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L'utilisation des facteurs familiaux pour évaluer le risque et les besoins des délinquants

Comprendre la nature et le degré de gravité des facteurs de risque criminel peut faciliter la construction d'instruments pratiques et efficaces d'évaluation du risque et des besoins. On croit aussi généralement que, s'ils sont bien cernés, les facteurs de risque dynamiques (comme les relations familiales d'un délinquant) peuvent constituer des objectifs utiles pour l'intervention correctionnelle et ainsi permettre, si le traitement est efficace, une baisse de la récidive.

Des facteurs tels que la criminalité dans la famille et les problèmes familiaux (par exemple, manque d'affection, de bienveillance et de cohésion, surveillance et discipline insuffisantes de la part des parents, délaissement et violence) peuvent être considérés comme d'importants facteurs de risque et de besoins(2). Autrement dit, les délinquants dont le milieu familial présente ces caractéristiques risquent beaucoup plus de récidiver que ceux dont la famille en est exempte.

Cet article donne plusieurs exemples de la valeur prédictive des facteurs familiaux dans l'évaluation du risque et des besoins des délinquants et il examine en définitive les conséquences pratiques que cela entraîne en ce qui concerne l'évaluation, l'établissement de programmes et la gestion en milieu correctionnel. Valeur prédictive Afin d'explorer la valeur prédictive des variables familiales(3), des données d'évaluation ont été tirées de l'Inventaire du niveau de supervision, un instrument objectif de classement selon le risque et les besoins qui a été administré à 510 délinquants de sexe masculin admis consécutivement dans le système correctionnel provincial de l'Ontario(4).

On a réalisé une série d'analyses de corrélation entre les quatre variables familiales évaluées et différentes mesures de l'adaptation à la vie carcérale et à la période postcarcérale. Une relation significative a été constatée entre la plupart des variables liées à la famille, d'une part, et l'inconduite en prison, la réincarcération et la violation des conditions de la libération conditionnelle, d'autre part (voir le tableau 1).

Tableau 1
Valeur prédictive des facteurs familiax évalués au moyen
de l'inventaire du supervision (510 délinquants)
Variable liée à la famille
Délinquants
touchés
Inconduite en
prison (510)
Réincarcération
(510)
Violation de
libération cond0, (170)
Insatisfaction face à
la situation de famille
480,8%
0,10*
0,10**
0,24**
Relation insatisfaisante
avec le ou les parents
500,8%
0,21***
0,10*
0,18*
Relation insatisfaisante
avec les autres
440,1%
0,14**
0,09*
0,18*
Criminalité dans la
famille ou chez le conjoint
210,6%
0,10*
0,09*
0,09
Remarque:*=p<0,05; **=p<0,01; ***=p<0,001.

La relation entre chacune des variables prédictives liées à la famille et les comportements futurs est relativement faible, mais on peut faire des prévisions plus justes en agrégeant les variables.

Une étude du même genre(5), explorant les variations dans les facteurs familiaux ainsi agrégés (par exemple, la somme des scores pour toutes les variables familiales) par rapport au comportement au cours de la période postcarcérale, a montré l'existence d'une relation significative avec l'échec du placement dans une maison de transition (r 0,32; p < 0,01) et la réincarcération (r =0,46; p <0,001). L'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité Selon ses normes relatives à la surveillance des détenus en liberté sous condition, le Service correctionnel du Canada doit évaluer systématiquement les besoins des délinquants, leur risque de récidive et tous les autres facteurs susceptibles d'influer sur leur réinsertion dans la collectivité.

L'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité a été conçue à cette fin. Les agents de liberté conditionnelle l'utilisent pour déterminer le niveau de risque, selon les antécédents criminels, et les besoins des délinquants sous responsabilité fédérale mis en liberté sous condition. Les relations conjugales ou familiales constituent une des 12 catégories de besoins examinées.

Tableau 2

Cotes pour les relations conjugales ou familiales et
échec de la mise en liberté sous condition
Cotes pour les relations
conjugales ou familiales
Taux d'échec de la mise
en liberté sous condition
Facteur contribuant à l'intégration
du déténu dans la collectivité
8,0%
Aucun besoins
immédiat d'amélioration
19,8%
Un certain besoin
d'améiloration
35,9%
Grand besoins
d'améiloration
40,9%

Chaque catégorie de besoins est évaluée séparément en fonction de lignes directrices précises. Si, pour les relations conjugales ou familiales, la cote obtenue par le délinquant est «facteur contribuant à l'intégration du détenu dans la collectivité», cela signifie que le détenu entretient des relations très positives avec ses parents, les membres de sa famille ou sa conjointe, et qu'il en reçoit beaucoup de soutien.

Si l'on juge qu'il n'y a «aucun besoin immédiat d'amélioration», cela veut dire qu'il semble exister au sein du mariage ou de la famille une relation satisfaisante ne causant pas de problèmes de surveillance immédiats; mais si l'on juge qu'il y a un «certain besoin d'améli-oration», c'est que la relation conjugale ou familiale semble caractérisée par un manque de bienveillance, de l'hostilité, des confrontations, des disputes ou de l'indifférence, qui peuvent être des facteurs d'instabilité pour le délinquant.

Enfin, on jugera qu'il existe un «grand besoin d'amélioration» si un des problèmes énumérés a suscité une grande instabilité dans la relation conjugale ou familiale.

Les recherches effectuées sur le terrain au sujet de l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité ont montré que les agents de liberté conditionnelle peuvent facilement cerner la nature et le degré de gravité du risque et des besoins en ce qui a trait aux relations conjugales ou familiales d'un délinquant.

Il est apparu que 33,2 % de l'échantillon éprouvent des besoins sur ce plan, et il existe une relation constante entre cette évaluation et la suspension de la mise en liberté sous condition (r = 0,27; p < 0,001) et sa révocation (r = 0,23; p < 0,001)(6).

Un examen de la répartition en pourcentage des échecs de la mise en liberté sous condition (suspensions) révèle d'ailleurs l'existence d'un schéma cohérent. Plus les besoins du délinquant par rapport à cette variable sont grands, plus ce dernier est susceptible d'échouer lorsqu'il est mis en liberté sous condition (voir le tableau 2). Indicateurs familiaux et échec de la mise en liberté sous condition En 1992-1993, un groupe de travail de la région de l'Ontario a conçu et mis en application une méthode améliorée pour évaluer le niveau de risque et de besoins d'un délinquant en liberté sous condition(7). Les données initiales de ce processus d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité ont été recueillies auprès d'un échantillon de 573 délinquants de sexe masculin libérés d'établissements fédéraux de la région de l'Ontario au cours d'une période de six mois.

On a constaté une variabilité parmi ces délinquants sur le plan des relations conjugales ou familiales (43,5 % de l'échantillon étaient cotés comme éprouvant des besoins sur ce plan), et l'on a de nouveau constaté l'existence d'une relation entre cette évaluation et la suspension de la mise en liberté sous condition.

La répartition en pourcentage des échecs (suspensions) de la mise en liberté sous condition pour chaque indicateur de la catégorie des relations conjugales ou familiales a révélé une variation considérable parmi les facteurs familiaux et un certain nombre de relations statistiquement significatives avec l'échec de la mise en liberté sous condition (voir le tableau 3).

Tableau 3

Indicateurs familiaux et échec de la mise en liberté sous condition
Indicateurs des relations
conjugales ou familiales
Délinquants
touches
Suspension de la mise
en liberté sous condition
des délinquants touchés
r
Violence physique/sexuelle dans l'enfance
26,8%
26,1%
0,07
Problémes dans le marriage ou la relation de fait
42,0%
25,0%
0,12*
Auteur d'actes de violence conjugale
13,6%
33,9%
0,13*
Victime d'actes de violence conjugale
4,4%
27,3%
0,04
Difficultés causées par la violence subie dans l'enfance
7,9%
10,5%
-0,07
Manque d'efficacité comme parent
11,9%
21,7%
0,04
Problémes de fonctionnement de la famille
34,3%
26,9%
0,12*
Remarque: r= coefficant de correlation de Pearson; *=p<,01

Pour un meilleur placement Il a été établi, dans la Stratégie correctionnelle du Service, que les programmes à l'intention des délinquants devaient être basés sur les facteurs criminogènes et qu'une bonne réintégration des délinquants dans la collectivité devait être l'objectif premier. C'est pourquoi une méthode systématique a été mise au point pour évaluer les délinquants au moment de leur admission dans le système correctionnel fédéral. Il s'agissait ainsi de normaliser, à l'échelle du Service correctionnel du Canada, un processus intégré d'évaluation initiale du risque et des besoins des délinquants.

Ce processus consiste en une évaluation complète et intégrée à laquelle on se livre au moment où le délinquant est admis dans le système correctionnel fédéral. Les agents qui en sont chargés recueillent et analysent des données sur les antécédents criminels du délinquant, sa santé mentale, sa situation sociale, sa scolarité et d'autres facteurs qui permettent de cerner le risque et les besoins que présente le délinquant. Les résultats de cette évaluation permettent de déterminer le placement en établissement de la personne et d'établir son plan correctionnel.

Le processus a été mis à l'essai dans toutes les régions en 1992-1993. Les données obtenues ont constitué une source importante d'information sur les facteurs familiaux. Au moment de leur admission, environ deux tiers de l'échantillon du projet pilote ont été identifiés comme ayant des besoins dans la catégorie des relations conjugales ou familiales. Tel que prévu, les indicateurs familiaux étaient associés avec le niveau de besoin (r = .44, p <.0001). C'est ainsi qu'on a pu établir de manière détaillée la répartition des variables liées aux antécédents familiaux (les détenus étaient identifiés selon un moyenne de 7,4 sur les 31 indicateurs possibles) pour 103 délinquants sous responsabilité fédérale (voir le tableau 4).

Tableau 4

Répartition des indicateurs familiaux cernés au moyen du processus de
l'évaluation initale du délinquant (103)
Indicateurs familiaux
Proportion des délinquants
Manque de relations familiales durant l'enfance
34,3%
Absence de la mére durant l'enfance
13,3%
Relations négatives avec la mére durant l'enfance
23,5%
Absence du pére durant l'enfance
36,3%
Relations négatives avec le pére durant l'enfance
44,4%
Relations dysfonctionnelles des parents durant l'enfance
55,6%
Violence conjugale durant l'enfance
36,9%
Relations négatives avec les fréres et soeurs durant l'enfance
15,5%
Relations négatives avec d'autres membres de la famille durant l'enfance
15,1%
Criminalité de membres de la famille
48,5%
Actuellement célibataire
64,1%
A été marié ou a vécu dans une union de fait
76,2%
Insatisfait de la relation actuelle
  • Incidence de problémes financiers sur les relations passées/actuelles
  • Incidence de problémes sexuels sur les relations passées/actuelles
  • Incidence de problémes de communication sur les relations
  • Victime de violence conjugale
  • Autres de violence conjugale
  • 32,9%
    51,2%
    10,3%
    36,6%
    14,3%
    21,7%
    Absence responsibilitiés parentales
  • Incapacité d'assumer des responsibilités parentales
  • Incapacité de contrôler le comportement d'un enfant
  • Se considére incapable de contrôler le comportement d'un enfant
  • Surveillance inadequate d'un enfant
  • Manque de participation à des activités avec l'enfant
  • Manque de compréhension du développement de l'enfant
  • Incapacité de l'unité familiale de s'entendre
  • Arrestation pour violence à l'égard des enfants
  • Arrestation pour inceste
  • 43,6%
    26,6%
    19,5%
    2,6%
    14,6%
    11,9%
    20,0%
    42,9%
    4,2%
    3,1%
    Évaluation(s) conjugale(s) ou familiale(s) antérieure(s)
    16,9%
    Participation à des séances de thérapie conjugale ou familiale
    15,6%
    Achévement d'un programme d'intervention conjugale ou familiale
    11,6%

    Un autre pas dans la bonne voie En application de principes judicieux de gestion du risque, il faut constamment évaluer les activités correctionnelles qui se rapportent à la sécurité du public, du personnel et des délinquants. Entre autres méthodes d'évaluation, le Service dispose, avec le Système de gestion des détenus, d'un moyen informatisé de contrôler la nature et le degré de gravité des facteurs familiaux pour l'ensemble de sa population carcérale et pour les délinquants en liberté sous condition.

    Ce système permet aux administrations centrale et régionales, aux établissements et aux bureaux extérieurs d'avoir une vue d'ensemble des caractéristiques des antécédents familiaux des délinquants au moment de l'admission ainsi qu'à celui de la mise en liberté sous condition, ce qui fournit aux administrateurs et aux responsables de la planification des services correctionnels une information précieuse pour gérer le risque.

    Le fait de pouvoir établir un profil des antécédents familiaux pour toute une population de délinquants peut aider à faire mieux connaître la population carcérale et les délinquants sous surveillance dans la collectivité, permettre d'obtenir des statistiques de base sur le risque et les besoins et contribuer à l'estimation des ressources nécessaires pour assurer les services dont ont besoin des groupes particuliers de délinquants.

    Cette capacité de déterminer le niveau de risque des délinquants au moment de leur admission et à celui de leur mise en liberté sous condition a fait progresser le Service sur la voie d'un programme efficace et bien intégré de gestion du risque.



    (1)Recherche et développement correctionnels, Service correctionnel du Canada, 2e étage, 340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.
    (2)ANDREWS, D. A. et BONTA, J., Psychology of Criminal Conduct, Cincinnati, Anderson, 1994.
    (3)MOTIUK, L. L., Antecedents and Consequences of Prison Adjustment: A Systematic Assessment and Re-assessment Approach, thèse de doctorat, université Carleton, 1991.
    (4)ANDREWS, D. A., L'inventaire du niveau de supervision (INS), Toronto, ministère des Services correctionnels de l'Ontario, 1982.
    (5)BONTA, J. et MOTIUK, L. L., «Utilization of an Interview-based Classification Instrument: A Study of Correctional Halfway Houses», Criminal Justice and Behaviour, 12, 3, 1985, p. 33-352.
    (6)MOTIUK, L. L. et PORPORINO, F. J., Essai pratique de l'échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité: une étude des libérés sous condition, Ottawa, Service correctionnel du Canada, 1989.
    (7)TOWNSON, C., «Un meilleur processus d'évaluation du risque : Stratégie de la région de l'Ontario pour la gestion des délinquants dans la collectivité», FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle, 6, 3, 1994, p. 17-19.