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La souffrance est souvent l'antécédent du
changement. Tel fut très certainement le cas pour le Groupe d'étude sur les femmes
purgeant une peine fédérale qui a puisé à même les expériences vécues et les
souffrances décrites par ces femmes pour créer sa vision du changement. Les membres du
Groupe d'étude ont écouté les femmes purgeant une peine de deux ans ou plus qui leur
ont confié les douleurs vécues tant au sein du système de justice pénale qu'à
l'extérieur. Nous avons pris connaissance des déchirements vécus par les familles et
les amis de ces femmes. Et nous avons songé souvent aux torts soufferts par les victimes
de la criminalité.
Chacun d'entre nous, homme ou femme, qui a participé au Groupe d'étude a été touché
par cette souffrance. A celle-ci s'est rajoutée notre frustration devant l'ampleur de la
tâche à accomplir. Notre mandat consistait à examiner la gestion des, femmes purgeant
une peine fédérale. Depuis le début de la peine, jusqu'à la date d'expiration du
mandat et d'élaborer un plan pour orienter ce processus de façon à ce qu'il réponde
aux besoins tout à fait particuliers de ce groupe.1 Cependant, nous avons entrepris notre
tâche en sachant très bien que les besoins et la situation des femmes purgeant une peine
fédérale avaient été étudiés à maintes reprises déjà sans pour autant que ne
changent les problèmes vécus par ces femmes, leurs victimes et les personnes qui ont
tenté de leur venir en aide. Que pouvions-nous faire pour apaiser cette souffrance?
Ce sont les femmes condamnées à une peine de deux ans ou plus qui nous ont elles-mêmes
donné l'énergie et la volonté nécessaires pour créer une nouvelle vision axée sur la
création de choix. En dépit de la douleur de leur situation, de leurs mauvaises
expériences antérieures avec les groupes de travail et les recherches, et en dépit de
leur sentiment d'impuissance et de méfiance, ce sont ces femmes qui ont fourni leurs
idées et leurs espoirs au Groupe d'étude.
Ces femmes nous ont aussi incité à jeter un regard neuf sur leurs besoins et à
valoriser la coordination et la sagesse acquises par ce groupe. Les membres du Groupe
d'étude étaient fermement engagés à travailler en collaboration et étaient convaincus
de pouvoir ensemble trouver des solutions. La co-présidence était assurée par
l'Association canadienne des Associétés Elizabeth Fry et le Service correctionnel du
Canada. Des représentants d'un large éventail de groupes communautaires et d'organismes
gouvernementaux se sont réunis pour former un comité de direction et un groupe de
travail. Les femmes autochtones, malgré leurs réserves au sujet du mandat et de la
structure du Groupe d'étude, ont accepté de participer au projet parce qu'elles étaient
préoccupées par le sort des nombreux citoyens de nos divers peuples qui souffrent tous
les j ours au sein du système de justice pénale2.
Le Groupe d'étude a axé toute sa stratégie sur les femmes. Tout au long de son travail,
il a donné le pouvoir aux femmes et a par conséquent beaucoup appris de l'expérience de
ces dernières. En outre, la plupart des membres et tous les chercheurs du Groupe d'étude
étaient des femmes. Des entrevues et les consultations menées auprès d'un grand nombre
des femmes purgeant une peine fédérale en prison et à l'extérieur constituent une
partie essentielle de notre travail.
Le processus lui même a été souvent douloureux. Les membres tenaient à fonctionner par
consensus, aussi difficile que cela ait pu être. Cette démarche nous a appris que seuls
ceux qui sont traités avec respect et jouissent d'un minimum de pouvoir peuvent assumer
la responsabilité de leurs gestes et faire des choix valables. Nous avons tenu compte de
cette leçon quand nous avons effectué notre travail et créé notre vision du
changement. Nous sommes parvenus à comprendre comme il était important pour les femmes
purgeant une peine fédérale et pour nous tous d'avoir la possibilité de faire des
choix.
Le plan recommandé qui est présenté dans ce rapport s'inscrit dans le contexte d'un
objectif à long terme: une situation dans laquelle l'incarcération ne sera pas la
solution de choix, dans laquelle le tort fait aux victimes, aux femmes purgeant une peine
fédérale, aux collectivités et à la société sera redressé dans la mesure du
possible et dans laquelle les peuples autochtones pourront administrer eux-mêmes leur
système judiciaire.
L'objectif à long terme est la prévention. Pour apaiser la souffrance qui en porte
certains à agir de façon à nuire aux autres, nous devrons supprimer les injustices qui
réduisent les choix et prévenir la violence qui engendre la violence. La création de
stratégies préventives qui donneront des choix valables aux femmes purgeant une peine
fédérale réduira la criminalité et donnera plus de choix à tous les Canadiens. Notre
société deviendra par conséquent un milieu plus sûr.
Notre plan recommandé ne constitue qu'une première étape dans une longue série de
changements que doit subir notre système de justice ainsi que l'ensemble de notre
société. Le processus est déjà amorcé. Au cours des dix dernières années et plus
particulièrement au cours des derniers mois, notre système de justice a fait l'objet
d'un examen minutieux servant à déterminer si ce système reflète les valeurs et les
réalités de notre époque. L'examen exhaustif de notre Code criminel, l'enquête sur
l'affaire Marshall, l'enquête sur la justice pour les autochtones du Manitoba, les
efforts déployés par les femmes pour jouir de l'égalité prévue par la Charte des
droits de la personne et la Commission des droits de la personne et l'autonomie
administrative réclamée par les peuples autochtones, voilà autant d'éléments qui
témoignent du vif désir des Canadiens de promouvoir l'égalité, l'équité et la
justice sociale à grande échelle, volonté qui ne se reflète pas encore malheureusement
dans le système pénal.
Ce mouvement de réforme est fortement appuyé par Ole Ingstrup, Commissaire du Service
correctionnel du Canada. Sous sa direction, l'énoncé de mission et tous les principes de
fonctionnement du Service correctionnel du Canada ont mis l'accent sur le partage des
responsabilités, la réinsertion sociale, l'égalité, le traitement humain et le
respect. Un des objectifs de cette nouvelle mission consiste à veiller à ce que l'on
réponde aux besoins des femmes purgeant une peine fédérale. Comme l'a affirmé l'ancien
Solliciteur général du Canada, Pierre Blais, nous devons commencer à travailler
immédiatement pour trouver des solutions à long terme aux problèmes des femmes purgeant
une peine de deux ans ou plus3.
Désirant, nous aussi, apaiser la souffrance des femmes purgeant une peine fédérale et
fournir à ces dernières un éventail complet de choix, nous, les membres du Groupe
d'étude, présentons notre recommandation: fermer les portes de la Prison des femmes une
fois pour toutes et rapprocher les femmes purgeant une peine fédérale de leur
communauté.
Nous avons franchi une première étape dans le processus essentiel du changement. Nous
vous invitons maintenant à tirer leçon aussi de la souffrance et à participer au
processus afin de nous aider à réaliser notre vision commune.