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Une solution de rechange communautaire pour le traitement des jeunes délinquants à risque élevé
par Alan W. Leschied1
Professeur agrégé, Faculté déducation, Université Western Ontario
et Alison Cunningham2
Coordonnatrice de la recherche, London Family Court Clinic
Les essais cliniques de la thérapie multisystémique (TMS) sont le fruit des efforts conjugués des services à lenfance dOttawa, du comté de Simcoe, de Mississauga et de London3.
Preuves de l'opportunité d'offrir des services efficaces
Depuis deux décennies, le nombre dadmissions dans les pénitenciers, tant pour adultes que pour jeunes délinquants, nacessé daugmenter. Pourtant, aux États-Unis, laccroissement presque exponentiel des coûts dincarcération na pas entraîné une augmentation de la sécurité dans les collectivités4. Au Canada, nous avons beau lever le nez sur les ravages causés par les politiques pénales basées sur la peur, notre taux dincarcération de jeunes délinquants, qui correspondait à 33 % des cas en 1996-19975, est un des plus élevés de tous les pays industrialisés de lOuest6.
Pourtant, des preuves indéniables provenant de sources diverses semblent indiquer que la prestation de programmes de services sociaux, appuyée par des sanctions judiciaires, contribuerait davantage à combattre des comportements antisociaux que limposition de sanctions uniquement7 Cela vaudrait autant pour les adultes que pour les jeunes délinquants8. Autrement dit, lincarcération, comme seule mesure dintervention face à un comportement criminel, est non seulement coûteuse, mais elle est peu susceptible de contribuer à la protection de la société attendue par le public.
Accroissement des connaissances au sujet de lévaluation des jeunes délinquants et des programmes à leur intention
Nous avons consulté la base de données PsychINFO sur les domaines de lévaluation, de lexamen des résultats, de lélaboration de solutions de rechange communautaires ainsi que de la prévention et de lintervention précoce. La croissance du nombre darticles publiés dans des revues de bonne réputation a été une découverte fort réjouissante. Comme on peut le voir au Graphique 1, une importance accrue est attachée à lévaluation du risque et des besoins des jeunes délinquants ainsi quà la prévision de leur récidive. Un examen de lorientation générale de la littérature dans ce domaine permet de dégager les tendances suivantes:
Graphique 1
Nous avons également constaté une augmentation considérable du nombre dévaluations publiées sur des programmes destinés aux jeunes délinquants (voir le Graphique 2), vraisemblablement attribuable au besoin de comprendre quelles interventions sont efficaces et pourquoi. Voici les principales observations que lon peut faire sur ces études:
Graphique 2
Graphique 3
On a en outre reconnu limportance, dans le contexte de la prestation des services, de contrôler lintégrité des programmes.
Une autre observation que la littérature permet de faire est quil faut adopter des programmes constituant des solutions de rechange à lincarcération. Cette constatation étonnera ceux qui croient que les taux élevés dadmission dans les pénitenciers traduisent labsence de solutions de rechange efficaces. Comme on peut le voir au Graphique 3, les publications revues par un comité de lecture ont inclus trois fois plus darticles à ce sujet au cours de la dernière décennie quau cours de la période allan de 1960 à 1976. Les recherches semblent indiquer que les programmes qui produisent les meilleurs résultats, en loccurrence des taux de récidive inférieurs, sont offerts dans la collectivité plutôt quen établissement9.
Cest sans doute dans le domaine de la prévention et de lintervention précoce que notre connaissance sest le plus développée. De 1960 à 1976, huit articles ont été publiés à ce sujet dans les publications revues par un comité de lecture. Mais de 1987 à 1997, plus de 300 articles ont été publiés sur la prestation de programmes destinés à aider les jeunes à risque et leur famille avant toute activité criminelle ou au tout début de celle-ci (voir le Graphique 4). Les principales tendances dans ce domaine semblent indiquer ce qui suit :
Graphique 4
Tableau 1
Rentabilité de
certains programmes de justice pour la jeunesse
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Programme | Changement dans le taux de criminalité
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Délai de remboursement
du coût du programme |
Camp de type militaire pour la jeunesse | Augmentation moyennede 16 %
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Jamais
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Thérapie multisystémique | Diminution moyenne de 44 %
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2 ans
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Perry Pre-School Project | Diminution moyenne de 48 %
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Jamais
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Grands frères/Grandes soeurs | Diminution moyenne de 20 %
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3 ans
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Source :Établi à partir de données
provenant de Watching the Bottom Line : Cost-Efficient Interventions
for Reducing Crime in Washington, Olympia, WA, Washington State Institute for Public Policy, 1998. |
Le foisonnement rapide décrits sur les programmes destinés aux jeunes à risque a fait entrer dans la langue courante des expressions comme validés, appuyés empiriquement et basés sur des éléments de preuve pour qualifier les jalons servant à décrire et prescrire les interventions10.
Enfin, il est clair que les bailleurs de fonds exigent que les programmes soient à la fois efficaces et rentables. Toute évaluation de lefficacité doit faire entrer en ligne de compte le coût du programme en fonction de ses répercussions sur la sécurité de la collectivité. On trouvera au Tableau 1 les données provenant dune enquête menée dans lÉtat de Washington et qui permettent de voir lefficacité dans le contexte du coût des services. Ces données semblent indiquer que les camps de type militaire, par exemple, qui sont mis en place pour des raisons politiques, ne sont pas aussi efficaces que des interventions des éléments de services comme Grands frères/Grandes et la TMS.
Qu'est-ce que la thérapie multisystémique?
Henggeler et ses collègues du Family Services Center de la Medical University of Carolina de Charleston ont consacré une dannées à la mise au point de la multisystémique (TMS). La TMS est approche empirique du traitement communautaire des jeunes contrevenants à risque élevé. Elle inclut des composantes dévaluation et de prestation de services appuyées par la recherche. Elle est dite systémique parce quelle suppose la collaboration de la famille de ladolescent, de ses amis et de son école. Il sagit dune intervention intensive, à court terme, basée sur les points forts et axée sur une solution. Un bon thérapeute spécialisé en TMS doit pouvoir rapidement mobiliser la famille, fixer des buts atteignables à court terme et exigeant un effort quotidien et choisir des objectifs en rapport avec le comportement antisocial de ladolescent. Il doit être disponible 24 heures sur 24, sept jours sur sept et assumer la responsabilité de créer avec la famille les conditions propices au changement.
De nombreuses études aléatoires et quasi expérimentales ont démontré lefficacité de la TMS comme moyen de réduire la criminalité et le recours aux services11. La TMS a été conçue expressément à lintention de ladolescent à risque élevé, quon définit en fonction de son degré de pénétration dans le système de justice pour la jeunesse ou de la gravité de ses infractions.
La TMS pour les jeunes délinquants
Les réformes touchant le système canadien de justice pour la jeunesse12 proposées par le Ministère de la Justice incluait notamment la réduction du taux élevé dincarcération par la mise au point des solutions de rechange communautaires. On voudrait semble-t-il obtenir, tant pour le fond que sur le plan politique, des directives en vue de la mise en place de services rentables qui ont fait leurs preuves comme moyen de réduire le risque des jeunes à risque élevé qui en plus offrent un bon rapport coût-efficacité. Les écrits récents sur le sujet suggèrent que la TMS répondrait aux normes. En effet, lapplication du modèle semble indiquer ce qui suit :
Un engagement envers lévaluation
Avec lappui du Ministère de la Justice et par lentremise du Centre national de prévention du crime, on évalue la possibilité de mettre en oeuvre la TMS au Canada de façon à pouvoir répondre de manière catégorique à la question : «Est-ce que cela est efficace et pour qui?»13 Létude présente les caractéristiques suivantes :
Les lieux dessai ont été choisis à lété 1996 en fonction de lintérêt manifesté, de lengagement à contribuer au modèle ainsi que de la nécessité dassurer la diversité de léchantillon. La mise en oeuvre a commencé par une séance de formation qui a eu lieu en avril 1997. À lheure actuelle, les quatre lieux dessai fonctionnent à plein et respectent parfaitement les paramètres de lévaluation.
Conclusion
La mise en oeuvre des essais cliniques de la TMS en Ontario est à notre avis un exemple de coopération en matière de politique et de programme presque aussi multidimensionnelle que lintervention elle-même. Il est rare de voir deux paliers de gouvernement et des organismes multiples de diverses collectivités coopérer dans le contexte du système canadien de justice pour la
jeunesse en vue de mettre en oeuvre et dévaluer une intervention pour laquelle on possède des preuves empiriques defficacité. On disposera, au printemps 1999, des premières données au sujet de lincidence du service sur les jeunes qui a pu être constatée la première année. Il sest déjà révélé possible dassurer la formation et la consultation en TMS avec lappui de MST Services Inc. et grâce aux manuels explicites dont on dispose. Les données qui seront présentées porteront surtout sur lintégrité de la mise en oeuvre dans le contexte de cette formation.
1. 1137 Western Ontario, London (Ontario) N6G 1G7.
2. 200-254 Pall Mall St., London (Ontario) N6A 5P6.
3. Le ministère des Services sociaux et communautaires de lOntario a financé la prestation des services, la formation et la consultation, tandis que le Centre national de prévention du crime a appuyé la composante de lévaluation.
Les auteurs sont reconnaissants envers Multisystemic Therapy Services Inc. et le Family Services Research Center de la Medical University of South Carolina, qui ont assuré une formation et des conseils constants. Ils remercient également Mme Wendy Lewis du Département de psychologie de lUniversité Western Ontario, qui a collaboré aux recherches dans les bases de données.
Les résultats provisoires de lessai clinique sont affichés au fur et à mesure quils sont produits au site Internet de la London Family Court Clinic (www.1fcc.on.ca). On trouvera de plus amples renseignements sur la TMS au site www.mstservices.org
4. MAUER, M. Décision et détermination de la peine : obstacles et possibilités, communication présentée à la conférence Outre lincarcération, Kingston (Ontario), mars 1998.
5. Centre canadien de la statistique juridique, Statistiques sur les tribunaux de la jeunesse 1996-1997, Ottawa, Ministère de lIndustrie, des Sciences et de la Technologie, 1998.
6. Remarques de lhonorable Ann McClelland, « Réformes touchant les jeunes contrevenants au Canada », London (Ontario), 1998.
7. ANDREWS, D.A. et BONTA, J. The Psychology of Criminal Conduct, Cincinnati, OH, Andersen Publishing, 1998; GENDREAU, P. et GOGGIN, C. «Correctional Treatment : Accomplishments and Realities», dans VAN VOORHIS, P., BRASWELL, M. et LESTER, D. (dir.), Correctional Counselling, 3e édition, Cincinnati, Andersen Publishing, 1997, p. 271-280; LOSEL, F., «Working With Young Offenders : The Impact of Meta-Analysis», dans HOLLIN, C.R et HOWELLS, K. (dir.), Clinical Approaches to Working With Young Offenders, Chitchester, R.-U., John Wiley and Sons, 1996, p. 57-82.
8. ANDREWS, D.A., LESCHIED, A.W. ET HOGE, R.D. Review of the Profile, Classification and Treatment Literature with Young Offenders : A Social Psychological Approach, Toronto (Ontario), Ministère des Services sociaux et communautaires, 1992.
9. ANDREWS, D.A., «Limportance de la gestion pertinente du risque», conférence Outre lincarcération, Kingston (Ontario), mars 1998.
10. KAZDIN, A.E. ET WEISZ, J.R. «Identifying and Developing Empirically Supported Child and Adolescent Treatments», Journal of Consulting and Clinical Psychology, vol. 66, no 1, 1998, p. 19-36.
11. Voir un examen des recherches antérieures dans HENGGELER, S.W., SCHOENWALD, S.K., BOURDUIN, C.M., ROWLAND, M.D. et CUNNINGHAM, P.B., Multisystematic Treatment of Antisocial Behaviour in Children and Adolescents, New York, The Guilford Press, 1998.
12. Ministère de la Justice, Stratégie de renouvellement du système de justice pour les jeunes, Ottawa (Ontario) 1998.
13. SHERMAN, L.W. et al. Preventing Crime : What Works, What Doesnt, Whats Promising, Washington DC, Office of Justice Programs, U.S. Department of Justice, 1997.
14. ANDREWS, D.A. et al., 1992.