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Miser sur les points forts dans le cadre de la surveillance des libérées conditionnelles

Rebecca Deguara1
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Dans l'exercice de mes fonctions à titre d'agente de libération conditionnelle à l'unité de surveillance des femmes à Toronto, j'ai constaté qu'il était souvent facile de se concentrer uniquement sur les « problèmes » que présentent les cas qui me sont confiés. C'est logique, car l'évaluation des libérées conditionnelles révèle habituellement qu'elles ont des « besoins multiples ». Au fil du temps, ces étiquettes peuvent modifier la façon dont une personne se voit. Bien des femmes qui sont passées par le système de protection de la jeunesse et de justice pour les jeunes avant d'entrer dans le système correctionnel pour adultes se sont habituées à voir en elles les nombreux défauts qu'elles doivent « corriger ». Avec les années, j'ai trouvé cette approche extrêmement négative et elle m'a souvent amenée à avoir des attentes pessimistes au sujet des libérées conditionnelles. J'ai donc commencé à chercher une façon différente d'envisager la surveillance des libérées conditionnelles.

Contexte

En cours de chemin, j'ai pris connaissance d'une méthode de rechange - miser sur les points forts de la cliente. Dans les services correctionnels, il est facile de ne pas tenir compte du fait que toutes les personnes ont également des points forts, si ténus soient-ils. En prenant en considération les points forts, il est possible de s'appuyer sur les éléments positifs que possède déjà la délinquante. Étant donné que bon nombre des délinquantes que je surveille ont été victimes de violence (sexuelle, affective, physique ou sociale), ce cadre de référence doit s'appliquer à chaque femme. La plupart des délinquantes ont tellement l'habitude de parler de leurs problèmes que lorsqu'on leur demande la première fois de parler de leurs points forts, elles sont décontenancées. Pour utiliser ce point de vue, il faut cesser de croire que la femme ne pourra jamais « faire grand-chose ». Il faut donc supposer que les délinquantes ont des connaissances et qu'elles ont tiré des leçons de leurs expériences. La libérée conditionnelle doit également croire qu'on la respecte et qu'on pense qu'elle peut faire quelque chose de sa vie.

Méthode

Pour permettre de découvrir les points forts d'une femme, on a recommandé de poser les questions qui suivent. « Questions sur la survie - p. ex. : Étant donné ce que vous avez subi dans votre vie, comment avez-vous réussi à survivre jusqu'à maintenant ? Questions sur le soutien-p. ex. : Quelles personnes vous ont prodigué une attention spéciale, un soutien et des conseils ? Questions sur les possibilités - p. ex. : Quels sont vos espoirs, votre vision et vos aspirations ? Questions sur l'estime - p. ex. : Lorsque des gens vous félicitent, que disent-ils ? Questions sur les exceptions - p. ex. : Lorsque les choses allaient bien dans votre vie, qu'est-ce qui était différent ? »2 Par exemple, si je travaille avec une délinquante qui a été toxicomane, je peux trouver des points forts lorsque je lui parle des moments où elles n'abusaient pas des drogues. En d'autres termes, il faut se concentrer sur les périodes de sa vie où elle ne consommait pas de drogues et comment elle y parvenait.

Heureusement, j'ai trouvé cette approche extrêmement positive et j'ai constaté qu'elle ouvrait souvent la porte à de nouvelles possibilités. Bien entendu, je n'utilise pas ce concept de manière isolée, car je le combine à un modèle axé sur les délinquantes tout en incorporant de brèves interventions fondées sur des solutions et les techniques de prévention des rechutes, entre autres.

Par ailleurs, lorsqu'on utilise la théorie des points forts, de la douleur et de la souffrance des libérées conditionnelles naît l'espoir qu'elles peuvent commencer à changer et à entrevoir un avenir plus radieux. Cela ne signifie pas que je nie les facteurs qui ont contribué aux infractions ou que j'excuse les comportements négatifs qu'ont adoptés les délinquantes. Je cherche plutôt à établir ce qui rend chaque délinquante unique en utilisant des questions d'entrevue fondées sur les points forts dans le cadre d'un processus de collaboration. Cela semble permettre aux délinquantes de découvrir leurs points forts et de faire davantage leurs propres choix.

à mon sens, un grand nombre de ces délinquantes sont très résistantes. Bon nombre d'entre elles sont en fait des survivantes, qui ont surmonté des obstacles importants dans leur vie pour se rendre là où elles sont aujourd'hui. Même si elles ont commis une infraction en cours de route, elles peuvent encore faire entendre leur voix légitime. Le concept des points forts me permet de les aider à se faire entendre et semble réduire le risque de récidive. D'autres agents de libération conditionnelle pourraient tirer parti de l'utilisation de cette théorie dans leur propre travail.


1 Women Supervision Unit, 180, Rue Dundas Ouest, Bureau 210, Toronto (Ontario)

2 SALEEBEY D. The Strengths Perspective in Social Work Practice, White Plains, NY, Longman, p. 53-54, 1997.