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La réinsertion sociale sans risque des délinquants au moyen de la sélection, l’intervention et la supervision

Larry Motiuk1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

La réinsertion sociale des délinquants peut se définir comme suit : toutes les activités et tous les programmes correctionnels destinés à préparer un délinquant à retourner dans la société sans risque pour celle-ci, comme un citoyen respectueux de la loi.2 La réinsertion sociale englobe un large éventail de décisions qui tiennent compte de la sécurité du public et qui sont destinées à placer les délinquants dans le milieu correctionnel le moins restrictif possible, à accorder des permissions de sortir et ou la mise en liberté sous condition et à demander la suspension ou la révocation de la mise en liberté sous condition lorsque c’est nécessaire.3 Par conséquent, la réinsertion sociale sûre et efficace peut entraîner une diminution des jours passés en prison, des périodes plus longues de mise en liberté sous condition et une réduction de la récidive.

Entre l’admission et la fin de la peine, il existe de nombreuses possibilités d’améliorer les activités liées à la gestion des cas (sélection, établissement de programmes, contrôle et soutien), qui pourraient à leur tour améliorer les résultats de la réinsertion sociale. En se fondant sur un examen de la recherche appliquée disponible sur les principales fonctions de la gestion des délinquants, on a découvert seize mécanismes de réinsertion sociale. Les hypothèses qui appuient ces seize mécanismes sont examinées ci-après et leur contribution potentielle à la réinsertion sociale sans risque est expliquée dans les articles correspondants.

La prise de décision en matière correctionnelle est le fondement sur lequel repose le succès de la réinsertion sociale des délinquants. Bien que des procédures de sélection et des programmes objectifs aient été définis et améliorés au cours des années, on pourrait contribuer davantage à la réinsertion sociale en encourageant une plus grande efficacité au sein de l’ensemble des fonctions de la gestion des cas. D’après un examen de la recherche opérationnelle, on a identifié au moins seize fonctions dans le continuum de la gestion des cas dans lesquelles des décisions judicieuses et une plus grande efficacité pourraient influer sur la réinsertion sociale.

Les mécanismes de réinsertion sociale

1. Classifier selon le niveau de sécurité initial

Le placement selon le niveau de sécurité initial a une incidence sur la probabilité et la date de la mise en liberté discrétionnaire.4 En termes simples, plus le classement selon le niveau de sécurité initial est bas, plus la probabilité de la mise en liberté discrétionnaire est grande et plus la période d’incarcération avant la mise en liberté est courte. À l’admission, si l’on soumet comme il convient les délinquants à des mesures d’isolement le moins restrictive possible, on contribue à la réinsertion sociale en accroissant les possibilités d’une mise en liberté graduelle, en améliorant la crédibilité de la mise en liberté, en éliminant la pratique des examens de transfert pour des raisons de sécurité qui exige beaucoup de temps et qui est parfois discutable, et en présentant le délinquant à des équipes de gestion des cas qui favorisent la mise en liberté.

2. Déterminer le potentiel de réinsertion sociale

Des profils exacts du niveau de risque et des besoins5 de chaque délinquant et du potentiel de réinsertion sociale6 servent à déterminer les bons candidats qui pourraient faire l’objet d’une mise en liberté anticipée et peuvent aider à établir les priorités dans la préparation des cas.

3. Élaborer des plans correctionnels

Le plan correctionnel élaboré à l’admission est le fondement sur lequel on se base pour déterminer la mise en liberté et souvent pour octroyer ou refuser la mise en liberté discrétionnaire. Il a souvent tendance à devenir ou être considéré comme un «contrat obligatoire », particulièrement lorsque le plan est associé à une déclaration relative au potentiel de réinsertion sociale.

4. Augmenter la motivation à l’égard de la

participation aux programmes Les délinquants qui sont très motivés et qui veulent réussir dans les programmes sont d’excellents candidats pour réussir la réinsertion sociale.7 La motivation est souvent un facteur essentiel lorsqu’il s’agit d’obtenir l’appui de l’agent de libération conditionnelle pour être orienté vers des programmes, pour y participer et réaliser des progrès et pour obtenir une mise en liberté anticipée. L’évaluation exacte de la motivation qui permet de cibler les délinquants qui participeront aux programmes et d’établir les priorités de la mise en liberté peut contribuer considérablement à la réinsertion sociale sans risque.

5. Accroître la participation aux programmes

La participation aux programmes de l’établissement prend souvent une grande partie du temps réservé à la préparation des cas et peut devenir une cause importante des retards dans la mise en liberté. Il est prouvé que plus la participation aux programmes a été couronnée de succès, plus il y a de chances que la réinsertion soit réussie. Si l’affectation aux programmes a été faite sans discernement, si les besoins n’ont pas été définis ou si le programme n’est pas pertinent, il en résultera peut-être peu ou pas d’avantages et cela contribuera en fait à l’échec de la mise en liberté sous condition.

6. Veiller à ce que les délinquants terminent les

programmes L’achèvement des programmes est une condition essentielle à la mise en liberté sans risque des délinquants. Tous les effets des programmes ne sont pas toujours parfaitement connus. Toutefois, l’achèvement des programmes fournit une information importante sur le succès de la réinsertion. Ceux qui ne terminent pas les programmes ou qui les abandonnent gaspillent des ressources et en même temps privent les délinquants motivés des occasions de participer à ces programmes.

7. Améliorer le rendement aux programmes

L’évaluation du rendement aux programmes, même si elle est essentielle dans la décision pour appuyer la mise en liberté anticipée, est souvent subjective et manque en général de lignes directrices. Il est important d’évaluer les résultats des programmes ou les avantages du traitement ou encore de relier le rendement aux programmes au potentiel de réinsertion et à l’adaptation après la mise en liberté.

8. Renvoyer en vue d’un examen de maintien en

incarcération Les renvois de plus en plus nombreux en vue d’un examen de maintien en incarcération (qui doit avoir lieu à la fin de la peine) entraînent des périodes d’incarcération plus longues. Les profils des délinquants qui sont réincarcérés après la détention peuvent être établis et fournissent la base qui permettra d’améliorer les renvois en vue d’un examen de maintien en incarcération.

9. Réduire le recours à l’isolement préventif

Le placement en isolement préventif pour des raisons disciplinaires (par exemple des voies de fait) ou sollicité (pour des raisons de protection par exemple) est un obstacle majeur au progrès en milieu correctionnel et à la mise en liberté anticipée. Si l’on dépistait les délinquants qui risquent d’être mis en isolement ou qui y sont prédisposés, on pourrait élaborer des interventions pour éviter qu’ils y aboutissent et assurer leur mise en liberté rapide; la mise en œuvre efficace de politiques sur l’isolement préventif peut empêcher l’isolement de certains délinquants et assurer la mise en liberté rapide des autres.

10. Réévaluer le niveau de sécurité

La réévaluation et le transfert expéditif des délinquants à «des mesures de détention les moins restrictives possible » peuvent augmenter leurs chances d’obtenir une mise en liberté discrétionnaire plus tôt. Des examens réguliers et systématiques de la cote de sécurité jouent un rôle important dans le processus de réinsertion sociale.

11. Accroître le nombre de permissions de sortir

réussies La participation à des programmes de permission de sortir avec ou sans escorte est essentielle pour établir la crédibilité du délinquant en vue de la mise en liberté anticipée, et le rétablissement du programme de permission de sortir peut contribuer de façon importante à la réinsertion sociale sans risque.

12. Améliorer la préparation des cas

La préparation des cas8 comprend l’ensemble des activités destinées à préparer les délinquants désignés à leur mise en liberté anticipée sans risque et à les gérer tout au long de leur mise en liberté sous condition. En obtenant des résultats positifs modestes à n’importe laquelle des nombreuses étapes importantes du continuum de la gestion des cas, on peut réduire considérablement les « jours d’incarcération » et accroître par le fait même la surveillance dans la collectivité.

13. Encourager la mise en liberté dans la collectivité

La participation à des programmes de placement à l’extérieur9 ou à d’autres types de programmes de mise en liberté anticipée (tels que la semi-liberté, le placement dans une maison de transition, les centres de fréquentation obligatoire) est essentielle pour établir la crédibilité des délinquants en vue de la libération totale et pour réaffirmer l’idée que ce type de programmes peut apporter une contribution importante à la réinsertion sociale sans risque.

14. Renforcer la surveillance dans la collectivité

L’utilisation efficace des lignes directrices sur la fréquence des contacts, des conditions spéciales et des programmes communautaires ainsi que la conformité aux normes10 peuvent jouer un rôle important lorsqu’il s’agit de déterminer si les délinquants vont réussir leur mise en liberté sous condition.

15. Réduire le nombre de suspension

La réinsertion peut également être réussie en gardant les délinquants en liberté sous condition dans la collectivité. L’activité qui consiste à prévoir quels sont les délinquants qui présentent un plus grand risque de voir leur liberté conditionnelle suspendue est considérablement améliorée avec l’utilisation de techniques de mesure. Qui plus est, la pratique de la suspension est assujettie à une interprétation générale, qui reflète souvent le processus décisionnel local et l’efficacité de la gestion des cas qui peuvent influer sur les progrès de la réinsertion. Bien qu’il ne soit pas judicieux de prescrire un taux de suspension « approprié » (particulièrement en l’absence de critères de suspension opérationnels particuliers), l’amélioration de l’efficacité de la suspension et la réduction des disparités dans la pratique pourraient permettre de garder un plus grand nombre de délinquants dans la collectivité pendant des périodes plus longues.

16. Réduire le nombre de révocations techniques

Les révocations techniques de la mise en liberté (celles qui ne sont pas basées sur une condamnation au criminel, une accusation au criminel ou une violation des conditions de la libération condition-nelle) peuvent fournir une source supplémentaire pour améliorer le processus de la réinsertion. Il existe peu d’études sur les processus décisionnels concernant les révocations et on pourrait élaborer des lignes directrices pour aider le personnel opérationnel. Une meilleure compréhension du processus et des lignes directrices générales, particulièrement celles qui favorisent des solutions de rechange aux présentations relatives aux révocations, peuvent accroître les bienfaits de la réinsertion sociale.

Conclusion

Les nombreux mécanismes de la réinsertion sociale que nous venons d’exposer offrent des moyens pour réduire les jours d’incarcération et pour améliorer les résultats après la mise en liberté. Dans ce contexte, les «mécanismes » susmentionnés peuvent également contribuer considérablement à l’intégrité des pratiques relatives à la garde, à la prise en charge, au contrôle et à la réinsertion sociale sans risque, et au succès de la gestion de la population carcérale.


1. 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. THURBER, A. « Comprendre la réinsertion sociale des délinquants » Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 1, 1998, p. 14 à 18.

3. MOTIUK, L. L. et SERIN, R. « Évaluation du risque dans le contexte potentiel de la réinsertion sociale » Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 1, 1998, p. 19 à 22.

4. LUCIANI, F. « Un outil qui a fait ses preuves — l’Échelle de classement par niveau de sécurité est encore fiable et valable », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, 1997, p. 13 à 17. Voir aussi LUCIANI, F. « Examen du potentiel de réinsertion sociale : Incidences de la pratique en matière de placement initial », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 1, 1998, p. 23 à 28.

5. MOTIUK, L. L. « Système de classification des programmes correctionnels : Processus d’évaluation initiale des délinquants »,
Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, 1997, p. 18 à 22. Voir aussi TAYLOR, G. « Le classement des délinquants selon le niveau de risque et de besoins », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, 1998, p. 32 à 35.

6. MOTIUK, L. L. et LATIMER, J. « Profil des jeunes délinquants adultes dans le système correctionnel fédéral », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 11, no 2, 1999, p.12 à 20. Voir MOTIUK, L. L. et Nafekh, M. « Profils de potentiel de réinsertion sociale des délinquantes sous responsabilité fédérale », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 11, no 3, 1999, p. 13 à 17. Voir aussi MOTIUK, L. L. et NAFEKH, M. « Profils des délinquants autochtones dans les services correctionnels fédéraux », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 12, no 1, 2000, p. 10 à 15 et « Profil des délinquants purgeant une peine de longue durée dans le système correctionnel fédéral », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 12, no 3, 2000, p. 10 à 15.

7. SERIN, R. « Réponse au traitement, intervention et réinsertion sociale : Un modèle théorique », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 1, 1998, p. 29 à 32.

8. TAYLOR, G. « Préparer des rapports pour les décisions relatives à la libération conditionnelle : Utiliser nos renseignements et notre temps de la meilleure façon possible », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 2, 1998, p. 30 à 34.

9. GRANT, B. A. et BEAL, C. « Le programme de placement à l’extérieur : Comment il est utilisé et à quelles fins », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 2, 1998, p. 35 à 38.

10. LUCIANI, F. « Révision des normes de supervision de la mise en liberté sous condition : Examen de conformité de la Région de l’Ontario »,
Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 6, no 3, 1994, p. 26 à 29.