Les pénitenciers au Canada
Au début
Le pénitencier a été introduit par les quakers de Philadelphie, en 1789, comme solution de rechange aux châtiments rigoureux de lépoque. Selon eux, il était possible de rendre les délinquants « pénitents » et de les réformer en leur imposant une peine demprisonnement purgée en isolement et en leur offrant des occasions de travail et de contemplation. La peine demprisonnement a ensuite été adoptée par lÉtat de New York, où lon croyait que le travail et la formation contribueraient à réduire le taux de criminalité. Le concept de peine demprisonnement de longue durée sest ensuite étendu en Angleterre, comme solution de rechange à lexil dans les colonies.
Lemprisonnement, tel quil existe au Canada de nos jours, remonte à la construction du pénitencier de Kingston en 1835. Cet établissement a été pendant plus de 30 ans sous responsabilité provinciale, jusquà ladoption de lActe de lAmérique du Nord britannique (1867), qui fixa les responsabilités fédérales et provinciales en matière de justice.
À la suite de ladoption du premier Acte des pénitenciers (1868), le pénitencier de Kingston et deux autres prisons construites avant la confédération à Saint John (Nouveau-Brunswick) et à Halifax (Nouvelle-Écosse), passent sous la responsabilité du gouvernement fédéral, créant ainsi un réseau pénitentiaire fédéral chargé détablir, de maintenir et de gérer des pénitenciers pour les délinquants condamnés à deux ans ou plus demprisonnement.
On commence à construire dautres établissements fédéraux en 1873, le premier étant celui de Saint-Vincent-de-Paul (qui a été renommé Établissement de Laval et a fermé ses portes en 1989). On ne tarde pas à en construire trois autres : le pénitencier du Manitoba (établissement de Stony Mountain), qui ouvre ses portes en 1877, puis le pénitencier de la Colombie-Britannique (1878) et le pénitencier de Dorchester au Nouveau-Brunswick (1880). Ces établissements, tous à sécurité maximale, fonctionnent selon un régime rigoureux : main-doeuvre productive durant le jour, isolement pendant les heures de loisirs. La loi du silence est appliquée en tout temps. La libération conditionnelle nexiste pas encore, bien que les détenus puissent bénéficier dune réduction de peine de trois jours par mois pour bonne conduite.
La réadaptation
Pendant la grande dépression des années 1930, une série de grèves et démeutes menées par des détenus attire lattention du public sur la philosophie pénale et la gestion des prisons et conduit à la formation de la Commission royale denquête Archambault. Publié en 1938, le rapport de la Commission met laccent pour la première fois sur la prévention du crime et la réadaptation des délinquants; il sagit dun jalon de lhistoire des services correctionnels, et une grande partie des principes évoqués tiennent encore aujourdhui.
Entre autres, la Commission recommande une révision complète des règlements des pénitenciers afin dassurer une discipline stricte, mais humaine, et doffrir des possibilités de réforme et de réadaptation aux prisonniers. À bien des égards, le rapport Archambault traduit les préoccupations de la société, qui est maintenant moins portée vers le châtiment et davantage vers la réadaptation. Toutefois, les priorités dun pays en guerre ont préséance sur la réforme pénale, et peu des recommandations comprises dans le rapport Archambault sont mises en oeuvre.
Croissance, développement et réforme
Après la Seconde Guerre mondiale, le nombre croissant de prisonniers, le problème de la surpopulation, et les troubles dans les prisons mènent à la formation, en 1953, du Comité Fauteaux chargé denquêter de nouveau sur le système correctionnel.
Le Comité Fauteaux propose un nouveau type de prison qui ne se limite pas à la fonction de détention mais qui constitue un endroit où tenir des activités intéressantes et créatives dans le cadre de programmes visant à modifier le comportement de base, les attitudes et les habitudes des détenus. Il devient donc nécessaire de changer la nature des prisons pour permettre à ces programmes de porter fruit et offrir des occasions de formation professionnelle et des programmes prélibératoires et postpénaux. Et surtout, les prisons doivent embaucher davantage de personnel spécialisé ayant reçu une formation dans les domaines du travail social, de la psychologie, de la psychiatrie, de la criminologie et du droit.
Les recommandations formulées par le Comité Fauteaux lancent une nouvelle ère de réforme et dexpansion législatives et institutionnelles. Cette période est marquée par :
- létablissement de la Commission nationale des libérations conditionnelles en tant quorganisme autonome ayant autorité en matière de libération conditionnelle des détenus;
- la modification de la Loi des pénitenciers (1961), qui met en place de nouvelles procédures pour le fonctionnement des pénitenciers ainsi que dautres réformes;
- la mise en oeuvre dun plan (1963) pour la construction, à léchelle du Canada, de 10 nouveaux pénitenciers reflétant la vision du Comité Fauteaux.
Une nouvelle approche
En 1976, une série de troubles rappellent les lacunes persistantes du système correctionnel et mènent à une nouvelle approche en matière de gestion des établissements correctionnels au Canada. Cette approche est fondée sur le principe quun grand nombre des abus nauraient pas lieu sil fallait rendre compte au public et si la population participait à lélaboration des politiques. On a donc donné aux groupes extérieurs un plus grand accès aux pénitenciers et établi les comités consultatifs de citoyens.
À ce moment, on prête une nouvelle attention au traitement des délinquants, ce qui mène à létablissement de programmes de formation à lintention des délinquants qui répondent aux normes daccréditation des provinces et de programmes de travail offrant une rémunération et des incitatifs adéquats. Pour la première fois, la main-doeuvre des détenus est considérée comme une ressource permettant de soutenir la concurrence sur le marché. Avec la création de CORCAN, les détenus peuvent fabriquer des produits qui sont vendus à lextérieur des prisons. Tout aussi important est létablissement dun règlement, fondé sur la primauté du droit, régissant les détenus et les employés. Les droits des détenus sont protégés par des mécanismes comme les comités dexamen des griefs, les présidents indépendants et les comités de détenus.
- Date de modification :
- 2014-10-20