FORUM - Recherche sur l'actualité correctionnelle

Participation des délinquants sous responsabilité fédérale aux programmes dans la collectivité

Mark Nafekh¹
Direction de la recherche, Service correctionnel du Canada

Le Service correctionnel du Canada (SCC) aide activement les délinquants à devenir des citoyens respec-tueux des lois en les encourageant à participer aux programmes correctionnels. Ces programmes portent sur les facteurs qui contribuent directement au comportement criminel des délinquants et ils les aident à acquérir les compétences dont ils ont besoin pour réussir à réintégrer la société². Par conséquent, les programmes commencent, dans le cadre du plan correctionnel, dès l'admission du délinquant dans un établissement fédéral et ils se poursuivent pendant tout le processus de réinsertion sociale. Cet article porte sur la dernière partie du processus de réinsertion sociale, en particulier sur les diverses tendances observées en matière de participation aux programmes apres la mise en leerte au aelmquant.

L'etude a porte sur la participation aux program- mes et sur le resultat de la mise en liberte des delinquants sous responsabilite federale en liberte sous condition. La mise en liberte sous condition sous forme de semi-liberte, de liberation condition- nelle totale ou de mise en liberte d'office favorise la reinsertion sociale des delinquants³. On a d'abord etabli un profil des delinquants ayant participe aux programmes pendant leur liberte sous condition. Ensuite, les tendances en matiere de participation aux programmes sur une periode de huit ans ont ete examinees. Enfin, on a etudie les relations entre la participation aux programmes et le resultat de la mise en liberte de ces delinquants.

Le profil des delinquants a ete etabli en fonction de leur evaluation la plus recente concernant les facteurs dynamiques (criminogenes), leur niveau de motivation et leur potentiel de reinsertion sociale avant leur mise en liberte sous condition. Les facteurs dynamiques sont regroupes en sept domai- nes cibles: emploi et education, rlations conjugales et familiales, frequentations et interactions sociales, toxicomanie, comportement dans la collectivite, orientation personnelle et affective et attitude⁴. Le niveau de motivation sert a evaluer la mesure dans laquelle le delinquant est dispose a participer aux programmes correctionnels recommandes et a regler ses problemes. La reevaluation du potentiel de reinsertion sociale est fondee sur le niveau de securite des delinquants, leur niveau de motivation et les progres qu'ils ont accomplis pour ce qui est d'aborder les facteurs dynamiques. Ces renseigne- ments sont recueillis au debut dans le cadre du processus d'evaluation initiale des delinquants du SCC, puis réévalués périodiquement au moyen du suivi du plan correctionnel⁵.

Cet article porte sur la proportion des délinquants qui ont participé à des programmes correctionnels pendant leur liberté sous condition au cours des huit dernières années. Nous avons également examiné le degré de participation ou de soutien de la collectivité au fil du temps. Enfin, nous avons comparé les résultats de la liberté sous condition ( réincarcérations ou révocations par suite d'une nouvelle infraction) des participants aux programmes à ceux des non- participants.

Démarche

Toutes les données sur les évaluations et les programmes pour la présente étude proviennent du Système de gestion des délinquants (SGD), système automatisé du SCC. Les mises en liberté figurent dans l’étude si les critères suivants s’appliquent:

• la mise en liberté était la première octroyée dans le cadre de la peine;
  
• il s’agissait d’une mise en liberté sous condition (c.-à-d. semi-liberté, libération conditionnelle totale ou mise en liberté d’office);
  
• la mise en liberté a eu lieu entre le 1^er avril 1995 et le 31 mars 2002.
  

L’échantillon comprenait 31995 délinquants sous responsabilité fédérale, qui ont bénéficié de 33164 mises en liberté pendant la période visée⁶. Au total, 48% des délinquants mis en liberté ont bénéficié d’une semi-liberté, 15%, d’une libération condition-nelle totale et 36%, d’une mise en liberté d’office. Dans l’ensemble, 43% des délinquants de l’échan-tillon ont participé à au moins un programme qui a débuté à un moment donné après leur mise en liberté sous condition⁷. L’échantillon était constitué de 80 % de délinquants non autochtones, 15% de délinquants autochtones et 5% de délinquantes.

Si les délinquants étaient disponibles pendant une période de trois ans après la date de leur mise en liberté sous condition, ils ont été inclus dans la section de l’étude portant sur le suivi. Les analyses ont permis de comparer les participants aux programmes aux non participants selon le niveau de risque statique. Le résultat après la mise en liberté a été mesuré en fonction de toute réincarcération dans un établissement fédéral par suite d’une nouvelle infraction dans les trois années suivant la mise en liberte.

Profil des délinquants ayant participé aux programmes correctionnels

La probabilite que les delinquants non autochtones, les delinquants autochtones et les delinquantes aient participe a au moins un programme correctionnel apres leur mise en liberte etait egale. Au total, 44 des delinquants non autochtones de 1'echantillon avaient participe a au moins un programme correctionnel apres leur mise en liberte. De Domaines de facteurs dynamiques meme, le taux de participation s'etablis- Emploi et education sait a 43 % dans le cas des delinquants autoch- tones et a 43 % pour les delinquantes.

Comme le montre le Tableau 1, les delinquants des etablissements correc- tionnels federaux ont participe a divers programmes apres leur mise en liberte, notamment emploi en etablissement (26 %), lutte contt la toxicomanie (21 %), competences psychosociales (13 %), educa- tion (12 %) et developpement personnel (1%).

Tableau 1

Genre de participation aux programmes
Catégorie de programme	Participants
Emploi en établissement (SCC/CORCAN)	8 358	(26%)
Programmes de lutte contre la toxicomanie	6 637	(21%)
Compétences psychosociales	4 087	(13%)
Éducation	3 760	(12%)
Programmes de développement personnel	3 383	(11%)
Programmes axés sur les problèmes psychologiques	1 083	(3%)
Programmes pour les délinquants sexuels	1 068	(3%)
Violence familiale	946	(3%)
Programme Contrepoint	839	(3%)
Programmes pour délinquants violents	619	(2%)
Remarque : Les chiffres peuvent ne pas correspondre au total, car les délinquants peuvent avoir participé à plus d'un programme.

 Les delinquants consideres comme etant a risque eleve, affichant un faible taux de motivation et un potentiel reduit de reinsertion sociale immediate- ment avant leur mise en liberte etaient les plus susceptibles de participer aux programmes (p < 0,0001). Les delinquants ayant un faible niveau de motivation et un potentiel reduit de reinsertion sociale peuvent etre plus susceptibles de se voir imposer, comme condition de mise en liberte, la participation a des programmes.

Dans le cadre de leur plan correctionnel, les délinquants sont encouragés à participer à des programmes qui répondent à leurs besoins particuliers. Iln'est donc pas surprenant que les delinquants dont les facteurs criminogenes etaient eleves risquaient plus de participer a des programmes apres leur mise en liberte sous condition que ceux dont les facteurs etaient moins eleves (69 % conte 57 %p < 0,000l) En outre, les delinquants dont les besoins ont ete definis dans des domaines de facteurs dynamiques particuliers avant leur mise en liberte etaient plus susceptibles de participer aux programmes repon- dant a ce besoin (voir le Tableau 2).

Tableau 2

Taux de participation selon le domaine de facteur dynamique
Domaines de facteurs dynamiques	Catégorie de programme	% ayant un besoin
		Défini	Non défini
Emploi et éducation	Emploi en établissement (SCC/CORCAN)***	38	32
	Éducation***	21	15
Toxicomanie	Programmes de lutte contre la toxicomanie ***	41	7
Comportement dans la collectivité	Compétences psychosociales***	20	16
Orientation personnelle et affective	Développement personnel***	13	10
Attitude générale	Programme Contrepoint***	7	3
*** p < 0,0001

Tendances en matière de participation aux programmes après la mise en liberté

Depuis 1995, le taux de participation aux programmes correctionnels a augmenté de façon constante ( voir le Graphique 1). Ce phénomène peut être attribuable à l'accroissement du nombre de centres correctionnels communautaires ( CCC) et d'établissements résidentiels communautaires ( ERC) au Canada ainsi qu'aux initiatives récentes dans les domaines législatif et judiciaire qui favorisent la participation de la collectivité.

Entre autres, les CCC ( exploités par l'administration fédérale) et les ERC ( qui appartiennent à des organismes privés et qui sont gérés par ceux- ci aux

Graphique 1

Participation aux programmes après la mise en liberté

Remarque : La baisse du taux de participation pendant l'exercice 2001- 2002 peut être attribuable à l'écart entre la date de la mise en liberté et la date du commencement du programme, c'est- à- dire que les délinquants mis en liberté récemment ont moins de temps et donc moins de possibilité de participer aux programmes.

termes d'un contrat conclu avec le SCC) offrent des programmes de counseling et de traitement aux delinquants en liberte sous condition. Depuis 1995, le nombre de centres correctionnels communautaires et d'etablissements residentiels communautaires a augmente. Cette hausse peut etre attribuee a un certain nombre de facteurs, comme la participation accrue de la collectivite au processus de la justice penale et 1'augmentation du nombre d'experts de la collectivite specialises dans la prestation des programmes.

Les CCC et les ERC offrent egalement la possibilite a la collectivite de participer. Selon les principes de la surveillance du SCC:

«Les fournisseurs de services de surveillance doivent adopter une methode de surveillance active. L'agent de liberation conditionnelle doit intervenir pour repondre aux besoins du delinquant et pour gerer le risque en faisant un usage efficace des ressources communautaires et d'un reseau de tiers dans la collectivite⁹».

Il est donc important que les programmes dans la collectivite reconnaissent la valeur de la participation et du soutien de la collectivite. Par exemple, le programme Cercles de soutien et de responsabilite, parraine par le SCC, est un programme communau- taire dirige par des benevoles ayant re° une forma- tion. Ce programme vise a offrir un traitement continu aux delinquants. De meme, les programmes de lutte contre la toxicomanie chez les delinquants comme Alcooliques Anonymes et Narcotiques Anonymes font appel a 1'aide de benevoles de la collectivite pour offrir un soutien continu aux delinquants toxicomanes qui en ont besoin.

La collectivite participe egalement au processus federal de justice penale dans le cadre des Comites consultatifs de citoyens (CCC). Ces comites de benevoles aident les penitenciers et les bureaux de liberation conditionnelle de district dans leurs interventions correctionnelles'º. Au cours des 25 dernieres annees, le nombre de CCC au Canada a augmente de fagon constante, en particulier ceux qui sont associes aux bureaux de liberation condition- nelle de district.

Resultat des mises en liberte sous condition

Nous avons compare les resultats de la liberte sous condition (une eventuelle reincarceration dans un etablissement federal par suite d'une nouvelle infraction) dans le cas des delinquants ayant participe aux programmes qui etaient disponibles pour une periode de suivi de trois ans a ceux qui n'ont pas participe aux programmes. Selon les resultats, compte tenu du risque, les delinquants ayant participe a au moins un programme ris- quaient moins d'etre reincarceres dans un etablis-sement federal par suite d'une nouvelle infraction que les non-participants (13 % conte 17 p < 0,0001). En moyenne, les participants aux programmes restaient dans la collectivite plus longtemps (33 mois, fouchette = 0,03 mois a 36 mois, contre 31 mois, fourchette = 0,07 mois a 36 moisp < 0,0001).

Conclusions

Les resultats ont revele que la plupart des delin- quants ayant participe a des programmes apres leur mise en liberte etaient susceptibles d'avoir participe a des programmes correctionnels qui repondaient a leurs besoins particuliers lies a des facteurs criminogenes. Les participants aux programmes etaient egalement moins susceptibles d'etre reincarceres dans un etablissement federal par suite d'une nouvelle infraction. Par conse- quent, les conclusions de la presente etude corro- borent 1'opinion selon laquelle la participation a des programmes appropries apres la mise en liberte constitue une mesure efficace de reinsertion sociale. La hausse du taux de participation aux programmes correctionnels apres la mise en liberte, conjuguee a la participation accrue de la collectivite et au plus grand nombre d'initiatives en matiere de justice, constitue un indicateur prometteur du succes futur de la reinsertion sociale des delinquants. Cette etude donne a penser que des etudes prospectives sur des ele- ments cles precis des programmes (c.-a-d. niveau d'intensite, facteur dynamique cible, accreditation, frequence), les specifications des unites operation- nelles optimales (accreditation) et les criteres permettant d'identifier les principaux candidats contribueront aux efforts de reinsertion sociale apres la mise en liberte.

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1.  340, avenue Laurier ouest, Ottawa (Ontario) K1A 0P9.

2.  Voir la définition des programmes correctionnels et la politique à cet égard dans la Directive du commissaire no726.

3.  Voir les définitions, les critères d’admissibilité et les modalités de la mise en liberté sous condition aux articles 99, 100, 119 et 120 de la Loi sur le système correctionnel et la mise en liberté sous condition.

4.  Pour une description plus détaillée de l’évaluation initiale des délinquants, voir MOTIUK, L. L. «Système de classification des programmes correctionnels : Processus d’évaluation initiale des délinquants», Forum - Recherche sur l’actualité correctionnelle, vol. 9, no 1, 1997, p. 18-22.

5. Voir les instructions permanentes 700-04 et 700-05.

6. Les délinquants pouvaient être comptés plus d’une fois s’ils s’étaient vu imposer des peines multiples pendant la période visée.

7. Il convient de noter que les délinquants peuvent également poursuivre les programmes offerts pendant leur période d’incarcération durant leur liberté sous condition, en particulier les délinquants en semi-liberté.

8.  Cette conclusion s’applique aux sept domaines de facteurs dynamiques.

9.  Instructions permanentes 700-06 du Service correctionnel du Canada.

10.  Voir la Directive du commissaire no 023 «Comités consultatifs de citoyens».