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L’emploi des délinquants : Ce que la recherche révèle

L. L. Motiuk et B. Vuong 1
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Les programmes de formation et de travail sont la pierre angulaire de l’intervention correctionnelle. Il a été démontré qu’ils réduisent la récidive2, 3 et accentuent le comportement positif 4 en prison. Historiquement, ces programmes constituent un élément des initiatives correctionnelles en Amérique du Nord depuis plus de 150 ans. Le bien-fondé des services éducatifs et professionnels ainsi que des possibilités d’emploi offerts aux détenus résulte directement des lacunes en matière de compétences scolaires ou professionnelles chez bon nombre de délinquants à leur incarcération. C’est pourquoi la détermination et l’analyse des besoins en matière d’emploi du délinquant à l’admission dans un établissement pénitentiaire ainsi que le suivi de son évolution dans le milieu de travail pendant qu’il est sous surveillance dans la collectivité peuvent constituer des objectifs de programmes qui sont susceptibles de déboucher sur le retour en toute sécurité dans la collectivité.

Au moyen de l’établissement de profils de la population carcérale et de l’analyse des tendances, cet article illustre l’importance d’évaluer et de réévaluer systématiquement l’emploi en tant que facteur principal de risque et de besoins d’un bout à l’autre du processus correctionnel.

Détermination et analyse des besoins en matière d’emploi

En novembre 1994, le Service correctionnel du Canada a mis en oeuvre le processus d’Évaluation initiale des délinquants (EID)5 pour obtenir une évaluation approfondie et intégrée de chaque délinquant à son admission dans le système correctionnel fédéral.

Le processus d’EID a trait à la collecte et à l’analyse systématiques de renseignements détaillés sur chaque délinquant : antécédents criminels, santé mentale, situation sociale et instruction, facteurs révélateurs du risque criminel (comme le casier judiciaire) et facteurs révélateurs des besoins (comme l’emploi). Les résultats facilitent le placement en établissement et la préparation des plans correctionnels6.

Une composante principale de l’EID est appelée « Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques (IDAFD) ». Il est constitué de sept facteurs dynamiques et d’indicateurs : l’emploi (35), les relations familiales et conjugales (31), les fréquentations et l’interaction sociale (11), la toxicomanie (29), le fonctionnement dans la collectivité (21), l’orientation personnelle et affective (46) et l’attitude (24). Chaque facteur est ensuite divisé en éléments principaux qui, à leur tour, sont ventilés en sous-éléments. Par surcroît, une série d’indicateurs oui/non et, dans certains cas, de « messages d’aide » accompagnent les indicateurs dans le but de renforcer la clarté de l’évaluation. Au total, l’IDAFD est composé de sept domaines de facteurs dynamiques, de 35 éléments principaux, de 94 souséléments et de 197 indicateurs. L’objectif premier de l’IDAFD est de fournir un mécanisme simple, mais systématique pour la détermination des facteurs dynamiques qui étayent le plan correctionnel. Plus particulièrement, l’IDAFD indique et classe par ordre de priorité les facteurs qui sont directement liés au comportement criminel d’un délinquant. La présente recherche met l’accent sur le domaine de l’emploi constitué de six éléments principaux et de 35 indicateurs (voir le Graphique 1) et qui est évalué au moyen de la ligne directrice suivante :

Dans cette catégorie, la cote « FACTEUR CONSIDÉRÉ COMME UN ATOUT EN VUE DE LA RÉINSERTION SOCIALE » signifie que le délinquant a occupé un emploi stable et que son travail a joué un rôle important dans sa vie. La cote « AUCUN BESOIN IMMÉDIAT D’AMÉLIORATION » indique que ni l’emploi du délinquant, ni son sousemploi, son emploi occasionnel ou son chômage chronique n’a nui à ses activités quotidiennes. Le délinquant fait l’objet d’un « BESOIN MODÉRÉ D’AMÉLIORATION » s’il a éprouvé de légers problèmes d’adaptation dans la communauté en raison de sa situation professionnelle, ou encore d’un « BESOIN MANIFESTE D’AMÉLIORATION » si sa situation professionnelle lui a causé de graves problèmes d’adaptation.


Validité du domaine de l’emploi

Un examen méta-analytique7 des facteurs liés à l’emploi et de la récidive chez les délinquants adultes (les auteurs ont cerné 67 études qui ont permis de dégager 200 tailles d’effet individuelles concernant la récidive) a confirmé que les antécédents professionnels et les besoins en matière d’emploi à la mise en liberté permettaient de prévoir la récidive criminelle. Même si la scolarité constituait un facteur de prédiction de la récidive, le lien était beaucoup moins fort par rapport à l’emploi.

Graphique 1

Une étude de validité prédictive8 menée au sujet des cohortes de libérés sous responsabilité fédérale a révélé que les indicateurs liés au chômage (p. ex. « sans emploi à 50 % ou plus », « antécédents d’instabilité dans l’emploi »), au même titre que « pas de spécialité, de métier ni de profession » étaient fortement associés à l’évaluation du domaine de l’emploi et à la réincarcération chez les hommes et les femmes. En outre, les antécédents d’instabilité dans l’emploi constituaient un puissant prédicteur de la réincarcération. Fait intéressant à souligner, on a également constaté que l’indicateur « pas de spécialité, de métier ni de profession » était également un prédicteur modéré de la réincarcération.

Besoins en matière d’emploi des admissions sous responsabilité fédérale

Comme l’indique le Tableau 1, plus de la moitié des hommes et des femmes nouvellement admis ont été évalués comme « ayant des besoins » (évaluation combinée de besoins « manifestes » ou besoins « modérés ») dans le domaine de l’emploi (53,8 % et 56,2 %, respectivement).

Tableau 1
Besoins en matière d’emploi évalués à l’admission
(Population admise en 2003-2004)
Niveau des besoinsns Hommes
(4 048)
Femmes
(246)
Ensemble
(4 294)
Manifeste 10,3% 15,5% 10,6%
Modéré 43,5% 40,7% 43,3%
Aucun besoin 42,9% 39,8% 42,7%
Un atout 3,4% 4,1% 3,4%
       
Remarque: ns = non significatif

Le Graphique 2 présente les proportions de femmes et d’hommes nouvellement admis qui, à l’admission, ont été désignés comme ayant des besoins en matière d’emploi entre 1998-1999 et 2003-2004. Comme l’indique le Graphique 2, les proportions d’hommes nouvellement admis désignés comme ayant des besoins en matière d’emploi augmentent constamment depuis 1998-1999. Toutefois, une tendance uniforme se dégage : la proportion de femmes nouvellement admises désignées comme ayant des besoins en matière d’emploi est supérieure à celle des hommes. Par surcroît, il semble que les proportions de femmes et d’hommes nouvellement admis ayant des besoins en matière d’emploi ont commencé à converger ces dernières années.

Graphique 2

On a également obtenu un sommaire de la répartition des variables choisies de l’emploi évaluées au cours du processus d’EID pour 3 953 hommes et 246 femmes (voir le Tableau 2). Même si les délinquantes, en tant que groupe, étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de posséder un diplôme d’études secondaires au moment de leur admission en prison, elles étaient moins susceptibles d’avoir un emploi à leur arrestation ou d’avoir des antécédents de stabilité dans l’emploi.

Tableau 2
Indicateurs choisis liés à l’emploi et
issus du processus d’EID
(Population admise en 2003-2004)
Indicateur Hommes
(3 953)
Femmes
(246)
Ensemble
(4 199)
N’a pas de diplôme d’études secondaires* 75,3% 69,1% 74,9%
Pas de spécialité, de métier ni de professionns 56,0% 52,9% 55,8%
Sans emploi à l’arrestation* 62,9% 70,3% 63,3%
A des antécédents d’instabilité dans l’emploins 64,5% 60,6% 64,2%
N’a pas d’antécédents professionnels** 8,4% 13,8% 8,7%
A participé à des programmes de formation professionnelle** 22,6% 29,3% 23,0%
A mené à terme un programme de formation professionnellens 12,9% 10,6% 12,8%
       
Remarque : Les chiffres peuvent varier légèrement; ns = non significatif; * = p< 0,05; ** = p< 0,01; ***= p< 0,001

Besoins en matière d’emploi chez les prisonniers sous responsabilité fédérale

Une autre façon de jeter un coup d’oeil aux besoins en matière d’emploi de tous les délinquants d’un établissement consiste à prendre un instantané. Dans le Tableau 3, la proportion d’hommes et de femmes sous responsabilité fédérale qui, à l’admission, avaient été évalués comme ayant des besoins en matière d’emploi se situe à 44,4 % et 39,4 %, respectivement.

Tableau 3
Besoins en matière d’emploi évalués à l’admission
(Population carcérale le 31 mars 2004)
Niveau de besoins Hommes
(11 170)
Femmes
(346)
Ensemble
(11 516)
Manifeste 4,4% 6,7% 4,5%
Modéré 40,0% 32,7% 39,8%
Aucun besoin 38,5% 42,5% 38,6%
Un atout 17,1% 18,2% 17,6%
       
Remarque : * = p< 0,05

Le Graphique 3 affiche les proportions d’hommes et de femmes en prison qui ont été désignés comme ayant des besoins en matière d’emploi à l’admission. Il semblerait que les proportions d’hommes et de femmes qui ont été évalués à l’admission comme ayant des besoins en matière d’emploi ont décliné depuis 1998-1999. Là encore, on remarque une tendance : la proportion de femmes désignées comme ayant des besoins en matière d’emploi en prison est supérieure à celle des hommes.

Graphique 3

Le Tableau 4 présente la répartition des variables choisies de l’emploi évaluées au cours du processus d’EID touchant 324 femmes et 9 005 hommes incarcérés. Comme on l’a constaté pour la population admise, les délinquantes, en tant que groupe, étaient beaucoup plus susceptibles que les hommes de posséder un diplôme d’études secondaires à leur admission dans un établissement pénitentiaire. De plus, les délinquantes étaient moins susceptibles d’avoir un emploi à leur arrestation ou d’avoir des antécédents professionnels.

Tableau 4
Indicateurs choisis liés à l’emploi
issus du processus d’EID
(Population carcérale le 31 mars 2004)
Indicateur Hommes
(9 005)
Femmes
(324)
Ensemble
(9 329)
N’a pas de diplôme d’études secondaires* 77,9% 71,9% 77,7%
Pas de spécialité, de métier ni de professionns 61,8% 62,3% 61,8%
Sans emploi à l’arrestation*** 66,5% 78,8% 66,9%
A des antécédents d’instabilité dans l’emploins 71,5% 72,4% 71,6%
N’a pas d’antécédents professionnels*** 12,0% 24,2% 12,4%
A participé à des programmes de formation professionnellens 22,7% 26,6% 22,8%
A mené à terme un programme de formation professionnellens 11,0% 11,0% 11,0%
       
Remarque : Les chiffres se rapportant aux indicateurs peuvent varier légèrement; ns = non significatif; * = p< 0,05; ***= p< 0,001

Analyse

Pour appuyer le retour en toute sécurité des délinquants dans la collectivité, les systèmes correctionnels doivent pouvoir fournir des profils opportuns et exacts des antécédents scolaires/professionnels de leur population de délinquants. L’information peut servir à renforcer la sensibilisation à l’égard des besoins déterminés des délinquants au sein des populations carcérales. Plus important encore, ces données peuvent aider les organismes correctionnels à orienter les ressources et les interventions vers des segments particuliers de leur population dans le but de réduire le risque.

La capacité du Service correctionnel du Canada de cibler et de suivre systématiquement les niveaux de besoins en matière d’emploi de ses populations admises et de ses populations carcérales a donc incité le Service à se tourner vers l’exécution d’un programme efficace et bien intégré de réinsertion sociale et de gestion de cas. ■


1 Deuxième étage, 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
2, 3, 4 MOTIUK, L. L. « L’emploi des délinquants : un objectif pour la réduction du risque et des besoins », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 8, no 1, 1996, p. 22-24.
5, 6 MOTIUK, L. L. « Système de classification des programmes correctionnels : processus d’évaluation initiale des délinquants », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, 1997, p. 18-22.
7 GENDREAU, P., GOGGIN, C. et GRAY, G. « Les domaines de besoins du délinquant : “emploi” », Forum, Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 10, no 3, 1998, p. 16-19.
8 BROWN, S. L. et MOTIUK, L. L. Le volet Instrument de définition et d’analyse des facteurs dynamiques (IDAFD) du processus d’évaluation initiale des délinquants (EID) : examen méta-analytique, psychométrique et consultatif. Rapport R-164, Service correctionnel du Canada, Ottawa, Ontario, 2005.


Accès aux publications

La Direction de la recherche du Service correctionnel du Canada publie
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