Rapport du Groupe de travail sur la sécurité

5. Une vision pour l’avenir

Certains Canadiens ont l’impression que le système correctionnel du Canada est érodé par la nouvelle moralité. Traditionnellement, le système correctionnel mettait l’accent sur la punition, la séparation et l’isolation; il a été modifié par les nouveaux droits et libertés individuels. Certains croient qu’il faut revenir aux pratiques traditionnelles. D’autres favorisent la poursuite des réformes et une protection accrue des droits individuels.

Cette tension entre l’ancien et le nouveau s’accentue dans le cadre institutionnel. Ceux qui prônent des programmes de réforme se heurtent à une ferme résistance de ceux qui souhaitent en revenir aux approches traditionnelles. Les deux côtés du débat se tournent vers le législateur et le décideur pour appuyer leur position. Toutefois, les questions qui ont été polarisées ne relèvent d’aucune de ces deux approches. Elles représentent une évolution des valeurs et des mœurs. Elles représentent des tensions culturelles. Ni la politique ni les énoncés de principe ne peuvent efficacement résoudre de tels dilemmes. De fait, une importance excessive accordée à la loi et aux politiques peut entraîner davantage de détérioration que de guérison.

Un certain consensus s’établit sur le fait que la modification et le contrôle du comportement individuel sont essentiels dans un cadre institutionnel. Le Groupe de travail est d’avis que pour changer le comportement individuel il faut s’appuyer sur de solides normes sociales et morales. Cela n’est possible que dans un climat où l’on peut vivre et travailler en toute sécurité, dans un milieu ordonné où notre mission organisationnelle est très généralement acceptée.

Le paradigme culturel dans nos établissements et dans nos bureaux communautaires s’est embourbé. Le Service correctionnel du Canada a besoin d’un modèle d’engagement qui réunisse :

  1. La reconnaissance du fait que la loi et les politiques sont de peu d’utilité quand il s’agit de réformer la culture;
  2. Un débat permanent, en profondeur et généralisé, au sein du Service et à l’extérieur, sur toutes les questions qui touchent la culture correctionnelle.

Un thème récurrent du présent rapport est que l’on ne saurait trop insister sur le lien qui s’établit entre culture et sécurité. Le désordre au sein d’une culture a un effet spectaculaire et nocif sur le bien-être des divers intervenants. Une saine gestion du changement culturel est essentielle, tant aujourd’hui que pour l’avenir.

Le Groupe de travail sur la sécurité souligne avec fierté les grandes réussites qu’a connues le secteur correctionnel ces dernières décennies, et il y en a eu plusieurs. Ainsi, en tant que Service, nous reconnaissons sans réserve les droits individuels. Nous sommes tenus par la loi de recourir au minimum de force nécessaire pour régler les incidents. Nous construisons des prisons progressistes qui comptent parmi les meilleures au monde. Nous avons mis au point des outils inégalés pour l’évaluation des risques. Nous avons élaboré un processus de gestion de cas qui mène à une réinsertion sociale dans les plus brefs délais, sans créer de risques indus pour la collectivité. Nous avons en outre défini des approches de gestion tant pour les délinquants autochtones que pour les femmes confiées au Service correctionnel, et nous croyons qu’elles serviront de modèles dans le secteur correctionnel pendant de nombreuses années. Pourtant, bien des facteurs permettent de croire que notre Service est aujourd’hui polarisé par la controverse. Les recommandations présentées par notre Groupe de travail visent à préciser la position du Service sur de nombreux points litigieux. À notre avis, le Service doit s’engager clairement à l’égard d’un programme futur qui reflète les normes d’excellence acceptées dans les sociétés occidentales démocratiques.

5.1. SÛRETé

Pour jouir d’une sécurité absolue, il faut être à l’abri du danger, des préjudices et des risques de perte. Comme il est peu réaliste de s’attendre à ce qu’il n’y ait jamais aucune menace, il s’agit de s'entendre sur un niveau acceptable. Dans le secteur correctionnel, il existe des éléments de risque inhérents dans les établissements et dans la collectivité. Le défi de l’avenir consiste à définir des normes acceptables se rapportant à la sécurité du personnel, des délinquants et de la collectivité et à veiller à ce que ces normes soient appliquées de façon uniforme

5.1.1 Sécurité dynamique

La sécurité dynamique joue un rôle essentiel dans la gestion des établissements correctionnels et des bureaux de libération conditionnelle, mais le concept n’est ni bien compris ni adéquatement défini.

Aucun autre facteur n’a autant d’importance pour la sécurité dans nos établissements. La sécurité dynamique a trait spécifiquement aux rapports qui s’établissent entre tous les membres du personnel et les délinquants avec lesquels ils travaillent. Chaque interaction entre ces deux groupes a un effet cumulatif sur l’ensemble de la culture du Service. Chaque interaction peut enrichir la culture institutionnelle positive ou miner les efforts collectifs déployés par de nombreuses personnes pour l’améliorer. L’examen des incidents relatifs à la sécurité a révélé à maintes reprises que les problèmes dans les établissements surviennent lorsqu’il y a peu d’interactions positives entre le personnel et les détenus.

« Le système correctionnel est trop fortement tributaire de la technologie. Il ne faut pas laisser la technologie définir la politique ».

- Don Head

C’est la culture d’un établissement qui détermine dans une large mesure la fréquence et la nature des interactions entre le personnel et les délinquants. Aucune loi, politique ou directive ne réussira à créer un climat qui favorise les interactions entre le personnel et les délinquants.

Le document consacré à la culture (Annexe 1) examine en détail les questions qui se répercutent le plus fortement sur la sécurité active. Ce rapport précise que « L’importance du concept de sécurité active est bien acceptée et reconnue quand il s’agit d’entretenir un milieu sûr et pour aider à améliorer les relations qui contribuent à l’objectif de réinsertion sociale. Nous croyons que le Service a besoin d’une stratégie définie d’examen constant de toutes les pratiques et la promotion de la sécurité active » [Traduction]

Avant nous, les auteurs de nombreux rapports se sont prononcés sur des questions qui se répercutent sur notre culture carcérale. Nous citons le rapport Arbour et le rapport d’enquête Gentles, pour ne nommer que deux initiatives récentes. Notre Groupe de travail est d’avis que la clé de la stabilité de nos cultures et de l’excellence en matière de sécurité active vient du leadership. Des professionnels mûrs et expérimentés doivent en permanence surveiller le milieu correctionnel et donner aux directeurs des établissements et à leur personnel ainsi qu’aux commissaires adjoints des conseils et des avis adéquats au sujet de toutes les questions qui se répercutent sur l’épanouissement de cultures positives dans nos établissements et dans les bureaux dans la collectivité. Le Groupe de travail formule les recommandations suivantes :

Recommandation : Que l’expression « sécurité active » soit définie et comprise comme étant l’ensemble des « actions qui contribuent à l’épanouissement de relations professionnelles positives entre les membres du personnel et les délinquants ».

5.1.2 Conception et niveau de sécurité des installations

La conception des prisons au Canada reflète l’évolution des valeurs et des mœurs. Le Canada a réussi à intégrer les objectifs de réinsertion sociale et de réadaptation à la conception même de nombre de ses installations. Le Groupe de travail a visité de nombreux établissements dans d’autres pays mais n’en a pas vu beaucoup qui se comparent à Fenbrook, à William Head, aux installations pour les femmes purgeant une peine fédérale ou aux pavillons de ressourcement destinés aux délinquants autochtones à Maple Creek et à Hobbema. Ces innovations sont, à notre avis, la voie de l’avenir pour les futurs concepts au Canada. Elles indiquent aussi que le SCC a retenu les services de planificateurs et de concepteurs d’installations extraordinairement compétents. Le Groupe de travail reconnaît que l’impératif de sécurité entre en conflit avec le besoin d’installations qui encouragent les détenus à se prendre en main. Nous croyons fermement que la sécurité véritable ne découle ni de la construction de blocs cellulaires traditionnels, avec leurs longues rangées, ni des grilles, ni des postes de garde armés. Ces caractéristiques architecturales ne permettent pas aux détenus de faire des choix responsables quant au milieu de vie. Nous proposons donc un cadre de conception selon lequel la majorité des prisons du Canada seraient construites à l’intérieur d’un périmètre de sécurité et prendraient la forme de petites collectivités qui faciliteront la coopération et la prise de décisions responsables par les détenus. Notre modèle rassemble les éléments suivants :

Logement en petits groupes – Pour répondre à l’objectif du milieu de vie en petits groupes, le Groupe de travail élargit la tendance à la normalisation du cadre correctionnel, comme le montrent des projets récents, dont ceux de William Head et de Fenbrook, divers établissements à sécurité minimale, les installations pour femmes purgeant des peines fédérales et les deux pavillons de ressourcement à l’intention des délinquants autochtones. Ces nouvelles installations se caractérisent par les qualités suivantes, qu’approuve le Groupe de travail comme caractéristiques primaires des établissements, quel qu’en soit le niveau de sécurité :

  • Logement en petits groupes qui permet une certaine intimité personnelle mais exige un mode de vie collectif;
  • Responsabilités accrues du délinquant relativement aux tâches de la vie quotidienne et à son comportement personnel;
  • Multiplication des interactions entre le personnel et les délinquants, conséquence de leur regroupement en un même lieu et de la réduction des barrières physiques;
  • Relations améliorées entre l’établissement et la collectivité, grâce à la proximité et grâce à la création d’un cadre correctionnel plus conforme aux normes.

Établissements de plusieurs niveaux - Le Groupe de travail reconnaît en outre que la classification actuelle des établissements en fonction du niveau de sécurité est, à bien des égards, inutile et entrave l’atteinte de l’excellence dans le secteur correctionnel. Nous avons constaté que le système actuel entraînait un nombre excessif de transfèrements, ce qui déstabilise les populations carcérales, et provoque souvent une agitation institutionnelle. Les transfèrements fréquents empêchent aussi les membres du personnel de bien connaître les détenus et impact aussi sur la réinsertion sociale sans risque. Parfois, le processus de transfèrement sert à régler des conflits qui se prêteraient mieux à une intervention active du personnel.

Les lacunes du système de classement actuel basé sur la sécurité, pourront être corrigées si l’on adopte une approche à niveaux multiples dans la majorité des établissements. À cet égard, le Groupe de travail propose que le modèle institutionnel primaire soit un établissement à plusieurs niveaux, qui accueillerait des détenus classés à plus d’un niveau de sécurité. Le placement dans un établissement donné et à l’intérieur d'un établissement sera déterminé en visant à atteindre l'équilibre entre les besoins des délinquants en matière de programmes et leurs besoins en matière de sécurité. Le Groupe de travail constate que rien, dans la politique et dans la loi, n’exige que les détenus soient logés en fonction de leur niveau de sécurité.

Le recours accru à des établissements à plusieurs niveaux est facilité par la recommandation correspondante, qui consiste à créer des cadres adaptés à la vie en petit groupe, pour permettre l’établissement de petites collectivités distinctes à l’intérieur du périmètre de sécurité. La création d’un milieu où l’on vit en petits groupes est essentielle à la réussite de l’approche à plusieurs niveaux dans les établissements.

Pour créer de façon économique des cadres convenant aux petits groupes, il faut réduire au minimum le besoin de surveillance et de contrôle constants des installations et des occupants. Si toutes les portes doivent être surveillées par un agent et si toutes les aires communes doivent être visibles depuis un point d’observation donné, le coût de création de cadres pour petits groupes sera prohibitif et les avantages, grandement réduits. Il convient plutôt de mettre l’accent sur la sécurité dynamique et les interactions régulières entre les délinquants et le personnel, grâce à la participation des deux groupes aux activités quotidiennes, ce qui permettra de limiter la taille de l’unité.

Le Groupe de travail appuie donc diverses formules convenant à la vie en petits groupes au sein d’un même établissement ou d’un même complexe. Chaque unité fournira le degré de supervision et de contrôle ainsi que les programmes qui conviennent aux délinquants qui y sont assignés. Chaque unité devrait disposer de ses propres aires d’habitation, de programme, de récréation et de soutien administratif. Seuls les services de soutien à l’échelle de l’établissement, notamment les principaux services administratifs, les magasins, les systèmes de chauffage, les grands ateliers, les services de santé et les gymnases, seraient utilisés par tous. Tous les autres éléments devraient être décentralisés au niveau de l’unité et adaptés au classement de sécurité et aux besoins en programmes de la population de l’unité.

« Je me demande s’il nous faut vraiment autant d’établissements à sécurité maximale et de quelle façon nous pouvons modifier la culture dans ces établissements... Il est intéressant de constater que dans un cadre à sécurité maximale, le comportement des détenus et celui du personnel est modifié... Il faut jouer les durs... Ne pas montrer ses émotions... Et puis on vous envoie dans un établissement à sécurité moyenne, et tout est différent. »

- Détenu à William Head

Pour définir avec plus de précision le concept, le Groupe de travail préconise les paramètres suivants pour le projet d’établissement à plusieurs niveaux :

  • Capacité de l’établissement limitée à 500 délinquants.
  • Unités semi-autonomes pouvant compter jusqu’à 100 délinquants, réparties en petites unités résidentielles distinctes comptant dix détenus ou moins.
  • Dans le but d’atteindre une efficacité et une sûreté des plus élevées, les esquisses des établissements devraient être conçues de sorte qu’on puisse y loger 20 p. 100 de détenus de sécurité maximale et 20 p. 100 de détenus de sécurité minimale, et 20 p. 100 de détenus de sécurité minimale.
  • Les méthodes de préparation des aliments ainsi que la distribution de ceux-ci seraient différenciées selon le niveau de sécurité, tenant compte que dans les deux cas, préparation et distribution, la responsabilité du détenu s’accroîtrait proportionnellement à la diminution de son niveau de sécurité.
  • Aires de programme, de récréation, d’exercice extérieur et de visite au niveau de l’unité pour toute la population.
  • Comme l’occupant aura le contrôle de la clé de sa chambre dans les unités à sécurité moyenne et minimale, les toilettes seront centralisées et chaque petit groupe aura les siennes. Dans le cas des unités à sécurité maximale, les toilettes demeureront dans la chambre du détenu.
  • Le périmètre doit être sûr et conforme au mandat du service de protéger le public.

Le Groupe de travail croit qu’un milieu de vie plus conforme aux normes est approprié et bénéfique pour les délinquants à tous les niveaux de sécurité, mais il reconnaît qu’au sein d’un même établissement, il faut séparer les unités selon le niveau de sécurité. En règle générale, plus le niveau de sécurité individuelle est élevé et plus le contrôle des déplacements et la supervision doivent être stricts. Le Groupe de travail envisage des unités séparées selon le type, l’accessibilité et la durée des programmes, le degré d’interaction avec d’autres groupes, la nécessité des fouilles et l’importance du contrôle des portes et des déplacements.

Le Groupe de travail considère qu’il faut établir une distinction entre les niveaux de sécurité pour ce qui est du contrôle des déplacements. Le contrôle des mouvements à l’intérieur du complexe devrait être établi en fonction du niveau de sécurité, le contrôle augmentant selon que le niveau de sécurité du détenu augmente.

Tous les détenus ont droit aux visites, ils ont accès à leurs effets personnels et ils peuvent utiliser le téléphone, etc., mais leur comportement peut et devrait influer sur les privilèges qui leur sont accordés. Nous proposons qu’à mesure que baisse le niveau de classement de sécurité, le détenu puisse constater des différences dans ces aspects de la vie en établissement. Le Groupe de travail propose que les activités suivantes servent de base à ces distinctions :

  • Fouilles – Les détenus à sécurité maximale présentent en général un plus grand risque de sécurité pour l’établissement sur le plan des armes illicites et du trafic de stupéfiants. Le programme de fouille régulière des cellules, des aires d’habitation, des zones communes et des personnes doit être rigoureux et bien défini. La fréquence des fouilles devrait être plus élevée que ce que l’on constate normalement dans les autres unités ou établissements.
  • Visites – Une étroite supervision s’impose pour tous les détenus à sécurité maximale. Cela signifie que les visites devraient se faire en plus petits groupes, et que la procédure des fouilles visant les visiteurs et les détenus devrait être stricte et bien définie. Indépendamment du niveau de sécurité, le Groupe de travail aimerait insister sur la nécessité, dans les bureaux de visites et de correspondance, de comptoirs ouverts qui encouragent le dialogue entre le personnel, les détenus et les visiteurs.
  • Effets personnels – Les effets personnels doivent être strictement contrôlés à tous les niveaux de sécurité. Le système actuel permet de contrôler le volume et la valeur monétaire. À notre avis, les effets personnels posent des problèmes sur les plans du marché noir, des pratiques de prêt coercitives, de la grande complexité des procédures de fouille, de la santé, de la sécurité incendie et de la sécurité en général. Nous croyons que plus le niveau de sécurité d’un détenu est élevé, plus le risque lié à ses effets personnels est grand. Nous sommes d’avis que la politique actuelle est rarement appliquée de façon uniforme. Les systèmes de contrôle déjà en place doivent être strictement respectés.

Quoique les membres du groupe de travail aient relevé divers exemples d'établissements multisécuritaire qui fonctionnent bien dans les provinces ou à l’étranger, il est difficile de définir le modèle idéal avant que le SCC n’ait étudié concrètement et dans le détail, le mode de fonctionnement qui devrait caractériser un tel établissement. Les échanges sur la question doivent commencer par la liste des problèmes cernés par le groupe de travail qui nécessitent des solutions ou des améliorations, pour s'acheminer ainsi vers la définition du mode de fonctionnement. Nombre d’aspects de notre fonctionnement actuel doivent faire l’objet de ces discussions, notamment la gestion de cas, le type d’emploi occupé par les détenus selon le niveau de sécurité ainsi que la taille et l’emplacement des installations de loisir, des salles à manger et des lieux de visite, etc.. Les options pourraient comprendre, entre autres, une adaptation du système de dispersion employé au Royaume-Uni, système qui place un petit nombre de détenus nécessitant un niveau de sécurité élevé dans les mêmes locaux que des délinquants nécessitant un niveau de sécurité moindre.

Parmi les autres options se trouve la possibilité de créer trois pavillons de niveaux de sécurité séparés physiquement dans une grande enceinte sécuritaire commune, ou même trois pavillons séparés, mais sûrs, dans une enceinte commune. Une fois ces discussions terminées avec les gestionnaires d’expérience et le personnel qui dirigerait ces installations futures, on aura une bien meilleure idée de la forme que prendrait ce nouvel établissement multisécuritaire et on pourra savoir si ce dernier offrirait vraiment une solution intéressante, compte tenu des problèmes et des difficultés déjà mentionnées. Nous sommes d’avis que certains de nos établissements pourraient être adaptés pour inclure deux de ces niveaux de sécurité. De plus, il n’est pas impossible que certains autres puissent être transformés pour inclure les trois niveaux de sécurité, conformément au modèle d’établissement multisécuritaire.

Établissements à sécurité minimale et centres correctionnels communautaires - Le Groupe de travail reconnaît l’importance des installations de garde en milieu ouvert pour la transition entre l’établissement et la collectivité. Ces installations, dont certaines se distinguent par l’absence de périmètre de sécurité, doivent être réservées aux détenus à sécurité minimale, qui risquent peu de s’évader. Pour donner de bons résultats, ces installations doivent permettre de très nombreuses interactions entre le personnel et les détenus, une exigence qui peut être le mieux satisfaite si la population de l’établissement et de l’unité est réduite. Pour cette raison, le Groupe de travail recommande que les établissements à sécurité minimale ne comptent pas plus de 200 délinquants, répartis en petits groupes ne dépassant pas 10 détenus chacun. Enfin, le Groupe de travail propose un modèle selon lequel tous les établissements à sécurité minimale et les centres correctionnels communautaires seraient regroupés au sein d’une même classe d’établissements sans enceinte fermée que l’on appellerait installations correctionnelles communautaires. Ces installations pourraient loger des délinquants approchant ou ayant dépassé leur date d’admissibilité à la libération conditionnelle ou encore des délinquants en liberté sous condition. Cette fusion permettrait à un plus grand nombre de délinquants d’avoir accès à leur collectivité d’origine, tout en fournissant des services aux délinquants à faible risque incarcéré pour une longue durée. Les établissements correctionnels communautaires fonctionneraient selon le modèle de la gestion coopérative, qui fait appel à la participation du personnel, des délinquants et de la collectivité.

Installations à contrôle intégré - Le Groupe de travail reconnaît aussi qu’un petit pourcentage de délinquants ne pourrait s’intégrer aux établissements à niveaux multiples ou à sécurité minimale. Il s’agit de détenus qui sont très difficiles à gérer sur les plans du comportement personnel, qui posent une menace à la sécurité du personnel et des autres détenus, même dans les unités de garde en milieu fermé, et (ou) qui risquent fortement de s’évader. Certains détenus doivent en outre être placés dans ces établissements à contrôle intégré en raison du caractère haineux de leurs crimes. Le Groupe de travail croit qu’il faudra maintenir une installation à contrôle intégré dans l’Est du pays et une autre dans l’Ouest. Ces installations devraient être dotées de nombreuses capacités de sécurité standard, adopter les approches actuellement utilisées dans les établissements à sécurité maximale, y compris les postes de contrôle fermés, les contrôles d’accès, de sorties et de déplacements, les restrictions imposées au rassemblement et une capacité de surveillance étroite. Elles devraient allouer leurs ressources à l’excellence en matière de sécurité et à des programmes visant à réduire les risques, de sorte que le transfèrement dans des établissements à niveaux multiples sera facilité.

Avantages du concept proposé d’établissement de niveaux multiples – Le concept proposé et le système de classement présentent les grands avantages suivants :

  • Ils facilitent une réinsertion sociale rapide.
  • Ils minimisent ou réduisent les risques d’évasion.
  • Ils stabilisent les populations.
  • Ils réduisent la nécessité de recourir à l’isolement préventif.
  • Ils permettent de réduire le niveau de sécurité en vue de la libération d’office et dans le cas d’autres délinquants, sans qu’il soit nécessaire de procéder à un transfèrement.
  • Ils motivent la population carcérale.
  • Ils améliorent les perspectives d’enrichissement de la tâche pour le personnel.
  • Ils gardent les détenus à proximité de leur famille/de leur collectivité.

Examen des établissements existants - Le Groupe de travail reconnaît que peu d’établissements existants correspondent pleinement à l’esprit et aux exigences du présent rapport. En outre, il considère que plusieurs établissements sont à ce point inadéquats qu’il faudra envisager de les fermer en temps et lieu. Le Groupe de travail a défini trois grandes catégories pour indiquer le niveau d’acceptabilité des établissements actuels. La catégorie I regroupe les installations qui répondent à nos attentes sur les plans de la philosophie de gestion, de la sécurité et de la réinsertion sociale. Dans la catégorie II, on retrouve des établissements qui répondent plus ou moins aux attentes dans les trois secteurs définis, et la catégorie III rassemble les établissements inacceptables qui ne peuvent pas être modifiés sans trop de frais pour satisfaire aux objectifs précisés ici. Nous croyons que le SCC devrait dresser un plan progressif de fermeture des installations non adaptées et de modification d’autres installations en fonction de nos objectifs. Les critères suivants nous paraissent utiles à l’évaluation des établissements :

  • Capacité maximale de 500 délinquants.
  • Unités semi-autonomes pouvant regrouper jusqu’à 100 délinquants, répartis dans des zones d’habitation adaptées chacune à un maximum de 10 délinquants.
  • Capacité de différencier le type de logement en fonction du niveau de sécurité.
  • Les programmes, les loisirs et les exercices peuvent être prévus au niveau de l’unité.
  • Salles à manger et cuisines décentralisées.
  • Répond aux codes et aux politiques du Service.
  • Répond aux normes techniques actuelles.
  • Satisfait aux objectifs du développement durable.
  • Répond aux exigences en matière d’infrastructure et de services.

Un barème pourrait être mis au point à l’aide des facteurs susmentionnés, pour faciliter la planification des fermetures et (ou) des réfections.

Recommandation : Que tous les établissements intègrent au maximum le principe d’un environnement mieux axé sur les normes, y compris la création de milieux pour petits groupes, une augmentation des responsabilités du délinquant à l’égard des tâches quotidiennes et de son comportement, et une multiplication des interactions entre le personnel et les délinquants.

Recommandation : Que des établissements à plusieurs niveaux soient utilisés pour loger les délinquants, et que cette formule devienne le principal modèle institutionnel du Service.

Recommandation : Que toutes les installations à niveaux multiples soient exploitées et conçues en fonction de normes s’appliquant au cadre communautaire, pour loger les délinquants par petits groupes respectant les paramètres esquissés dans le présent rapport quant à la taille de l’établissement, de l’unité et du groupe, de la désignation du niveau de sécurité des unités, de la portée des activités et des services basés sur l’unité et l’importance du contrôle des déplacements au sein de l’unité et à l’extérieur.

Recommandation : Que les établissements à sécurité minimale continue à être des établissements de garde en milieu ouvert, mais que leur capacité soit limitée à 200 délinquants qui, tous, nécessitent des mesures de sécurité minimale et présentent un faible risque d’évasion; que les établissements à sécurité minimale et les centres correctionnels communautaires soient regroupés au sein d’une même classe d’établissements sans enceinte fermée que l’on appellerait des établissements correctionnels communautaires.

Recommandation : Que deux établissements à contrôle intégré soient désignés, l’un dans l’Est et l’autre dans l’Ouest du Canada, pour accueillir le petit nombre de délinquants qui ne peuvent être adéquatement logés soit dans un établissement à plusieurs niveaux ou dans un établissement à sécurité minimale.

Recommandation : Que les établissements qui ne peuvent pas être adaptés en fonction des critères énoncés dans le présent rapport soient inscrits dans un plan en vue de leur fermeture ou de leur remplacement.

Recommandation : Que le SCC évalue tous ses établissements en fonction des critères et principes définis dans le présent rapport en vue d’élaborer un plan complet, à long terme, de rénovation et (ou) de fermeture des établissements, et que ce plan soit à la base de la prochaine soumission du PNILO.

Recommandation : Que chaque établissement présente des plans qui lui permettront de s’adapter au modèle suggéré dans le présent rapport, et que ces plans forment la base de la révision des normes techniques et du logement du SCC.

Le Groupe de travail a constaté l’existence, dans d’autres pays, de certaines caractéristiques architecturales qui ne sont pas utilisées au Canada mais qui correspondent à notre philosophie. En Australie, par exemple, l’aire de réception des prisons compte parmi les mieux adaptées que nous ayons vues. Elle est spacieuse, bien surveillée et dotée d’un équipement perfectionné. Les entrées de véhicule sont fermées, ce qui permet de fouiller à fond les véhicules, par tous les temps. Nous considérons l’aire de réception et les entrées de véhicule comme des éléments essentiels du périmètre de sécurité.

Recommandation : Que le concept australien de grille d’entrée et d’entrée de véhicules soit appliquée à tous les projets de rénovation d’installations existantes au Canada et à tous les concepts architecturaux futurs.

Nous aimerions aussi que soit éliminé le barbelé à lames sur le périmètre, comme l’ont fait certaines compétences. Nous considérons que le barbelé à lames, combiné aux tours de surveillance ne convient pas aux installations du SCC. Le plus souvent, pour défendre le maintien du barbelé à lames, on soutient qu’il permet un temps de réaction de 40 secondes en cas de déclenchement du Système périmétrique de détection des intrusions (SPDI). Nos systèmes de sécurité périmétrique sont excellents, mais nous sommes convaincus que le SCC devrait mettre plus d’énergie à trouver une technologie pour remplacer les barbelés à lames. Les options auxquelles d’autres compétences ont recouru ne conviennent pas au Canada en raison de la rigueur de nos hivers.

Recommandation : Que le SCC s’efforce de trouver des innovations de conception dans le secteur privé soit pour adopter un type de barbelé à lames plus discret ou un tout autre dispositif pour retarder les évasions.

Nous aimerions que soit constitué un catalogue de concepts reflétant les normes auxquelles souscrit le SCC, et que ce catalogue serve de ressources aux planificateurs pour la rénovation des installations existantes ou la conception de nouvelles installations.

Recommandation : Que le SCC élabore et approuve officiellement un catalogue de concepts architecturaux reflétant des normes adaptées à la philosophie de l’organisation.

Bureaux de libération conditionnelle et centres correctionnels communautaires. Finalement, le Groupe de travail manquerait à son devoir s’il ne traitait pas des questions de conception liées aux bureaux de libération conditionnelle et aux CCC. Nous constatons d’abord qu’il ne semble pas y avoir de normes spécifiques à la sécurité de ces installations. Nous pensons qu’il faut élaborer de telles normes. Il arrive que des délinquants qui suscitent de graves préoccupations en matière de sécurité à l’intérieur de nos établissements soient emmenés sous escorte à ces bureaux et à ces installations. Même s’il n’y a eu que très peu d’incidents, l’inquiétude du personnel à ces endroits est assez élevée. Nous préconisons un examen des caractéristiques de sécurité de tous les bureaux de libération conditionnelle et les CCC, en vue d’établir des normes minimales touchant la conception de ces bureaux et la sécurité du personnel.

Recommandation : Que tous les bureaux de libération conditionnelle et les CCC fassent l’objet d’un examen des caractéristiques de sécurité, en fonction de deux objectifs:

  1. établir des normes de conception pour ces installations;
  2. définir les lacunes à corriger provisoirement en matière de sécurité, en attendant l’approbation des normes de conception.

Les agents de libération conditionnelle dans la collectivité ont aussi soulevé un certain nombre de préoccupations qui se rapportent à leur propre sécurité, en particulier pour ce qui est des visites dans la collectivité. Le Groupe de travail est conscient que le SCC élabore actuellement des cours à l’intention des agents de libération conditionnelle. Nous nous contenterons de préciser que cette formation devrait porter entre autres sur le rôle des superviseurs qui encadrent et dirigent le personnel, en particulier dans le domaine de la sécurité. Le système du binôme - "copain" - devrait être appliqué lors des enquêtes communautaires, et les surveillants devraient s’assurer que ces systèmes sont toujours utilisés. De même, les surveillants de ces installations devraient s’attaquer avec énergie aux questions de sécurité, y compris celles qui touchent la conception.

Recommandation : Que le Service évalue les préoccupations de sécurité des agents de libération conditionnelle dans la collectivité et mette sur pied un plan pour y remédier.

5.1.3. Armes à feu

Deux facteurs ont vraiment impressionné les membres du Groupe de travail au cours de nos visites dans d’autres pays. Premièrement, il y a très peu, sinon pas du tout, d’armes à feu dans les prisons. Deuxièmement, les incidents violents y sont relativement rares.

L’article 25 du Code criminel du Canada autorise l’utilisation d’une force létale pour empêcher un détenu de s’évader. Cette disposition se reflète dans la politique énoncée dans la Directive no 605 du Commissaire, paragraphe 16.

Le SCC possède un important arsenal d’armes à feu dans les dépôts d’armes des pénitenciers à sécurité maximale et moyenne. Dans ces établissements, des armes sont conservées sur le périmètre, dans les véhicules de patrouille et, le cas échéant, dans les tours de surveillance. Ces établissements autorisent aussi le port d’arme à feu pendant les missions d’escorte, si la chose est jugée nécessaire par un agent supérieur, en général, un surveillant correctionnel. Finalement, des armes à feu sont gardées dans des postes protégés conçus à cette fin dans tous les pénitenciers à sécurité maximale.

« Aucun agent de correction n’a été assassiné dans une prison anglaise depuis la Deuxième Guerre mondiale. »

- Trevor Williams

Les armes à feu sont rarement utilisées dans nos établissements. Elles servent surtout à tirer des coups de semonce pour disperser les délinquants qui participent à des incidents violents. Selon certains, la présence d’armes à feu dans les postes de garde et sur le périmètre est un facteur de dissuasion efficace contre la violence et les tentatives d’évasion. Le SCC offre donc un programme de formation en armes à feu qui est rigoureux mais coûteux.

Nous croyons que la question des armes à feu mérite un examen plus poussé. Un tel examen devrait s’intéresser d’abord à la capacité du SCC de réagir en cas d’incident violent ou de tentative d’évasion, en songeant à toutes les solutions possibles, et il conviendrait de considérer les aspects suivants :

  1. La présence de membres du personnel auprès des détenus dans les aires communes. Nous sommes conscients, par exemple, qu’au Royaume-Uni, le rapport agent/détenus est beaucoup plus élevé dans les aires de récréation, y compris la cour. Cela signifie qu’un plus grand nombre d’agents peuvent observer le comportement des détenus et réagir en cas de difficulté. Cela constitue aussi un excellent facteur de dissuasion.
  2. La capacité de notre Service de réunir, d’analyser et de diffuser effectivement de l’information en matière de sécurité. À nouveau, nous avons été surpris de la capacité de pays comme Israël et le Royaume-Uni de gérer le renseignement.
  3. La mesure dans laquelle le SCC a élaboré des capacités et des stratégies d’intervention en cas d’incidents violents ou de tentatives d’évasion. Nous pensons ici aux réponses stratégiques des agents et à l’utilisation de technologies de rechange, non mortelles, notamment l’arme Taser.
  4. Le SCC doit déterminer dans quelle mesure il s’associe aux organismes policiers pour mieux réagir aux incidents violents et aux tentatives d’évasion. Le SCC semble plus enclin à « faire cavalier seul » que nombre des compétences que nous avons visitées.

Nous croyons qu’un examen minutieux de ces questions révélera que le SCC peut faire beaucoup pour réduire la possibilité de devoir recourir à une force létale au sein du Service. Nous sommes convaincus en outre que des améliorations sensibles dans chacun des secteurs que nous avons désignés nous permettraient de faire beaucoup moins souvent usage des armes, et peut-être même de les éliminer entièrement dans nos pénitenciers. Nous faisons toutefois une mise en garde; il ne faut prendre dans ce domaine aucune mesure susceptible de compromettre la sécurité du personnel et des détenus. Un solide plan de formation concerté, des solutions de rechange technologiques bien établies et, peut-être, l’utilisation de chiens et de maîtres-chiens pour les patrouilles à pied seront des éléments essentiels de chaque plan.

Nous croyons que le SCC peut élaborer des programmes périmétriques opérationnels pour pouvoir former un moins grand nombre d’agents au maniement des armes à feu. Nous tenons à souligner toutefois que toute décision en ce sens doit être prise après une consultation détaillée auprès du personnel, en vue d’obtenir son agrément à ce changement de politique. Seul un effort soutenu par la base peut réussir.

Recommandation : Que le SCC entreprenne un vaste examen de sa politique en matière d’armes à feu, en vue d’élaborer un plan à long terme pour réduire très sensiblement le recours aux armes à feu dans le cadre de ses opérations.

Recommandation : Que le SCC s’engage à utiliser des chiens de patrouille et des technologies innovatrices avant d’éliminer les armes à feu à l’intérieur de ses établissements.

5.1.4. Renseignements de sécurité

Il est important que le SCC participe pleinement aux activités du Réseau de la justice intégrée. Cela signifie que nous devons être en mesure de recueillir intelligemment de l'information sur la sécurité, de l'analyser à fond, d’écarter celle qui n’a pas de valeur intrinsèque et de consigner et de diffuser celle qui en a. Le Groupe de travail ne croit pas que le système actuel de sécurité préventive en établissement soit crédible aux yeux des partenaires du SCC dans le système de justice. Les raisons en sont surtout liées à la confusion quant au rôle de l’agent de sécurité préventive en établissement (ASPE), au manque de formation et à la collecte sans discernement d’énormes quantités de renseignements, qui ne sont pas adéquatement analysés et qui sont parfois mal consignés dans les dossiers. Ce phénomène a des répercussions sensibles, en particulier pour ce qui est de l’enregistrement inexact de ce que l’on appelle les cas d’incompatibilité. Si deux détenus ont un désaccord ou se battent, l’incident est inscrit au dossier, et ces détenus ne seront plus jamais emprisonnés ensemble. Il est rare que l’incompatibilité fasse l’objet d’une évaluation poussée, et la décision de consigner cette information revient à l’ASPE. De même, des renseignements non confirmés au sujet du trafic de stupéfiant, du recours à la force, etc., peuvent être trop facilement versés dans les dossiers de la sécurité préventive, sans analyse adéquate.

Le Groupe de travail offre les commentaires suivants. Premièrement, nous reconnaissons la nécessité de recueillir efficacement des renseignements de sécurité, de les analyser et de les diffuser. Deuxièmement, nous croyons que cette collecte et cette analyse d’information n’ont qu’une valeur limitée si elles se limitent à l’établissement individuel. Nous croyons aussi que la capacité de réseautage doit s’étendre au-delà du SCC et englober les forces policières locales. Nous appuyons la participation valable du SCC dans la collectivité touchant la justice.

Nous croyons que l’expression « sécurité préventive » ne reflète pas l’évolution de la pensée dans tout le domaine des renseignements de sécurité. À notre avis, une nouvelle définition des rôles et un nouveau titre de poste s'imposent.

Recommandation : Que le SCC appuie pleinement le système d’information de la justice intégrée du gouvernement fédéral, et qu’il participe à ses activités.

Recommandation : Que le SCC redéfinisse le rôle du renseignement de sécurité de telle sorte que tous les facteurs environnementaux soient analysés et rapprochés de façon stratégique au sein du processus correctionnel.

Recommandation : Que le SCC élabore un cadre et des normes applicables à la collecte et à l’analyse du renseignement de sécurité.

Recommandation : Que le SCC réévalue les conditions préalables à la sélection et à la formation de membres du personnel qui seront chargés de la collecte du renseignement de sécurité.

Recommandation : Que le SCC instaure un processus d’approbation visant le versement du renseignement de sécurité au dossier des délinquants, et que le niveau de cette approbation ne soit pas inférieur à celui du chef de l’unité.

Recommandation : Que le SCC entame un examen complet de tous les dossiers de sécurité préventive dans les établissements, en vue de vérifier ou d’éliminer certains renseignements.

Le SCC doit avoir la capacité, à l’échelle nationale, d’analyser les renseignements de sécurité et de les transmettre au Bureau du commissaire, au Comité de direction et au personnel sur le terrain, de façon précise et opportune. Il ne suffit pas, pour une organisation ouverte à l'apprentissage, de diffuser des données brutes sous forme de rapports SINTREP sans fournir aussi des rapports supplémentaires sur la sécurité, qui analysent cette information et en précisent la signification.

Recommandation : Que le secteur de la sécurité à l’AC développe la capacité d’analyser en profondeur et de diffuser adéquatement tous les renseignements de sécurité, et qu’il obtienne les ressources nécessaires pour les diffuser adéquatement.

En règle générale, nous pensons que le renseignement de sécurité devrait englober :

  • L’évaluation du niveau de risque que comporte la menace, pour les personnes et pour les structures.
  • L’établissement du profil de la population – Qui fait quoi, pour qui.
  • La collecte de renseignements stratégiques, en fonction du plan stratégique de l’établissement en matière de sécurité. Les questions prépondérantes devraient être ciblées et liées au plan stratégique de la région en matière de sécurité.

Nous désapprouvons la mentalité du super-espion et nous croyons que les membres du personnel qui travaillent dans ce secteur doivent être des stratèges, capables d’envisager la situation dans son ensemble. Nous appuyons un changement de nom (p. ex., agent d’information stratégique de sécurité) et un véritable réaménagement des fonctions.

5.1.5. Crime organisé, gangs criminalisés et gangs de jeunes Autochtones

Le ministère du Solliciteur général considère comme une priorité absolue l’intervention efficace pour régler les problèmes liés au crime organisé, aux gangs en général et au phénomène des gangs de jeunes Autochtones. Ces deux dernières années, le SCC avait toujours à sa charge environ 1 400 délinquants qui étaient liés à des membres ou eux-mêmes membres d’organisations criminelles ou de gangs. Cela représente à peu près sept pour cent de la population carcérale totale et cinq pour cent des délinquants relevant des services correctionnels communautaires. La récente montée de l’affiliation aux gangs de jeunes Autochtones dans la région des Prairies est fort inquiétante, tout comme l’augmentation correspondante des comportements violents chez ces détenus. On a aussi constaté une augmentation du nombre de membres des gangs asiatiques dans les établissements de la région du Pacifique et une augmentation du nombre de délinquants associés à d’autres types de crime organisé, notamment les gangs de motards criminalisés, dans l’Est. Ces augmentations reflètent les problèmes croissants que l’on constate dans la société canadienne relativement aux gangs et au crime organisé de tous types. évidemment, la première réaction du SCC dans ce domaine doit être de rapprocher sensiblement les partenaires du SJP qui s’intéressent à des entreprises similaires. Nous avons déjà mentionné la nécessité absolue de professionnaliser nos capacités en matière de renseignement de sécurité. Nous devons pouvoir recueillir de l’information efficacement, l’analyser à fond et la partager avec tous ceux qui luttent contre ce problème.

Deuxièmement, nous devons veiller à ce que notre direction de la recherche soit adéquatement financé pour réaliser des travaux valables à l’égard de ces préoccupations de plus en plus importantes. Le direction de la recherche doit mettre l’accent sur les nouvelles modalités de traitement et l’efficacité des interventions, d’un point de vue opérationnel.

Arrêtons-nous un peu sur la question de la jeunesse autochtone, un des secteurs démographiques en forte croissance au sein de la population carcérale. À l’heure actuelle, 75 p. 100 des Autochtones ont moins de 40 ans. Près de 40 p. 100 des Autochtones vivent dans des centres urbains où leur faible niveau d’instruction et leur pauvreté contribuent au problème des gangs autochtones. L’Indian Posse, les Manitoba Warriors et d’autres gangs de jeunes Autochtones se sont formés dans un climat d’aliénation et de discrimination. Les gangs de jeunes Autochtones au Canada comptent, d’après les estimations, de 800 à 1 000 membres actifs. Il faut considérer qu’un bien plus grand nombre de jeunes Autochtones sont à risque.

Il y a quelque 250 membres de gangs de jeunes Autochtones incarcérés dans les établissements fédéraux. Nous n’avons pas de données pour tous les établissements provinciaux, mais nous avons confirmé que le problème que représentent les jeunes Autochtones dans ces installations est de plus en plus épineux. Le phénomène a eu pour effet sur les installations fédérales de déstabiliser les populations, ce qui a entraîné une augmentation des transfèrements et, dans une certaine mesure, un étalement du problème. Le SCC de la région des Prairies a mis au point une stratégie provisoire dans le secteur des programmes, pour lutter contre l’appartenance aux gangs. Certains résultats positifs ont été obtenus, et nous louons ces efforts. Nous constatons en particulier les travaux effectués à l’établissement de Stony Mountain à cet égard. Des stratégies à long terme sont en cours d’élaboration, pour encourager les jeunes Autochtones à se dissocier des gangs et pour définir des options de résidence dans la collectivité qui ne permettront pas de contact avec les gangs.

Recommandation : Que le SCC s’efforce, avec ses partenaires du SJP, de mettre sur pied des bases de données sur les gangs et de diffuser cette information.

Recommandation : Que la direction de la recherche du SCC étudie le problème de l’appartenance aux gangs et contribue à l’élaboration de programmes de traitement à l’intention des membres de ces gangs.

Recommandation : Que le SCC appuie l’élaboration de programmes autochtones innovateurs, de concert avec les Aînés et d’autres ressources autochtones, pour intervenir efficacement et contrer le problème de l’appartenance aux gangs de jeunes Autochtones.

5.1.6. Stratégie antidrogue

Le Groupe de travail sur la sécurité appuie sans réserve l’ensemble de la stratégie antidrogue du SCC. Nous appuyons tous les éléments de cette stratégie qui visent à réduire les méfaits. Des programmes de promotion de la santé, d’éducation et de désintoxication doivent demeurer le pivot de cette stratégie.

Cela dit, le Groupe de travail reconnaît que ses priorités aux fins du présent rapport consistent en particulier à examiner les stratégies de répression du trafic. À cette fin,  nous avons cerné les questions suivantes :

« Chaque jour, les agents doivent appliquer uniformément la politique. Sinon, on se trouve à concéder le pouvoir aux détenus »

- Rob Kellett

  • Fouille – Notre façon d’aborder cette activité présente d’importantes lacunes. Nous percevons le plan de fouille comme un élément central du plan de travail annuel de chaque établissement. La responsabilité de l’élaboration des plans de fouille est souvent déléguée au COC qui, dans de nombreux cas, n’a qu’une connaissance restreinte de ce domaine. Nous sommes d’avis que les plans de fouille doivent être considérés comme beaucoup plus importants, et que les fouilles doivent constituer un élément essentiel de chaque effort de l’établissement en vue de créer un milieu sûr. Nous insistons sur l’importance de la fouille dans le cadre de la politique de répression du trafic de stupéfiant. Nous tenons en outre à mentionner qu’en raison de l’expansion du crime organisé, il est probable que les tentatives de soudoyer des membres du personnel se multiplieront. Il devient donc impérieux que nos techniques de fouille ne négligent rien pour protéger le personnel contre les fausses allégations.

Recommandation : Que des normes soient établies quant au contenu des plans de fouille, et que le personnel désigné reçoive une formation dans la rédaction des plans de fouille.

Recommandation : Que chaque établissement mette au point un savoir-faire en matière de fouille, et que l’importance des fouilles soit bien communiquée à tout le personnel.

Recommandation : Que les fouilles à l’entrée soient systématiques, et que les procédures de fouille comprennent tous les membres du personnel et tous les visiteurs, tant les visiteurs qui visitent l’établissement à titre officiel que ceux qui visitent les détenus.

  • Détecteurs ioniques – Les détecteurs ioniques sont des outils très efficaces dans le programme de répression du trafic de stupéfiant. Nous croyons que tous les établissements devraient avoir immédiatement accès à de tels dispositifs. Le Groupe de travail a constaté que d’autres compétences utilisaient du matériel de ce genre et il a été frappé de son efficacité. La technologie dans ce domaine ne cesse de progresser, et il existe maintenant des unités portatives.

Recommandation : Que tous les établissements fassent l’acquisition de dispositifs ioniques qu’ils utiliseront à l’entrée principale. Si la chose est possible, il vaudrait mieux acquérir du matériel portatif.

  • Chiens – Le SCC a hésité, tant au plan de la politique que pratique, à définir le rôle qui pourrait revenir aux chiens dans notre service. Le Groupe de travail croit que le SCC doit élaborer une politique claire appuyant l’affectation de chiens à deux fonctions : répression du trafic de stupéfiants et sécurité des agents (voir la section sur les armes à feu).

À l’égard de la répression du trafic de stupéfiant, le Groupe de travail a constaté l’efficacité des chiens dans plusieurs autres compétences. Au Canada, l’utilisation de chiens détecteurs de drogue dans le système fédéral est très inégale, les établissements ayant signalé divers degrés de succès ou d’échec. Il est courant de demander à la GRC et à Douanes Canada des chiens détecteurs de drogue, au besoin. La région du Québec a mis au point le programme de chiens détecteurs de drogue le plus complet au pays. Les chiens de sociétés privées ont été retenus à contrat et, à l’occasion, la SQ et la GRC ont contribué aux recherches. La région du Québec signale que les chiens sont utilisés environ 80 heures par mois, et que ces heures sont partagées entre tous les établissements.

Notre examen des pratiques passées montre que le SCC a déjà passé des contrats de service avec des entreprises privées, utilisé les chiens d’autres compétences et acquis ses propres chiens. Nous avons tiré des leçons précieuses de cette expérience. La première est que la recherche de stupéfiants dans un milieu correctionnel est une activité spécialisée. Les chiens et les maîtres-chiens devraient être formés à cette fin. Il est impérieux que les chiens détecteurs de drogue interviennent régulièrement dans la stratégie de répression du trafic de stupéfiants de chaque établissement.

Recommandation : Que le SCC veille à ce que chaque établissement soit doté des ressources nécessaires pour acquérir ses propres chiens détecteurs de drogue dûment formés ou retenir les services d’un chien détecteur de drogue aussi rapidement que l’exige les besoins opérationnels.

  • établissements/unités de désintoxication intensive – Finalement, dans le secteur de la répression du trafic de la drogue, le Groupe de travail souhaite que le concept d’établissement ou d’unité sans drogue soit examiné plus en détail. Nous avons été particulièrement impressionnés, en Israël, par un régime en vertu duquel les délinquants qui participaient à un programme de désintoxication pouvaient demander de vivre dans une unité sans drogue. Ils reconnaissent que ces unités sont, par nature, très étroitement contrôlées et qu’ils devront donc sacrifier certains « privilèges », notamment les visites de contact, pendant qu’ils y sont affectés. Ces délinquants considèrent qu’il s’agit là d’une occasion de se protéger contre les drogues pendant le traitement. Nous appuyons fortement ce type d’approche car les restrictions sont imposées pour une période donnée (trois mois, par exemple) et la participation est volontaire. Ce concept vaut la peine d’être examiné au sein de notre Service.

Recommandation : Que des projets pilotes de désintoxication intensive à l’appui d’unités ou d’établissements soient mis au point au SCC.

5.1.7 Technologie en matière de sécurité

  1. Identification des visiteurs – L’identification visuelle des visiteurs qui arrivent ou qui partent est un anachronisme dans nos établissements à l’aube du XXIe siècle. Le SCC continue à utiliser l’inspection visuelle et la comparaison de signatures pour identifier tant les visiteurs de l’établissement que ceux des détenus. Du point de vue de la sécurité passive, l’entrée principale est le point le plus vulnérable de notre périmètre. Nous sommes au courant de quelques progrès technologiques dans ce secteur. Nous connaissons notamment l’Iriscan, qui confirme l’identité au moyen de l’iris de l’œil. Cette technologie est prometteuse, mais nous n’avons pas eu l’occasion de la voir utiliser. Il existe aussi une forme d’identification biométrique. Cette méthode est utilisée en Angleterre et fait intervenir des comparaisons électroniques de photographies et d’empreintes digitales. En Australie, nous avons vu un agent de correction comparer une photographie du visiteur, qu’il affiche à l’écran, et les empreintes digitales de ce visiteur, prélevées devant lui.
  2. Fouille des visiteurs – L’Australie utilise très efficacement le passage devant un scanner. Il s’agit du scanner le plus performant que nous ayons vu. Nous croyons que ce type de dispositif devrait être évalué et son utilisation, envisagée dans nos grands établissements. Nous traitons ailleurs dans le présent document de l’utilisation du scanner ionique et nous indiquons simplement ici que nous appuyons l’acquisition systématique et l’application de cette technologie dans nos établissements. Nous discutons aussi du recours aux chiens détecteurs de drogue ailleurs dans notre rapport. Nous voulons simplement faire valoir ici que les chiens sont un outil très important pour la fouille des visiteurs.
  3. Inspection des véhicules – L’entrée et la sortie de véhicules créent dans nos établissements des problèmes de sécurité non négligeables. Nous recommandons ailleurs dans le document que le nombre de véhicules qui traversent le périmètre soit sensiblement réduit, car ces véhicules constituent des moyens d’évasion. Nous souhaitons toutefois signaler que la technologie de détection des battements de cœur a été utilisée avec succès par Douanes Canada à la frontière et qu’elle pourrait donner d’excellents résultats dans notre Service. La technologie a fait de grands progrès depuis les premiers essais réalisés à l’établissement Leclerc.
  4. Fouille des effets personnels – Les technologies aux ultrasons et les rayons-X portatifs ont été utilisés avec succès par certaines compétences. Nous devons explorer cette possibilité au SCC.
  5. Fouille à nu des détenus – Le SCC ne peut généraliser cette technique en raison de la loi. Quoiqu’il en soit, la loi permet la fouille à nu des détenus à des fins bien définies, qui se rapportent à la sécurité. Nous considérons cette pratique comme nécessaire mais dégradante et humiliante. Nous appuyons l’adoption de nouvelles technologies qui réduiront la nécessité de telles fouilles. Nous envisagerions l’Intelliscan, par exemple. Ce dispositif permet de voir le corps à travers les vêtements et serait très utile pour détecter les armes de contrebande et d’autres objets. Nous ne sommes pas certains qu’il permette de détecter les stupéfiants cachés.
  6. Alarmes portatives – Nous abordons cette question ailleurs dans le présent rapport, mais nous voulons souligner ici que ces technologies évoluent rapidement. L’application la plus prometteuse que nous ayons vu se trouve à l’établissement Fenbrook. Le système utilise les fréquences radio et il est fiable à 98 p. 100. Tous nos établissements ont bien besoin de tels systèmes.
  7. Contrôle des déplacements – Les cartes à mémoire, déjà utilisées dans les milieux des affaires, ont des applications intéressantes au sein de notre système. Les cartes de pointage des agents pourraient être remplacées par cette technologie. Les cartes intelligentes pourraient aussi servir à remplacer les laissez-passer des détenus, ce qui permettrait aux détenus et au personnel de passer d’un secteur à l’autre au moyen de cartes programmées. Nous appuyons l’utilisation de ce type de contrôle d’accès électronique dans nos établissements.
  8. Contrôle des clés – Le système utilisé à l’établissement Leclerc contrôle efficacement l’accès et la distribution des clés. À notre connaissance, aucun système ne lui est supérieur. Nous aimerions signaler que ce type de technologie est un élément essentiel de tout bon système de sécurité et qu’il devrait être d’utilisation normalisée dans l’ensemble du Service.
  9. Vitrage anti-balle et vitrage de sécurité – Il faut revoir les circonstances dans lesquelles le SCC approuve l’utilisation de tels vitrages. La surutilisation de ces vitrages peut donner une impression d’ouverture, mais en fait réduit les contacts humains et nuit à l’efficacité des interventions.

L’examen des progrès technologiques nous a fait prendre conscience des problèmes auxquels le Service est confronté et qui nécessitent des changements d’un point de vue non technologique. En voici quelques-uns :

  1. La nécessité d’une présence du personnel dans tous les secteurs de nos établissements occupés ou utilisés par des détenus. La technologie ne saurait remplacer la présence de membres du personnel.
  2. Il est bon de limiter le recours aux barrières et aux portes, qui nuisent aux interactions humaines.
  3. Les grandes salles à manger et les salles de récréation sont presque toujours les points chauds de l’établissement. Les nouveaux établissements devraient éviter les concepts qui font appel à de telles structures. Il est logique de manger et de se divertir ensemble, à l’échelle de l’unité, quel que soit le niveau de sécurité.
  4. Indépendamment du niveau de sécurité, les aires réservées aux visites nécessitent une supervision étroite des interactions entre le personnel, les détenus et leurs visiteurs. La conception des aires de visite doit être modifiée en fonction de cette réalité.
  5. La surveillance vidéo, les caméras et les grillages réduisent les occasions d’interactions entre le personnel et les détenus. Des lignes directrices strictes doivent être respectées pour ce qui est de l’utilisation de ces applications.
  6. Des modifications de conception peuvent être utilisées mal à propos si l’on n’examine pas de plus près les pratiques opérationnelles.
  7. Finalement, comme notre population vieillit, nos installations devront être adaptées aux besoins physiques des délinquants plus âgés.

Nous encourageons le Service à envisager l’adoption d’un concept de sécurité élégant mais discret, qui respecte la dignité des personnes tout en exploitant une technologie de pointe.

Recommandation : Que le SCC rende conforme aux normes et communique clairement la mise en œuvre des technologies approuvées en matière de sécurité.

Recommandation : Que le SCC examine immédiatement en vue de les mettre en œuvre à l’échelle nationale, l’utilisation des cartes à mémoire, des dispositifs biométriques, de l’Intelliscan et des systèmes de positionnement GPS.

5.1.8. Libération d’office et assignation à résidence

La question touche tant la sécurité publique que la crédibilité du Service. Des difficultés se sont présentées sur divers fronts, notamment en matière de planification prélibératoire et de placement dans un cadre à sécurité minimale ou un CCC, quand l’assignation à résidence est exigée.

Une stratégie souvent proposée pour les libérations d’office consiste à planifier, 18 mois avant la libération, le transfèrement de l’intéressé d’un établissement à sécurité maximale à un établissement à sécurité moyenne, puis minimale et, finalement, à un CCC. C’est ce que nous appelons le « déclassement graduel ». En vertu de ce processus, à l’heure actuelle, les agents de libération conditionnelle modifient le classement des détenus, rédigent des propositions de transfèrement, traitent les refus (en général, en raison de désaccords au sujet du classement ou pour cause d’incompatibilités) et rédigent de nouvelles demandes de transfèrement. Les cas de libération d’office sont rarement bien accueillis par les directeurs d’établissement à sécurité minimale ou de CCC. Le Groupe de travail croit que le processus de déclassement graduel entraîne énormément de travail, perturbe les programmes individuels et crée de l’agitation en déstabilisant les populations carcérales.

Le Groupe de travail croit que si les établissements ayant des périmètres de sécurité deviennent des établissements à plusieurs niveaux, le processus de planification visant les détenus qui doivent être bientôt libérés d’office sera largement simplifié. Des programmes prélibératoires seront mis au point pour répondre aux besoins de ces délinquants, et les délinquants pourront obtenir un reclassement à un niveau inférieur et vivre dans des unités adaptées à ce classement sans devoir être déplacés. Quant à notre image de marque, nous serons en mesure de montrer que nous travaillons avec les individus pour réduire les risques qu’ils représentent. Ce processus nous permettra en outre de déplacer plus facilement ces détenus, le cas échéant, vers des établissements à proximité du lieu où ils seront libérés. Nous croyons ainsi pouvoir offrir à la plupart des établissements l’occasion d’élaborer des programmes prélibératoires et peut-être de créer des unités de séjour prélibératoire au sein de l’établissement.

Recommandation : Que chaque région veille à ce que des programmes prélibératoires soient offerts dans tous les établissements où des détenus sont libérés d’office et renvoyés dans la collectivité.

Recommandation : Que les détenus devant être libérés avec assignation à résidence participent à un programme prélibératoire au moins six mois avant l’élargissement, et que le déclassement de sécurité de ces détenus se fasse progressivement dans l’installation qui convient le mieux aux plans de libération.

Nous proposons et encourageons la mise au point de liens très forts entre le personnel dans la collectivité et le personnel des établissements pour gérer et exécuter tous les programmes prélibératoires.

5.1.9. Normes et vérifications en matière de sécurité

Les normes établies fournissent à l’organisation des mesures acceptées pour comparer la valeur quantitative et (ou) qualitative. Le SCC a établi de nombreuses normes, dont certaines sont consignées par écrit. Le SCC doit regrouper et documenter ses normes afin de pouvoir former adéquatement le personnel, effectuer des examens de l’assistance fournie sur place et évaluer efficacement le rendement. Si nous nous acquittons bien de cette tâche, la santé et la sécurité du personnel et des délinquants seront beaucoup mieux assurées. Mentionnons les ensembles de problèmes types suivants, pour lesquels des normes devraient être définies :

  • Fouilles- Formation normalisée
    • Application de plans de fouille
    • Recours à des chiens
    • Responsabilité de tout le personnel
    • Règles à l’entrée principale
  • Articles interdits- Ce que le personnel et les visiteurs peuvent ou ne peuvent pas entrer dans l’établissement (listes: selon les normes)
    • Effets dans les cellules: selon les normes
  • Entrée des véhicules- Restreindre la circulation des véhicules
    • Définition d’options pour l’entrée de marchandises
    • Verrouillage des bouchons de réservoir et des enjoliveurs de roue
    • Procédures de fouille des véhicules
    • Protection et supervision des véhicules à l’intérieur du périmètre
  • Contrôle des clés - Formation normalisée
    • Garanties procédurales

Des normes s’imposent en outre dans bien d’autres domaines. Il faut veiller à ce que les établissements évaluent en permanence leur conformité aux normes et leur capacité de réagir en cas de crise. Cet état de préparation doit être communiqué efficacement à l’ensemble du Service. Nous proposons les mesures suivantes :

Recommandation : Que les normes de sécurité se rapportant aux objets interdits, à l’entrée des véhicules, au contrôle des clés et aux fouilles soient révisées, mises à jour, condensées et appliquées à l’échelle nationale.

Recommandation : Qu’un système de vérification annuelle et d’examen trimestriel de la sécurité soit établi pour évaluer l’état de préparation des établissements en cas d’incidents relatifs à la sécurité.

Nous citons ces mesures uniquement à titre d’exemples de questions qu’il serait souhaitable d'améliorer sur le plan de la normalisation. Un tel effort contribuera à professionnaliser notre Service et à relever sensiblement le moral du personnel.

Des progrès considérables ont été réalisés dans le secteur de la technologie de la sécurité. Les cartes à mémoire, les applications biométriques, l’Intelliscan et de nombreuses autres techniques existent sur le marché. Nous soulignons en particulier la possibilité de recourir aux systèmes de positionnement global (GPS) qui peuvent efficacement servir à contrôler les allées et venues du personnel de l’établissement et du personnel des libérations conditionnelles dans l’exercice de leurs fonctions. Le Groupe de travail croit qu’un processus systématique d’évaluation de telles technologies doit être instauré et qu’un plan d’approbation et de mise en œuvre officiel doit être dressé pour chaque nouvelle méthode.

5.1.10. Profil institutionnel: niveau du risque que peuvent comporter les menaces

Depuis quelques temps déjà, le secteur de la sécurité a défini la nécessité d’évaluer régulièrement la stabilité des populations carcérales. L’objectif consisterait à systématiser la situation de chaque établissement de façon à ce qu’à l’échelle nationale, nous ayons une idée claire des risques d’agitation.

Un tel système permettrait aussi aux directeurs de répondre stratégiquement au rapport de situation qui les concerne. Le Groupe de travail sur la sécurité a recueilli de l’information auprès du sous-ministre du Service correctionnel du Manitoba, Greg Graceffo, qui affirme qu’au Manitoba, on utilise un instrument prometteur en ce sens. Des listes de vérification sont remplies par le personnel hiérarchique, les superviseurs et (ou) les gestionnaires et révèlent, entre autres, l’augmentation du nombre d’appels téléphoniques, l’augmentation des achats à la cantine, l’augmentation des demandes de protection, l’annulation des visites, le refus de participer à des programmes, les regards fuyants, le refus de communiquer, le recours accru aux signaux de la main, etc. Au Manitoba, ces listes de vérification ne servent que tous les trois mois ou au besoin. Le Royaume-Uni a aussi adopté un système qui mérite d’être examiné de plus près. Notre Groupe de travail aimerait que l’on perfectionne la méthode établie pour nous permettre de mesurer la stabilité de façon quotidienne ou hebdomadaire. L’AC et les AR en tireraient des renseignements précieux, et les Centres pourraient réagir stratégiquement.

Recommandation : Que le SCC élabore un instrument basé sur la recherche et qui permettrait d’évaluer régulièrement la stabilité et le climat social des établissements.

5.1.11. Extractions des cellules

Dans le cadre de ses travaux, le Groupe de travail a été prié de donner son point de vue sur les extractions des cellules. La question a été soulevée par la Commission d’enquête Gentles. Nous présentons les commentaires suivants.

Premièrement, nous appuyons sans réserve tant le modèle de résolution de problèmes CAPRA que le modèle de gestion du recours à la force (voir les sections 4.3.3 et 4.3.4). Sauf en cas de danger de mort, lorsqu’il est essentiel que le personnel pénètre immédiatement dans une cellule, il faut s’efforcer, grâce au modèle CAPRA et aux techniques de règlement des différends, de résoudre le problème sans procéder à une extraction de cellule.

Deuxièmement, si tous les efforts échouent (avec preuve à l’appui), il peut être décidé de procéder à une extraction de cellule. Il convient alors de faire appel seulement au personnel qui a reçu la formation. Comme solution de rechange, on pourrait recourir à une équipe d’extraction bien entraînée. Nous réprouvons les extractions des cellules effectuées par des agents non entraînés et les équipes d’extraction non entraînées dirigées par un membre d’éPIU. Une extraction réussie est fonction du travail d’équipe et de la formation.

Recommandation : Que seuls du personnel bien entraîné, accrédité annuellement, soit autorisé à procéder à des extractions des cellules.

5.1.12. Consultation des détenus

La consultation avec les détenus est un élément essentiel de la sécurité dans les prisons. Le Groupe de travail a examiné le rôle des comités de détenus dans ce contexte. Nous voulons faire les observations et les commentaires suivants :

  • Les membres de la plupart des comités sont élus au scrutin universel. Toutes les unités ne sont pas représentées. Il le faudrait pourtant.
  • Les comités ne reflètent pas toujours adéquatement les préoccupations de la population carcérale. Un plus grand nombre de détenus devraient être consultés, et non pas seulement le comité, quand il s’agit de questions importantes.
  • Les comités ne sont pas toujours en mesure de transmettre l’information aux autres détenus. Il est important que des membres du personnel effectuent un suivi pour vérifier si l’information a été diffusée de façon précise et opportune.
  • Les comités de détenus, en règle générale, n’appuient pas la pleine intégration des détenus. De fait, certains s’y opposent vivement. L’intégration est une question importante pour la gestion de nos établissements, et il faudrait faire preuve de prudence lorsque l’on travaille en collaboration avec des comités de détenus qui n’appuient pas cette initiative.

« Il y a eu des groupes de travail avant celui-ci. Vous nous demandez toujours ce que nous pensons [...] J’espère que cette fois on nous écoutera vraiment et que l’on prendra des mesures. Nous avons besoin de plus de respect entre le personnel et les détenus [...] nous avons besoin d’abattre les murs qui nous séparent. »

-Détenu à l’établissement William Head

Le Groupe de travail insiste pour que les unités soient obligatoirement représentées au sein des comités de détenus.