la condamner pour l'infraction commise. La condamnation n'est pas fondée sur l'opinion subjective d'un membre du personnel de l'établissement, mais sur la présence d'un témoin de l'infraction ou sur un plaidoyer de culpabilité de la délinquante.

Le nombre de condamnations pour une infraction grave durant la période d'examen était la deuxième de cinq variables qui permettaient de prévoir une augmentation du niveau de sécurité (voir le Tableau 5). Près de la moitié (45,5 %) des femmes dont le niveau de sécurité a été augmenté avaient été condamnées pour une ou plusieurs infractions graves durant la période d'examen. Par ailleurs, seulement un quart des femmes dont le niveau n'a pas été augmenté avaient été condamnées pour une infraction grave.

Tableau 5 Nombre de condamnations pour infraction grave, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Nombre de
condamnations
Aucun changement
ou réduction (%)
Augmentation du
niveau de sécurité(%)
0 (n = 192) 156 (74,6) 36 (54,5)
1 ou 2 (n = 49) 31 (14,8) 18 (27,3)
3 ou plus (n = 34) 22 (10,5) 12 (18,2)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

Niveau de motivation à l'égard du plan correctionnel et des programmes

Le niveau de motivation à l'égard du plan correctionnel et des programmes était la troisième de cinq variables directement liées à l'augmentation du niveau de sécurité.

Cette variable, codée à l'aide des rapports récapitulatifs sur l'évolution du cas, comportait trois niveaux. Les délinquantes qui refusaient de participer aux programmes qu'on leur avait recommandés pour répondre aux besoins définis dans leur plan correctionnel, ou qui y participaient de façon très sporadique, ont été classées dans la catégorie «motivation nulle ou faible». Celles qui participaient aux programmes de façon assez régulière et qui accomplissaient le travail demandé à l'occasion ou partiellement ont été classées dans la catégorie «motivation partielle».

Quant à celles qui participaient activement aux programmes recommandés dans leur plan correctionnel, qui accomplissaient le travail demandé la plupart du temps et qui mettaient régulièrement en pratique ce qu'elles avaient appris, elles ont été classées dans la catégorie «grande motivation».

Comme la première variable - niveau de coopération -, la motivation à l'égard des programmes comprenait une composante subjective; les femmes qui ne ressentaient pas la nécessité de répondre aux besoins définis dans leur plan correctionnel étaient dites «démotivées». Toutefois, de nombreux facteurs objectifs contribuaient aussi à l'évaluation de cette variable; la quantité de travail effectué dans le cadre des programmes, les présences aux séances des programmes, la fréquence à laquelle la délinquante met ou non en pratique ce qu'elle a appris durant les programmes, par exemple, sont des comportements qui montrent le niveau de motivation des délinquantes. Par conséquent, l'évaluation subjective de la motivation est modérée par les nombreux facteurs objectifs dont on doit tenir compte pour faire une évaluation exacte de la motivation de la délinquante.

Les résultats des analyses illustrent qu'une délinquante qui fait montre d'une «motivation nulle ou faible» à l'égard des programmes ou de son plan correctionnel est plus susceptible d'être classée à un niveau de sécurité plus élevé que de demeurer au même niveau de sécurité. En fait, plus du tiers (37,9 %) des délinquantes qui ont été reclassées à un niveau de sécurité plus élevé ont été cotées comme ayant une «motivation nulle ou faible», alors que seulement 6 % de celles dont le niveau n'a pas été augmenté étaient dans cette catégorie. Par ailleurs, près de la moitié (48,3%) des examens ayant donné lieu à une réduction ou à une confirmation de la cote concernaient des femmes considérées comme ayant une «grande motivation». La motivation d'une délinquante indique, dans une grande mesure, son niveau d'adaptation au milieu carcéral. Une femme qui est disposée à combler ses besoins et à participer à l'atteinte des objectifs de son plan correctionnel fait preuve d'une plus grande adaptation et est moins susceptible de présenter un problème de discipline. Les délinquantes ayant une «grande motivation» étaient moins susceptibles de voir leur cote augmenter. Comme on pouvait s'y attendre, les délinquantes ayant une «motivation partielle» se situaient entre les deux autres groupes.

Tableau 6 Niveau de motivation à l'égard du plan correctionnel et des programmes, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Niveau de motivation Aucun changement ou
réduction (%)
Augmentation du
niveau de sécurité (%)
Nulle ou faible (n = 38) 13 (6,2) 25 (37,9)
Partielle (n = 127) 95 (45,5) 32 (48,5)
Grande (n = 110) 101 (48,3) 9 (13,6)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

Possession et distribution d'objets interdits

Le quatrième facteur influençant la décision de réévaluer le niveau de sécurité des délinquantes était la possession et la distribution d'objets interdits au sein de l'établissement durant la période d'examen. Cette variable objective a été valuée au moyen des rapports d'incident (dans le SGD) et est un indicateur de l'adaptation au milieu carcéral et du respect des règles de l'établissement.

La majorité des délinquantes qui ont été en possession d'un objet interdit ou qui ont distribué un objet interdit, comme des substances illégales ou tout autre article interdit par l'établissement, ont été classées à un niveau de sécurité plus élevé. Plus précisément, 12 % des femmes dont le niveau de sécurité a été augmenté avaient distribué un objet interdit, alors que seulement 1 % des délinquantes qui n'ont pas été placées dans un établissement à niveau de sécurité plus élevé étaient associées à la possession ou à la distribution d'objets interdits.

Tableau 7 Possession ou distribution d'objets interdits, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Possession ou distribution
d'objets interdits
Aucun changement
ou réduction (%)
Augmentation du niveau
de sécurité (%)
Non (n = 265) 207 (99,0) 58 (87,9)
Oui (n = 10) 2 (1,0) 8 (12,1)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

Antécédents de liberté illégale

La cinquième variable permettant de prévoir une augmentation du niveau de sécurité était le fait pour une délinquante d'avoir été illégalement en liberté durant une permission de sortir sans escorte (PSE) ou une période de surveillance dans la collectivité. Les femmes qui ont commis des abus de confiance présentent un risque pour la sécurité; par conséquent, les agents de gestion des cas tiennent compte de ce facteur lorsqu'ils doivent prendre une décision relative au niveau de sécurité.

Dans notre échantillon, 24,4 % des délinquantes qui n'ont pas été classées à un niveau de sécurité supérieur avaient déjà été illégalement en liberté, et près de la moitié (43,9 %) de celles qui ont été placées dans un établissement à sécurité plus élevé avaient été illégalement en liberté à un moment ou un autre de leur peine actuelle ou d'une peine antérieure. Il faut cependant souligner que les permissions de sortir sans escorte sont régies par des critères rigoureux.7 Seules les délinquantes ayant la cote minimale ou moyenne peuvent demander et se voir accorder des PSE. Les résultats concernant cette variable sont donc affectés dans une certaine mesure par ce fait.

Tableau 8 Antécédents de liberté illégale, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Illégalement en liberté Aucun changement
ou réduction (%)
Augmentation du niveau
de sécurité (%)
Non (n = 195) 158 (75,6) 37 (56,1)
Oui (n = 80) 51(24,4) 9 (43,9)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

6 Toutes les variables ont été mesurées durant la période d’examen de la cote de sécurité.
7 Ces critères comprennent (entre autres) l'impossibilité pour les délinquantes à sécurité maximale de se voir accorder des permissions de sortir sans escorte compromettent la sécurité de l'établissement sont des événements qui peuvent, à eux seuls, donner lieu à un niveau de sécurité plus élevé.

Résumé

Les facteurs mentionnés ci-dessus, en combinaison avec les cinq variables (attitude non coopérative, condamnations pour infractions disciplinaires graves, motivation nulle ou faible à l'égard du plan correctionnel et des programmes, possession ou distribution d'objets interdits, antécédents de liberté illégale) permettent manifestement de prévoir le résultat des décisions au sujet de la réévaluation.

Toutefois, il est très important de souligner que l'évaluation de l'une de ces variables à l'exclusion de toutes les autres ne peut pas expliquer pourquoi les délinquantes sont reclassifiées à un niveau de sécurité plus élevé. Autrement dit, c'est la présence d'une combinaison de ces cinq variables qui permet d'expliquer 36 % de la variance dans l'accroissement des niveaux de sécurité.

Même si les cinq variables décrites ci-dessus expliquaient 36 % de la variance, la plus grande partie de la variance reste inexpliquée. Toutefois, de nombreuses variables qui n'étaient pas incluses dans les analyses de régression peuvent avoir joué un rôle important dans les décisions. Il arrive souvent qu'un événement particulier donne lieu à une reclassification à un niveau de sécurité plus élevé, indépendamment du comportement de la délinquante durant la période d'examen.

Bien que ces variables ne puissent être qualifiées de prédictives sur le plan de la statistique, elles jouent néanmoins un rôle essentiel dans la réévaluation du niveau de sécurité.

Autres facteurs influençant la reclassification à des niveaux de sécurité plus élevés

En plus des cinq variables prédictives significatives susmentionnées, beaucoup d'autres variables peuvent influencer la reclassification des délinquantes vers des niveaux de sécurité plus élevés. Ces facteurs n'ont pas été mis en évidence dans les analyses, pour différentes raisons (faible niveau de base, par exemple), mais ils sont néanmoins importants pour les décisions de réévaluation. Ainsi, nous avons examiné quelques facteurs qui influencent à divers degrés les décisions : comportement violent, incitation à la perturbation, tentative d'évasion, analyses d'urine positives, isolement pour cause de menace à la sécurité des autres. Des incidents particuliers, qui peuvent donner lieu à eux seuls à une réévaluation du niveau de sécurité, peuvent aussi expliquer une partie de la variance non expliquée pour notre échantillon. Une agression brutale contre un membre du personnel ou une autre délinquante, par exemple, ou encore la participation à des activités qui

Voies de fait causant un dommage grave durant la période d'examen

Les voies de fait causant un dommage grave indiquent le non-respect des règles et une mauvaise adaptation au milieu carcéral. Les délinquantes qui ont été reclassées à un niveau de sécurité plus élevé étaient plus de trois fois plus susceptibles d'avoir commis des voies de fait causant un dommage grave durant la période d'examen du niveau de sécurité (7,58 % contre 2,39 %).

Incitation à des perturbations graves durant la période d'examen

Les délinquantes qui ont été à l'origine de perturbations graves dans l'établissement étaient également plus susceptibles d'être reclassées à un niveau de sécurité plus élevée, et ce dans une proportion douze fois plus grande que les autres délinquantes (6,06 % contre 0,48 %).

Tentatives d'évasion durant la période d'examen

Les tentatives d'évasion perpétrées durant la période d'examen du niveau de sécurité, qui illustrent aussi le non-respect des règles de l'établissement, influencent les décisions relatives à la réévaluation. Les délinquantes qui ont été reclassées à des niveaux de sécurité plus élevé avaient commis des tentatives d'évasion dans une proportion trois fois plus grande que les autres délinquantes (4,6 % contre 1,4 %).

Nombre d'analyses d'urine positives durant la période d'examen

Les analyses d'urine positives sont le résultat de la consommation par la délinquante d'une substance narcotique et la découverte, dans l'analyse subséquente d'un échantillon d'urine de la délinquante, de traces de la substance consommée. Comme les condamnations pour infractions disciplinaires graves, cette variable peut être considérée comme une forme de non-respect des règles et une mauvaise adaptation au milieu carcéral qu'on peut mesurer objectivement.

Les résultats positifs d'une analyse d'urine indiquent que la délinquante a un problème de toxicomanie et qu'elle a besoin d'un traitement, mais ils indiquent aussi qu'elle a décidé de déroger aux règles de l'établissement et de s'engager dans la sous-culture des délinquantes. Dans notre échantillon, 27 % des délinquantes qui ont été reclassées à un niveau de sécurité plus élevé avaient eu au moins une analyse d'urine positive durant la période d'examen, comparativement à seulement 8,5 % des femmes qui n'ont pas été placées dans un niveau de sécurité plus élevé.

Isolement pour cause de menace pour les autres

Le placement d'une délinquante en isolement en raison de la menace qu'elle représente pour le personnel ou les autres délinquantes est un indicateur important de la mauvaise adaptation au milieu carcéral. Dans notre échantillon, plus de la moitié des femmes qui ont été reclassées à des niveaux de sécurité plus élevés (53 %) avaient été placées en isolement parce qu'elles présentaient un danger pour les autres durant la période d'examen, alors que seulement 22 % des femmes don't le niveau n'a pas été augmenté avaient été placées en isolement pour ce motif.

Facteurs non liés à la reclassification vers des niveaux de sécurité plus élevés

En général, les opposants au système de classement actuel du SCC (Association canadienne des sociétés Elizabeth Fry, 1998; Hannah-Moffat, 1999; Hannah-Moffat et Shaw, 2000) ne font pas que critiquer la méthode utilisée par le SCC, mais laissent aussi entendre qu'on utilise des facteurs inappropriés et préjudiciables pour déterminer le niveau de sécurité des délinquantes. Ils disent par exemple qu'on accorde trop d'importance à des facteurs comme le fait d'être d'origine autochtone ou d'avoir des problèmes psychologiques ou psychiatriques.

Statut d'autochtone

Les opposants affirment souvent que le processus d'évaluation du risque est influencé par la «race» des délinquantes (Hannah-Moffat et Shaw, 2000). Comme il est évident que les femmes autochtones sont surreprésentées dans le système de justice pénale, certains laisseraient entendre que les décisions relatives à la réévaluation du niveau de sécurité dépendent dans une certaine mesure du groupe ethnique auquel appartient la délinquante. Dans notre échantillon, toutefois, rien ne permettait de confirmer cette hypothèse (voir le Tableau 9). Même si nous avons choisi une proportion plus grande de femmes autochtones que la proportion qu'elles représentent dans le système correctionnel, il n'y avait pas de différence entre les taux des femmes autochtones et des autres femmes pour lesquelles le niveau de sécurité a été augmenté (25 % contre 24 %). Cependant, les délinquantes autochtones de notre échantillon s'étaient vu assigner un niveau de sécurité plus élevé que les autres femmes au départ8, mais le taux d'augmentation était semblable à celui des femmes non autochtones.

Tableau 9 Groupe ethnique, selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Cote de sécurité Non autochtones (%) Autochtones (%)
Réduite ou inchangée (n = 209) 155 (76,3) 54 (75,0)
Augmentée (n = 66) 48 (23,7) 18 (25,0)
Total (N = 275) 209 (100) 66 (100)

Problèmes psychologiques ou psychiatriques

Les critiques ont aussi mis en évidence la «médicalisation» apparente des femmes dans la société, y compris au sein du système de justice pénale (Hannah-Moffat et Shaw, 2000). Si cette médicalisation des femmes se retrouvait dans les établissements correctionnels, il en existerait probablement des preuves dans le domaine de la réévaluation du niveau de sécurité, et les femmes ayant des problèmes psychologiques ou psychiatriques seraient classées à un niveau de sécurité plus élevé.

Les données laissent voir qu'une proportion légèrement plus élevée de délinquantes ayant des problèmes psychologiques ou psychiatriques ont été reclassées à des niveaux de sécurité plus élevés (35,6 % contre 21,7%; voir le Tableau 10).

Cependant, un test de khi-deux a révélé que cette différence n'était pas significative.


8 Une étude (Verbrugge et Wichmann, 2000, en cours de révision) laisse entendre que les femmes autochtones sont classées initialement à un niveau de sécurité plus élevé en raison de la nature de l'infraction commise.

En outre, la différence peut être due à une troisième variable. Ces délinquantes, par exemple, peuvent aussi avoir connu d'autres difficultés d'adaptation au milieu carcéral (condamnations pour infractions disciplinaires, etc.).

Tableau 10 Problèmes psychologiques ou psychiatriques, durant la période d'examen,selon le résultat de la réévaluation du niveau de sécurité
Cote de sécurité Aucun problème (%) Problèmes (%)
Réduite ou inchangée (n = 209) 180 (78,3) 29 (64,4)
Augmentée (n = 66) 50 (21,7) 16 (35,6)
Total (N = 275) 230 (100) 45 (100)

Quel que soit l'effet que peuvent avoir les problèmes psychologiques sur le classement des délinquantes, ces problèmes ne devraient plus être liés à une reclassification à un niveau de sécurité plus élevé dans l'avenir, grâce à la mise en ouvre de la Stratégie d'intervention intensive dans les établissements régionaux pour femmes. Cette Stratégie permettra d'offrir des services de santé mentale plus étendus dans les établissements régionaux, ce qui permettra aux délinquantes de régler leurs problèmes psychologiques tout en restant dans le même établissement et en conservant la même cote de sécurité.

ANALYSE

Facteurs subjectifs et objectifs dans la réévaluation du niveau de sécurité

L'examen du niveau de sécurité tient compte de nombreuses variables pour déterminer le niveau qui conviendra le mieux à chaque délinquante. Comme le montrent les résultats des analyses, il y a un effet réciproque entre les facteurs subjectifs et objectifs. Bien que trois des cinq variables les plus significatives soient objectives et les deux autres subjectives, il est évident que l'interaction des deux types de facteurs fait partie intégrante du processus de réévaluation du niveau de sécurité.

Il ne faut pas sous-évaluer l'importance des évaluations subjectives effectuées par le personnel de l'établissement qui travaille auprès des délinquantes. Les membres du personnel, par leurs opinions et leurs commentaires, peuvent souvent apporter des renseignements détaillés qui ne se trouvent pas dans les dossiers de l'établissement, étant donné qu'ils ont des rapports directs constants avec les délinquantes et qu'ils les connaissent bien. En outre, il est reconnu que les stratégies qu'on a utilisées par le passé et qui satisfaisaient aux exigences juridiques liées au classement des délinquants selon le niveau de sécurité faisaient appel à de nombreux facteurs subjectifs. Cependant, des initiatives récentes du SCC ont donné lieu à l'élaboration de systèmes de classement qui ont des fondements empiriques et objectifs (Échelles de réévaluation du niveau de sécurité adaptées au sexe, par exemple).

Pour calmer les inquiétudes de ceux qui critiquent le système et, surtout, pour assurer un traitement juste et équitable à toutes les délinquantes, il faut déterminer les facteurs qui influencent le placement à un niveau de sécurité plus élevé. Les conclusions de notre étude révèlent que ces décisions s'appuient sur des facteurs subjectifs et objectifs. Cinq facteurs (attitude non coopérative, condamnations pour infractions disciplinaires graves, motivation nulle ou faible à l'égard du plan correctionnel et des programmes, possession ou distribution d'objets interdits, antécédents de liberté illégale) sont directement liés aux décisions d'augmenter le niveau de sécurité des délinquantes. Plusieurs autres variables objectives (p. ex., voies de fait, évasion ou tentatives d'évasion) jouent aussi un rôle dans ces décisions, bien que leur niveau de base soit trop bas pour qu'on puisse les intégrer dans un modèle de régression.

CONCLUSION

Il est évident qu'il existe une certaine subjectivité dans les stratégies de réévaluation du niveau de sécurité, mais on s'efforce avec les nouvelles initiatives de limiter le degré de subjectivité dans le processus et de mettre l'accent sur la normalisation et l'objectivité. Afin de mettre en place un outil national normalisé pour la réévaluation du niveau de sécurité des délinquantes, le Service correctionnel du Canada est en train d'élaborer l'Échelle de réévaluation du niveau de sécurité pour les femmes, don't on est en voie de revalider l'efficacité. Cette Échelle ne fait pas beaucoup appel à la subjectivité, puisqu'elle repose principalement sur des facteurs objectifs et clairement mesurables. Grâce à cet outil normalisé, les femmes sauront comment sont prises les décisions au sujet de l'augmentation de leur niveau de sécurité, ce qui pourrait avoir une incidence positive sur leur motivation et leur détermination à réduire leur cote de sécurité.

En résumé, il y aura toujours un certain degré de subjectivité dans le processus de classement des délinquantes, la subjectivité étant inévitable dans le secteur des services sociaux. Toutefois, vu l'importance de la réévaluation du niveau de sécurité et les nombreuses répercussions de ce processus pour les délinquantes, on peut réduire au minimum la part de subjectivité en comptant moins sur le jugement professionnel et en établissant un processus plus équitable, normalisé et adapté aux femmes. L'utilisation de l'Échelle de réévaluation du niveau de sécurité pour les femmes et la mise en ouvre imminente de la Stratégie d'intervention intensive dans les établissements pour femmes permettront au SCC de faire de la réévaluation du niveau de sécurité un processus plus objectif, pertinent et éclairé, qui restera tout de même sensible aux ressources et aux besoins particuliers des délinquantes.

BIBLIOGRAPHIE

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BLANCHETTE, K. Les délinquantes à sécurité moyenne et les délinquantes à sécurité maximale sous responsabilité, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1997b. Association canadienne des Sociétés Elizabeth Fry. Position Paper Regarding the Classification and Carceral Placement of Women Classified as Maximum Security Prisoners., Ottawa, ON, Rapport non publié, 1998.

DOWDEN, C. et BLANCHETTE, K. Analyse des caractéristiques des délinquantes toxicomanes : risque, besoins et résultats après la mise en liberté, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1999.

HANNAH-MOFFAT, K. Moral agent or actuarial subject: Risk and Canadian women's imprisonment. Theoretical Criminology, vol. 3, no 1, 1999, p. 71-94.

HANNAH-MOFFAT, K. et SHAW, M. 'Taking risks': gender, diversity, security classification and risk/needs assessment with Canadian federally sentenced women, Ottawa, ON, Condition féminine Canada, 2000.

LUCIANI, F. The security classification of offenders: development of security reclassification protocols Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1997.

McDONAGH, D. Détenues sous responsabilité fédérale projet d'entrevue de détenues dites à «sécurité maximale» : «faire du temps sans se laisser faire par le temp», Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1999. Service correctionnel Canada. La création de choix : rapport du Groupe d'étude sur les femmes purgeant une peine fédérale, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 1990.

VERBRUGGE, P. et WICHMANN, C. Intake security classification of Aboriginal women offenders, Ottawa, ON, Service correctionnel Canada, 2000, en cours de révision.

ANNEXE A. Variables prédictives

Prédicteurs

  1. Respect des règles de l'établissement - Examen
  2. Nombre de condamnations pour infractions graves - Examen
  3. Voies de fait causant un dommage grave - En général
  4. Voies de fait causant un dommage grave - Examen
  5. Incitation à des perturbations graves - Examen
  6. Nombre de condamnations pour infractions mineures - Examen
  7. Nombre d'incidents au dossier - Examen
  8. Nombre de refus de fournir un échantillon d'urine - Examen
  9. Nombre d'analyses d'urine positives - Examen
  10. Source de distribution d'objets interdits - Examen
  11. Nouvelles accusations - Examen
  12. Isolement non sollicité : danger pour les autres (nombre de fois) - Examen
  13. Illégalement en liberté durant PSSE ou période de surveillance dans la collectivité - En général
  14. Tentative d'évasion sans violence - En général
  15. Tentative d'évasion sans violence - Examen
  16. Renvoi pour maintien en incarcération -Peine actuelle
  17. Nombre de tentatives de suicide - Examen
  18. Nombre d'incidents d'automutilation - Examen
  19. Problème de sécurité préventive - Examen
  20. Besoins généraux - Peine actuelle
  21. Adaptation au milieu carcéral - ECNS- Peine actuelle
  22. Risque pour la sécurité selon - ECNS - Peine actuelle
  23. Problèmes psychologiques ou psychiatriques - Peine actuelle
  24. Prise de médicaments pour problèmes psychiatriques
  25. Problème de toxicomanie - Examen
  26. Motivation à l'égard du plan correctionnel et des programmes (priorité absolue)- Examen
  27. Progrès dans le plan correctionnel et les programmes (priorité absolue) - Examen
  28. Risque criminel global - Peine actuelle
  29. Qualité des relations interpersonnelles - Peine actuelle
  30. Adaptation globale sur les plans conjugal et familial - Peine actuelle
  31. Fréquence des visites de la famille ou de la collectivité - Peine actuelle
  32. État matrimonial - Examen
  33. Contacts réguliers avec la famille - Peine actuelle
  34. Nombre de PSAE réussies : développement personnel - Examen
  35. Nombre de PSAE réussies : total - Examen
  36. Nombre de PSAE réussies : rapports familiaux - Examen
  37. Nombre de PSSE : rapports familiaux - Examen
  38. Nombre de VFP - Examen
  39. Niveau de rémunération - Le plus récent