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Les domaines de besoins du délinquant : « toxicomanie »

Cet article fournit les résultats d'une méta-analyse des facteurs liés à la toxicomanie et de la récidive criminelle. Nous avons examiné 45 études qui ont produit 116 tailles d'effet liées à la récidive. Dans l'ensemble, la méta-analyse a révélé une taille d'effet moyenne pondérée de 0,10. La catégorie prédictive regroupant l'abus d'alcool et l'usage de drogue a produit la taille d'effet moyenne la plus élevée, suivie par les catégories prédictives des problèmes liés à l'usage de la drogue, la toxicomanie des parents et les problèmes liés à l'abus d'alcool. Cette recherche nous a poussé à formuler des recommandations sur la manière de simplifier le volet toxicomanie du Système d'identification et d'analyse des besoins des détenus (SIABD) qui est une composante du processus de l'Évaluation initiale des délinquants (EID).

Des enquêtes canadiennes et américaines indiquent qu'environ 70% des détenus ont des problèmes de toxicomanie. En outre, plus de 50 % des détenus ont reconnu qu'il existait un rapport entre leur toxicomanie et leur dernière infraction criminelle2. Une méta-analyse basée sur 60 tailles d'effet a révélé qu'il existait une corrélation modérée entre la récidive et des problèmes récents d'alcool ou de drogue (r moyen = 0,14)3. Visiblement, l'inclusion de la toxicomanie dans le protocole d'évaluation du risque et des besoins du Service correctionnel du Canada, c'est-à-dire le SIABD, est justifiée.

Le Groupe de travail sur la réinsertion sociale du Service correctionnel a récemment recommandé que &laqno; la conception et l'application du SIAB soient examinées pour faire en sorte qu'il cerne et mette en valeur uniquement les besoins des délinquants liés au comportement criminel »4. Conséquemment, cet article examine la relation entre le domaine de la toxicomanie du SIABD et la récidive criminelle des adultes (voir &laqno; Projet d'examen de l'identification des besoins des délinquants : Contexte et stratégie de recherche » à la page 9 de cette édition de Forum pour une description du SIABD ainsi que ses différents domaines).

Méthodologie

Nous avons effectué une méta-analyse quantitative pour évaluer la relation prédictive entre les facteurs liés à la toxicomanie et la récidive. Une méta-analyse consiste en une technique statistique qui sert à agréger les constatations de plusieurs études. Les résultats de chacune des études sont convertis en taille d'effet, (c.-à-d. un coefficient de corrélation r de Pearson). Bien que l'on puisse utiliser la taille d'effet pondérée ou la taille d'effet non pondérée, la taille d'effet pondérée est considérée comme étant plus fiable vu que la taille de corrélation est ajustée en fonction de la taille de l'échantillon. Nous avons également examiné les études signalées dans la méta-analyse de 1996 sur les prédicteurs de la récidive criminelle5. Nous avons cherché d'autres études publiées entre janvier 1994 et décembre 1997 en nous servant de deux bases de données informatisées : PsycLIT et le National Criminal Justice Reference Service. Les mots clés que nous avons utilisés incluaient les suivants : prévision, récidive criminalité, comportement criminel, toxicomanie, usage de drogues et abus d'alcool. Nous avons trouvé plus de 200 études qui pouvaient être retenues.

Les études choisies devaient répondre aux critères suivants :

  • les facteurs liés à la toxicomanie devaient avoir été évalués avant la récidive;
  • l'information statistique devait être suffisante pour calculer des tailles d'effet;
  • des échantillons de délinquants devaient être utilisés;
  • les délinquants ne devaient pas avoir subi de traitement pour la toxicomanie. Nous avons inclus ce critère pour être sûr que les effets du traitement n'influenceront pas la relation entre un risque de toxicomanie donné et la récidive.

Si plusieurs périodes de suivi étaient signalées, les données provenant de la période la plus longue ont été utilisées. La définition de la récidive incluait les violations techniques de la mise en liberté sous condition, l'arrestation, les accusations, les condamnations et la réincarcération. Dans le cas d'une étude signalant plusieurs critères de résultats, nous avons retenu la corrélation correspondant à la définition la plus stricte de la récidive.

Résultats

Caractéristiques des études

Dans cette méta-analyse, 45 études ont produit 116 tailles d'effet en rapport avec la récidive. La plupart des tailles d'effet provenaient d'études portant principalement sur des délinquants adultes (85 %) et surtout des délinquants de sexe masculin (65%). Par ailleurs, 55 % des tailles d'effet étaient basées sur des échantillons canadiens et étaient signalées dans des études publiées dans des revues comportant un comité de lecture ou dans des revues spécialisées. Enfin, près de 60 % des tailles d'effet étaient basées sur des périodes de suivi de deux ans ou plus.

Méthodes d'évaluation

Près de 25 % des tailles d'effet étaient basées sur des techniques d'évaluation multiple comprenant un examen des dossiers, des auto-évaluations de délinquants et des entrevues. Toutefois, l'examen des dossiers était la technique d'évaluation le plus souvent employée seule (66 %). En outre, environ 15 % des tailles d'effet étaient dérivées de protocoles d'évaluation du risque et des besoins tels que l'Inventaire du niveau de supervision (INS)6, l'Inventaire du niveau de service -- révisé (INS-R)7, l'Échelle d'évaluation du risque et des besoins dans la collectivité8, ou la version du SIABD qui a été validée dans la collectivité9. Fait intéressant, près de 85 % des tailles d'effet provenaient de variables prédictives dichotomiques.

Résultats de la méta-analyse

Le Tableau 1 présente les résultats de la méta-analyse. Dans l'ensemble, celle-ci a produit une taille d'effet moyenne pondérée statistiquement significative de 0,10 entre la toxicomanie et la récidive. Même si les tailles d'effet moyennes pour chacune des catégories prédictives étaient significativement différentes de zéro, c'est la catégorie prédictive regroupant les problèmes d'alcool et de drogue qui a abouti à la taille d'effet moyenne pondérée la plus élevée (Mz+ = 0,22), suivie de celle des problèmes de drogue (Mz+ = 0,19), de la toxicomanie chez les parents (Mz+ = 0,13) et des problèmes d'abus d'alcool (Mz+ = 0,12).

Tableau 1

Tailles d'effets moyennes non pondérées (Mr) et pour les catégories prédictives de la toxicomanie
Prédicteur (k)
N
Mr
Mz*
lC
Problémes d'abus d'alcool (36)
23,922
0,11
0,12*
0,11-0,13

Problémes d'usage de drogue (38)

25,409
0,18
0,19*
0,18-0,20
Probléles d'alcool et de drogue (11)
3,214
0,22
0,22*
0,19-0,26
Toxicomanie liée à l'accusation à l'origine de la peine
actuelle ou d'une peine antérieure (19)
28,600
-0,03
-0,02
-0,03--0,01
Toxicomanie chez les parents (12)
3,433
0,13
0,13*
0,09-0,16
Total (116)
84,578
0,12
0,10*
0,09-0,10

Le domaine de la toxicomanie du SIABD est composé de 29 indicateurs &laqno; oui » et &laqno; non ». Les indicateurs sont groupés selon l'une des trois principales composantes : abus d'alcool, usage de drogues ou interventions. Les composantes de l'abus d'alcool et de l'usage de drogue sont subdivisées en trois sous-composantes -- comportement, situations ou perturbations dans la vie quotidienne -- alors que les antécédents forment la sous-composante de la composante principale des interventions. Nous avons tenté d'organiser les résultats de la méta-analyse en fonction des composantes principales, des sous-composantes et des indicateurs du domaine de la toxicomanie du SIABD. Malheureusement, cette stratégie s'est avérée difficile. Comme on peut le voir au Tableau 2, nous avons obtenu des tailles d'effet pour seulement huit indicateurs. Toutefois, la plupart des tailles d'effet moyennes pour chacune des catégories prédictives étaient significativement différentes de zéro. Il est à noter que &laqno; a commencé à boire jeune » a produit la taille d'effet moyenne la plus élevée (Mz+ = 0,27), avec des intervalles de précision qui ne chevauchaient aucune autre catégorie prédictive.

Tableau 2

Tailles d'effet moyennes non pondérées (Mr) et pondérées (Mz+) pour les composantes principales, les sous-composantes et les indicteurs du domaine de la toxicomanie dans le SIABD
Prédicteur (k)
N
Mr
Mz+
lC
Composante principale: Abus d'alcool (36)
23,922
0,11
0,12*
0,11-0,13
Sous-composite: comportement (28)
22,121
0,11
0,12*
0,11-0,14
Abuse de l'alcool (25)
21,231
0,10
0,12*
0,11-0,14
A commencé à boire jeune (2)
380
0,26
0,27
,,,*
Antécédents des cuites (1)
510
0,01
0,01
,,,*
Sous-composante: Perturbation dans la vie quotidienne (8)
1,801
0,11
0,10*
0,06-0,15
Boire a proviqu/ un non respect des lois (7)
1,197
0,12
0,13*
0,08-0,19
Composante principale: Usage de drogue (38)
25,409
0,18
0,19*
0,18-0,20
Sous-composite: Comportement (33)
24,039
0,17
0,19*
0,18-0,20
Consomme des drogues (28)
20,364
0,18
0,21*
0,19-0,22
A commencé jeune à prendre des drogue (1)
802
0,09
0,09
,,,
A fait des défonces (3)
2,681
0,09
0,18*
0,04-0,12
Sous-composite: Perturbation dans la vie quotidienne (5)
1,370
0,19
0,18*
0,13-0,23
Consommer des drogues a provoqué un non respect des lois (4)
766
0,22
0,24*
0,17-0,31

Des analyses statistiques supplémentaires ont permis d'examiner si les résultats étaient influencés par des variables comme l'âge, le sexe, le niveau de risque et si l'étude était publiée. Ces analyses n'ont pas révélé de relation significative entre ces variables et les tailles d'effet observées.

Conclusions et recommandations

Dans l'ensemble, les résultats de cette méta-analyse justifie la présence du domaine de la toxicomanie dans le SIABD. Nous avons trouvé un soutien modéré pour les composantes principales de l'abus d'alcool et de l'usage de drogues et leurs deux sous-composantes : comportement et perturbation dans la vie quotidienne. Cependant, nous n'avons trouvé aucune étude qui portait sur les sous-composantes des situations. Parmi les indicateurs, &laqno; consommation de drogue », &laqno; a commencé jeune à prendre de l'alcool » et &laqno; la consommation de drogue a provoqué un non-respect des lois » ont eu un fort appui alors que &laqno; consommation excessive d'alcool » et &laqno; boire a provoqué un non-respect des lois » ont obtenu un soutien moyen. En outre, nous avons trouvé un faible appui pour &laqno; antécédents des cuites », &laqno; a commencé jeune à prendre des drogues » et &laqno; a fait des défonces ». Toutefois, ces résultats devraient être interprétés avec prudence en raison du petit nombre de tailles d'effet. Nous n'avons pu trouvé aucune étude prédictive qui examinait les indicateurs restants. Enfin, nous avons décidé d'exclure la composante principale des interventions de notre examen pour les raisons déjà mentionnées.

Il y a plusieurs moyens possibles pour simplifier le domaine de la toxicomanie tel que mentionné par d'autres auteurs qui ont examiné le SIABD, nous mettons en doute la nécessité d'avoir 29 indicateurs quand des protocoles analogues comportant beaucoup moins d'énoncés produisent d'aussi bons résultats10. Par conséquent, on devrait envisager l'élimination des indicateurs ayant une preuve empirique faible ainsi que la combinaison d'éléments très semblables. Par ailleurs, le fait d'inclure des instructions détaillées avec chaque indicateur pourrait être bénéfique. Ces instructions devraient être clairement définies et devraient avoir des directives très concrètes en matière de notation pour garantir des évaluations consistantes. Peu importe, le domaine de la toxicomanie du SIABD et ses diverses composantes ont démontré une relation, qui pouvait être modérée ou forte, avec la récidive criminelle.


1. 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2. U.S. Bureau of Justice Statistics, Prisoners and Alcohol, et Prisoners and Drugs,Washington, DC, U.S. Department of Justice, 1983. Voir aussi WEEKES, J.R., FABIANO, E., PORPORINO, F. J., ROBINSON, D. et MILLSON, W. A. &laqno;Assessment of substance abuse in offenders: The computerized lifestyle assessment inventory», communication présentée à l'assemblée annuelle de la Société canadienne de psychologie, Montréal (Québec), 1993.

3. GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN, C. &laqno;A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism: What works!» Criminology, Vol. 34, 1996, p. 575­607.

4. Service correctionnel du Canada. Groupe de travail sur la réinsertion sociale - Rapport final, 1997. Disponible auprès de la Direction de la réinsertion sociale, 340, avenue Laurier Ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

5. GENDREAU, P., LITTLE, T. et GOGGIN. &laqno;A meta-analysis of the predictors of adult offender recidivism: What works!».

6. ANDREWS, D. A. The Level of Supervision Inventory, 1982, Toronto (Ontario), Ministère des services correctionnels.

7. ANDREWS, D. A. et BONTA, J. The Level of Service Inventory -- Revised, 1995, Toronto (Ontario), Multi-Health Systems Inc.

8. MOTIUK, L. L. et PORPORINO, F. J. Évaluation combinée des besoins et du risque chez les détenus : Étude de mise en liberté sous condition, Rapport R-01, 1989, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada.

9. MOTIUK, L. L. et BROWN, S. L. La validité du processus de détermination et d'analyse des besoins des délinquants dans la collectivité, Rapport R-34, 1993, Ottawa (Ontario), Service correctionnel du Canada.

10 GENDREAU, P., GOGGIN, C. et GRAY, G. &laqno;Le domaine de l'emploi dans la détermination des besoins», Forum, Recherche sur l'actualité correctionnelle, Vol. 10, no 3, 1998, p. 16-19.